the turning of the tide will bring us back to the shore (heather)

Le rythme effréné de la vie de Nelligan l’avait conduit tellement loin de certaines personnes qui lui tenaient tellement à cœur. C’était le cas de Heather, devant qui il avait finalement décidé de s’extirper de son terrier pour l’inviter à sortir aujourd’hui. Depuis plusieurs semaines, qui se comptaient maintenant en mois, que le jeune homme devait sans cesse remettre à plus tard des activités qu’ils avaient prévu faire. Il s’en voulait énormément, mais en même temps, sa vie avait été sens dessus dessous jusqu’à ce qu’il se pose un peu plus avec Juliet. Depuis sa dernière rencontre avec Heather, Nelligan avait trompé Lola avec Ally, avait appris que Lola avait fait une fausse-couche d’une grossesse dont il était le père, avait avoué ses sentiments à Lily-Anaëlle dans un dernier élan de désespoir pour qu’elle soit finalement en couple avec Zach, son meilleur ami, quelques jours plus tard. Il avait eu l’impression de tout perdre, d’avoir fermé toutes les lumières, jusqu’à ce que Juliet lui donne son second souffle en lui avouant qu’elle avait toujours été là pour lui, qu’elle serait toujours là pour lui. Par amour. Nelligan avait alors compris qu’il cherchait partout autour de lui le bonheur qui se trouvait devant ses yeux. Il avait pris le temps de profiter de cette simplicité avant de se décider à reprendre sa routine auprès de son entourage. Heather fut la première à bénéficier de cet éclaircissement de ses pensées, et de son cœur. Il lui avait donc téléphoné cet après-midi afin qu’ils aillent visiter le musée de Bowen qu’ils avaient prévu visiter après celui de Proserpine. Nelligan en avait finalement trouvé l’adresse. Toutefois, ce n’était qu’un prétexte pour la voir. Ils en auraient rapidement fait le tour pour se retrouver dans un restaurant, un bar laitier ou un bar d’alcool après, selon leurs envies. Bref, ils s’étaient donné rendez-vous devant le musée, et quand Heather arriva, un sourire illumina le visage du geek alors qu’il passait ses bras autour de son amie pour la serrer contre lui. « Tu m’as manquée, Heather. Je suis tellement désolé d’avoir été aussi absent. » Parce que même en ayant été proche, il avait été si loin.

Les bras de Heather tentaient tant bien que mal de lui rendre l’accolade, même si ses mains ne se rejoignaient pas dans son dos. Elle était petite, Nelligan était grand, ceci expliquait cela. Il s’empressa de s’excuser, et elle ne perdit pas une seconde avant de lui assurer qu’il n’avait pas à le faire. Heather était un ange, rien de moins, et il n’arrivait pas encore à croire qu’il avait pu se passer de sa douceur et de ses conseils durant ses temps les plus sombres. Il aurait dû lui téléphoner, il aurait dû accepter le fait d’avoir besoin d’une épaule sur laquelle pleurer. Malheureusement, le jeune homme n’avait voulu embêter personne avec ses tracas qu’il s’était attirés par lui-même. Tout était sa faute et il devait assumer ; il n’avait pas besoin qu’on lui rappelle qu’on ne récolte que ce que l’on sème. Et il avait semé bien des épines sur son chemin, dernièrement. Toutefois, il se doutait bien que Heather ne l’aurait jamais fait sentir coupable, car elle était dotée d’une bonté démesurée, trop grande pour son propre bien, même. Aux yeux de Nelligan, Heather ne s’écartait jamais du droit chemin. Il ne savait pas qu’il pouvait avoir tort là-dessus. « Mais si, si. J’aurais dû t’appeler pour te donner des nouvelles. » Il baissa les yeux. « Ça a été de véritables montagnes russes ces dernières semaines, et faut dire, j’avais pas mal honte de moi. » Il haussa les épaules, las, relevant le regard vers sa bonne amie. « Lola et moi c’est terminé depuis un moment, j’ai dû déménager. » Il aurait pu ajouter que rien n’était encore très stable de ce côté-là puisque l’une de ses colocataires était décédée d’une overdose dernièrement, mais il décida de laisser le temps à Heather de digérer ces premières informations. Il était conscient que sa vie avait explosé en quelques temps et il ne voulait pas lâcher cette bombe sur son amie, même si elle n’en était pas directement atteinte. Ils se souciaient l’un de l’autre, et de savoir ce qu’il avait enduré allait très certainement l’inquiéter. « Tu voudrais pas qu’on prenne un café avant d’aller visiter le musée ? On pourra prendre le temps de parler de tout ça, et de toi aussi, parce que j’imagine que j’ai loupé un tas de trucs aussi … » Il sourit, désolé. « Après, on pourra aller faire le tour du musée avec la tête un peu plus vide … » Proposa-t-il.

Heather acquiesça à la proposition de continuer cette discussion dans le café, ce qui soulagea Nelligan, puisqu’honnêtement il n’avait présentement pas le cœur à visiter un musée. L’information rentrerait par une oreille pour mieux en sortir de l’autre, alors qu’il était réellement intéressé par l’activité. Sa tête n’y était pas pour le moment, voilà tout. Peut-être qu’après avoir vidé son sac à Heather et avoir écouté ses conseils et reçu son soutien, il irait un peu mieux. Alors ils pourraient suivre le plan initial. Pour le moment toutefois, ils se dirigèrent tous les deux vers un café qui se trouvait à proximité. Nelligan ne le connaissait pas, mais peu importe, du café restait du café, et il n’en était pas un assez grand connaisseur pour se plaindre de la qualité. Ils entrèrent dans le petit café qui ressemblait aux Hard Rock Café’s des grandes villes américaines, du moins de ce que Nelligan avait déjà vu des nombreuses séries télévisées qu’il regardait religieusement. L’endroit était plutôt cool. Heather commanda un milkshake à la banane, et l’idée enchanta Nelligan au point où il commanda, à son tour, un milkshake aux bananes et aux fraises. Il jeta un regard coupable à son amie. « Tu fais toujours des meilleurs choix que moi, et si j’prends pas la même chose, j’vais le regretter. » C’était leur théorie, à Lexi et lui : la théorie du je regrette, comme ils se plaisaient à l’appeler. Nelligan se souvenait en avoir parlé à Tara lors de leur premier – et unique – rendez-vous, et cela lui rappela des souvenirs douloureux. Il en avait trop, de souvenirs douloureux. Une fois leur commande passée, reçue et payée, ils se dirigèrent vers une table. Nelligan s’assit en face de son amie et lui sourit tristement. « Alors voilà, pour t’expliquer en gros, j’ai merdé, avec Lola. J’ai fait le con avec une autre fille … et … et elle l’a su. » Nelligan se passa une main dans les cheveux, honteux. « Je sais que tout est ma faute. Je m’en veux tellement … surtout … surtout après tout ce qui s’est passé ensuite … » Mais sa gorge nouée l’empêcha de continuer.

Même quand Nelligan rabaissait ses propres choix pour une simple blague, Heather le prenait au sérieux, en quelque sorte, et tentait du mieux qu’elle le pouvait de le rassurer. Elle n’en manquait pas une. La jeune femme était réellement une amie en or pour cette raison, et d’entre toutes, elle était certainement celle qui l’avait le plus aidé, au fil des années, à gagner confiance en lui-même. Parce qu’elle n’hésitait jamais à le complimenter, à le déculpabiliser ou à le contredire lorsqu’il était trop dur sur lui-même. Malheureusement, Nelligan avait l’impression que cette fois, après qu’il lui aurait tout dévoilé de ses erreurs, rien de ce que Heather dirait ne pourrait le réconforter. Et sans doute ne trouverait-elle-même pas les mots pour le faire, elle-même. Parce qu’il avait royalement merdé, cette fois. « D’accord, mais juste une gorgée, hein ! » Lança Nelligan en lui rendant sa grimace, avant d’aller attendre leurs commandes à l’autre bout du comptoir. Ils allèrent s’asseoir sans plus tarder.

Ne désirant pas tourner autour du pot pendant cent ans alors qu’il pouvait rentabiliser son temps avec Heather en s’assurant d’obtenir le plus de conseils et de sages paroles possibles, il lui raconta déjà ses tourments. Une partie, du moins, ne voulant pas non plus l’inonder de ses pluies torrentielles. Heather sembla tenter de garder un regard impassible durant le récit du jeune homme, mais il se doutait bien qu’elle devait le juger, à quelque part. Heather était bien près de la perfection, en tant qu’amie, mais elle ne pouvait pas sincèrement trouver que Nelligan avait bien agi dans cette histoire. Pourtant, elle lui soulignait qu’il n’avait pas à s’en vouloir, que ça devait arriver. « Peut-être. Peut-être qu’on n’était pas faits pour être ensemble, au final. Mais … je peux pas croire que les conséquences de mes actes sont arrivées parce que ça devait en être ainsi … » Il avait baissé le regard, puis, hésitant, la voix tremblante, il ajouta : « Elle était enceinte, à ce moment-là, Heather, et je lui ai tellement fait de mal qu’à cause de moi, elle a fait une fausse couche … » Certes, de façon directe, c’était l’alcool consommé par Lola qui avait provoqué la perte de ce bébé, mais indirectement, c’était lui le fautif principal. Celui à avoir déclenché la chaîne d’événements. Celui à avoir poussé le premier domino qui avait fait tomber tous les autres. « Comment j’dois vivre avec ça, avec moi, après ? » C’était une question lancée en l’air, il n’attendait pas vraiment une réponse de la part de Heather. Elle ne pouvait pas avoir réponse à tout.

Quand Heather prétendit ne pas être gourmande, Nelligan arqua un sourcil en la regardant avec un petit sourire amusé, doutant fort bien de toute l’assurance qu’elle avait en disant cela. Elle pouffa de rire, d’ailleurs. « Tu serais capable de manquer de t’étouffer rien que pour prendre la plus grosse gorgée possible. » Comme ça, elle respectait la demande de Nelligan, tout en en profitant le plus possible. Mais il adorait Heather comme elle était. Et c’était sans doute pour cela que leur relation était aussi bien. Ils se respectaient, tout en n’ayant pas peur de se regarder dans le blanc des yeux et de se dire les vraies choses. C’était d’ailleurs pour ces raisons que le jeune homme avait décidé de se confier à elle plutôt qu’à d’autres à propos de Lola, de la fausse couche, puis de Juliet. Comme prévu, la brunette se permis d’être franche, ce qui était exactement le but recherché. Toutefois, Nelligan ne se serait pas attendu à un ton de voix aussi ferme. Heather était d’un naturel si calme et posé, il était étrange de la voir aussi dure. C’était même dérangeant, en un certain sens. Nelligan avait d’ailleurs reculé sous la surprise, reprenant doucement le contrôle pour ne pas avoir l’air trop intimidé par son amie. Elle ne le grondait pas. Elle exposait son point de vue. Avec un peu plus d’ardeur que ce qu’il lui connaissait. Ce n’était pas plus mal. « Je vois mal sur qui d’autre je pourrais la mettre … » Avait-il lâché. Heather ne tarda pas à expliquer davantage son point de vue, afin de répondre au questionnement de Nelligan. Elle compara la situation de l’homme à celles que vivaient tant d’autres couples. Il était vrai que c’était loin d’être la première fois qu’on pouvait entendre un tel discours. Nelligan hocha la tête. « C’est vrai. Mais je n’imaginais pas être l’un de ces hommes, c’est tout. » Et il ne s’imaginait pas un jour ressentir la douleur de perdre un enfant, même si celui-ci n’en était même pas encore un réellement au moment de sa perte. C’était tout comme. L’idée que Nelligan s’en était fait, elle, était bien là. Bien réelle. Son amie lui parla alors du temps qui arrangerait sa façon de vivre avec lui-même. Elle lui conseilla aussi de ne pas oublier ses erreurs, afin de ne pas les reproduire. Nelligan hocha vigoureusement la tête. « T’en fais pas, pour ça, j’ai bien appris ma leçon. » Il soupira en secouant la tête. « Je n’ai plus du tout envie de revivre toute cette culpabilité mais, surtout, j’ai pas envie de faire souffrir une autre comme j’ai fait souffrir Lola. Plus jamais. » Il s’était d’ailleurs promis que jamais il ne cacherait quoi que ce soit à Juliet de ce genre. Rien qui pourrait la détruire ainsi. Il allait se montrer honnête avec elle, plus que jamais. « Et toi alors ? Dis-moi que t’as des nouvelles, des trucs à me raconter, qui nous donneront un peu de bonheur à partager ? » Demanda-t-il, plein d’espoir que la vie de son amie était un peu moins chaotique que la sienne.

Juste pour que Nelligan n’ait pas raison, cette fois-ci, Heather piqua sa paille dans le milkshake de l’homme et en tira une petite gorgée. Toute minuscule. Nelligan la regarda avec de petits yeux presque menaçants, si Heather ne lui connaissait pas sa bonté habituelle. Enfin, sa bonté, elle semblait en avoir pris un coup avec les récents événements. D’ailleurs, Heather elle-même sembla relever l’erreur qu’il avait faite. Toutefois, son ton se radoucit bien vite et elle tenta de le déculpabiliser, du moins un tout petit peu, pour qu’il ne se rejette pas toute la faute dessus. Il haussa les épaules quand elle dit que Lola avait peut-être sa part à jouer dans cette histoire. « Peut-être … Ou peut-être que le problème ne provenait ni de l’un ni de l’autre … Ça arrive que deux personnes s’aiment mais que ça ne fonctionne pas quand même, pas vrai ? » Il cherchait carrément à se rassurer dans les propos de Heather. De comprendre ou de rationnaliser, d’une certaine façon, ses actes coupables. La brunette lui demanda alors s’il était toujours en contact avec la personne avec qui il avait trompé Lola, soit Ally. Il eut un léger rire mal à l’aise, et secoua la tête. « Nop’. Je pense que pour elle c’était juste une histoire d’un soir, qu’elle n’a jamais vraiment été intéressée à plus que ça … » Ce qui rendait Nelligan encore plus malade. Il avait tout foutu en l’air avec Lola pour une fellation vite faite qui n’avait entraîné, au final, que quelques secondes de bonheur mais une éternité de regrets. Au moins, cette rupture avait fait en sorte que Nelligan s’était retrouvé avec Juliette. Au moins un point positif. Avec la rouquine, tout fonctionnait à merveille, bien mieux que toutes ses autres relations – à l’exception de son histoire avec Lily-Anaëlle quand ils étaient adolescents mais depuis, c’était devenu complexe au même titre que tout le reste. Bref, assez parlé de lui. Il s’intéressa maintenant à la vie de Heather, espérant avoir de bonnes nouvelles à récolter d’elle. Malheureusement, ce qu’elle trouva à lui annoncer n’émanait pas d’elle, mais du zoo. Nelligan sourit, tout de même touché par cette nouvelle et le côté adorable de son amie. « Oh ! Je ne te savais pas autant intéressée par la vie animale. Mais c’est mignon. Ça fait un moment que je suis pas allé au zoo, ce serait l’occasion … » Ils enchainèrent sur de nombreux autres sujets, tous plus légers les uns que les autres. Ça faisait du bien à Nelligan, comme toujours. Une fois leurs milkshakes terminés, Nelligan regarda sa montre. « Bon, faudrait bouger si on veut avoir le temps de visiter le musée. » L’idée pouvait paraître loin, mais c’était bien la raison de leur venue ici.

De toute façon, à en entendre les rumeurs sur Ally, Nelligan devait se compter chanceux de ne pas être allé plus loin avec elle. Il avait la fâcheuse habitude de s’attacher beaucoup et de s’impliquer en amour, ce qui faisait mal quand il tombait de son haut nuage. Sans doute qu’entre lui et la rouquine, ça n’aurait pas duré très longtemps. Leur couple aurait battu de l’aile, parce qu’ils ne se ressemblaient pas vraiment, du moins pas en amour. C’est ce qu’il avait compris en la voyant aller après leur soirée. Bref, c’était chose du passé, Nelligan n’en voulait pas vraiment à Ally. Il était déçu, ça ne faisait aucun doute, mais il pouvait passer par-dessus. Surtout parce qu’il avait Juliet.

Du côté de Heather, c’était la naissance d’un koala au zoo de Bowen qui retenait son attention. Cela fit sourire Nelligan. Il était persuadé qu’elle avait de nombreuses histoires à lui raconter, mais tant pis si elle n’était pas dans l’ambiance pour les raconter. Il était vrai que Nelligan avait alourdit l’atmosphère, avec ses histoires de cœur. Une prochaine fois, il se promettait de mettre toute son attention sur Heather. Et puis, avec un peu de chance, lui-même n’aurait pas grand-chose à dire à part répéter à quel point il était bien avec Juliet. Il se mettait le doigt dans l’œil, mais ça, il ne le savait pas encore. « J’aimerais bien que tu m’y accompagnes ! Comme ça même pas besoin de guide ou de lire les pancartes … tu me raconterais tout de ces animaux ! » Dit-il avec enthousiasme.

Il consulta finalement sa montre et déclara qu’il serait temps de se rendre au musée. Heather s’étira, avec une tronche qui valait de l’or, et Nelligan esquissa un sourire amusé avant de terminer son milkshake en quelques gorgées. Il attrapa la main de Heather et se leva, conservant sa petite main dans la sienne même une fois debout. Leur amitié était tellement simple, sans ambiguïté, qu’il pouvait bien se permettre ce rapprochement amical. Il ne rompit le contact qu’une fois dans le musée, afin de payer leur entrée – franchement très peu dispendieuse. En moins d’une heure, ils avaient fait le tour du musée, puisque ce n’était qu’une petite maison réaménagée pour raconter l’histoire de la ville. En sortant, Nelligan haussa les sourcils. « Eh ben. C’est fou de se dire que je vis ici depuis toujours et que j’ignorais un tas de trucs sur l’histoire de Bowen. C’est dommage. » Il fallait peut-être même ça sur le dos du système d’éducation. Au lycée, ils auraient dû en apprendre davantage sur leur propre histoire.