honestly, i'm broke + anae

Tu étais entêtée. C'était bien la bonne façon de te décrire. Alors que ta famille était fortunée, tu avais décidé de faire à ta tête, de t'éloigner de ceux qui n'acceptaient pas tes choix de vie, et de vivre la vie à la dure. Mais présentement, ce n'était pas du gâteau. La boutique n'allait pas très bien, bien que tu aies beaucoup de talent. Tu n'en pouvais rien si les gens jugeaient un peu trop rapidement sur les apparences. Il est vrai que tu n'avais pas la tête de l'emploi, un peu trop angélique pour tatouer des durs à cuir, mais tu étais extrêmement douée et ça, il fallait l'avouer. Alors, tu faisais des quarts de travail de fou, passant de la boutique à la rhumerie Wojna's où Woody t'avait engagé pour arrondir les fins de mois. Ça aidait, même si parfois c'était déplaisant d'être confrontée aux répliques des mecs un peu trop saouls. Il fallait l'accepter puisque ces efforts étaient accompagnés d'un chèque à la fin de la semaine. Un chèque précieux. Parce que tu ne pouvais pas te loger seule, tu avais rejoint une colocation. Tu avais vu l'annonce dans un journal, laissant donc ton appartement que tu pouvais payer seule avant que la ville te tourne le dos, pour rejoindre une fille que tu ne connaissais point, à l'époque. Plus le temps avait passé et plus tu avais appris à connaître Anae. Et maintenant, vous étiez un peu ce que l'on pouvait définir d'inséparable. Vous étiez devenues proche, bien que le départ fut houleux. Distantes et renfermées tous les deux, les premiers mois avaient été une façon de s'apprivoiser l'une à l'autre. Aujourd'hui, tu n'imaginais pas vivre sans elle.

La clé tourna dans la serrure, tu étais assise au beau milieu du salon un livre à dessin à la main. Tu le refermas aussitôt qu'Anae entra dans l'appartement, détestant montrer tes oeuvres avant la fin. L'aquarelle traînait sur la table basse, tu te levas pour la ranger en saluant. Hey! Tu as passé une bonne journée ? C'était jour du loyer et tu savais qu'elle attendait ta part, seulement tu ne savais pas comment lui dire que tu attendais le chèque de la rhumerie pour lui donner. Tu n'étais jamais en retard sur le loyer et tu devais avouer détester l'être. Autrefois, avant même d'habiter avec la belle brune, lorsque tu avais un logis à toi seule, Léo t'avait aider à te sortir du pétrin. Aujourd'hui, tu ne lui demandais plus cette aide. Tu gérais mieux tes finances. Cependant, tu avais envoyé la plupart de tes économies à ton frère, Charles, pour ses dépenses en prison. Tu étais nerveuse d'annoncer à ta colocataire ton léger retard.

La brune passait les clés dans la serrure, laissant le cliquetis apprêter sa présence. Du bout des doigts, elle poussait la porte avant de se faire accueillir par sa colocataire. Ses fossettes se creusaient alors que ses pommettes remontaient en laissant transparaître son sourire. « Salut Blanche ! » Sa présence la changeait, jusque là, la jeune avait toujours vécue seule parce qu'elle ne se sentait pas prête à accorder une si grande confiance à quelqu'un, elle avait peur que quelqu'un puisse la trahir, lui voler quelque chose. « Très bonne et la tienne ? » La qualité qu'elle avait pue se découvrir avec son passé chaotique était de ne voir que des bonnes journées se présenter à elle, rien ne pouvait être pire que les angoisses qu'elle avait vécues, de la dépression qui l'avait poursuivi, lui tenant la jambe en empreignant son esprit d'idées tordues. Elle était heureuse de comment elle vivait, elle aimait son nouveau travail qui lui donnait beaucoup de travail, mais tellement de réconfort. Amoureuse des animaux, elle ne pouvait pas tomber mieux et savoir qu'elle le faisait pour la bonne cause l'aidait à apprécier d'autant plus sa reconversion. Il lui arrivait de dessiner pendant des heures pour des gens, pour des livres, mais c'était moins fréquent. « Qu'est-ce que tu faisais ? » Son sourire s'étirait une nouvelle fois alors qu'elle se baladait dans l'entrée, retirant sa veste qu'elle accrochait à sa place, laissant tomber au sol son sac à main. « Et ne me dit pas rien, tu pouvais pas m'attendre debout depuis le début ! » Disait-elle en laissant s'enfuir un éclat de rire, les deux jeunes femmes cohabitaient depuis des mois, des longues semaines qu'Anae analysait sa colocataire, qu'elle identifiait son caractère. Ce qu'elle faisait depuis qu'elle avait fait n'importe quoi seize années plus tôt. Blanche la ressemblait un peu niveau caractère, elles s'étaient beaucoup fuient au début, ne parlaient jamais d'elles jusqu'à ce que le temps finisse par les rapprocher. « Tu vas bien ? T'as pas l'air dans ton état ... normal. » Sûrement qu'elle se faisait une idée, mais il n'y avait qu'à regarder attentivement ses traits pour détecter un problème.

Tu avais toujours été réservée, surtout lorsque tes oeuvres étaient en cause. Ton aquarelle, c'était ton petit coin de paradis où tu te permettais de plonger pour échapper au quotidien, à toutes ces choses qui pouvaient faire du mal. Avant d'être pleinement satisfaite d'une de tes créations, il était impossible pour toi de les montrer. Et souvent, même, tu ne les terminais pas n'étant tout simplement pas convaincu de ton propre travail. Lorsque la clé retentit dans la serrure, un son que tu connaissais bien trop bien, tu refermas ton carnet mettant aux oubliettes les croquis que tu venais de faire. Ils n'étaient pas très réussis d'ailleurs, tu étais trop prise dans tes pensées pour pondre quelque chose qui faisait du sens. La belle brune entrant avec toute sa splendeur dans la pièce, te saluant au passage. Ça n'avait pas toujours été ainsi, entre vous. Vous aviez toujours été courtoises, mais il vous a fallu du temps pour devenir aussi proche que vous l'êtes aujourd'hui. Partageant le même style de tempérament, parfois très solitaire, il vous a fallu des semaines, voir même des mois, avant de daigner parler de vous, de votre vie, de vos sentiments. Aujourd'hui, tu remercies la vie de l'avoir mise sur ton chemin, cette belle Anae avec qui tu n'imagines plus vivre sans. Tu laissas tomber ton carnet sur le canapé, t'approchant de ta colocataire qui te sondait. Tu ne pus t'empêcher de rire, sachant que tu ne pouvais pas vraiment lui cacher la vérité. Tu étais piégée, l'aquarelle reposait encore sur la table basse derrière toi. J'esquissais des trucs qui me sont venus dans la tête, mais j’n’arrive à rien aujourd'hui. Ça doit être un soir de pleine lune! Tu ne croyais pas vraiment en ces superstitions, mais tu te laissais souvent tenter par leurs invocations. Le regard fuyant, tu n'osais pas regarder Anae dans les yeux. Elle serait en mesure de découvrir immédiatement que quelque chose n'allait pas avec toi. Trop explosive, tu ne cachais pas bien tes émotions. Dès que quelque chose clochait, il était facile de le savoir juste en t'observant. Et Anae avait une longueur d'avance avec toutes les autres personnes qui croisaient ta route, elle te voyait au quotidien. Après tout ce temps, elle avait appris à reconnaitre quand les choses allaient bien ou non. Comme toi, d'ailleurs, lorsqu'il s'agissait d'elle. Non, non ça va. Tu commenças par lui dire que tu allais bien, ce qui n'était pas un mensonge à priori. La boutique va un peu mal ces temps-ci, ça me tracasse. Encore une fois, ce n'était pas un mensonge. Tu étais réellement tracassée par ta boutique qui battait un peu de l'aile ces temps-ci. Et par ton frère. Tu secouas la tête, balayant la conversation presque d'un signe de main, et tu te dirigeas vers la cuisine où tu te servis un verre d'eau issu d'une cruche fraîchement remplie. Comment tu vas ? Assez parlé de toi. Tu n'avais pas les mots, encore, pour avouer à ta colocataire qu'il te manquait ta partie du loyer.

La brune restait plus tard au travail lorsqu’elle en avait occasion pour pouponner les chats. C’était un de ses avantages, elle n’avait pas besoin de payer une boisson pour pouvoir admirer ces félins. Elle sortait de son lieu de travail quand elle se raisonnait, quand elle prenait conscience qu’il fallait laisser du repos aux chats qui avaient été bichonnés pendant des heures, même s’ils avaient une salle rien qu’à eux, où les clients ne pouvaient pas rentrer. Ça avait été obligatoire, une dépense en plus pour un confort pour leur confort. Parfois elle fermait plus tard, parce qu’elle n’osait pas jeter dehors les clients tardifs, ceux qui ne s’intéressaient pas aux chats mais qui trouvaient le lieu assez apaisant pour pouvoir y travailler. C’était toujours sa copropriétaire rappelait à l’ordre les retardataires et lorsqu’elle n’était pas là, Anae patientait des longues minutes puis se résignait à prendre le mauvais rôle, bien que les personnes se montraient toujours compréhensives, qu’elles s’excusaient même. Son neko cafe avait un début de vie plutôt bon comparé à certaines entreprises et elle ne pouvait qu’en être heureuse. Après quelques minutes de marche au travers de la ville, elle venait à passer le pas de la porte de son logement, retrouvant une colocataire occupée. Elle ne privait pas sa curiosité faire surface, la questionnant rapidement sur ce qu’elle faisait alors que ses yeux passaient au-dessus de son épaule, se posant sur la table basse où traînait quelques de ses affaires. « Sérieusement ? Je suis sûre que c’est très bien ce que tu fais ! » Disait-elle en essayant de l’amadouer pour qu’elle ne montre ses œuvres ne serait-ce qu’une seconde, ce qui n’allait sûrement jamais arriver. « Faut pas être si dure avec toi-même. » L’illustratrice qu’elle avait été aurait dû se dire cette phrase plus souvent, encore aujourd’hui, Anae était insatisfaite de tout ce qu’elle faisait, manquait de confiance en elle. Ce n’était pas la meilleure donneuse de leçon sur ce sujet. Elle distinguait quelque chose sur son visage, peut-être qu’elle s’inquiétait trop, peut-être qu’elle identifiait mal avec la fatigue sur les épaules. La blonde la rassurait, disant que c’était sa boutique qui n’était pas en forme. « Oh ... » Anae était bien heureuse d’être une personne qui ne se vantait pas de son travail, qui ne clamait pas haut et fort que pour elle, pour sa boutique, tout allait bien. « Tu as une idée du pourquoi ? » Osait-elle demandée sans trop de certitude dans la voix. Normalement, elle serait passée à autre chose, aurait trouvée une autre conversation pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. « Je vais bien. On m’a invitée à sortir, mais je préfère rester à l'appart avec toi. » Difficile à croire qu’elle avait décidée de refuser pour passer la soirée avec sa colocataire, dans le passé, elle n’aurait pas hésité à accepter parce qu’elle avait trop peur de passer du temps avec elle, de devoir se confier pour qu’elles puissent avancer dans leur amitié.

Il fallait tout un caractère pour être en mesure de vivre à tes côtés, ce qu'Anae avait largement. Elle te l'avait prouvé après ces dernières années à te supporter. Heureusement, pour toi, tu avais trouvé en elle une amie. Une réelle amie. Et non seulement une colocataire. Alors qu'au départ tu n'étais pas fervente de l'idée de cohabiter avec quelqu'un, tu aimais bien la routine que vous vous étiez construite. Parfois, il vous arrivait d'esquisser ensemble sur la terrasse arrière, celle qui donnait une vue impressionnante sur Bowen et ses couchers de soleil majestueux. Souvent, vous passiez des heures à discuter de tout et de rien en grignotant du popcorn sur le canapé du salon. Puis, il vous arrivait de vous confier l'une à l'autre. Elle était d'ailleurs l'une des seules personnes au courant de ta relation étrange et un peu houleuse avec Léo. Les sentiments que tu avais eus pour lui, ceux que ressentais encore aujourd'hui et comment tu planterais tout s'il y avait une simple chance pour vous deux de reconstruire ce que vous n'aviez jamais eu. Il vous aura fallu du temps, à Anae et toi, pour en arriver où vous étiez, mais aujourd'hui tu n'échangerais pour rien au monde la vie que tu menais à ses côtés. La brune faisait maintenant partie de ton quotidien, mais aussi des gens pour qui tu te battrais si tu en avais besoin. Elle était entrée dans ta vie et personne ne pourrait dérober la place qu'elle y occupait. Arf, pas ce soir! tu secouais la tête, refermant bien ton cahier de croquis. Tu l'emportais avec toi jusqu'à la cuisine, non loin du séjour, où tu vidas dans l'évier l'eau souillée par le mélange des couleurs que tu avais précédemment utilisées. Il lui arrivait rarement de partager ses oeuvres inachevées, au désarroi de son amie qui cherchait désespérément à assouvir sa soif de curiosité. Tenant ton cahier noir entre les mains, bien pressé contre toi, tu lui souris en pinçant les lèvres. Merci de croire en moi. Peut-être que je te montrerai plus tard... Peut-être qu'un oeil extérieur pourrait m'aider à trouver ce qui cloche avec mon coup de pinceau, ces temps-ci. Tu étais sérieuse, peut-être fallait-il une vision autre que la tienne pour trouver ce qui clochait avec tes oeuvres. Mais, ultérieurement. Ce soir, autre chose tracassait tes pensées, des choses bien plus importantes que des simples croquis pour le plaisir. Des choses qui concernaient non seulement ta vie, mais aussi celle de ton amie alors qu'elle ne s'en doutait pas du tout. La brune était bien loin de se douter que, ce soir, tu ne serais pas en mesure, pour la première fois depuis votre cohabitation, de tenir tes engagements. Tu ne savais pas comment aborder le sujet, alors tu balayas encore une fois la tentative de tes pensées, te disant qu'il serait plus facile de cracher le morceau plus tard. Beaucoup plus tard. Je n'ai pas la tête de l'emploi et certaines personnes s'y arrêtent, malheureusement. C'était pourtant l'histoire de ta vie. Tu avais toujours été confronté à toutes sortes de préjugés et de jugements, et ce même par des proches. Ils avaient tous critiqué ton choix de carrière, ton choix de vie, ton émancipation, la croix que tu avais faite sur ton héritage. Ils t'avaient tous traitée de folle, d'insouciante, de mouton noir. Ils avaient d'ailleurs contribué grandement à la réputation que tu avais aujourd'hui, celle d'incompétente dans ton domaine alors que, au contraire, tu étais bien plus qualifiée que ce qu'ils pouvaient croire. Normalement, tu aurais évité la question, trouvant une réponse moins personnelle pour assouvir la curiosité de ton interlocuteur. Pourtant, la relation que tu entretenais avec Anae te permettait, aujourd'hui, d'être honnête et de partager pour vrai les sentiments que tu ressentais. C'est avec un sourire laissant apparaitre toutes tes porcelaines blanches que tu accueillis l'affirmation de ta colocataire, heureuse de ne pas passer la soirée seule avec tes remords. Une couette rebelle et bouclée tomba dans ta nuque alors que tu sautais sur place, exprimant ta bonne humeur. Chouette! J'ai une bouteille de rose dans le frigo si tu veux. Mais avant de profiter de la soirée en compagnie de ton amie, tu te devais de jouer cartes sur table avec elle. En dépit de votre relation de confiance, les cachoteries avaient assez duré. Ton visage devenait plus sérieux, alors que tu relâchas en cascade les boucles blondes qui étaient retenues par un noeud à cheveux. Mais avant, Anae, je dois te confier quelque chose. Tu affichais désormais une moue plus soucieuse, même timide, incertaine de la façon d'aborder les choses. Ta colocataire connaissait ton histoire et celle de ton frère, et tout ce que tu faisais pour lui. Cependant, lui avouer qu'à cause de ta grande gentillesse tu avais perdu ta part du loyer pour le mois était une chose difficile à faire puisqu'il ne s'agissait pas seulement de ta vie, mais de la sienne aussi. De son argent, une partie d'argent qui lui revenait et qui servait à payer ce qui protégeait ta tête, mais aussi la sienne. J'ai peur que tu m'en veuilles... je ne sais pas comment aborder le sujet avec toi... C'est Charles. Il s'est mis les pieds dans une histoire pas très légale derrière les barreaux.. et je n'ai pas pu lui dire non. Tu avais commencer comme cela, sans réellement savoir si ton histoire faisait du sens, mais c'était la façon dont laquelle les mots arrivaient à s'emboiter les uns dans les autres. Il faut que j'apprenne à mettre mes limites.. mais ça, c'est une autre histoire...

Anae se permettait d'avancer un avis sur un coup de crayon qu'elle n'avait réellement l'occasion de voir, ça pouvait s'apparenter à du mensonge, mais elle essayait simplement de réconforter sa colocataire. « Je pense savoir qu'avec toi 'plus tard' est égal à 'jamais'. » La brune riait doucement, la taquinant simplement. Parce qu'elle n'aurait pas le temps d'y jeter un oeil que ses affaires allaient décoller et qu'elle redeviendrait secrète, cachant son cahier comme s'il y était confessé un terrible crime à l'intérieur. Blanche se confiait sur ses problèmes, son visage trop doux et innocent pour que les gens puissent y voir une tatoueuse. C'était débile, comment une personne pouvait s'arrêter au physique d'une autre pour savoir l'entièreté de sa vie, ce qu'il est capable ou incapable de produire ? La jeune femme espérait que ses yeux n'étaient pas le reflet de son passé, que ses paroles ne la trahissaient pas. Elle ne voulait pas être un livre ouvert, elle voulait rester discrète sur son passé miteux à cause des croyances d'une mère qui ne se rendait pas compte de l'erreur qu'elle faisait. « Ces gens-là sont des bêtes. » Sûrement que c'était des personnes qui voulaient recevoir leurs premières gouttes d'encre dans la peau, parce qu'elle pensait que des tatoués étaient capables de se dire que ce n'était pas le physique qui tatouait, mais bien le talent d'une personne. Ou alors c'était son style qui ne plaisait pas aux habitants de Bowen. Mais ici, les personnes étaient si variés qu'il était quasiment impossible de trouver deux personnes similaires. « Je suis sûre que des personnes vont passer au-dessus de cette impression. » Il n'y avait pas qu'elle dans ce cas et Anae arrivait à croire qu'il y avait une place pour tout le monde là où ils voulaient être. Déposant ses affaires là où elles devaient se trouver, elle traînait sa carcasse hors de l’entrée pour rejoindre son amie en lui annonçant qu’elle préférait rester cloîtrer dans l’appartement en compagnie sure que d’aller se perdre parmi les autres à l’extérieur. « Comme tu veux, je ne suis pas contre ! » L’illustratice n’allait jamais d’elle-même vers l’alcool, mais elle n’était jamais contre un verre. Ses yeux se posèrent sur le visage changeant de la blonde, quelque chose avait changé dans son expression, elle se laissait croire que c’était son imagination, mais sa phrase ne la rassurait pas. Avouer ? Elle détestait l’odeur du mensonge ou de la trahison. Il ne pouvait jamais rien n’avoir de bien derrière ce mot. « J’écoute. » Lançait-elle dans un souffle, ne sachant pas comment se montrer. Elle la laissait poursuivre et elle n’arrivait pas à supprimer le sourire qui était scotché à son visage. Parce qu’elle ne comprenait pas, ou plutôt qu’elle refusait de comprendre ce qu’elle essayait de lui dire. « Pourquoi je devrais t’en vouloir d’être une bonne personne ? Je suis désolée pour ton frère mais … Tu as bien fait de t’occuper de lui, alors. » Son rire se faisait plus nerveux. Pour elle, il n’y avait rien de grave, elle n’arrivait pas à voir l’allusion sous sa phrase. « Et qu’est-ce que tes limites ont à voir avec moi ? » Si Blanche voulait lui dire quelque chose, elle ne devait pas ôter des mots de ses phrases, elle devait lui dire simplement ce qu’il en était.

Elle avait ri, blanche, à la remarque de son amie et colocataire qui commençait à la connaître un peu trop bien. Malgré leurs distances encore parfois prononcées, elles avaient fini, les deux femmes, à créer une sorte d'amitié qui leur convenait et qui, dans la plupart des cas, leur permettait de parler ouvertement l'une avec l'autre. Ce qui était bien, au final, car Blanche n'avait pas beaucoup d'amies dans cette ville, même si elle y était native. D'origine plutôt solitaire, il avait été difficile toute sa vie pour elle se forger des amitiés quelconques. Anae était la preuve que Blanche pouvait y parvenir, mais avec le temps nécessaire requis. Je te promet que je te montrerai mes croquis. Mais pour le moment, je ne m'y sens pas apte. Ce n'était pas contre elle, contre son amie, qu'elle cachait ses oeuvres. C'est qu'elle n'arrivait à rien la belle blonde depuis un peu trop longtemps. Depuis que sa tête et son coeur étaient torturés de ces milliers de mauvaises nouvelles et de tourmentes. Il y avait son coeur qui saignait, sa boutique qui boitait de l'aille et son compte de banque qui n'aurait pas de refus à être vachement renfloué. Tout cela pesait sur la conscience de l'artiste qui en faisait ressentir dans toutes les oeuvres qu’elle tâchait de faire. Heureusement, les tatouages en avaient été épargnés. Toujours aussi supportante, Anae encouragea son amie ce qui lui fit ne serait-ce qu'un petit baume au coeur de croire en la possibilité d'un changement. Elle lui sourit, appréciant sa remarque, mais changea de sujet rapidement, car nulle conversation ne règlerait ce que les habitants de la ville pensaient d'elle. Seulement le temps le ferait. Alors, elle proposa de trinquer à la vie - et aux mauvaises journées - accompagnée d'une bouteille de rosé fraîche. Elle versa donc deux verres de cet élixir de vie, un qu'elle tendit à sa colocataire et l'autre qu'elle garda pour elle. Après avoir trinqué, Blanche se remit en selle pour finalement cracher ce qu'elle avait sur le coeur. Après, elles pourraient parler d'autres choses, notamment d'Anae. La conversation était bien trop axée vers elle, Blanche. Mais elle n'y parvenait pas, même avec son verre de vin, qui pour certains n'en était pas vraiment un. Les mots ne trouvaient place dans ses phrases et elle faisait les coins ronds. Blanche soupira avant de donner raison à son amie, pour qu'elle la comprenne il fallait bien qu'elle le soit, compréhensible. J'ai dû lui donner un peu de mes économies pour le sortir des problèmes, encore... Et par un peu elle insinuait beaucoup. Mais cette fois ces économies, c'était toutes celles qu'il me restait. Elle prit un gorgée de son verre pour lui donner le courage de poursuivre et de donner enfin la vérité à Anae. Elle n'avait plus un sou pour lui donner sa part du loyer. À un tel point que.. Qu'il me reste à peine de liquide pour payer l'épicerie cette semaine. C'était horrible de prononcer ces mots. Avoir des problèmes d'argents, et cette fois personne pour lui sauver les fesses comme avant, c'était effrayant. Je sais que c'est ridicule. Que j'aurais dû être responsable et calculer avant de lui donner... J'ai foiré, je sais.

Avant d'emménager avec Blanche, la jeune femme n'avait jamais pensé partager son espace vital avec quelqu'un. Sa solitude lui suffisait, c'était dedans qu'elle se sentait le plus en sécurité, parce qu'elle n'avait que très peu confiance aux autres, qu'elle était persuadée que vivre en communauté ne pouvait lui apporter que du mal en la trahissant. Sa colocataire avait su lui prouver le contraire, plus les jours passaient et plus elle se plaisait dans cet appartement où il n'y avait pas que le bruit de ses pas qui y régnaient. La brune s'était ouverte à elle après des semaines de cohabitation, elle s'y était trouvée une amie, une nouvelle alliée dans sa vie. Ses bagages restaient toujours aussi secrets, jamais un mot sur son passé rempli de noirceur était sorti, comme si aux yeux des autres, sa vie n'avait commencé qu'à son arrivée à Bowen. Elle espérait un jour se défaire de ses chaînes, abandonner ce boulet qu'elle traînait comme un fardeau, qui l'empêchait d'être totalement libre, ne plus vivre dans la constante peur d'être retrouvée. Pour l'instant, elle faisait parler les autres plus qu'elle parlait de sa vie, se faisant passer pour une bonne oreille pour ne pas par erreur, révéler ses sombres démons. Sociale, souriante et bonne écoute, ce n'était pas ce qui la définissait le mieux, elle avait beaucoup de défauts à côté, mais les gens devaient sûrement se dire qu'elle n'était pas si terrible, qu'un écart n'était pas si grave. 'J'ai peur que tu m'en veuilles.' C'était un mauvais départ. La brune se concentrait sur les battements de son coeur qui se faisaient plus forts pour ne pas s'emballer trop vite. Sûrement que son amie avait oubliée qu'il ne fallait pas tout lui balancer dans la figure, qu'à la moindre faute, Anae pouvait se transformer d'une alliée en ennemie. Peut-être pour se protéger ou peut-être parce qu'elle espérait avoir mal compris où elle voulait en venir, elle faisait comme si ce n'était pas grand-chose, se persuadait qu'il n'y avait rien de mal dans ce qu'elle avait fait. Silencieuse, elle la laissait finir alors que son coeur explosait de colère mélangée à une dose de tristesse. Elle se sentait trahie, elle avait l'impression qu'on jouait d'elle. Encore une fois. « Ouais. T'as foirée, ouais. » La japonaise gardait un calme en surface, sourire forcé et déformé à cause de son mélange de sentiment, alors qu'elle bouillait à l'intérieur. Son ton si chaleureux avait laissé place à des paroles remplies de froideur, sans qu'elle puisse y faire quelque chose. « S'il fait des erreurs, c'est pas à moi d'en subir les conséquences. » Parce que si sa colocataire ne pouvait pas payer, ça voulait dire que tout ce mois-ci serait payée de sa poche. « Et c'est encore moins à toi de régler ses soucis, c'est un adulte. C'est peut-être pour ça qu'il en fait, d'ailleurs, parce qu'il sait qu'il aura toujours sa soeur pour assurer ses arrières. » La brune ne se rendait pas compte de ce qu'elle disait, elle était même la dernière personne à pouvoir donner des leçons sur ce sujet, car elle était enfant unique. Pendant quelques secondes, elle restait regarder Blanche sans dire un mot, avant qu'une illumination vienne la réveiller. « ... Fait chier. J'suis sûre que tu me mens ! Comment tu peux essayer de me faire croire que tu as été trop abrutie pour tout donner à ton frère en sachant que ton affaire ne va pas bien ? Ça m'dégoute. Comment tu peux prétendre être ma pote et vouloir m'arnaquer derrière ? Merde ! » Pour elle c'était clair, elle s'était juste faite entraîner dans une connerie. Elle avait encore donnée sa confiance trop vite et ça lui faisait encore du mal.

Blanche ne s'était jamais autant ouverte à une inconnue qu'avec Anae, avant de devenir des amies, des alliées. Elle s'était retrouvée en sa compagnie par obligation, plutôt que par choix, au départ alors qu'elle devait se trouver une colocataire pour arriver à survivre financièrement avant de toucher le bas fond. Chose qu'elle avait finalement réussi à faire, malgré la cohabitation. Un échec de plus qui s'ajoutait à la longue liste de désespoirs de la blonde, suivi de près par la rupture fort probable de son amitié trouvée en cette relation. Blanche n'avait jamais laissé ses problèmes monétaires se mettre entre Anae et elle. Elle avait un engagement qu'elle se devait de tenir. Après avoir remboursé Léo de tout ce qu'il lui avait avancé, et avoir rompu le lien qui les unissait, elle ne l'avait plus revu. Ce qui impliquait, aussi, qu'elle n'avait plus de pilier financier, plus de coussin qui lui sauvait les fesses alors qu'elle tentait, elle, de sauver celles de son frère. Il était difficile de comprendre le cercle vicieux, tant que cette situation ne s'appliquait pas à la vie d'autrui. Pour Blanche, il était impossible de concevoir la perte de son frère ainé. Impossible de penser à le laisser tomber. Elle voulait fuir ce nouvel échec, elle qui pourtant en enchainait depuis des mois. Ceci-dit, depuis sa rupture de liens avec le photographe, Blanche avait réussi à maintenir un semblant d'autonomie financière Anae était furieuse. C'était évident. Tu as raison... Répondit-elle à ses premiers propos. Elle faisait mine basse, bien mal devant celle qui lui avait fait une confiance aveugle. Jamais la blonde n'avait voulu trahir son amie, et malheureusement bien contre son gré, aujourd'hui, elle semblait le faire. Lorsque la Japonaise mentionna sa relation héroïque envers son sang, son frère, Blanche se crispa. Elle comprenait qu'Anae était furieuse, mais cela ne lui donnait pas le droit de juger la situation ainsi. C'est pas aussi facile que ça, Anae... C'est difficile de comprendre ce que c'est de voir son sang dépérir sans pouvoir l'aider autrement que de cette façon. Là n'est pas le débat, par contre... Blanche releva les yeux face à son amie, attristée par la situation, mais aussi déterminée à se faire pardonner. J'te jure que c'est vrai, Anae, je peux te montrer mes relevés bancaires, mes relevés de transactions et tout ce qui il y a en rapport à ça.. Jamais je ne te mentirais sur ce sujet... J'te jure que ça n'arrivera plus, j'te jure que je ferai attention... Je suis même prête à demander de l'aide à mes parents s'il le faut... Et la brune connaissait l'historique de Blanche avec sa famille, elle savait pertinemment qu'elle avait coupé tout contact entre elle et ses parents pour se dissocier de cet argent malsain. Mais pour elle, pour préserver leur amitié, elle était prête à faire une exception à sa promesse de maintenir ces gens à l'écart.