on est al dente, on joue les durs à cuire - asher

16h. J'gare ma voiture sur le parking du mont roundback. J'le connais bien ce lieu, j'y viens souvent quand j'suis en recherche de sensations fortes. L'escalade, le contact avec la roche, c'est bien bien important pour moi. J'me sens presque vide quand j'touche pas un peu le danger du bout des doigts. Depuis mon retour de Sicile, j'me suis bien remis en forme. La saison de canyoning a recommencé, j'ai retrouvé ma place, dans la rivière, et bordel, comment j'me sens vivant quand j'suis là. Le spot que j'ai trouvé la semaine dernière, il me fait de l'oeil. C'est sur le versant gauche de la montagne, un endroit pas balisé mais j'ai repéré un belle paroi qui n'appelle que moi. Et accessoirement Asher aussi. J'l'avais appelé la veille, pour lui proposer de grimper avec moi. J'avais pas eu à beaucoup le motiver, parce qu'il était toujours de la partie quand j'lui proposais d'aller faire les zozos dans les cailloux. J'sors de ma voiture, et j'ouvre le coffre. Dedans, tout le matériel nécessaire pour faire de l'escalade. Même si j'aime le danger, j'fais quand même attention. Une chute, un dérapage, ça peut vite arriver. Généralement, j'grimpe sans rien, mais j'connais les parcours. Là, c'est un peu différent. La paroi est quand même bien abrupte, il y a pas mal de prises mais on va y aller tranquille. L'idée c'est de baliser le chemin, comprendre la voie et l'ouvrir. On a rendez vous à 16h et en attendant Asher, j'commence à m'équiper. Le baudrier, mes chaussures d'escalade et quelques cordes. J'suis vraiment bien motivé, j'suis même impatient. Alors quand j'vois enfin la voiture d'Asher arriver dans le petit chemin sableux du parking, un large sourire s'affiche sur mon visage. Il n'y a pas grand monde, quelques baladeurs, mais une fois qu'on se sera enfoncé dans la forêt qui borde le bas de la montagne, on s'ra vraiment tranquille. A l'instant où Asher peut m'entendre, j'tarde pas à l'interpelé. "Hééé bro, j'espère que t'es full en forme!" Encore un sourire. Ouais, vraiment, ce genre d'après-midi, c'est de loin mes préférées.

@Asher Robertson

Depuis qu'il vivait à Bowen, Ash n'avait pas rencontré grand monde. C'était plutôt volontaire, pour être honnête. Pour plusieurs raisons, il ne sortait pas beaucoup de sa forêt, il réfléchissait à chaque fois qu'il avait à aller quelque part, est-ce que c'était vraiment nécessaire ? Il faisait ses courses toutes les deux semaines seulement, faisant en sorte d'être méticuleux pour ne pas à avoir à y retourner à cause d'un oubli. Il allait à la salle depuis peu de temps, juste parce que ça lui manquait de frapper dans un sac et de s'entraîner et qu'avec sa maison en travaux, il n'avait pas encore son espace de sport privé. Dans toute cette routine solitaire, Ash avait quand même réussi à se faire un copain ! C'était assez inattendu comme rencontre, cependant, pour le boxeur, ce n'était pas si inhabituel. Lui qui avait toujours adoré le sport, qui en avait vécu, c'était quasiment le seul terrain sur lequel il pouvait voir de nouvelles têtes. Il aimait aussi beaucoup les sensations fortes, alors en couplant les deux, il avait fini par tester une séance de canyoning avec Orso. Ça l'avait franchement fait rire, le fait que le gars soit italien et ait un nom de pâtes. Et puis ils avaient passé un très bon moment ensemble, ils avaient parlé d'escalade, de via ferrata et autres sports dans ce genre-là. Depuis, les deux hommes se voyaient souvent, dès que l'un avait envie de faire des conneries, il envoyait un message et voyait si l'autre était disponible. C'est ce que l'italien avait fait la veille, pour savoir si le boxeur voulait tester un nouveau spot. Un peu qu'il voulait ! Et voilà qu'il arrivait, comme à chaque fois, sans équipement, parce qu'il avait quelques paires de gants de boxe, mais aucun baudriers dans ses affaires. J'suis chaud bouillant ouais ! J'ai besoin de me défouler. Toi, ça va ? Il arrive à la hauteur de son ami et l'étreignit dans une accolade rapide. Tu veux que je porte quoi ? Ça allait être sympa, il le sentait, Ash n'avait encore jamais testé ce coin-là.

Avec Asher, c'était un bon bol de testostérone qu'on se prenait quand on était ensemble. Il m'avait montré de quoi il était capable quand on avait fait du canyoning ensemble, une fois, et depuis, on avait comme scellé un pacte tacite. Quand l'un de nous deux avaient des envies de grands airs, de p'tites prises de risques, il avait qu'à appeler l'autre et généralement, ça suffisait. On était clairement dans notre élément quand on était en pleine nature. J'me sentais bien. J'avais hâte de côtoyer la roche, de tenter des trucs, de faire les zozos. Ca ouais, j'étais sur-motivé. Et quand Asher arriva dans mon espace, il semblait sur la même vibe. On s'donne une accolade rapide et j'tarde pas à répondre à sa question. "PARFAIT ! J'suis bien motivé aussi!" On allait très probablement s'entraîner mutuelle dans les limites de ce qui était safe mais en vrai, à bien réfléchir, on allait pas non plus escalader le mont Everest. Ca restait d'la petite paroi, un peu abrupt mais les prises étaient nombreuse à première vue et nous deux, on était clairement taillé pour ça. Asher, c'était un boxeur. Comme Detlev, mon coloc. J'avais quelques bases mais clairement, j'étais pas assez massif pour être vraiment bon. J'avais plutôt un corps agile, affûté, parfait pour feater avec l'escalade. J'tends deux trois cordes et un baudrier à Asher et on s'met en route. On doit marcher p'tete dix ou quinze minute pour atteindre le point qui m'intéresse. "J'te préviens, j'garantis pas la qualité du truc. Ca m'semblait bien à vu d'oeil. J'estime les prises de risques à 6 sur 10. C'est ok non?" que j'dis pour jauger mon pote. Voir si son mood du jour, c'est de risquer un peu des trucs. Moi ça m'fait pas spécialement peur. Et pour être tout à fait honnête, hormis se râper le flanc contre la roche, éventuellement une entorse en cas de chute, on risque pas nos vies. On est pas des tarés non plus. La forêt est calme, on entend juste nos pas fouler les feuilles, les branches, et c'est franchement agréable. On tarde pas à arriver en bas. Le spot est sympa, c'est tranquille, c'est vide de toute population, on a juste cette grande paroi qui s'élève devant nous. "voilà le p'tit bout de cailloux qu'on va s'faire aujourd'hui, mon pote." que j'dis fièrement, en venant poser ma paume de main contre la roche. P'tit réflexe de toujours, sentir la matière, m'assurer que c'est pas friable. J'vous jure hein, l'idée vraiment, c'est de sortir entier de tout ça. Ou du moins, le moins abimé possible.

@Asher Robertson

De prime abord, on pouvait penser que Ash n'avait pas la carrure pour faire ce genre de sport extrême. Il avait certes du muscle, mais il était lourd. Cependant, il avait une sacrée endurance et une bonne résistance, en plus d'un mental en béton. C’était de cette façon qu'il faisait le poids et qu'il pouvait suivre face à Orso qui, lui, semblait taillé pour ça. Il attrapa le matériel que son pote lui tendait et ils se mirent en route. Dans ce genre de circonstances, il ne pensait pas tellement aux risques qu'il prenait. Il savait que ce sport n'était pas le plus safe, cependant l'italien était un pro, il n'avait aucun intérêt à prendre des risques déraisonné. Alors évidemment, il y avait toujours l'envie de se dépasser, de relever des défis, de pousser les limites. Mais pas au péril de sa vie. Durant le premier quart d'heure de marche qui menait les deux hommes à leur objectif, Asher se concentrait, il n'était pas vraiment loquace. Puis Orso brisa le silence, il l'écouta en marquant un sourcil. T'espères me faire peur avec tes probabilités ? On a vu pire que 6/10, non ?! Il en fallait plus pour impressionner le boxeur. Et le grimpeur en était conscient. Ça ira beau gosse, au pire, on se fera les genoux, rien de grave. Enfin, façon de parler ! Ils arrivèrent face à la paroi. Elle était assez impressionnante, se hissant face aux deux hommes, les rendant si petits. Asher apprécia le silence qui régnait, c'était tranquille, idéal. Il adressa un sourire à Orso. On attaque ?! Il était prêt, plus que chaud, il avait besoin de se défouler, d'adrénaline, de se vider la tête aussi. Depuis quelque temps, il n'était plus vraiment en mesure de le faire à la salle en frappant un sac, il avait toujours l'appréhension, mêlée à l'excitation d'y croiser Haley. Au moins, ici, il n'y avait aucun risque que la belle écossaise ne se pointe. Il lâcha le matériel et attendait les instructions du chef.

Asher, il était pas du genre impressionnable. Il avait pas froid aux yeux, et c'est pour ça que nos deux énergies feataient aussi bien ensemble. Clairement, j'savais qu'on passerait un bon moment, qu'on allait pas prendre de trop gros risques mais j'comptais bien quand même qu'on se prenne une belle dose d'adrénaline. La roche qu'on voulait passer, elle nous sur-plombla après un quart d'heure de marche. Elle devait faire dix ou douze mètres de haut, c'était suffisant pour donner un peu le tournis, mais dans mon expérience, j'en avais grimper des bien plus hautes. Asher, il semblait pas du tout fébrile après que j'lui ai donné une probabilité très approximative de la prise de risque. "Ouais clairement, c'est presque trop facile!" que j'lui répond en souriant. En vrai, c'était assez challenging mais ça restait dans nos cordes. Asher, il avait pas peur de se faire mal. Généralement, dans une ascension comme ça, ouais, les genoux y passaient, parfois les coudes aussi, plus rarement les épaules. Mais en contact direct avec la roche, on allait très certainement se blesser un peu. L'impatience, j'pouvais la ressentir en dedans, mais j'ressentais aussi celle d'Asher. Il se débarrassait de ses cordes, j'fis de même, en tendant un baudrier à Asher. "Let's go!" que j'dis alors que j'me mettais à attacher les cordes à mon propre baudrier puis à celui d'Asher. La sécurité, c'était quand même assez important, alors même si j'allais ouvrir la voie, j'allais mettre tout au long de notre montée des points de sécurité, d'où la présence des cordes. Si on tombait, on chuterait pas jusqu'en bas. Après une petite dizaine de minutes, on était prêt. J'donnais quelques instructions à Asher. "J'pars devant, tu peux suivre mes prises mais sens toi libre d'trouver ton chemin. Juste, reste toujours en dessous de moi." Ca semblait logique, mais j'préférais le redire à Asher. On était jamais trop prudent. Comme on faisait habituellement, j'me mettais à grimper, et Asher attendait que j'fixe le premier point de sécurité. L'idée c'était d'en mettre un à chaque mètre. J'm'élançais avec une facilité déconcertante. Le début, c'était toujours facile. J'fixais le premier après deux mètres d'ascension. J'sortais le matériel nécessaire, une vis de fixation, un écrou, et une perceuse. Mes gestes, habitués et assurés, étaient rapides et en quelques minutes je m'adressais à Asher. "C'est bon, bro, tu peux t'lancer!" J'accrochais mon mousqueton au point d'accroche et j'continuais mon ascension. Bordel, que c'était vivifiant d'grimper comme ça. J'm'en lasserais jamais.

@Asher Robertson

Grimper, c'était un peu comme dans un combat, il ne fallait jamais sous-estimer son adversaire. Alors même si Asher ne s'inquiétait pas, il ne minimisait pas les risques qu'il prenait, jamais. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il faisait confiance à Orso et qu'il ne faisait ce genre de conneries qu'avec lui. Parce que l'italien connaissait les limites, les failles, il savait ce qu'il faisait, c'était un pro. Alors s'ils jouaient les caïds, en vérité, ils étaient prudents. Ça ne voulait pas dire qu'ils ne se planteraient pas, mais ça signifiait que même s'ils se plantaient, ce ne serait jamais trop grave. Parce que bon, même si Ash ne faisait plus de compétition, il n'avait pas vraiment envie de finir dans un fauteuil. Ils étaient arrivés au pied de la roche et le boxeur attrapa le baudrier que son pote lui tendait, il commença à s'équiper, mais laissa le grimpeur faire le principal, histoire d'être sûr que tout était safe. Puis il écouta ses recommandations, toujours les mêmes, certes, mais elles étaient nécessaires. En vérité, si Asher aimait les sensations fortes, il n'était pas inconscient, d'ailleurs, il n'avait jamais grimpé à même la roche avant de connaître Orso. Il s'était contenté de quelques murs en salle, quelques fois, mais il avait réellement découvert l'escalade avec lui. Ç'avait été un coup de cœur, très clairement, cependant il restait novice et il n'avait plus l'agilité de sa vingtaine. Alors, il ne comptait pas faire le mariol, il allait suivre Orso et ce serait déjà pas mal. J'te suis, de toute façon, t'en fais pas. Il laissa le guide ouvrir le chemin, son assertion était impressionnante, il était vif et précis, rien que le regarder c'était un spectacle en soi. Quand il eut le feu vert, Asher s'élança à son tour, il mobilisait ses muscles et son esprit, il faisait le vide. C'était une sacrée sensation, de grimper, de sentir le vide en dessous, c'était grisant. Au bout de quelques longues minutes, alors qu'il avait rejoint son ami et qu'ils étaient sur une partie moins physique de la roche, Asher l'interpella. Ils parlaient généralement peu, lors de ce genre d'exercice, mais l'australien restait bavard. T'avais besoin de te vider la tête ou quoi ?

Une fois lancée, j'pensais plus à rien. C'était ça le pouvoir qu'avait l'escalade sur mon esprit. Juste le vide. Dans ma tête et sous mes pieds. Fallait rester concenrer, focus, penser à ses jambes et ses bras en même temps, trouver l'équilibre, ajuster ses prises, ça demandait une belle condition physique mais clairement, que ça soit Asher ou moi, on les avait les pré-requis. Asher, il était p'tete un peu plus massif que moi, - enfin, non, il l'était assurément - c'était la boxe qui l'avait taillé lui. Mais c'était pas impossible pour lui, forcément, il était moins agile que moi, mais il s'débrouillait bien. Tellement que j'prêtais attention à lui au début, lors des premiers mètres mais plus notre ascension avançait et plus j'avais d'la confiance envers lui. Et puis, on pouvait pas tomber de très haut, les fixations qu'on suivaient, elles assuraient notre sécurité. Mine de rien, l'escalade, comme ça, sur une belle paroi, ça demandait pas mal d'endurance, les muscles étaient mobilisés sur une longue durée. On arrivait presque à la moitié de la roche alors qu'on traversait un segment plus plat. Le temps pour nous de s'accorder une petite pause, juste pour relâcher les muscles, pour reprendre son souffle et profiter aussi, de cette belle sensation de vide, d'avoir l'impression de dominer un truc. Asher en profita pour entamer une p'tite conversation. J'souris à ses mots, haussant un peu les épaules. "Ouais faut croire, c'est un bon moyen pour laisser tous les soucis en bas tu vois." que j'dis en désignant nos affaires en contre-bas. "C'est comme avec la boxe, on frappe pour se défouler, moi c'est pareil, j'combats la roche." que j'dis en lâchant un rire. "Nan, en vrai, j'ai pas connu le meilleur des hivers. Ca fait juste du bien de reprendre le sport." que j'dis un peu pensif. C'était surtout ça, aujourd'hui, qui était important pour moi, que j'renoue avec l'escalade, avec qui j'étais vraiment. J'm'étais un peu trop perdu ces derniers mois, et grimper ça me remettait un peu les idées en place. Du moins, ça m'en donnait l'impression. "toi, t'avais besoin d'te vider la tête aussi? Ou c'était juste du fun?" que j'demande, avec un p'tit sourire. Bah ouais, autant échanger un peu, sur ce qu'on vivait chacun. Même si on était partenaire de sport extrême, on était aussi des potes, avant tout.

@Asher Robertson

Asher n’avait pas les mêmes réflexes ni la même agilité qu’Orso, il cherchait un peu plus les prises, il n'avait pas son expérience de l’escalade non plus, il avait découvert ce sport sur le tard. Mais il apprenait vite, surtout quand c'était quelque chose qu'il aimait. Et il s’éclatait sur la roche, il fallait bien l’admettre. C'était le genre de challenge qui lui plaisait, ça le forçait à se dépasser, Ash avait toujours aimé ça, les défis, les relever, être le meilleur. Un jour il aimerait bien échanger les rôles avec l’italien, l’emmener dans son univers, le mettre un peu mal à l'aise, voir s’il se prendrait au jeu, c'était extrême aussi, pas comme les sports d’extérieurs qu'ils avaient l’habitude de pratiquer ensemble, mais la boxe demandait une rigueur et de la force aussi. Un jour, peut-être. En attendant ils se posaient un peu, appréciaient le panorama. Bordel elle était belle cette région ! Il en avait vu des beaux coins, le champion, des villes où des paysages qui valaient le détour, mais Bowen c'était sa maison, même s’il n’y était pas né. Il avait des souvenirs de randonnée dans cette montagne avec son vieux papi, des cache-cache dans les bois avec ses voisins, il avait eu une sacrée belle enfance mine de rien. Et il était heureux d'avoir choisi cette ville pour se remettre sur pied. Peut-être qu'un jour il aurait envie d’ailleurs, mais pour l’instant il ne voulait être nulle part autre qu'ici. Il attrapa sa gourde qui pendait à sa ceinture et but une bonne gorgée. Il dodelina de la tête en écoutant la réponse d’Orso, il n’aurait pas tellement dit que c'était comme la boxe, s'il avait besoin de vraiment se défouler, clairement il frapperait plus dans un sac qu'il ne grimperait sur la roche. Mais par contre il n’avait rien connu de mieux que d'être en extérieur pour se vider la tête, oui, respirer l’air frais. Merde, rien de grave j'espère ? C'était con, mais même s’ils étaient potes, ils ne l'étaient pas assez pour être celui que l'autre appelait en cas de pépin, alors Ash ignorait à peu près tout de la vie personnelle d’Orso. Un peu des deux, j’imagine. Il lui adressa un sourire entendu. Il faut que j’me sorte de ma maison, les travaux n’avancent pas, j’en ai ras le bol de vivre dans une putain de caravane alors que je pourrais avoir plus de 100m2 à la place ! C'était tout de même un comble, d'avoir tout pété chez lui et de devoir attendre des autorisations ridicules avant de continuer. Ça le rendait fou et en attendant la maison de ses vieux n'étaient qu’une accumulation de gravats.

tw : évocation de drogue.

J'crois que j'me lasserais jamais de faire ça. D'être au contact de la roche. Ca m'avait pris, très tôt, lorsque je m'avais commencé à grimper dans les calanques de ma Sicile natale. Ma mère était horrifiée de me voir monter comme ça, souvent pieds nus après une baignade dans la Méditérrannée. Et mes parents, ils avaient bien que j'prenais ça avec pas mal de sérieux. Alors ils m'avaient encouragé, à condition que j'me sécurise. Alors j'avais, avec le temps, développé pas mal de compétence, j'étais capable d'ouvrir des voies, j'étais capable d'analyser, et tout ça, ces sensations, de vide, d'altitude, de grimpes, c'est ce qui me rendait vivant. J'en avais fais mon métier, en faisant du canyoning mon activité principale mais dès que j'avais un moment de libre, c'était toujours contre la roche que j'allais. Seul ou accompagné, comme aujourd'hui. Asher, c'était un bon partenaire, il était vraiment pas mauvais et au fil de nos après-midi escalades, j'crois qu'on pouvait dire qu'on était devenu des potes. On manquait pas une occasion et j'serais assez partant pour me frotter à la boxe avec lui. Je l'avais déjà fait avec Detlev, j'voyais pas mal de potentiel pour me défouler, même si la bagarre, ça avait toujours une p'tite connotation qui me plaisait pas mal. Les coups que j'avais pu recevoir lors de soirées un peu extrêmes à Florence, quand j'avais des déboires avec des gangs, ils me restaient pas mal en travers de la gorge. Mais bien encadré, sur un ring avec des gants et des règles, ça m'tentait plutôt bien. Alors qu'on s'faisait une pause, sur un p'tit plateau, à mi chemin de notre ascension, on en profitait pour discuter un peu, souffler aussi, parce que mine de rien, c'était bien sportif, de grimper comme ça. J'parlais rapidement de mon hiver un peu compliqué, - voire très compliqué- et je haussais un peu les épaules à sa question. "C'était pas l'idéal, à vrai dire." J'avais pas spécialement envie de dire à Asher, aussi frontalement, que j'avais replongé dans la cocaïne, déjà parce que j'en étais pas fier et surtout parce que j'avais pas envie de foirer l'ambiance, mais il devait bien voir à ma tête que si, ça avait été pas mal grave. "Heureusement, ma soeur a été là. Elle m'a sorti d'affaire, comme toujours." que j'dis avec un p'tit rire, comme pour le rassurer, pour lui montrer que tout ça, c'était bien derrière moi. La preuve, j'avais retrouvé ma condition physique, mon visage n'était plus aussi terne qu'avant et je crois même que j'avais repris quelques couleurs grâce au soleil de Bowen. Asher me parla ensuite de sa maison qu'il retapait et qui n'avançait pas. Je fronçais un peu du nez. "C'est quoi qui bloque? La main d'oeuvre?" J'pouvais bien imaginer que vivre dans une caravane, c'était pas l'idéal. "Si t'as besoin d'un coup de main, un jour, t'hésite pas. J'suis pas aussi bon bricolo qu'escaladeur, mais si j'peux aider.." que j'dis en souriant. Ouais, moi, avec un marteau dans les mains, c'était pas miraculeux, mais si j'étais bien guidé, j'pouvais très certainement faire l'affaire.

@Asher Robertson

S’ils étaient bons copains à présent, Asher et Orso ne se connaissaient pas depuis si longtemps que ça et au fond, ils ne se connaissaient pas tant que ça non plus. Par exemple, l’italien ignorait les vraies raisons qui avaient poussé le boxeur à s’installer à Bowen, ses déboires avec la justice, sentimentaux. Peut-être en avait-il eu vent dans la presse, comme beaucoup d’autres, mais ils n’en avaient jamais parlé. Asher n’était pas l’ancien prodige du ring avec Orso, il était juste un gars normal. Tout comme lui ne savait pas que le grimpeur était du genre à mettre le nez dans la poudreuse. En soi, leur amitié fonctionnait plutôt bien ainsi, ils n’étaient pas obligés de tout savoir l’un de l’autre et puis ils se voyaient finalement assez peu en dehors de leurs sorties extrêmes. Il hocha donc la tête d’un air entendu, visiblement Orso allait mieux, grâce à sa sœur qu’il disait. Qu’est-ce qui t’a mis dans cette situation ? Rob n’avait pas envie de se montrer trop curieux ou indiscret, le brun n’était pas obligé de répondre, il ne lui en voudrait pas, mais ça le peinait de savoir qu’il avait eu une mauvaise passe. C’est vrai qu’il ne l’avait pas tellement vu ces derniers temps, en même temps lui était occupé avec sa maison, il n’avait pas trop eu la tête à penser à autre chose. On se trouvait toujours des excuses pour ne pas contacter les autres, n’est-ce pas ? Il laissa échapper un petit rire à la question d’Orso. C’est pas la main d’œuvre, non. C’est une foutue cul coincé de bureaucrate à la mairie qui refuse de me donner mon permis de construire ! Cette femme me rend totalement dingue et je passe plus de temps à l’insulter par mail qu’à avancer dans mes travaux ! Il n’aurait jamais imaginé avant de rencontrer cette Joséphine qu’il puisse exister personne plus emmerdeuse et procédurière qu’elle. Merci, c’est sympa, on sait jamais, si besoin je saurai que j’peux t’appeler oui. Et toi, si t’as le moindre problème ou passage à vide. Tu m’appelles ok ? C’était quand même une belle amitié qu’ils avaient là ces deux asticots, ils pouvaient s’estimer chanceux de s’être trouvés.