bouge de là + fleur

Venir au moins une fois par semaine à la salle de sport était devenu une habitude pour Callie. Et elle commençait vraiment à prendre du plaisir à se dépenser ainsi. Aujourd'hui elle avait préféré travailler un peu son cardio et ses abdos seule plutôt que d'aller à un cours collectif. C'était l'avantage du pass illimité que proposait le complexe, elle pouvait faire ce qu'elle voulait quand elle voulait. Après avoir fait une bonne demi-heure de vélo elliptique - comme si elle ne faisait pas déjà assez de vélo dans la journée - , elle alla se chercher un tapis et s'installa dans un coin assez tranquille à côté d'une jeune femme qu'elle se rappelait vaguement avoir déjà croisé ici. Elle lui adressa un sourire avant de s'installer à son tour par terre et de commencer quelques crunch. Elle enchaîna deux séries puis se redressa en tailleur histoire de souffler un petit peu et de boire un coup. Sauf qu'à peine eu-t-elle relevé là tête qu'un grand tatoué débarqua devant elle et la brune d'à côté, un grand sourire aux lèvres. « Un cours particulier ça vous dit les filles ? » Callie regarda l'inconnu, la jeune femme, et à nouveau l'inconnu un peu perturbée. « Hum, non je pense savoir me débrouiller seule. » lança-t-elle assez sûre d'elle et cherchant l'approbation de l'autre fille à côté d'elle. Callie n'aimait pas ce genre de type. Vraiment pas.

Le sport était devenu une vraie corvée ces derniers temps pour Fleur. Courir sur le tapis ou faire du vélo elliptique n’était plus dans ses capacités, elle manquait plus en plus de souffle. C’est pour cette raison qu’elle avait pris rendez-vous chez le médecin dans les jours à venir, une autre corvée à ses yeux. Fleur avait donc opté pour une séance de yoga, afin de se détendre, où elle s’installa sur un tapis au calme. Une autre femme la rejoignit, elle lui adressa un sourire puis chacune de leur côté firent leur séance.

Jusqu’à ce qu’un homme vint les interrompre. Le genre de sportif dont Fleur détestait voir. Grand, musclé de protéines, tatoué de ses gros bras, dévisageant les femmes comme des morceaux de viande. Il leur proposa un cours particulier, et rien que sa voix raisonnait la lourdeur du type. Fleur ouvra les yeux, fronça les sourcils et se mit à rougir. Elle était d’une grande timidité et elle avait bien du mal à s’imposer parfois.  A son grand bonheur, la jeune femme près d’elle l’envoya sur les roses.

- Vraiment, non merci, répondit-elle poliment à son tour.

- Pourquoi, vous attendez votre petit copain ? insista t-il de nouveau, en s’asseyant près d’elles.

Il venait de prendre ses aises et il avait bien l’air déterminé à les coller. Fleur regarda sa voisine, d’une petite mine désespérée.

Callie qui pensait justement trouver du calme en venant se poser dans un coin isolé de la salle et donc éviter les joies d'un cours collectif c'était râté. Parce que si Callie avait choisit de s'installer à côté de l'autre femme qui faisait du yoga et donc une activité tranquille, ce n'était pas pour qu'un gros lourdeau débarque et vienne gâcher son instant de tranquilité. Il était vraiment le stéréotypes des gars qui passaient les trois quarts de leur journée à la salle de sport et qui ne vivaient que pour leurs gros bras. Comme si c'était le seul critère pour intéresser les filles. En tout cas, il devait bien être persuadé que ça fonctionnait comme ça puisque malgré le refus de toute aide de Callie et de l'autre fille à côté d'elle, il avait l'air déterminé à ne pas les lâcher puisqu'il finit par s'asseoir à côté d'elle. Et cela agaça tellement Callie qu'elle ne pu réprimer un soupir. Surtout quand il leur demanda si elles attendaient leurs copains. Il cherchait à en savoir plus et Callie détestait ça. Alors elle resta calme mais n'en pensais pas moins. « Qui te dis qu'il n'est pas déjà là ? » Elle avait balayé du regard la salle sans pour autant apercevoir quelqu'un qu'elle connaissait. Aucun échappatoire possible, malheureusement pour elles. Et Callie savait très bien que sa phrase évasive n'allait pas le satisfaire. Surtout qu'avec ses gros muscles, il devait se sentir tout puissant à ce moment précis. Alors elle était un peu démunie devant la situation et cherchait du soutien de la part de la brune tout aussi désespérée qu'elle. Quand soudain une idée un peu folle lui traversa l'esprit. « En fait on se débrouille déjà bien, toutes les deux. Ensemble. » reprit-elle avec un sourire calculé et une petite idée derrière la tête en espérant que la brune la suive dans ce jeu.

Fleur resta bouche bée de la tournure que prenait cette situation.  Heureusement que la jeune femme à sa droite avait plus de répondant qu’elle. Le dragueur du dimanche observa les alentours. Il vérifiait, si, comme elle le prétendait, leurs prétendus petits amis arrivaient à la rescousse.  Personne à l’horizon ne se manifestait, alors aussitôt elle reprit la parole pour affirmer qu’elles se débrouillaient très bien toutes seules. Fleur ne saisit pas immédiatement sa perche.

- Oui, bien oui, balbutia t-elle, en cherchant ses mots.

Quand elle vit le grand sourire de sa voisine, elle comprit enfin où elle voulait venir. Du moins, elle espérait que c’était bien son attention. Au risque de se tromper, elle joua le jeu.

- On est ensemble, dit-elle d’une voix très rapide.

Concernant les mensonges, Fleur était de loin une mauvaise élève. D’autant plus que, se faire passer pour une lesbienne n’était pas la meilleure façon de repousser les coureurs de jupon, bien au contraire. Néanmoins cela pouvait marcher. C’était quitte ou double.
 
- Comment ça ensemble ? fit le gros musclé, étonné.

A son tour, Fleur regarda sa voisine. Peut-être serait-elle plus convaincante qu’elle ?

Callie n'aurait vraiment pas pu se douter de la suite des évènements. Pourquoi ce gros lourdeaux était venu les embêter elles ? Il y avait bien mieux à voir ailleurs franchement. Et puis si il aime tant que ça les machines pour ses gros muscles, autant rester avec elle plutôt que de venir embêter le monde. Alors quand celui ci décidait de camper là, Callie avait du trouver une solution. Et vite. Sauf que la première chose qui lui était passée par la tête était un petit peu folle. Heureusement que sa coéquipière de galère l'avait suivie dans ce petit jeu. Elle semblait un peu moins assurée que Callie mais ça pouvait toutefois être crédible. Après tout, elles pouvaient avoir envie de ne pas trop se livrer en public. Sauf que l'autre ne semblait pas très compréhensif. Ce qui eu le don d'exaspérer encore plus Callie. « Tu veux que je te fasse un dessin ? » Cela ne ressemblait pas forcément à Callie d'être si directe et presque agressive. Mais elle était venue faire du sport pour se défouler. Et à défaut de ne pas pouvoir le faire en se dépensant... elle avait trouvé un autre punching ball. Bien coriace parce qu'il répliqua. « Ah ouais ? Et qui me dit que vous n'êtes pas en train de m'entuber là ? » Rien et c'était justement le problème.. Au moins, ça semblait l'avoir un petit peu refroidit. Mais pour combien de temps ? Elle lança un regard désespéré à sa voisine, espérant qu'elle serait à son tour plutôt convaincante.

Étant fille d'un papa homosexuel, fille d'une maman homosexuelle, et elle-même bisexuelle, Fleur n'eut pas beaucoup de mal à se mettre dans la peau de son personnage. Le gaillard n'allait pas lâcher ses deux proies comme ça, à moins qu'elles prouvent qu'elles soient véritablement en couple.

- Quoi, tu veux peut être qu'on s'embrasse devant toi? s'offusqua t-elle la main plaquée contre son coeur.

Il répondit oui, suivi d'un signe de la tête. Fleur s'attendait à ce genre de réaction, elle prit alors un air dégoûté. Elle le regardait comme du vieux fromage moisi.

- Non mais ça va pas, on va pas te faire ce plaisir!  C'est exactement à cause de mec dans ton genre qu'on n'aime pas s'afficher! On a rien à prouver!

Elle était vraiment en train de s'énerver et voyant que le sujet lui tenait vraiment à coeur, il baissa sa garde concernant ses doutes.

Pour Callie, ce n'était pas forcément difficile non plus, même si elle même n'était pas attirée par les femmes. En tout cas elle espérait être suffisamment à l'aise et convaincante pour que l'autre se retrouve vexé et déguerpisse au plus vite. Et heureusement, sa comparse était là pour feindre l'énervement. Ce qui décrocha un sourire à Callie qui s'empêcha de rire. Mais elle s'arrêta de sourire quand l'autre souhaitait vraiment qu'elles se donnent en spectacle devant lui. Et là comme d'une seule et même voix elles tirèrent une grimace un peu choquée. « Exactement, on n'est pas des bêtes de foires. » Il se contenta d'hausser les épaules un regard un peu lubrique que Callie n'aimait pas du tout. « Oh mais si le monde autour vous dérange on peut aller ailleurs vous savez... » Et là, elle n'avait vraiment plus envie de rire. Il avait été un peu loin dans sa demande. Et une baffe magistrale vola contre sa joue. Après tout il l'avait cherché. « Dégage, non mais dégage t'as rien à faire là. » Décidemment, elle ne pensait pas être autant frustrée et avoir autant besoin de se défouler. C'était parti tout seul. Mais il le méritait tellement.

Il avait dit la phrase de trop. Sa fausse compagne le gifla, si bien que le claquement fit tourner plus d’un regard curieux. Le gros gaillard était comme assommé dans sa surprise.  Fleur non plus n’osait plus bouger. Ce fut que lorsque le type reprit ses esprits, s’approchant d’elle d’un air menaçant, qu’elle se mit entre eux deux. Avant que les choses ne dégénèrent, elle prit le bras de son acolyte.

- Viens, on va se changer dans les vestiaires.

Il continuait à pousser des jurons mais Fleur faisait un effort considérable pour couvrir ses mots.

- Ne fais pas attention. C’est un imbécile… On ira se plaindre, je te promets qu’il ne pourra plus remettre ses pieds dans cette salle de sport !

Elle aussi énervée, elle était déjà en train de chercher quel texte de loi sur la discrimination pourrait-elle proclamer à la direction. Une chose était certaine, elle ne le laissera pas s’en tirer ainsi.

Tout s'était accéléré et elle avait perdu le contrôle de la situation en quelque sorte. Mais elle y avait été un peu fort en le giflant. Elle qui était contre la violence, elle avait un peu bafoué ses principes. Mais elle n'avait pas pu le laisser dire ça. Les gros porcs comme ça, elle ne supportait pas. Mais leur petite altercation n'était pas passé inaperçue. Et une petite partie de la salle les fixait. En fait, Callie ne savait plus trop quoi dire, quoi faire. Heureusement que sa comparse prit les devant et la prix par le bras jusqu'à aller dans les vestiaires, tout en tentant de la rassurer et en quelque sorte la conforter sur le bien fondé de son geste. « Je suis désolée, j'espère qu'à cause de ça on aura pas d'ennui... » Et voilà qu'à cause de l'autre énergumène c'était elle qui en venait à culpabiliser. Alors qu'au fond elle était persuadée d'avoir bien agit. « Je m'appelle Callie au fait... » Elle lui offrit un petit sourire alors qu'elles s'effondraient dans les vestiaires un peu déboussolée.

Voyant que la discussion tournait au vinaigre, Fleur décida de séparer sa prétendue petite amie et de l'éloigner. Elles laissèrent le dragueur du dimanche, bredouillé des jurons incompréhensibles. Fleur se promit d'en toucher un mot à la direction.

- T'as pas à être désolée! s'offusqua Fleur. Heureusement que t'étais là!

Sans elle, elle n'aurait sans aucun doute pas eut autant de courage à affronter la situation. Une fois arrivées dans les vestiaires, la jeune femme se présenta. Callie. Un bien joli prénom, qui allait à ravir à son visage de poupée.

- Je suis Fleur.

Elle lui sourit, ravie de pouvoir faire sa connaissance.

- Tu viens souvent à la salle?

Même si au fond d'elle elle savait qu'elle avait bien agit et qu'au fond elle ne regretterait sans doute pas son geste en y repensant un peu plus tard, ça ne lui ressemblait pas un geste de violence, d'où ses interrogations. Heureusement que la brune était là pour la soutenir. Mais au moins, elles étaient tranquilles maintenant, en espérant que ça serve de leçon à l'autre nigaud. En tout cas, Fleur avait l'air elle aussi bien soulagée. « Oh ! Fleur c'est français ? Tu es française ? » En tout cas, cela ne s'entendait à peine à l'accent, en tout cas pour le peu qu'elle l'avait entendu parler. Venant d'Angleterre, la France et surtout Paris l'avaient toujours faite rêvée. Pourtant, par manque d'envie et un peu d'argent comme vivant au crochet de ses parents à l'époque, elle n'avait jamais pu y aller. « Hum souvent, plus ou moins. Disons que j'y viens de plus en plus. Presque deux fois par semaine maintenant en fait. » Pour quelqu'un qui de base n'était pas très emballée par le sport, elle y trouvait maintenant un véritable réconfort et louper une séance lui semblait un peu inimaginable..

Fleur fit un grand sourire à sa remarque.

- Oui, je suis née en France. Plus exactement à Paris. Mais je suis à Bowen depuis des lustres...

Son léger accent la trahissait parfois. Elle ne l’a jamais perdu. D'ailleurs elle en avait bien conscience, ce qui ne la dérangeait pas plus que ça. A vrai dire, cela faisait partie d’elle. Depuis toute petite, son père lui parle dans sa langue natale. Il s’agit d’une vieille habitude. Par contre, l'anglais de son paternel est beaucoup plus terrible.

Callie vient deux fois par semaine à la salle de sport. Pourtant Fleur n’a pas le souvenir de la croiser ici, mais ce n’est pas impossible que ce fut le cas. Pour sa part, elle va de moins en moins à la salle de sport. Du fait qu’elle manque de souffle, elle n’est plus du tout motivée. Une idée lui vint en tête.

- Si ça te dit, un jour on pourra s’entraîner ensemble ? Si tu ne veux pas, je le prendrais pas mal, t’inquiètes pas ! rajouta t-elle aussitôt.

Effectivement, il y a énormément de personnes qui préfèrent faire sa séance de sport, seul. Si Callie préférait être seule, elle ne le lui reprocherait en aucun cas.

Elle ne s'était pas trompée, c'était bien un nom français que portait la jeune brune. Un des rares mots qu'elle connaissait d'ailleurs en français. « Oh Paris ! Je rêve de visiter cette capitale un jour ! » Peut être même qu'elle retournerait en Europe plus vite que prévu. Ses parents commencaient vraiment à lui manquer. Un an sans les voir, sans que l'un ou l'autre ne fasse l'effort de traverser le monde pour se retrouver c'était quelque chose qui lui pesait. Alors peut être qu'elle embarquerait Jake dans cette épopée, mais elle aimerait bien visiter cette fameuse ville des amoureux. Vient la question de la fréquence à la salle de sport. Certes Callie y vient de plus en plus souvent mais elle fait toujours son truc de son côté, sans trop se préoccuper des gens autour. Mais la proposition de Fleur la fait sourire et pourrait bien lui faire changer d'avis. « Oh non, non, non je suis d'accord ! » Et puis surtout si ça pouvait éviter de rencontrer de gros lourdeaux comme toute à l'heure, elle était encore plus partante. « Ca sera un peu plus drôle que d'habitude en plus ! C'est quoi ton sport de prédilection ? »

Ne sont pas rares les fois où on lui a proclamé que visiter Paris était un rêve. D’ailleurs elle avait déjà organisé un petit voyage avec son amie Bonnie à destination de la capitale française. C’était à elle aussi son rêve de petite fille. Pour Fleur, elle connaissait cette ville par cœur. Elle adorait Paris, ses monuments et son riche patrimoine. En revanche elle aimait beaucoup moins les parisiens qu’elle jugeait un peu trop carriéristes et râleurs.

- Ah oui ? Si t’y vas un jour, n’hésite pas. Je serais ton guide. dit-elle sur un ton enjoué.

D’autant plus que Fleur y allait souvent pour rendre visite à sa mère. Elle ne connaissait pas assez bien Callie, mais cela ne l’empêchait pas d’envisager à la revoir ailleurs que dans une salle de sport. Callie n’était pas contre l’idée de s'entraîner ensemble. Fleur se montra ravie.

- D’habitude j’aime bien le cardio, mais je suis un peu fatiguée en ce moment alors je me contente de faire du yoga ou du pilates.

Quitte à se faire passer pour une fainéante, Fleur préfèra quand même le lui avouer.  

- Et toi ? demanda t-elle à son tour.

Qui sait, Callie pourrait la motiver à pratiquer un autre sport ? A deux, on se motive l’un et l’autre. L’esprit d’équipe, c’est bien aussi.

Clairement, visiter Paris était un cliché pas mal répandu en Europe mais elle ne s'était pas attendue à tant en entendre parler en Australie. Comme quoi certaines villes avaient une renommée internationale, ça en était presque incroyable. « Si j'ai cette chance un jour alors oui, ça serait avec plaisir ! » Elle espérait vraiment en tout cas réussir à y aller un jour. Mais pour le moment, elle devait encore économiser un bout de temps avant de y aller, encore plus si elle voulait offrir ça à Jake. A tant rêver de Paris, elle en oublierait presque qu'elle était dans une salle de sport à parler de tout et de rien et qu'il y a quelques minutes un gros lourd les embêtaient. Comme quoi tout tournait vite et pouvait évoluer sans qu'on s'en rende vraiment compte. « Fatiguée ? Tu travailles beaucoup ? T'as pensé à aller consulter petre sure que ce n'est rien ?» C'était son passé d'infirmière qui parlait. Un constant besoin de prendre soin des autres, bien qu'elle ai renoncé à ce job car trop difficile psychologiquement. « Je fais soit du body combat, soir des petites séances toute seule tranquillement comme aujourd'hui ! Enfin je me prends pas la tête ! » Après tout elle n'était vraiment pas là pour ça. C'était vraiment pour lui changer les idées et faire des rencontres. Comme avec Fleur aujourd'hui.