no one seems interested in fixing what they've broken (levi)

Autant l’équipe du Wojna’s était friendly, tout le monde s’entraidant généralement juste pour que tout le monde puisse arriver à la fermeture en même temps, question de s’enfiler des shots sans laisser qui que ce soit derrière, autant par moments les ragots et les coups bas se faisaient aller dans les murmures de la cuisine ou de l’arrière du bar. Récemment, Oskár, t’avais entendu quelques-unes de ces histoires qui généralement t’faisaient doucement sourire plus qu’autre chose. T’aimais entendre les triangles amoureux, les qui a couché avec qui, c’était le joyeux bordel dans l’équipe et comme tout le monde était à peu près au courant, ça faisait des étincelles un moment mais l’feu ne prenait jamais. Jusqu’à ce que ça t’implique et que la flamme dans ton regard, t’aies du mal à la contenir. T’avais entendu des serveuses parler, en allant récupérer les verres propres à l’entrée de la plonge. Elles discutaient d’une soirée, deux semaines auparavant, où elles avaient croisé par hasard Levi et Sahar une ou deux heures après la fermeture du Wojna’s. Ils étaient encore ensemble alors que le soleil allait probablement se lever, encore à traîner jusqu’au bout de la nuit, à s’emmêler l’esprit dans les verres d’alcool. Et apparemment leurs doigts aussi s’étaient emmêlés. T’avais froncé les sourcils en les écoutant. Tu l’avais jamais trop senti, Levi. Dès qu’il était arrivé t’avais senti que chez lui, un truc te dérangeait. Deep down. Et maintenant peut-être que tu mettais le doigt dessus. Il avait la même noirceur que Sahar dans le regard, et t’avais pas de mal à croire qu’ils aient pu trouver réconfort là-dedans. Qu’ils aient pu se reconnaître entre eux. Se ressembler. S’assembler. Les serveuses étaient reparties, te laissant dans tes pensées envahissantes et batailleuses, ne sachant même pas quel chaos elles venaient de laisser dans ta tête. T’aurais pas pu dire après combien de temps, dix minutes ou une heure tu ne savais plus, t’avais les mains rouges d’irritation après avoir frotté comme un fou toutes les plaques de cuisson et tous les chaudrons, et Levi se pointa à la plonge. Il n’avait plus de shakers propres. Tu regardas la pile qui s’était effectivement accumulée pendant que t’étais confronté à la jalousie grandissante en toi. Tu le dévisageas mauvaisement. « Si j’suis pas assez rapide pour toi tu peux les laver toi-même. » C’était peut-être ta job, mais visiblement il n’en avait rien à faire de prendre c’qui était à toi. Si avec Sahar il pouvait faire comme si t’existais pas, qu’il en fasse de même avec la plonge.

C’était une routine assez malsaine dans laquelle il s’était embarqué Levi, lui qui vivait au rythme de ses services au Wojna’s, jusqu’aux fermetures, avant de profiter du reste de la nuit en succombant à l’appel des excès. Parfois seul, parfois accompagné. Fallait dire qu’au Wojna’s, il était plutôt facile de nouer des liens, même pour quelqu’un comme lui qui avait toujours préféré rester en retrait. Mais il y avait bien une personne avec qui Levi passait un peu plus de temps que les autres, lui qui s’était trouvé une acolyte de taille en la personne de Sahar, tous les deux ayant trouvé ce terrain d’entente qui flirtait avec le chaos, dans la noirceur de leurs besoins. Dés qu’elle était là, Levi savait par avance la tournure que prendrait la nuit, les abysses quand lesquelles ils plongeraient, eux qui repoussaient à chaque fois un peu plus leurs limites. Il n’avait aucune idée de combien de temps il tiendrait à ce rythme là, combien de temps son corps supporterait les frasques qu’il lui imposait sans la moindre retenue, dans l’inconscience la plus totale. Ce soir, c’était peut-être le calme qui viendrait clôturer sa soirée puisque sa complice n’était pas présente, lui qui s’efforçait de se concentrer sur les boissons qu’il avait à servir. Comme d’habitude, les clients affluaient, ne lui laissant que peu de temps pour enchaîner les préparations des consommations, se retrouvant vite débordé et à court de shakers propres. Sans plus attendre, il se rendit dans les cuisines pour prévenir son collègue, prêt à repartir dans le sens inverse avant qu’il ne soit interpelé par cette réponse pour le moins catégorique. « Il me semble pas avoir fait la moindre remarque sur ton efficacité. » Lâcha-t-il, peinant à comprendre cette animosité qu’il palpait à chaque fois qu’ils se retrouvaient dans la même pièce. « J’ai besoin de ces shakers pour bosser. A toi de voir, j’peux aussi te laisser gérer les clients qui réclament leurs boissons. » Ajouta-t-il, tentant de lui faire savoir qu’à ce jeu-là, il y avait une bonne chance qu’ils finissent tous les deux perdants.

Tu haussas les sourcils, continuant à laver n’importe quoi d’autres qu’un shaker, quand Levi s’arrêta dans son chemin de retour afin de se tourner vers toi et affirmer ne pas avoir fait de remarque sur ton efficacité. Tu levas les yeux vers lui, t’arrêtant de brosser, posant tes mains bien refermées contre les parois de l’évier, face à toi. « Tu sais aussi bien que moi que y’a pas toujours besoin de mots. » Il n’y avait pas eu besoin de mots, non plus, pour que le dédain te gagne lorsque tu le regardais. Il n’y avait pas eu besoin de mots, pas entre vous du moins, pour que le poison de la jalousie se faufile dans tes veines bouillonnantes de rage à l’image de Sahar et lui, main dans la main, s’abandonnant à la nuit. Levi te recadra, il avait raison et tu le savais, Oskár, c’était ta réaction à toi qui étais démesurée dans les circonstances. Vous étiez au boulot, t’aurais pas dû laisser ça affecter ton travail, mais le Wojna’s n’était pas trop le genre d’endroit où les collègues s’efforçaient d’être professionnels. C’était le chaos ici-bas, dans vos cœurs, dans vos êtres. Il suffisait de regarder Sahar qui s’pointait complètement défoncée pour servir ses différentes tables. Tommy qui s’cachait une bouteille de rhum sous ses fourneaux, pour les jours plus difficiles. Et toi, toi qui étais tellement amoureux de la serveuse que t’en perdais la raison. « Ouais, tu vois ça m’étonnerait même pas que tu fasses ça, parce que t’en fais souvent qu’à ta tête, toi, pas vrai ? » Demandas-tu en penchant légèrement la tête sur le côté, plissant les yeux, la menace planant dans ton regard. De savoir une femme en couple ça n’avait pas vraiment l’air de l’arrêter. Tu pris finalement quatre-cinq shakers que tu plongeas dans l’eau savonneuse, sans douceur. Plus vite tu les lavais, plus vite t’en aurais fini avec Levi et ce regard qui t’insupportait.

L’animosité qui régnait entre eux, sans qu’il ne sache pourquoi, n’avait rien d’agréable pour Levi, surtout lorsqu’on savait qu’il était le genre de type à préférer éviter de se mettre des gens à dos, surtout depuis son retour à Bowen. Alors ce soir encore, c’était l’incompréhension qui était venue habiller son regard lorsqu’Oskár s’adressa à lui, sans passer par quatre chemins. « Si tu passais ton temps à faire autre chose qu’à me détester, tu saurais que c’est pas mon genre de tourner autour du pot. » Lâcha-t-il, piqué à vif, Levi n’ayant toujours aucune idée de l’origine de ce mépris qu’il lisait aisément dans le regard de son collègue de travail, incapable de savoir où il avait pu fauter, ni où la cassure avait pu se faire. Quoiqu’il en soit, il se fit la réflexion qu’Oskár venait de lui tendre une perche pour tenter de mettre les choses à plat, une bonne fois pour toute, bien qu’il ne semblait pas enclin à une quelconque discussion. « Encore une fois, j’sais pas ce qui te fait dire ça. » Répondit-il, arquant un sourcil curieux à ce nouveau regard que lui jeta le plongeur, presque menaçant, Levi retenant un rire empli de sarcasme pour ne pas envenimer les choses. Il remarqua sans mal l’agacement dans les gestes de son interlocuteur, comprenant qu’une fois encore, c’était à ce simple échange -pas très courtois- que serait réduite leur conversation. « C’est quoi ton problème, Oskár ? » Demanda-t-il finalement, alors qu’il s’était apprêté à tourner les talons, revenant sur sa décision. « J’ai passé l’âge pour les chamailleries et crois-moi, j’ai vraiment pas envie de perdre mon temps avec tout ça. Mais j’pense que si on prenait le temps, pour une fois, de se parler, peut-être qu'on arriverait à crever l’abcès. » Il ne savait clairement pas d’où lui venait toute cette sagesse, mais une chose était sûre, c’était qu’il ne repartirait de ce service sans avoir eu une réelle discussion avec Oskár.

De ton côté, t'aimais pas forcément te mettre des gens à dos, t'y prenais pas un malin plaisir, mais t'étais aussi une personne plutôt bagarreuse alors si tu trouvais une raison de t'en prendre à quelqu'un, tu ne te gênerais pas non plus. Te mettre des gens à dos ça ne t'empêcherait pas de dormir la nuit. Contrairement à la croyance populaire, Bowen n'était pas une si petite ville que ça, t'avais moyen d'avoir bien d'autres personnes proches de toi. Certes, Levi et toi bossiez au même endroit, ce qui pouvait rendre le bon fonctionnement de la place un peu compliqué comme actuellement, mais en-dehors d'ici t'avais pas de compte à lui rendre. Il faudrait juste que t'apprennes à faire la part des choses et à faire ton boulot malgré le ressentiment. « Tu veux dire si j'perdais mon temps à essayer d'apprendre à te connaître ? Nah, merci, ça va aller. » Répliquas-tu en secouant la tête. En réalité, tu te doutais que Levi devait être un mec sympa, ou en tout cas que tu pourrais bien le prendre comme partenaire de beuverie. Tous les autres collègues du Wojna's semblaient l'apprécier. Y'avait que toi qui n'arrivais pas à le sentir, à la plus grande incompréhension des autres.  Il avait fallu que t'entendes cette anecdote de fin de soirée impliquant Levi et Sahar pour que tout dans ta tête commence à vriller dans tous les sens. Puis, tu les avais vus, ensemble. Il y avait une connexion que t'avais pas envie de confronter. « Nevermind, ok ? Si tu penses qu'à toi, ce serait comme parler à un mur. » Mais c'était toi, le mur, Oskár. C'était toi qui avais érigé une barrière entre vous deux sans même lui donner la chance de s'expliquer. C'était toi qui ne voulais rien entendre. D'ailleurs Levi revint à l'attaque en te demandant directement c'était quoi, ton problème, voulant prendre le temps de crever l'abcès, comme il le disait.  « Mon problème, Levi, c'est que t'es arrivé ici et que tu t'es cru tout permis, qu't'es même allé jusqu'à draguer ma copine sans t'gêner. Et tu crois que j'allais juste laisser ça passer sans rien dire ? » Avais-tu lâché en posant tes mains savonneuses sur le rebord de l'évier, l'eau dégoulinant de tes doigts jusque dans le lavabo.  

Il avait ruminé de son côté, cherchant ce qui avait pu déclencher cette méfiance apparente en se refaisant le fil de leurs interactions, très peu nombreuses mais à son souvenir, toujours tendues. C’était d’autant plus frustrant de savoir qu’il n’y avait que lui, qu’Oskár avec qui le courant était électrique, lui qui osait croire qu’il était plutôt apprécié du reste de ses collègues au Wojna’s. Sans trop de surprises, Oskár avait décidé de ne pas faire dans la dentelle avec lui ce soir encore, n’hésitant pas à lui reprocher un comportement qu’il jugeait arrogant. Il leva les yeux au ciel à la réplique de son collègue, qui n’était décidément pas ouvert à une quelconque conversation, ni même à des échanges ne serait-ce qu’un peu plus cordiaux. Il pouffa de sarcasme à ce qu’ajouta le plongeur, incapable de ne pas faire le rapprochement entre ses mots et la manière dont il agissait avec lui. « Tu devrais te remettre en question Oskár, entre toi et moi, le mur, c’est certainement pas moi. » Lâcha-t-il, sans même l’ombre d’une hésitation. C’était bien tout ce qu’il détestait Levi, la mauvaise foi, et semble-t-il que son collègue restait fidèle à lui-même, coupant court à cette discussion. Sauf que l’idée de perdurer des semaines, si ce n’est des mois, dans cette ambiance plus que puérile, ne l’enchantait clairement pas, Levi prenant les devants pour obtenir des explications, ou un semblant de raison qui poussait le brun à l’avoir dans son viseur. A l’entente de ses mots, Levi fronça immédiatement les sourcils, ignorant qu’Oskár entretenait une relation amoureuse avec une autre de leur collègue. Il baissa un instant les yeux, cherchant ses mots pour ne pas griller toutes ses chances d’avoir un jour une valeur aux yeux de son collègue. « Ecoute, j’suis désolé… si j’avais su que Luna et toi vous étiez ensemble, j’me serais pas permis de jouer à ça avec elle. » Lâcha-t-il, convaincu qu’il ne pouvait parler que de la blonde, bien loin d’imaginer que c’était une toute autre personne qui se trouvait dans l’équation.

C'est vrai que tu ne lui avais pas laissé une seule chance, à Levi. À son arrivée, avant que tu saches quel genre de type il était, tu t'étais comporté avec lui comme avec n'importe quel nouveau collègue, c'est-à-dire en l'observant de loin, en attendant de te faire une idée de la personne avant de l'accepter à bras ouverts dans la bande du Wojna's. Puis avant que tu puisses l'apprivoiser, apprendre à le connaître, t'avais entendu c't'histoire à propos d'une fin de quart de travail que t'aimais pas trop. Et c'était trop tard pour Levi. Juste comme ça. « Oh t'en fais pas j'essaie pas d'être autre chose qu'un mur, j'te l'accorde. J'ai pas du tout l'intention de faire des efforts avec toi. » Et c'est plus tard, quelques minutes après, que la vérita éclata. Tu lui admis enfin les raisons expliquant ce dédain viscéral. C'était son attitude auprès de ta petite amie qui te dérangeait, Oskár, toi qui t'étais découvert bien plus jaloux que ce que tu le pensais. La réponse de Levi te laissa perplexe, et ça te prit quelques secondes avant de reprendre un peu le contrôle sur ton esprit qui avait divagué un instant. « Luna ? Non, non, j'parle de Sahar. Je suis avec Sahar. » Rectifias-tu. Tu te repassas les paroles de Levi en tête et si t'aurais dû être soulagé qu'il ne semble pas trop avoir d'intérêt de ce genre-là envers Sahar, tu fus un peu agacé par les mots employés : jouer à ça avec elle. Sachant que tu adorais Luna, que c'était une proche amie à toi, ton côté protecteur refit aussi surface. Jaloux et surprotecteur. Un beau portrait, ça, Oz. « À quoi tu joues, exactement, avec Luna ? » Demandas-tu, les sourcils légèrement froncés, avec un peu moins d'animosité mais toujours sans douceur.

Il détestait ces non-dits, cette tension qu’il ne parvenait décidément pas à démanteler avec son collègue, Levi ayant rapidement compris qu’il devrait faire avec puisqu’Oskár ne semblait enclin à aucune discussion. Les seuls échanges dont les murs du Wojna’s avaient été témoins n’avaient été que professionnels, influencés par leurs responsabilités respectives, ni plus ni moins. Mais ce soir, Levi avait décidé qu’il repartirait de cette cuisine avec des explications, même si elles menaient au chaos, il saurait pourquoi Oskár l’avait dans son viseur. « Dans ce cas-là, j’vois même pas pourquoi on perd notre temps, là tout de suite. » Lâcha-t-il, presque dépité par l’attitude du plongeur, considérant sans doute qu’il manquait cruellement de maturité à réagir de cette manière. Il aurait sans doute espéré un peu plus de considération, bien qu’il comprenait à présent que ce mot n’aurait définitivement jamais sa place dans leurs échanges, jusqu’à ce que Levi ne finisse par découvrir l’origine de cet acharnement qu’il avait toujours considéré comme non justifié. Inconscient du terrain sur lequel il s’aventurait, Levi tenta une approche, sans savoir qu’il avait mentionné la mauvaise personne. « Sahar. » Répéta-t-il, après Oskár, en comprenant qu’il venait de révéler une toute autre information sans le moindre rapport. Levi fronça les sourcils, en réalisant que le brun craignait pour sa relation, l’incompréhension marquant soudainement ses traits. « Et qui t’a fait croire que je draguais Sahar, au juste ? » Demanda-t-il, la spontanéité de sa question ne pouvant que lui confirmer qu’il n’avait jamais été question de ça entre sa petite-amie et lui. Forcément, ses mots précédents n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd, lui valant une autre question, qui le mit bien plus mal à l’aise. « A rien du tout. On se cherche, ça va pas plus loin que ça. » Répondit-il, considérant qu’il n’y avait rien à dire sur ce qu’il se passait entre Luna et lui, que ce jeu de séduction n’avait rien à voir avec le sujet dont il était question ce soir.

Et encore, on ne pouvait pas parler d'échanges très professionnels, sachant qu'Oskár avait été incapable de faire la part des choses et de traiter Levi avec respect au travail, juste pour le bien-être de l'ambiance entre collègues. Tout le monde avait ressenti la tension entre les deux hommes, puisqu'à chacun de leurs échanges on avait l'impression d'assister à une guerre froide. Ça n'avait rien de très professionnel. « J'perds mon temps à chaque fois que je suis ici alors si je peux au moins t'faire un peu chier au passage, je prends. » C'était tellement enfantin d'agir de la sorte, Oskár. T'aurais pu prendre ton trou, le laisser vivre de son côté et te concentrer sur tes propres tâches. Mais non. Fallait que tu joues au mâle alpha, pour lui faire comprendre qu'ici c'était ton territoire. T'étais un ancien du Wojna's et tu voulais qu'il le perçoive. Pas pour rien que t'aimais tellement les loups. T'avais l'impression d'avoir ta meute même quand on te voyait plutôt souvent en solo. Et Sahar non seulement elle faisait partie de ta meute mais surtout, elle était celle que tu désirais, celle que tu aimais, et celle que tu ne voulais pas qu'on te prenne. Considérant Levi comme une menace, t'avais rapidement sorti les crocs, et ce soir le barman comprendrait pourquoi. Ce fut à ton tour d'être plongé dans une certaine confusion alors que lui parlait de Luna, et toi de Sahar. « Tout le monde ? » Lâchas-tu en fronçant les sourcils, à la question de Levi. « Ça ne parlait que de vous deux, à ton arrivée. Que vous vous tourniez autour, pis que vous êtes partis ensemble main dans la main, après la fermeture, un soir. Alors me mens pas. » T'avais l'impression que c'était ça, que Levi se foutait de ta gueule ou bien qu'il protégeait Sahar. Et même si c'était pas le cas, même s'il traînait plutôt avec Luna, ça te dérangeait ça aussi. À un autre niveau, mais quand même. T'appréciais trop Luna pour qu'on se joue d'elle. « T'as aucune idée à quel point des filles comme Luna, on n'en trouve pas souvent dans une vie. T'as intérêt à pas lui faire de mal. » Comme quoi peu importe ce qui se passait, t'avais une dent contre Levi, point final.

Levi, il n’avait fait que suivre le mouvement, lui qui avait pourtant essayé d’apaiser les tensions avant de comprendre qu’il était confronté à un mur. Dans un élan sans doute un peu puéril, il avait simplement décidé de rendre coup pour coup, quitte à en abuser parfois, décidant de tenir tête à l’une des figures incontournables du Wojna’s pour ne pas se faire totalement écraser. « Et c’est toi qui es censé être le plus vieux de la bande ? » Lâcha-t-il, ses lèvres étirées dans un rictus empreint de sarcasme et sans doute d'un peu de dépit. C’était exactement l’impression que lui donnait Oskár depuis le début, le genre de petit merdeux qui était prêt à lui pourrir la vie juste pour avoir à prouver sa supériorité aux yeux des autres. L’entendre se vanter qu’il prenait un malin plaisir à le rabaisser ne faisait que renforcer ses intimes convictions. Pourtant, Levi était prêt à creuser, quitte à prendre le risque que cette soirée ne vrille complètement, jusqu’au point de non retour, juste pour comprendre un tant soit peu ce qui poussait le plongeur à agir de la sorte. Puis aux mots du brun, Levi, il comprit qu’une tierce personne était en jeu, et pas n’importe qui. « Et donc t’as décidé de croire toutes ces conneries au lieu de demander des explications aux principaux concernés, dont ta copine ? » Reprit-il, arquant un sourcil curieux à ce comportement qui à ses yeux, manquait cruellement de logique. S’il n’avait pas eu vent de cette relation qui unissait la serveuse et le plongeur, Levi continuait de maintenir sa position, refusant l’idée qu’Oskár puisse se donner raison d’être aussi méfiant à son égard. Parce-qu’il y avait bien des attaches sombres, probablement toxiques, qui le liaient à Sahar, lors de ces nuits où ils avaient foulé le même chemin pour s’empoisonner l’âme, mais rien n’était semblable à ce qu’Oskár pouvait s’imaginer. « Ecoute, c’est pas mon truc de jouer les punching balls, et j’ai pas l’intention de me faire marcher dessus juste parce-que tu t’crois le maître des lieux. J’ai aucun compte à te rendre, Oskár. »

C'est vrai que t'étais l'un des plus vieux de la bande, hormis l'propriétaire, le gérant et quelques cuisiniers qui ne bossaient que les jours de semaine. Là, tu donnais l'impression complètement contraire. En même temps, sans doute qu'entre Levi et toi, ça ne se comptait qu'en quelques années à peine de différence. Et puis, l'âge n'était pas forcément synonyme de sagesse, pas dans ton cas en tout cas. Tu répondais encore énormément par l'émotion, n'arrivant pas à te détacher, à prendre un pas de recul, lorsqu'on venait te chercher au plus profond de toi. Tu réalisais que ta relation avec Sahar, c'était un territoire protégé, que tu ne laissais pas n'importe qui y laisser ses traces. « Tu vas vraiment y aller avec des piques basées sur l'âge alors qu'on a pratiquement le même âge ? T'es ridicule. » Lâchas-tu avec, à ton tour, un rictus qui en disait long sur ce que tu pensais de cette conversation. Heureusement elle évolua vers un certain contenu, même s'il n'en était pas moins ridicule, ce contenu, au moins il pourrait possiblement vous faire avancer, Levi et toi. Actuellement, vos insultes vides ne faisaient que tourner en rond alors que vous vous cherchiez sans même que le barman ne sache pourquoi. À partir de la vérité, vous pourriez déboulonner le mensonge. T'apprécias pas trop que Levi te critique à propos de ta communication au sein de ta relation. Encore une fois, il se mêlait à ce qui ne le regardait pas - d'abord en traînant de trop près avec Sahar, ensuite en remettant en question ce que vous aviez. « C'est pas avec elle que j'ai un problème, c'est avec toi. » Sauf que s'il avait été réellement question d'une infidélité, c'est effectivement avec Sahar que t'aurais eu le plus gros du problème, Oskár. T'osais juste pas l'entrevoir, la dispute, la querelle. Tu préférais t'prendre la tête avec quelqu'un qui n'avait aucune signifiance pour toi, plutôt que de risquer de perdre celle que t'aimais. « Crois-moi si j'étais maître des lieux, tu ne serais plus ici, Levi. » Dis-tu en plongeant ton regard dans le sien. « Mais va falloir qu'on continue à s'endurer. » Continuer n'était pas approprié. Vous ne vous étiez jamais rendus là, à vous endurer.

Au fond, Levi savait pertinemment que l’âge n’apaisait et n’assagissait pas tout le temps les esprits, et il lui avait fallu peu de temps pour comprendre qu’Oskár faisait parti de ceux-là. Il avait volontairement appuyé sur ce point en espérant le faire réagir, et tenter de lui faire comprendre que cet acharnement, presque gratuit sur lui, n’avait rien de justifié. « Parce-que c’est pas ridicule peut-être de décider de me pourrir la vie juste pour te satisfaire ? » Lui renvoya-t-il au visage, n’ayant aucunement l’intention de le laisser penser qu’il se laisserait piétiner par lui, même s’il se considérait sur son territoire, au milieu de sa meute. Il avait bien compris Levi, qu’il n’y aurait sans doute pas -au moins ce soir- de négociation possible avec Oskár, le plongeur semblant camper sur ses positions, comme s’il était hermétique à chacun des arguments du brun. « T’entends dire qu’on se tourne autour et qu’on se donne la main, mais ça ne reste quand même que moi le problème ? Tu vois, j’pense que tu devrais vraiment revoir ta façon de communiquer. » Ouais, c’était franchement pas malin de renchérir sur le sujet mais la frustration parlait plus fort que la raison à ce moment précis et Levi continuait de lui tenir tête, craignant qu’au moindre signe de faiblesse, Oskár ne finisse par prendre l’ascendant sur lui. « J’aurais pas bossé pour toi, dans tous les cas. » Rétorqua-t-il, hochant la tête à sa remarque suivante, croisant le regard du brun. « C’était tout ce qu’on avait à se dire j’imagine ? » Lâcha-t-il, une résignation presque palpable flottant dans l’air.

Tu ne trouvais pas cela forcément ridicule, non, de t'acharner sur lui. Parce que ça te permettait de ne pas déverser cette colère-là sur Sahar. C'était con, mais votre relation tu voulais la préserver, même si pour cela tu créais une ambiance bien pourrie avec un collègue de travail. C'était plus facile d'en vouloir à Levi que d'en vouloir à Sahar, c'était ça ton mécanisme de défense, Oskár. Aussi enfantin soit-il. « Si ce qui se passe entre nous te pourrit vraiment la vie, comme tu le dis, j'te plains de pas avoir quoi que ce soit d'autre à quoi t'accrocher. » Cette altercation ne te plaisait peut-être pas à toi non plus, mais dès que tu franchirais les portes du Wojna's, tu tâcherais de laisser le barman derrière, cette querelle enfermée dans l'établissement, sans possibilité de venir te hanter. Ce ne serait peut-être pas une réussite et sans doute que cette jalousie mal placée viendrait teinter ta relation avec Sahar, mais pour l'instant t'arrivais encore à te convaincre que non. « J'ai jamais demandé tes conseils, alors merci, mais non merci. » Il avait pourtant raison, Levi. Il fallait indéniablement que tu revois ta façon de communiquer. Cette conversation-là il aurait fallu que tu l'aies avec Sahar d'abord, mais t'avais été trop lâche d'abord, et trop colérique ensuite, ne pouvant te la fermer devant Levi. T'aurais pas pu faire semblant toute la soirée. Il fallait que ça sorte. « Tant mieux. On s'entend au moins là-dessus. » Lâcha le Mexicain à propos du fait qu'ils n'auraient jamais bossé ensemble si ça avait été de leur ressort. « Ouaip', c'était tout ce qu'on avait à se dire. » Et déjà tu ne le regardais même plus de toute façon, tu retournais à ton boulot, sans lui accorder davantage d'attention.