#77 - I need you my baby | Maddie

Il est tard, la nuit est déjà tombée depuis un moment et moi ? Qu’est ce que je fais ? Je viens de terminer de bosser, la soirée a été longue et je suis épuisée. Ce n’est pas tant le travail qui est difficile, mais tout le reste, je me sens lâche, j’ai envie de réconfort, j’aurais envie d’avoir un homme sur qui m’appuyer, mais je n’en ai pas et ne suis pas certaine d’arriver à m’ouvrir à un homme. J’ai toujours cette crainte d’être fragile, de me mettre à nue devant quelqu’un. La seule personne que j’ai, c’est ma fille et pourtant il y a certain sujet que je n’ai jamais abordé avec elle, qui sont un poid sur mes épaules, je ne peux pas l’embêter avec ça, elle a la vie devant elle et elle a le droit d’en profiter.

En arrivant à la maison, je referme discrètement la porte d’entrée et la verrouille. J’appuie mon dos contre celle-ci et je me déchausse. Il fait sombre, aucune lumière nulle part, seulement cette musique qui joue en permanence dans la maison. Maddie est comme moi, elle ne supporte pas le silence. Je reprends mon sac à main et vais le déposer à ma chambre, je reste un moment immobile devant mon lit, puis je ressors de ma chambre et fait les quelques pas qui me séparent de la chambre de Maddie. Il n’y a aucune lumière qui filtre, elle dort peut-être, mais j’entre quand même dans sa chambre et je vais la rejoindre dans son lit. Je m’étend près d’elle et la serre dans mes bras, ma tête s’appuie contre la sienne. « Tu peux dormir encore mon ange, j’avais simplement besoin d’être près de toi. Je peux dormir ici cette nuit ? » Mes doigts glissent dans sa chevelure d’ébène, je parle d’une voix douce après l’avoir entendu marmonner doucement. Il m’arrive parfois d’avoir ce besoin viscéral de dormir avec quelqu’un, de ne pas être seule et ce soir est un de ces soirs.

@Maddie Reynolds

Ce soir là, comme beaucoup de soirs, je suis seule à l'appartement. Ma mère travaille. Je n'ai jamais été une grande amie de la solitude, mais je l'ai souvent subie. Pas le choix. Ma mère assume seule les revenus de la maison, elle n'a pas d'autres moyens. Je la comprends et au fond, j'la trouve très courageuse. Après avoir mangé, j'me suis mise à mon bureau pour plancher sur mes cours. J'ai des partiels d'ici quelques semaines et même si j'trouve ça très compliqué, j'essaye de me donner les moyens. Les cheveux ramassés en un chignon lâche, je bosse, je lis, je fais des recherches. C'est chiant. Et très sincèrement, ma concentration n'excède pas quelques minutes. La musique emplie toute ma chambre. Sans s'arrêter. Il n'y a jamais de silence chez nous. Finalement, la fatigue ma gagne. Ma mère n'est pas encore rentrée. Comme souvent. J'file dans mon lit et je m'endors au rythme d'une playlist chill sur spotify. Ca me permet de ne pas trop penser et de trouver le sommeil rapidement.

Alors que je suis dans mes songes, je sens une présence à côté de moi. Je suis dans un demi sommeil mais je reconnais le parfum réconfortant de ma mère. Elle me serre dans ses bras et pose sa tête contre la mienne. J'attrape son bras et je le sers fort contre moi. Elle me caresse les cheveux et j'entends sa voix, douce et rassurante. Je m'éveille un peu plus. Ce n'est pas souvent qu'elle vient près de moi la nuit, ça arrive et généralement, c'est qu'elle ne va pas très bien. Je la connais par coeur ma maman. J'ouvre les yeux tranquillement. "J'aime bien quand tu es là. Bien sûr que tu peux rester." Je sors de mon sommeil et ressers encore un peu plus l'étreinte de ma main autour de son bras. "T'es sûre que ça va maman?"

Je n’aime pas le sentiment qui m’habite, je n’aime pas me sentir comme ça, avoir la tête dans mes pensées et me poser mille et une questions sur tout et n’importe quoi. Je n’ai pas envie de refaire le monde pourtant je me demande de quoi ma vie aurait eu l’air si je n’avais pas eu ma fille… une chose qui est certaine, c’est que je n’échangerais pas Maddie pour rien au monde, elle est ma plus grande fierté, c’est ma plus belle réussite. La question se pose tout de même, est ce que j’aurais fait comme études, comme boulot ? Rien de bien palpitant j’en suis certaine ! Ma vie n'aurait aucun sens.

Je sens que je m’apaise au contact de Maddie, une fois dans son lit, je me colle à elle et la serre contre moi. J’apprécie qu’elle réponde à l’amour que je lui donne, même si elle est à moitié endormie. Je pose un baiser sur son front. « Merci mon chaton. Je suis désolé, je ne voulais pas te réveiller. » Je ferme les yeux et me calme plus confortablement. Je laisse échapper un petit gémissement, elle me connaît par cœur, je ne peux rien lui cacher, j’ai toujours voulu la protéger, garder son cœur pur, mais elle pourrait me comprendre sans même que je ne dise un mot. « Ça va maintenant que je suis avec toi ! Ce n’est rien de très important, je suis simplement pensive ce soir. » J’ouvre les yeux et je leur laisse le temps de s’habituer à la pénombre. Je soupire doucement, j’aurais aimé lui offrir une meilleure vie, de meilleures écoles, lui laisser la chance de se faire des amies. Mes doigts glissent sur son bras dans un geste machinal. « Parfois, j’ai l’impression que je ne t’ai pas offert tout ce que tu méritais vraiment. Tu es ma plus belle réussite et j’ai peur de ne pas avoir été à la hauteur ! » Ma voix est basse, un simple murmure, elle est assez grande maintenant pour que je lui dise ce qui m’as toujours fait peur. J’ai toujours eu peur qu’elle m’en veuille, peur qu’elle pense qu’elle aurait été mieux dans une famille classique…

Ma mère m'a sorti de mes songes. Ce n'est pas souvent qu'elle vient dans mon lit comme ça. Elle le fait parfois et je sais ce que ça signifie. Généralement, elle se contente de venir me faire un bisous lorsqu'elle rentre, j'le sens à peine, et elle repart. Mais là, elle s'installe près de moi. J'peux pas l'ignorer. Impossible pour moi de me rendormir en sachant que ma mère à besoin de parler. Je la connais, elle me connait. Notre relation est forte, très forte. Je ne serais rien sans elle. C'est elle qui m'a tout apporté. C'est elle qui m'a élevé. Je n'aurais pas assez d'une seule vie pour lui donner toute la reconnaissance qu'elle mérite.

Elle est là, tout près de moi, nos gestes sont tendres, plein d'amour. J'ouvre les yeux et je devine ses contours dans l'obscurité de la chambre. Elle sent bon. Elle sent le réconfort, la vanille et l'amour. Elle me dépose un baisé sur le front, un signe de tendresse infinie. Jamais je ne pourrais me lasser de ça. J'ai beau avoir vingt ans, je me sens encore comme une enfant. Une petite fille qui a encore besoin de sa maman. Tout comme elle a besoin de moi ce soir là. "C'est rien t'inquiète pas. J'ai pas cours demain matin de toute façon." Je parle doucement, ma voix n'est pas encore réveillée. Ma maman ne peut rien me cacher et je sais que ça ne va pas fort. Elle finit par m'avouer à demi mot qu'elle est pensive. C'est un mot juste, suffisamment innocent pour ne pas m'inquiéter mais suffisamment puissant pour savoir que je dois être là pour elle. Je laisse planer un silence, je sens ses doigts caresser mon bras et elle finit par m'expliquer ce qu'elle a en tête. Je secoue doucement la mienne en signe de protestation. "T'es la maman la plus géniale du monde. Et je suis la fille la plus géniale du monde, tu as absolument tout réussi tu sais." On murmure, on est dans une bulle d'amour et de tendresse, et ça me fait un bien fou. "Tu sais, parfois, j'me dis peut-être que c'est ma présence qui t'a empêcher de vraiment vivre ta vie. Tu aurais pu avoir un amoureux, par exemple." Je souris un peu. Je parle comme une gamine de douze ans. Mais l'amour est encore quelque chose de très mystérieux pour moi.

La relation que j’entretiens avec ma fille est unique, il n’y a rien qui puisse se mettre jamais entre nous. Je le souhaite de tout mon coeur, elle sera toujours ma priorité, elle est mon tout. Une amie, une confidente et ma force, c’est grâce à elle que j’ai pu continuer d’avancer et me battre, c’est grâce à elle si je suis comme je le suis aujourd’hui. Je sais au fond de moi que je ferais toujours tout pour elle, que je la soutiendrais peu importe ses décisions. J’aurais aimé que ma famille m’aime assez pour se battre avec moi, j’aurais aimé avoir une relation avec eux assez forte, qu’il puisse connaître aussi Maddie, ils l’auraient aimé, personne ne peut ne pas l’aimer. C’est une jeune femme extraordinaire et je suis si fière d’être sa mère.

Malgré tous ces bon sentiments, je ne peux m’empêcher de me questionner, de penser que j’aurais pu faire plus que ce que je n’ai fait. J’aurais pu lui apporter une stabilité qu’elle n’a jamais eu. Elle me connaît si bien et elle est tellement généreuse, que même quand elle est sur le point de s’endormir elle s’inquiète pour moi. Je voudrais pouvoir effacer mes soucis d’un coup de chiffon, ne pas lui en dire plus. Mais, j’ai besoin de lui parler, j’ai besoin d’elle. “Tu travailles tellement fort, tu as droit au sommeil aussi. Tu sais à quel point je suis fière de toi ?” Elle a ce droit de faire des études, bien que je ne comprenne pas tous les tenants et aboutissant de ce qu’elle fait. Il y a quelques temps déjà qu’elle a dépassé mon niveau de scolarité. Je n’étais pas une mauvaise élève, mais je n’ai jamais pu me permettre de retourner à l’école. Mes doigts continuent leur mouvement sur son bras, c’est un geste automatique quand je l’ai dans mes bras. Un geste affectueux et qui me rassure plus qu’il ne doit la rassurer, puis je laisse les mots s’échapper. D’une voix douce qu’elle peut entendre, je lui exprime les doutes qui me taraudent encore aujourd’hui, même si elle est grande et maintenant adulte. “Tu as bien raison, tu es la fille la plus géniale du monde.” Un petit rire doux sort de mes lèvres et je me blotti plus confortablement. “J’ai connu l’amour Maddie, il n’y a pas de plus grand amour que celui qu’on peut éprouver pour son enfant et je t’aime encore tout autant. Ma vie sans toi n’aurait eu aucun sens. ” Je ferme les yeux un instant, profitant de la chaleur qu’elle dégage puis je continue d’une demi-voix. “Avoir un amoureux n’est pas une obligation en soi, je n’ai jamais souhaité être en couple à tout prix. Je me souviens quand même de mes premiers émois amoureux, j’avais l’impression de flotter sur un petit nuage, d’être la fille la plus extraordinaire du monde. À ce moment, je plaçais tout mon bonheur entre ses mains. Je me souviens de ces papillons qui vivaient en permanence au creux de mon estomac. Mais s’abandonner comme ça à quelqu’un, c’est aussi accepter que l’on puisse tomber et se faire mal. J’ai simplement choisi de ne plus souffrir pour un homme… ” Ce soir, je veux être honnête avec elle, répondre à ses questions. Je ne veux pas qu’elle s’empêche de vivre le bonheur ou de connaître l’amour parce que moi j’ai choisi d’y renoncer.

De toute ma vie, aussi courte soit-elle, je n'ai eu qu'un seul repère. Elle. Leewana. Ma mère. Mon modèle. Je l'ai toujours admiré, pour son courage, sa ténacité, pour l'ambition qu'elle avait pour moi. J'ai toujours grandi entouré d'amour, de bienveillance et de douceur. Elle représente tout pour moi aujourd'hui. Et plus je grandis, plus je me rends compte que ce que je partage avec ma mère aujourd'hui est d'un précieux inestimable. Jamais je ne voudrais que les choses soient autrement. Ma mère est ma confidente, la plus sincère. Je peux tout lui dire, et elle sait en retour que je peux tout entendre de sa part. Même si parfois elle me considère encore comme une petite fille, même si parfois j'ai l'impression que je voudrais voler davantage de mes propres ailes, je me conforte dans ce rôle : sa petite fille, pour toujours.

Notre petite discussion improvisée, au creux de la nuit, me fait un bien fou. La solitude, je l'ai beaucoup connue, mais d'avoir ma maman, cette nuit là, tout près de moi, ça me rassure. Comme si, à nous deux, aucune montagne n'était assez haute. Ma mère s'est démenée pour me payer des études. J'en suis aujourd'hui à ma deuxième année de paléontologie. Ce choix de cursus reste un mystère pour elle comme pour moi, mais elle voit que j'y mets tout l'énergie dont je dispose, je veux réussir, pour m'offrir un avenir stable et pour que ma mère soit fière de moi. Je souris tendrement quand elle m'affirme être déjà fière de moi. "Je veux que tu sois encore plus fière." Je peine à sortir du sommeil mais plus notre conversation avance, plus elle devient sérieuse et plus je sors de mes songes. Je sens que ma maman à besoin de parler et je ne peux pas la laisser ainsi. Elle me parle de l'amour qu'elle éprouve pour moi. Je l'écoute, bercée par sa voix douce. Je souris tendrement en écoutant la suite de ses mots. Elle me parle d'un homme, celui qu'elle a aimé à la folie étant plus jeune. Elle me parle des sensations que cela lui procurait. "L'homme qui te donnait des papillons dans le ventre, c'était mon .. père ?" Je peine à prononcer ce mot car il ne représente rien pour moi. Le terme géniteur aurait suffit. "Et ton choix, est-ce que tu penses qu'il est définitif? Tu ne pourrais pas retomber amoureuse aujourd'hui?" Je reste pensive, ça me ferait très bizarre de savoir ma mère avec un homme mais peut-être qu'elle se sentirait encore plus heureuse. Je repense à moi et à l'absence totale d'homme dans ma vie. Je m'en méfie. "Tu crois qu'un jour moi, je vais tomber amoureuse ?" Je suis curieuse de savoir ce que ma mère dirait si je ramenais un garçon à la maison.

J’aime pouvoir parler à ma fille sans tabous, avoir une conversation qui fait du sens. On a nos blagues et nos fous rires, nos sous-entendus et on se comprend avec peu de mots bien souvent. Parfois, j’aimerais qu’elle soit encore petite, quand je pouvais soigner un bobo par un bisou. Quand je pouvais la prendre contre mon coeur et la serrer dans mes bras pour la calmer. J’aimerais que tout soit aussi simple, qu’on puisse chasser tous les soucis d'un claquement de doigts. La vie n’étant pas ainsi faite, nous devons chaque jours affronter nos démons et tenter de garder la tête haute, croire en soi même quand au fond de nous, on sent la noirceur faire son nid. Cette noirceur est venue me rejoindre dans la soirée et me tient compagnie alors que je rentre à la maison.

J’ai besoin de la lumière de ma fille, cette force qu’elle me donne chaque fois que je la serre dans mes bras. Retrouver sa chaleur me fait un bien fou, blotti contre elle, je sens que je pourrais déplacer des montagnes, je sens mon courage revenir. La douceur de ce moment est magique, dans la pénombre de sa chambre, enlacée l’une contre l’autre, plus rien au monde ne compte. Il n’y a qu’elle et moi, il n’y a que ça qui compte vraiment. “Tu n’as pas à t'inquiéter, je serais toujours fière de toi. ” Le sommeil est encore présent dans sa voix et je m’en veux de la déranger alors qu’elle en a besoin, que l’école lui demande beaucoup d’énergie. Je lui répond franchement malgré les sentiments que chaque réponse fait ressurgir en moi, j’essaie de ne pas montrer le trouble qui me prend quand je reparle de son géniteur, il est le seul que je me sois permis d’aimer. Le seul à qui je me suis abandonné sans même me poser de questions. Je repousse une mèche de cheveux de Maddie avant de hocher doucement la tête. “Oui c’est lui … ” Il ne sait pas quelle personne extraordinaire notre fille est devenue. Je prends le temps de réfléchir, c’est une bonne question et je ne peux pas y répondre à la légère, mais elle mérite quand même une réponse. “Il ne faut jamais dire jamais, ou croire que quelque chose est définitif. La vie change, on rencontre des personnes qui ont chacune une importance dans notre vie. Personne n’y arrive pour rien et je ne sais pas non plus de quoi demain sera fait. Il est possible que je retombe amoureuse, je ne ferme pas la porte complètement à l’amour… ” Je ferme les yeux un instant, je le souhaite peut-être un peu au fond de moi, je souhaite trouver la personne qui saura me comprendre et qui pourra m’accompagner, m’aider à grandir encore et devenir une meilleure version de moi-même. “Je ne veux pas de quelqu’un à n’importe quel prix, mais si je trouve une bonne personne pourquoi pas ! ” Je souris, même si dans la pénombre on ne voit pas grand chose. Je devine plus que je ne vois son visage, j’écoute un moment son souffle. “Je te le souhaite Maddie, j’espère que tu trouveras une personne qui t’aimera pour ce que tu es. Ne change jamais pour plaire à quelqu’un, la personne qui t’aimera ne te le demandera pas non plus. Tu mérites tout l’amour du monde et je ne veux jamais que tu en doute. Tu as tellement à offrir ! ” J’ai eu de la chance peut-être que Maddie ne semble pas porter tant d’attention aux hommes, elle ne m’a jamais ramener personne à la maison, je ne l’ai jamais vu non plus avoir mal à cause d’un garçon. Je veux simplement qu’elle sache s’ouvrir aux bonnes personnes. Il est normal qu’elle connaisse quelques peines de coeur, c’est dans l’ordre des choses.

Parfois, je trouvais la vie très douce. Comme si tout était facile. Comme si rien n'avait jamais entravé mon existence. Et puis parfois, je me rendais compte que mon parcours était complexe, ayant grandi sans repère paternel. J'oscillais entre les deux états. Souvent, je me considérais comme chanceuse d'avoir un mère aussi incroyable que Leewana. On avait développé un telle osmose, une telle confiance l'une en l'autre, que j'avais l'agréable sensation que j'étais plus forte que tout. Et puis parfois, je me rendais compte que j'étais face à un mur. Le mur de l'âge adulte. J'avais envie d'l'escalader, sans aide de personne, mais ce mur, bien souvent, me paraissait trop haut, trop vertigineux. J'nageais entre deux eaux, la rassurante envie d'être pour toujours la petite fille de ma mère et la téméraire rage de voler enfin de mes propres ailes.

Ce soir là, ma maman avait besoin de moi, besoin de parler. Et au fur et à mesure que je grandissais, nos conversations devenaient de plus en plus intenses, profondes. J'osais davantage lui poser des questions sur ce qu'elle ressentait, sur son avis de l'amour, des hommes. Elle m'avait toujours protéger de ces derniers. J'avais grandi en m'imaginant que tous les hommes étaient mauvais. Nocifs. Mais plus le temps avançait, plus je me sentais attirée par eux. Par leur potentiel dangerosité. On en vient à parler de mon géniteur. Ma mère me confie à quel point elle avait été amoureuse de lui. Ca me donne le vertige de penser qu'elle a pu être blesser par quelqu'un d'autre. Ca me rend triste aussi. Je suis rassurée d'entendre ma mère parler d'amour avec un soupçon d'espoir. Rien n'est définitif. Je souris en écoutant ses mots. Elle a raison. "Ca me ferait trop bizarre que tu tombes amoureuse de quelqu'un. Ca voudrait dire que tu m'aimeras moins tu crois?" Je sais au fond qu'elle m'aimerait toujours mais j'ai besoin de l'entendre. Comme pour rassurer mon petit coeur. Partager ma mère avec un autre homme, je n'y avais jamais songé et pourtant, je sais que cela lui ferait du bien. De se sentir aimé et désiré par un autre.

Ce petit moment suspendu au creux de la nuit fait parti des instants que je préfère. Rien n'était prévu et on se retrouve là, toutes les deux, enlacées dans la confiance et l'amour. Je l'écoute, elle me souhaite de trouver l'amour. Sa voix douce est un baume sur mon coeur. L'amour. Ce concept encore trop étranger à moi pour que je sois réellement capable de le concevoir. Et pourtant, je sens de plus en plus l'envie de rencontrer de nouvelles personnes et de mettre mon coeur à l'épreuve de l'amour. "En tout cas, si j'tombe amoureuse, tu seras la première informée. Mais ça m'effraie un peu tout ça quand même." Partager mes peurs et mes doutes, avec ma mère, ça n'a jamais été un problème. D'autant plus que je sais qu'elle sera de bons conseils.

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je sais des choses que tu n'sais pas T'es obsédé par le vide et j'déteste ton mode de vie, et puis t'as ta part de vices mais c'est toi qu'j'veux, y'en a plein mais y'en a qu'un, c'est toi, je sais des choses que tu ne sais pas, je sais qu'on serait même pas heureux ensemble, nous sommes de ceux que la rancune sépare (c) P!A

J’ai toujours eu à me tenir droite, la tête haute. Pour continuer d’avancer, pour ne pas sombrer davantage, pour ne pas perdre la face. J’ai eu besoin d’aller chercher l’énergie au plus profond de moi, même quand je croyais qu’il était impossible de se sortir d’un cercle vicieux. Sortir de la misère, j’ai piétiné ma fierté plus d’une fois, pour ne pas que Maddie ne manque de rien, pour qu’elle ne se rende pas compte à quel point nous vivions de manière misérable. C’est elle ma force, ma raison de me battre et de me lever chaque jour et maintenant plus encore, parce que je sens qu’elle ne tardera pas à voler de ses propres ailes. J’ai peur qu’un jour, elle se rende compte qu’elle n’a plus besoin de moi, j’ai peur de perdre ma fille. Je ne sais pas ce que je serais sans elle, je me définis par elle, je suis sa mère, j’ai oublier la femme en moi.

Je l’autorise cette fois à me voir plus fragile, j’ai besoin d’elle qu’elle me rassure en quelque sorte. C’est un moment si doux, au milieu de cette nuit noire, il n’y a que nous qui existons. Ma respiration se rythme à la sienne. Parler d’amour, je ne me sens même pas légitime de le faire, je n’ai connu qu’un amour de jeunesse, tout ce que je connais sinon c’est l'appétit des hommes. Leurs besoins viscéral de posséder une femme pour marquer leur territoire en elle. Ils n’ont pas tous besoin d’aimer, mais ils ont tous besoin de cet amour charnel. J’en ai connu plus que je ne le devrais, mais je n’ai pas eu le choix, je le faisais pour elle. Les hommes m’ont longtemps dégoûté, pourtant j’ai moi aussi rêver à cet amour qu’on nous décrit dans les films. Cet amour qui est plus fort que tout… Au fond de moi, j’ai toujours voulu le connaître, mais la peur de souffrir m’en a empêché plus d’une fois. “Je ne suis pas prête à tomber amoureuse maintenant, tu as le temps de te faire à l’idée ! ” Dis-je dans un rire, ça n’arrive pas en un claquement de doigt non plus. “Tu n’as pas à être inquiète je ne pourrais jamais moins t’aimer, tu seras toujours la première dans mon coeur. Personne ne pourra jamais te prendre ta place ! ” Je la serre un peu plus dans mes bras et lui dépose un nouveau baiser sur sa joue si douce. Jamais je ne pourrais aimer quelqu’un de la façon que je l’aime. Jamais.

J’aime qu’elle me fasse confiance et qu’elle me parle. Je n’aime pas les secrets et j’espère qu’elle pourra toujours trouver une oreille en moi. Qu’elle continue de me dire ce qui se passe dans son petit coeur. Je ne voudrais pas que l’on devienne comme ces autres familles, où l'enfant cache des choses à ses parents. Je veux qu’elle puisse toujours me faire confiance et qu’elle puisse tout me dire, le beau comme le moins beau. “Qu’est-ce qui te fait si peur mon chat ? Tu sais, il y a encore des bonnes personnes. Si tu as peur, tu risques de passer à côté de belles expériences. Tu es jeune et belle, tu as la vie devant toi, tu dois en profiter.”Je ne veux pas qu’elle s’empêche de vivre des expériences, j’ai peur au fond que ce soit à cause de moi qu’elle n’ose pas.

Ma mère m'a toujours caché la dure réalité de la vie. Elle ne m'a jamais ouvertement montré qu'elle avait galéré, que parfois elle avait du toucher le fond pour espérer m'offrir une vie descente. J'étais à mille lieux d'imaginer ce qu'elle avait pu faire pour moi. J'avais juste l'impression qu'elle avait bravé les obstacles avec courage et force, et qu'aucune montagne n'était assez haute pour elle. Elle était mon exemple, sur bien des points. Mon seul repère aussi. Depuis notre arrivée à Bowen, je prenais un peu plus mon envol, mais j'avais toujours cette tendance à revenir au nid, me blottir près de ma mère et me sentir en sécurité.

On parle d'amour, de sentiments, à coeur ouvert. Pour la toute première fois, on parle d'un potentiel homme dans la vie de ma mère. Elle ne l'a pas rencontré, il n'existe peut-être même pas mais on en parle. On parle d'elle qui pourrait peut être un jour tomber amoureuse. De la place que pourrait prendre cet homme et automatiquement, j'ai besoin d'être rassurée. Je veux être sûr que cet homme ne prendra pas ma place. Je le sais au fond de moi que ma mère m'aimera toujours d'un amour inconditionnel. Je le sais et elle sait que cet amour est réciproque. Jamais je ne pourrais m'éloigner d'elle. Je m'en sens incapable. Et puis je n'en ai pas envie non plus. Je ferme les yeux en souriant paisiblement en entendant ses mots. Ce n'est pas pour maintenant et de toute façon, elle m'aimerait toujours. Comme si j'étais une petite enfant qu'il fallait rassurée. C'est comme ça que je me sens dans les bras de ma mère. "J'espère qu'il sera gentil en tout cas. Tu mérites d'être aimé uniquement par des gens gentils." Ce genre de sortie, immature et innocente, c'était tout moi. Je sens son étreinte qui se resserre autour de moi et elle me dépose un baiser sur ma joue. Je souris tendrement. Je vis pour ses moments là.

Finalement, je lui parle d'amour. Me concernant. Je lui fais part de mes interrogations et de mes peurs concernant l'amour. Je me suis toujours méfiée des hommes, comme s'il pouvait me blesser à chaque seconde. J'étais encore naïve, farouchement jeune dans ma tête. Les mots de ma mère me rassurait, je savais qu'elle était de très bons conseils et son but n'avait pas été de m'éloigner des hommes. Elle m'avait mise en garde, voilà tout. "Je sais pas de quoi j'ai peur. D'être blessée sûrement. Faut juste que je rencontre la bonne personne, voilà tout." C'était si facile à dire et si difficile à mettre en oeuvre. A cet instant, j'avais l'impression que je dirais toujours tout à ma mère, qu'elle était ma confidente pour l'éternité. Je passais mes mains autour de son cou et blottissait encore un peu plus ma tête contre sa poitrine. "Je t'aime ma maman chérie."

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Sujet: Re: #77 - I need you my baby | Maddie Mer 1 Mar 2023 - 20:48

Combien de temps encore je vais pouvoir profiter de ce genre de moment ? Combien de temps encore elle acceptera d’être ma petite fille ? Je ne veux pas que ces instants volés ici et là ne s’achèvent, j’aimerais pouvoir arrêter le temps et que plus rien ne change jamais. Mais j’ai appris beaucoup trop vite que la vie pouvait être bien cruelle et rarement, nos plans se réaliser. Il faut apprendre à y aller avec le flot et prendre chaque instant comme ils viennent. Savourer chaque moment, comme si c’était le dernier, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. La vie est un feu roulant d'événements qui se succède, bien loin d’un fleuve tranquille. Jamais le temps ne s’arrête, jamais les moments doux ne reviennent. Plus rien n’est jamais pareil.

J’ai l’impression que cette année tant de choses vont changer dans ma vie, mais je n’arrive pas à savoir de quelle manière et ça me perturbe énormément. Depuis quelque temps, je me surprend à vouloir peut-être laisser la chance à un homme d’entrer dans ma vie. Je suis pourtant terrorisé à cette idée, mais en même temps, j’ai envie de pouvoir revivre à nouveau les papillons et les joies d’une nouvelle rencontre. Je ne suis pas experte, je n’ai eu qu’une seule relation. Je ne suis pas plus expérimenté que ma fille dans le domaine, j’ai toujours refusé de laisser quelqu’un d’autre approcher de mon coeur. J’ai pourtant fait quelque chose qui ne me serait jamais venu à l’idée avant cela. J’ai inscrit mon nom pour la soirée de Saint-Valentin organisée par le maire, mais je n’ai rien dit à ma fille. Je me trouve tellement ridicule et je ne suis même pas certaine d’y participer au final. “T’es adorable ma chérie, j’ai tant de chance de t’avoir. Un jour je trouverais ce charmant monsieur, je ne suis pas pressé tu sais. ” Je ne veux pas forcer le destin, j’ai le temps de toute façon, je suis encore jeune.

Mais elle, qu’en est-il des amours de ma fille, elle ne m’a jamais parlé d’amour, d’aimer quelqu’un. En même temps, quelle chance elle avait de rencontrer quelqu’un et de le connaître assez pour éprouver des sentiments ? Nous passions notre vie à déménager et parfois, nous ne restions même pas une année complète à la même place. J’ai peur que ce soit par mal faute aussi, que ce soit à cause de ma peur, que je lui ai transmise sans le vouloir. “J’aimerais pouvoir toujours protéger ton coeur, mais tu sais, il faut tomber pour apprendre à marcher. J’ai l’impression que l’un ne vient pas sans l’autre. Protège ton coeur, mais permet lui de vivre chaque aventure Maddie.” Je la sens qu’elle se blottit comme un chaton dans le creux de mes bras. J’aime sentir sa chaleur contre moi. Comme quand elle était petite. “Je t’aime encore plus chaton. ”

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