j'ressens pas de bonheur et le soleil se couche - concho

Vers minuit. J'avais passé la soirée à flotter à côté de mon corps. Comme si j'avais été mise K.O, comme si mon esprit avait juste décidé de se mettre sur off, comme si fallait juste vivre, en pilote automatique. Sourire à ces gens qu'on croisait, faire la conversation, s'extasier sur la beauté du lieu, parler du dernier film qu'on a vu, détailler les étapes de la confection de mon déguisement d'Harley Quinn, souligner la complémentarité de mon costume d'avec celui qui évoluait un peu à côté de moi. Ailleurs. Sur une autre planète. Concho. Ca tournait en boucle dans ma tête le moment lunaire qu'on avait vécu en début de soirée. C'était v'nu de nul part, Asher, quelques mots, et puis plus rien. Le trou noir. J'repassais en boucle tout, mon histoire avec Concho, ce qu'il devait s'imaginer, ce qu'il allait penser de moi, de cette relation avec Asher qui pourtant n'était que de l'amitié. Est-ce qu'il allait me croire? Est-ce qu'il allait encore accepter de me parler? J'en savais rien et j'étais pas mal terrorisée de connaître la réponse. J'avais juste l'impression d'avoir tout gâché. Et pourtant, j'en avais des explications à lui donner. Tout un tas même. Mais clairement, c'était pas le lieu. Ca aurait été le moment, ça ouais, mais il était hors de quesiton qu'on s'mette à parler de tout ça, de ce qui avait été évoqué entre deux allées du jardin. C'était même pas pensable. Alors on avait juste continué de profiter de cette soirée, si c'était seulement possible. J'aurais eu envie d'le prendre par la main, de l'emmener loin et de lui parler. Mais j'y arrivais pas. J'avais beaucoup trop peur qu'il me rejète et que j'vois en face la réalité. Alors on avait juste passé le temps, applaudissant quand il le fallait, souriant quand il le fallait, discutant quand il le fallait. Et j'arrivais pas à lire quoi que ce soit chez lui. J'avais pas vraiment croisé son regard. J'le savais pas loin, tout au long de la soirée. Mais c'était tout. On était bien loin de la soirée que j'avais espéré. C'était d'ma faute hein, j'pouvais m'en vouloir qu'à moi même. Et j'crois que j'avais été pas mal soulagée quand le Maire avait annoncé la fin de la soirée, nous remerciant tous d'être venu et nous invitant à prendre le chemin de la sortie. Machinalement, mécaniquement, comme si on était juste des robots, on s'était mis à marcher, en direction d'abord de la sortie puis ensuite, longeant le parking, on avait pris le rue principale de Bowen. C'était toujours spécial de rentrer après une soirée déguisée, comme si d'un coup, on était une version juste risible des personnages qu'on incarnait. Est-ce qu'on allait réellement avoir une conversation sérieuse déguisé en Joker et en Harley? Ouais, j'crois que j'en avais besoin, d'lui parler. Pour de vrai. Pour la première fois depuis ce début de soirée. Les bras croisés sur ma poitrine, comme pour tenter de me réchauffer, je brisais le silence, regardant devant moi, n'arrivant pas pour l'instant à affronter son regard. "Je sais que .. je sais que c'est le truc le plus cliché que j'pourrais te dire mais .. c'est pas c'que tu crois." J'sentais mon coeur qui tambourinait contre mes côtes, beaucoup plus violemment que d'habitude, parce que cette conversation me faisaient peur. J'voulais pas l'entendre, j'voulais pas qu'elle prenne du sens dans ma tête. Et pourtant, elle était inévitable. J'lui devais au moins ça, à Concho.

@Conchobáhr Rosenbach

J’avais l’impression que la même histoire se répétait. Encore et encore. Que je serais toujours le second choix. Que j’étais l’ami, le gars avec qui ça clique bien, mais avec qui ça ne se développera pas plus que ça, parce que y’en a un autre. Y’en avait toujours un autre. Ça avait été ça avec Freja qui avait Woody. Ça avait été ça avec Alba qui avait Léo. Et maintenant c’était ça avec Joan qui avait visiblement un truc avec Asher. Mes grands coups de coeur, dans ma vie sentimentale, étaient voués à l’échec parce que je n’étais pas le numéro un. Mais moi, j’avais envie d’être avec une personne qui me choisirait moi, jour après jour. Je voulais pas être le choix par défaut. C’est ce qui m’avait trotté dans la tête toute la soirée, ça et toutes mes autres relations ratées par ma faute : Pippa, Zelda, ces femmes géniales que je n’avais pas su aimer assez. Fuck, avec Joan, j’pensais avoir trouvé. Tout trouvé. Celle qui me faisait sourire, celle qui me faisait rêver, celle qui me faisait rire, celle qui me faisait bander. Celle qui représentait le parfait équilibre que je recherchais tant. Tout ce que je voulais en une seule femme. Mais il avait fallu qu’il y en ait un autre et que finalement, j’sois le seul de nous deux sur un petit nuage, depuis les derniers mois. J’avais quand même passé le reste de la soirée d’Halloween auprès de ma Harley Quinn, c’aurait été con qu’on ne profite pas de nos efforts mis sur notre costume, mais clairement le coeur n’y était plus, même après qu’Asher soit parti récupérer son prix à la con. Même en clown il était mieux que moi. Le temps avait passé, on avait un peu dansé, regardé vingt minutes d’un film avant que j’commence à trop m’endormir dessus, et pis finalement le maire avait annoncé la fin de la soirée et on était sorti de la serre dans laquelle on se trouvait.. En silence. Est-ce que c’était la fin ? Probablement. Quand ça s’passe aussi mal avant même qu’une relation ne débute officiellement, c’est rarement bon signe. On marchait vers le parking quand Joan prit finalement la parole, les bras croisés sur sa poitrine. Je continuai à fixer droit devant moi, moi aussi. « Pourtant ça avait le mérite d’être pas mal clair, avec la démonstration à laquelle j’ai eu droit de sa part, même. Alors j’sais pas ce que tu crois que je crois mais moi j’pense que je suis plutôt sur la bonne voie. » Lâchais-je avec déception dans la voix. Je tenais beaucoup à Joan, et j’étais déjà triste de la direction que pourrait prendre cette conversation.

On avait juste vécu la soirée, l'un à côté de l'autre, mais dans deux mondes parallèles. Et j'ressassais le truc, en boucle. Et j'savais qu'il pensait que j'lui avais fais à l'envers, et que j'lui avais caché des trucs, que j'étais pas honnête dans ma relation avec lui, et que c'était pas que lui. Et pourtant, tout ça, c'était faux. Mais comment lui faire entendre ça? Après la démonstration d'Asher et le malaise qui s'en était suivi. C'était impossible. J'me sentais comme face à un mur, comme si le sort était déjà scellé. Clairement, si Concho n'avait pas été important pour moi, si j'en avais rien eu à faire de lui, j'me serais pas battu. J'aurais juste baissé les bras et j'serais passé à autre chose. Mais Concho, c'était pas personne. Au contraire. C'était clairement celui qui occupait toutes mes pensées depuis un bon p'tit moment déjà. Et depuis cette nuit de la tempête, c'est comme si on avait pris une direction, lui et moi, ensemble. Et là, ce soir, tout était remis en question. Et ça me faisait me sentir mal. J'me sentais idiote aussi, de me dire que ça, ça pourrait tout gâcher. J'me voyais pas juste rien lui dire, ne pas lui donner d'explication, j'me voyais pas ne pas tenter. Il méritait au moins ça. De la sincérité. Et j'le savais au fond, qu'Asher, il était pas important sur le plan sentimental. Notre soirée d'égarement, ça avait été une royale connerie, on en avait même rit dès le lendemain. Parce qu'il ne devait exister aucun monde dans lequel ça devrait exister. Et pourtant, c'était la réalité, et j'me la prenais en pleine face, là, ce soir. C'était peut-être la vraie première fois où j'me rendais compte que mes actes, mes agissements, pouvaient avoir un réel impact. Parce qu'en fait, là, depuis Concho, j'étais plus toute seule. J'nous voyais comme un tout. Un ensemble. Un truc uni. Et j'sentais que tout ça, justement, ce soir, ça vacillait et ça m'donnait le vertige. Perdre Concho, ça rentrait même pas dans mon mind set. Et pourtant, là, j'me sentais vulnérable, je nous sentais vulnérable. Fragile. On marche, silencieusement, avant finalement de rompre le silence, avec la phrase la plus banalement prévisible. J'ose même pas le regarder. J'veux pas encore affronter sa déception et sa peine. J'l'entendais d'ailleurs sa déception dans sa voix, et ça m'donnait un truc dans le coeur. C'était pas le froid qui me saisissait, c'était l'hypothétique fin de notre relation. Je secouais la tête en silence. "J'veux pas te mentir, Concho. Oui, il s'est passé ce que tu crois avec Asher. Et c'était vraiment une sacrée connerie. Dans l'sens où ça n'avait aucune raison d'exister. On est juste des potes." Je marquais une pause avant de me rendre compte que la priorité là, c'était de mettre une temporalité dans tout ça. Parce que moi et Asher, ça avait été avant la tempête. Bien avant que Concho et moi, ça devienne vraiment sérieux. "Et, j'sais pas si ça changera quoi que ce soit, mais j'veux que tu saches que.. la timeline a son importance. C'était avant la tempête." Je marquais un nouveau un silence. J'aurais pu arrêter de parler, maintenant, mais généralement, quand j'étais lancé, j'avais tendance à rajouter des trucs. Il commençait à le savoir Concho, que j'pouvais parler, sans trop m'arrêter. "Et cette nuit de la tempête, elle a été vraiment importante." Et même si j'venais probablement d'éclaircir une partie de l'ombre, il y en avait tout un tas encore qui subsistait au tableau. Mais j'étais prête à répondre de tout, j'allais pas abandonner cette relation, parce que j'voulais qu'il sache Concho, à quel point il était important pour moi. Même s'il ne voulait plus trop l'entendre. Il l'était. Quoi qu'il advienne.

@Conchobáhr Rosenbach

On est juste des potes, ou bien la prémisse de trop de films romantiques de style Hallmark ou Netflix à l’aube du temps des Fêtes. C’était une histoire aussi vieille que le monde, la preuve, la plupart de mes relations amoureuses provenaient d’abord de relations amicales de longue date … ça avait été ça avec les trois mères de mes enfants, ça avait été ça avec Freja, aussi. Elles avaient d’abord toutes été de très bonnes amies, certaines des meilleures amies, d’autres des amies d’enfance, des colocataires aussi. C’était la preuve que ça partait souvent de là, pas que pour moi, pour bien des gens aussi, je le savais. Ce que me confirmait Joan ne me rassurait donc aucunement. Loin de là. « J’l’ai souvent entendue celle-là, tu sais. Et peut-être que tu le penses vraiment pour le moment. Mais malheureusement, ça ne veut rien dire. J’suis bien placé pour le savoir. Ça m’est arrivé aussi. » J’esquissai un faible sourire, triste de la constatation que j’étais en train de faire. Avec Freja, c’était aussi parti d’un moment un peu “connerie”. On était tellement ivres ce soir-là, elle venait de rompre avec Woody et moi avec Zelda. On était pas tout à fait bien. On était pas tout à fait “là”. Et pourtant, ça avait été le début d’une de mes plus belles relations amoureuses. Le début de sentiments que cinq ans plus tard, je ressentais encore pour elle, même si c’était d’une autre manière. Alors, Joan se disait peut-être qu’avec Asher c’était une connerie, mais j’en savais rien et je me disais qu’elle non plus, au moment où on se parlait. Je ne connaissais pas du tout leur relation, leur vibe, leur chimie et tout ça, mais avec l’interaction dont j’avais été témoin ce soir, je me disais que ce n’était pas impossible. Et ça me brisait le cœur, ce cœur qui s’était tellement attaché à Joan dans les dernières semaines. Celle-ci ajouta qu’elle voulait que je sache que ce qui s’était passé avec Asher, c’était arrivé avant la tempête. Je posai mon regard sur elle, parce que oui, à quelque part, ça changeait un peu le truc. Elle me confirmait que la nuit de la tempête, elle avait été vraiment importante. « Pour moi aussi. » Lui confirmais-je à mon tour. C’était au lendemain de cette nuit-là que je m’étais dit que j’étais amoureux de Joan, même si je n’étais pas revenu sur ces sentiments-là de vive voix avec elle - ni avec qui que ce soit d’autre. Ma relation avec Joan, c’était un peu mon petit truc que je vivais pour moi-même, depuis l’hiver. J’avais pas eu envie d’en parler aux autres. Premièrement parce que c’était compliqué avec Freja. Deuxièmement parce que je n’avais pas envie d’en faire tout un truc et que finalement ça foire. Un peu comme c’était en train de foirer, là, la preuve. « Ça devrait changer tout un tas de trucs, la timeline. Ça devrait pas me déranger autant que ça me dérange. Mais … pourtant, j’sais pas, j’arrive pas à chasser le bad feeling que j’ai. » Admis-je, pour être bien transparent avec elle.

Tout ce que je disais, clairement, ça sonnait vraiment banal. Comme si j'enchaînais les phrases clichées, les unes après les autres. C'est pas ce que tu crois. On est juste ami. J'me détestais de dire tout ça à cet instant. Et en même temps, bah c'était juste la vérité. Asher, il était pas du tout dans mon esprit. Je ne l'avais jamais envisagé. Déjà parce qu'il était beaucoup trop vieux et pis même, il m'attirait pas. Il était génial, ça c'est certain, mais certainement pas pour partager ma vie. C'qui c'était passé, chez lui, c'était juste une connerie. Mais j'pouvais tellement comprendre que dans ma bouche et présenté comme ça, ça sonnait pas bien dans les oreilles de Concho. Je secouais cependant la tête, lorsqu'il supposait que ça pourrait finir par arriver, que Asher et moi, on aille plus loin. Lui, semblait-il, que ça lui était arrivé. Moi, ça me paraissait inconcevable. Ca rentrait même pas dans mon mindset. Mais comment lui faire comprendre ça? J'me sentais face à un mur. Comme si j'avais juste tout gâché maintenant qu'Asher était entré dans notre boucle. "Sincèrement, je sais que ça arrivera pas." que j'rajoutais après sa prise de parole. Parce que ça l'était, sincère. Même si je savais que là, à ce stade, ça changerait rien. J'lui donnais des précisions, en terme de temporalité, parce que pour moi ça avait de l'importance. Avant cette nuit de tempête, on avait pas amorcé officiellement quoi que ce soit avec Concho. Bien sûr qu'il me plaisait. Il m'avait plu dès la première seconde. Si j'avais été aussi agressive la première fois, c'est bien pour une raison. Même si clairement ça n'avait pas été la bonne manière d'amorcer les choses, il m'avait plu. C'était indéniable. Et il avait éveillé tellement de trucs en moi, il avait pris une place importante jusqu'à cette soirée de la tempête, ou pour le coup, j'avais vraiment senti une bascule. Et d'ailleurs, cette histoire d'avec Asher, j'y avais pas repensé, elle n'était jamais revenue dans la balance, parce que ça ne comptait pas. J'avais l'impression d'avancer dans le brouillard avec Concho à cet instant. Comme si on s'enfonçait un peu plus loin, à chaque pas, vers un truc sombre et sans issue. C'était un peu dramatique dans l'idée mais ouais, ça me faisait cet effet là, d'imaginer qu'il pouvait y avoir une fin à nous. Aussi brutale. Il me confirmait que pour lui aussi, cette nuit là avait été importante. Le silence se réinstalla une seconde avant que j'lui parle de cette fameuse timeline. J'savais à ce stade que c'était un argument certes, mais que ça changerait pas grand chose. Et pourtant, j'avais besoin d'lui dire, non pas de me justifier, juste de lui dire. Et la réponse de Concho me serra un peu plus le coeur. J'resserrais mes bras autour de ma poitrine, comme pour me protéger, comme pour ne pas recevoir trop fort ses doutes et ses mauvaises impressions. "J'sais pas exactement ce que tu peux ressentir là, et je déteste l'image que j'ai pu te renvoyer là." que j'dis, alors que je me suis arrêtée de marcher pour planter mon regard dans le sien. J'aurais presque envie de pleurer, mais ça s'rait tellement pas juste. Je fixe Concho, alors que la pénombre nous entoure. "J'veux pas que tu crois que j'ai une quelconque hésitation. J'en ai pas en fait. J'en ai jamais eu." J'avais l'impression de parler en vain, que tout ça, ça servait à rien. Et c'était vraiment une sensation désagréable, ça me glaçait en dedans.

@Conchobáhr Rosenbach

Je la savais sincère, Joan, c’était pas ça le problème. Je ne doutais pas une seule seconde que dans son esprit, ce qui s’était passé avec Asher, ça ne signifiait rien. C’est juste que je me disais qu’il y avait une partie de sentiments qu’elle ignorait elle-même. Si j’en étais autant convaincu, c’est probablement parce que je m’étais déjà retrouvé dans la même situation et que ça avait été le cas pour moi. Je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que l’histoire allait se reproduire, même s’il ne s’agissait pas de moi cette fois. J’étais rongé par les doutes, rongé par la déception, les remises en question. J’avais tellement l’habitude, maintenant, de ne pas être le premier choix, que je réalisais que je me protégeais avant même que la vérité éclate. C’était probablement injuste, je ne lui laissais aucune chance, à Joan, en réfléchissant de cette façon. « Je te crois. » Avais-je donc répondu, sans ajouter que ce n’était pas suffisant. La question de la chronologie, elle, aurait dû être suffisante. J’voyais bien dans le regard de Joan que depuis la nuit de la tempête, les choses avaient changé entre nous. J’le savais parce que pour moi aussi c’était le point tournant de mes sentiments. Ça aurait même dû me faire plaisir de savoir que dans le fond on était sur la même longueur d'onde. J’attendais tellement ce moment, depuis des semaines, ce moment durant lequel on parlerait un peu plus de ce qu’on attendait l’un de l’autre, de ce qu’on ressentait pour l’autre. Je ne pensais pas qu’on se le dirait à demi-mot, à quelque part dans une conversation qui ressemblait davantage à une rupture qu’à un engagement. Je ne voulais pas m’imaginer ça, mais une partie de moi sentait que ce n’était plus aussi rose et parfait que ce que je m’imaginais. Pourtant, c’était con, ça ne changeait rien, elle ne me devait rien, Joan, elle avait eu le droit de coucher avec qui elle voulait, surtout si c’était au début de notre pseudo-fréquentation. Pourtant, je n’arrivais pas à en revenir totalement. « C’est rien par rapport à ton image, Joan. Ça change rien à ce que je pense de la femme extraordinaire que t’es. C’est vraiment, mais vraiment pas ça, le truc. » Et elle sembla alors penser que je la considérais hésitante par rapport à nous deux. Il y avait un peu de ça. Mais pas que. Joan me confirmait qu’il n’y en avait jamais eu, d’hésitation. Je plongeai mon regard dans le sien, m’arrêtant de marcher vers nulle part. « On avait jamais vraiment parlé d’ça, avant. De nous deux. Quand tu dis que t’as aucune hésitation … tu m’dis que tu serais all in, avec moi ? Qu’on soit ensemble ? » Mais il y avait son all in à elle et son all in à moi, et peut-être qu’on n’avait pas la même définition. J’avais eu tellement de déceptions amoureuses par le passé. Je ne voulais plus d’une relation fragile, chambranlante. Je ne voulais plus de ce pattern de gars incapable de tenir une relation sur du long terme. Moi aussi, j’le voulais, mon happy ending.

C'était délicat tout ça, parce que clairement, Asher, j'le voyais pas comme un potentiel amant. Vraiment pas. Ca m'semblait déjà totalement irréaliste qu'on ait pu coucher ensemble une fois. Et je sais, je sais au fond de moi que ça n'arrivera plus jamais. Déjà parce que j'en ai pas envie et pis parce que ce qu'on avait avec Asher, cette amitié forte, j'voudrais pas prendre le risque de la gâcher. J'allais clairement devoir avoir une conversation avec lui aussi. Mais ça viendrait après. Là, ma priorité, c'était Concho. Parce que ma relation avec lui, j'y tenais et j'aurais jamais imaginé qu'elle puisse vacillé comme ça. Ca m'faisait me rendre compte de deux choses, d'une, qu'une relation amoureuse, peu importe la forme qu'elle prenait, était quelque chose de fragile qu'il fallait constamment entretenir, et de deux, que cette relation en particulier que j'avais avec Concho, c'était à ce stade l'une des choses les plus précieuses que j'avais. Il avait été un vrai gamechanger dans ma vie, avec son charme, son authenticité, son intelligence et son magnifique sourire. Il m'avait choppé l'âme et le coeur et d'me retrouver comme ça, ce soir, face à une potentielle fin, j'arrivais pas y croire. J'étais un peu en roue libre là, j'disais ce qui me passait par la tête, y avait pas de place à un quelconque calcul, il fallait juste que Concho sache la vérité. De A à Z. Et qu'il comprenne que Asher, d'un point de vu amoureux, ça n'existait pas. Apparement, lui, regardait tout ça de sa propre expérience. Il avait probablement connu ce genre d'amitié qui tourne à l'amour. Et j'pouvais l'entendre. Mais ses relations, son passé, ses chemins, n'étaient pas les miens. Il me disait me croire, j'avais du mal à savoir si c'était vraiment vrai. De toute façon, là, l'issue dans ma tête, c'était qu'on allait rentrer séparément et que tout s'arrêterait là. Et ça me serrait la gorge et ça m'faisait battre le coeur beaucoup trop vite. J'supposais des tas de trucs et j'essayais aussi d'être clair dans mes propos, mais c'était pas évident. Concho reprit la parole et je l'écoutais, attentivement. J'essayais de lire entre les lignes. C'est terrible hein, mais j'attendais le moindre signe qui me faisait dire "ok, c'est fini." Et j'avais pas envie que cet instant arrive. Concho s'arrêta aussi, on était au milieu de nul part, dans la nuit. Son visage était éclairé par un lampadaire, un peu plus loin. C'est vrai qu'on avait jamais parlé de nous, avec des vrais mots. On avait juste laissé le truc se faire. Et après tout, pourquoi on aurait eu besoin d'en parler ? J'veux dire, nous deux, c'était plus que des mots, plus qu'une officialisation, c'était vrai, c'était des gestes, c'était des sentiments. "J'suis assez frustrée de voir que cette conversation, sur nous, elle arrive à ce moment là. Ca aurait pu être différent, que ça sonne moins .. drama." J'me rapprochais d'un p'tit pas vers Concho, sans quitter son regard. Parce que ouais, la question qu'il me posait, j'avais la réponse toute trouvée. Depuis un bon moment déjà. Il n'y avait que lui. Sans hésitation. J'aurais pu trouver ça vertigineux d'm'engager comme ça, mais en fait, quand j'le voyais là, que j'écoutais mon coeur, j'me savais complètement amoureuse de lui. Genre vraiment. "ouais, entièrement all in. J'avais comme la sensation que c'était le cas depuis la nuit d'la tempête, qu'on était genre ensemble." Lentement, je desserrais mes bras sur ma poitrine, parce que j'avais plus froid. "C'est avec toi que j'veux être, Conchobáhr." C'était vraiment pas souvent que j'prononçais son prénom en entier, mais là, c'était fucking important.

@Conchobáhr Rosenbach

J’détestais ça, moi aussi, que cette conversation à propos de nous soit emmenée un peu de force, parce qu’on se trouvait face à une impasse. J’avais l’impression que ni l’un ni l’autre avions envie de faire marche-arrière, pas après les dernières semaines merveilleuses que nous avions pu vivre. Mais j’avais aussi l’impression que des deux, Joan était contre toute attente celle qui traverserait l’obstacle le plus vite, si elle le pouvait. Passer à la prochaine étape sans repenser à cette soirée, sans repenser à Asher. C’est que pour elle, c’était bien insignifiant, mais pour moi et toutes mes expériences foireuses, je venais d’être replongé dans mes démons. Dans mes craintes et dans mes doutes par rapport à ma propre estime de moi-même. On s’était arrêté de marcher, Joan et moi. On se regardait, debouts bien droits. « Je sais. J’aurais préféré que ça se fasse autrement, moi aussi. Et j’aurais préféré avoir l’air un peu moins con qu’avec ce maquillage de clown sadique. » Admis-je avec un mince sourire, même si au fond, je n’étais pas du tout amusé par la tournure que prenait cette soirée. Joan se rapprocha d’un pas vers moi, ne quittant pas mes yeux. J’aurais eu envie de lui prendre les mains, d’la prendre dans mes bras, de briser la froideur de ce moment. C’est sûrement tout ce qu’elle attendait, elle aussi. Mais quelque chose me retenait. Avant toute chose, je lui demandais si ce qu’elle sous-entendait, c’est qu’elle était all in pour qu’on soit ensemble, pour qu’on soit un couple. Elle me confirma ma pensée. Ça aurait dû me propulser tout là-haut, m’élever au-dessus de toutes mes remises en question. J’avais qu’à accepter, bordel, de laisser toute cette connerie derrière et qu’elle soit enfin ma copine. C’était qu’une question de mots, de secondes, et ce fantasme que je caressais depuis l’hiver, il aurait pu se concrétiser. Je m’en voulais tellement, de m’accrocher comme ça à mes déceptions du passé. J’aurais voulu ne pas avoir ce réflexe de me protéger et pourtant, j’savais bien que c’était pas si mauvais. J’avais tellement souffert. J’voulais juste être plus prudent. Quand elle me dit, sérieusement et avec sincérité, que c’était avec moi qu’elle voulait être, je faillis flancher. Mon cœur donnait l’impression d’être une guimauve au-dessus de la braise. « J’pensais que j’étais le seul à m’dire que ouais, ça ressemblait pas mal à ça. J’sais pas, parfois j’ai l’impression de ne plus être dans la game. Ça aurait pu être juste casual pour toi. Ça l’était pas pour moi. » Et je comprenais que pour elle non plus. Cela dit, les événements de ce soir me faisaient comprendre que j’avais peut-être des trucs à régler avec moi-même, et quelques certitudes à aller chercher. Je soupirai discrètement. « Tu dois te douter, avec mes enfants, et aussi quand j’te parle parfois d’anciennes relations … Que j’ai quand même un sacré bagage, et que ça a pas toujours été facile, mes histoires de cœur. Et une des raisons, c’est que longtemps j’ai été juste “l’ami”, et après ça, quand j’ai commencé à avoir des copines, ben c’est arrivé à quelques reprises que finalement, j’étais le deuxième choix, qu’il y en avait toujours un autre, avec une longueur d’avance, qui faisait de l’ombre à ma relation. » Expliquais-je. « J’crois que te voir avec Asher, voir votre dynamique, et d’savoir que vous avez couché ensemble y’a pas si longtemps que ça … ça m’a ramené à tout ça. J’ai envie d’être le premier choix, Joan. J’ai envie de soleil à la journée longue, pas d’ombre à l’horizon. Je sais que c’est con, et que ça fait super insécure, dit comme ça, mais j’ai besoin d’être choisi à tous les jours. »

Jamais je n'aurais pensé que cette histoire avec Asher ne prenne cette place là dans ma vie. Bien vite, dès le lendemain où l'on s'était réveillé avec Asher, on avait débriffé, on avait reprit les choses posément une fois la surprise passée et on en était très vite arrivé la même conclusion: quelle fucking horreur ce qu'on avait fait là! On en avait vite rigolé, on s'était charrié et Asher avait vite retrouvé sa place de meilleur ami/pote de conneries. C'était là dedans qu'il était le meilleur. Pas dans une quelconque relation avec moi. Et ça, c'était un truc bien acté dans ma tête. Alors forcément, j'avais été prise de cours quand Concho avait appris ça, d'une manière royalement classe qui plus est. Et j'avais bien vu que ça l'avait fait tiquer. Qu'il avait du mal à en revenir. Et ça m'faisait peur. Genre vraiment. De voir qu'en fin de compte, notre belle idylle depuis la tempête, elle était aussi fragile, aussi instable. Faut dire qu'on n'avait jamais mis les mots, ni au début, ni au milieu, ni jamais. On avait jamais pris le temps de le faire. Probablement parce qu'on en ressentait pas la nécessité. Mais là, ça s'imposait à nous. Et on s'était arrêté à présent, on marchait plus. Parce qu'on avait connecté nos regards. Je souris à ses mots moi aussi, c'est vrai qu'on avait l'air de deux délurés dans nos costumes. Ca s'prêtait pas tellement à la situation, Concho avec son maquillage qui lui faisait un sourire effrayant et moi, avec mes cheveux bi-colore et mon far à paupière outrancier. Même si on avait cette petite fraction de seconde à sourire, j'savais que ce qui se jouait, c'était pas amusant du tout. C'était potentiellement la fin de notre histoire. J'le sentais. J'le sentais comment c'était devenu froid entre nous, distant aussi. Comme si on s'comprenait plus. C'était assez assourdissant. J'lui disais assez sincèrement que ouais, j'étais all in avec lui. Et que j'nous considérais comme un couple depuis la tempête. Lui aussi, mais encore une fois, j'avais l'impression que c'était englobé de tout un tas de non-dits, de trucs latents, qui semblaient bien inoffensifs jusqu'alors mais qui prenait leurs vrais visages ce soir. "T'sais, pour moi aussi ça a pas toujours été lisible c'qui s'jouait entre nous." C'était pas dit sur le ton du jugement ni du reproche. C'était la vérité. Y avait eu tout un tas de fois où j'avais juste eu l'impression d'être une parfaite idiote complètement éprise de lui, et qu'il n'y avait rien en retour. Depuis la tempête, c'était beaucoup moins le cas, mais c'était une vérité. J'crois qu'avant toute chose, on manquait cruellement de communication. D'se dire les choses. Droit dans les yeux. Mais c'était tellement vertigineux de faire ça, de verbaliser ses intentions et ses émotions, ça les rendait tangible et surtout, ça les exposait au grand jour. Fallait être sacrément en confiance. Concho reprend la parole et je l'écoute. Longuement. Je prends acte de tout ce qu'il dit, et j'ai comme la sensation que le voilà, le signal de fin. Je hochais la tête, parce que tout ce qu'il disait c'était entendable, et surtout, il me disait comment il se sentait et tous ces feeling étaient parfaitement valides. Mais c'que j'comprenais, c'était que j'avais pas spécialement réussi à le convaincre. "C'est pas con du tout, Concho, c'est valide tout c'que tu me dis là. Si tes relations passées reviennent, j'imagine que c'est normal. Y a tout un set up d'évènement là qui te donne la possibilité de douter et d'avoir envie de reculer." Ca m'faisait fucking mal de dire tout ça, d'le verbaliser à mon tour. "Et ton envie d'être choisi à tous les jours, j'aurais bien envie d'te dire que moi j'le ferais, que j'ai envie de ça, mais j'ai comme la sensation que ça servirait pas à grand chose, d'te le dire." J'avais plus cette position possible, pas depuis qu'Asher venait déséquilibrer le truc, même si en terme de timeline, c'était pas aussi déconnant que ça, il avait été le point de bascule. "Est-ce que, tout c'qu'on se dit là, ça veut dire que .. y a plus tellement .. de nous?" que j'lui demandais, alors que ma gorge se serrait. J'crois que j'avais besoin que ça soit dit, que ça soit extériorisé. Parce que j'avais aussi ce besoin de frontalité. Même si je n'étais pas la spécialiste de la communication, j'avais ce truc brut, où il fallait que les choses soient dites. Même si elle me cognerait le coeur très fort.

@Conchobáhr Rosenbach