it's all coming back to me (sara)

Sourire, détacher les tickets, souhaiter bonne séance, recommencer. Cet automatisme était encré en lui, une routine réconfortante dans laquelle il ne pouvait pas se tromper, la tâche était simple. Il partageait un mot de plus aux visages familiers, qui comme lui auparavant, venaient régulièrement pour profiter du septième art. Dernière séance de la journée, la nuit s'avançait dans le paysage australien et bientôt, sur la route du retour, les étoiles allaient devenir son spectacle, il contemplait l'idée de rentrer chez lui se poser et se relaxer en regardant un film à son tour. Ce métier, s'il ne l'avait pas choisi pour les bonnes raisons, il lui correspondait bien. Il s'était lancé dedans les feux éteints, dans le noir total, l'inconnu. Mais l'inconnu ça ne lui faisait pas peur, la découverte ça le branchait, ça l'animait. Tout s’apprenait, et il avait appris, il avait monté en grade, il était maintenant agent polyvalent, il s'occupait d'un peu de tout dans le cinéma, programmer les films, les agencer, l’accueil des spectateurs et d'autres tâches qui faisaient qu'il ne voyait pas réellement le temps passer, récemment il s'était même mis à s'intéresser au côté théâtre qu'il connaissait peu, mais appréciait tout de même. Parfois il se demande ce que l'autre Charlie, celui qui avait suivi le bon chemin, faisait. Il tenait son rôle sans faille, jusqu'à flancher sur ce regard. Son regard. Il bégayait, le souffle court. Était-ce une hallucination ? Il laissait partir la brune, au visage familier et frapper par une vague de souvenir, il déconnectait. Que faire ? Il n'avait pas été capable de sortir un mot. Est-ce qu'il devait la rejoindre ? Elle était accompagnée. Il hésitait avant d'une nouvelle fois faire ce qu'il faisait de mieux : rien, il ne s'était même pas retourné. Il était lâche, il avait toujours peur de dire les mauvaises choses. Et si c'était son imagination ? Et si c'était juste une personne qui lui ressemblait ? Le film commençait et lui n'avait pas bougé. Paralysé par sa mémoire, le regret, cette amitié qui s'était terminée comme un souffle. Il repensait à la dernière fois où ils s'étaient échangés des nouvelles. Ça remontait à trop longtemps. Sara. Il regardait le cadran, les minutes se succédaient en ce qui semblait être des heures, il ne tenait plus scrutant la porte. Puis finalement, un mouvement, les portes s'ouvrent et les premières personnes sortirent. Lui se cachait un peu, comme un enfant qui avait fait une bêtise, qui ne voulait pas être vu des autres. Soudain, la brune sortie à son tour. Son cœur s'emballait en reconnaissant ce visage qu'il avait si souvent côtoyé. Ses yeux brillaient face au fantôme de son passé, d'un pas décidé, il la suivait à l'extérieur de l'établissement, agrippant doucement son épaule. « Sara ? » Aphone, les mots ne voulaient plus quitter sa gorge. Par où commencer ?

Un vendredi soir sans enfant, comme ça arrivait de plus en plus régulièrement. Woody avait récupéré Alice à l'école, c'était son week-end de garde. Sara avait fini par s'habituer à xe rythme, à devoir se séparer de sa fille durant quelques jours et elle avait même réussi à y prendre goût. Du moins à trouver comment occuper son temps plutôt que de tourner en rond dans son appartement silencieux. Ç'avait été un long travail sur elle-même, les premières fois elle s'était juste sentie démunie, abandonnée. Sa fille c'était son monde, elle avait organisé sa vie autour d'elle depuis sa naissance. Alors, elle passait beaucoup de temps chez Head Ahead, l'association dans laquelle elle s’investissait bénévolement. Et puis elle sortait un peu, renouant avec d'anciens amis, Alba et Rami par exemple, même sa petite sœur Keira. Ce soir elle avait accepté d'accompagner une collègue de travail, devenue copine, qui voulait voir Wicked. Au guichet, elle discutait avec Stacy en récupérant les tickets, ne faisant pas tellement attention au jeune homme qui les servait. Certes elle avait été polie et elle lui avait sourit. Mais Stacy lui parlait des bêtises que l'enfant terrible de sa classe avait encore faites et c’était une histoire qui la passionnait depuis la rentrée. À la fin de la séance, les deux femmes débriefèrent rapidement du film en sortant avant qu'elles se séparent. Sara allait tourner à droite pour rentrer chez elle quand elle sursauta en sentant cette main sur son épaule, elle se retourna, surprise, pour se retrouver face à Charlie. Charlie ! Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas vu ? Des souvenirs en pagaille lui revenaient en tête et, parce que Sara était Sara, elle avait toujours été très démonstrative malgré sa réserve naturelle, elle sauta au cou du garçon. Quand elle aimait les gens, ça se voyait. Charlie, je suis tellement contente de te voir ! Elle se détacha de lui avant de réaliser qu'il était le vendeur au guichet de tout à l'heure., sur le coup elle s'en voulu, comment avait-elle pu ne pas le reconnaître ? Tu travailles ici ?! Je ne t’ai pas reconnu tout à l'heure, désolée. Mais la joie repris rapidement le dessus, elle était sincèrement heureuse de le revoir et son immense sourire en témoignait.

@Charlie Peterson

Son cœur se pinçait quand elle passait comme un souffle devant lui alors qu'il n'arrivait pas à défaire ses yeux de son visage. Il aurait voulu qu'elle se retourne, qu'elle lui lance un sourire ou un signe de la main mais ce ne fut pas le cas. Charlie se raisonnait, ce n'était peut-être pas Sara, et si ça l'était, elle était accompagnée, elle ne lui devait rien, il n'allait tout de même pas lui reprocher de vivre sa vie. Si ce n'était pas la dernière séance de la journée, il n'aurait jamais trouvé le courage d'aller la déranger. Mais c'était plus fort que lui, il voulait s'assurer que c'était bien elle. Quand elle se retourna, le doute s'effaça. Ses yeux pétillaient comme le Soleil se reflétait dans de l’eau. Il ne pouvait contenir ce sourire qui illuminait son visage, heureux de la retrouver à nouveau après ces années. « Désolé je ne voulais pas t'effrayer. » Son étreinte bondé d’une chaleur réconfortante lui ramenaient les souvenirs radieux d’une allégresse jeunesse. Il la serrait un peu plus fort, pour sentir qu’elle était réelle. Dans son esprit défilait les danses, les confidences, les rires qu’ils avaient partagés et qu’il avait fini par regretter. Comment en venir à ce point ? L’éloignement avait transformer leurs dialogues en simple mot sans profondeur, des banalités qu’ils pourraient échanger avec des inconnus. « Je n'y crois pas, je ne savais pas que tu étais à Bowen ! » Depuis combien de temps ? Était-elle simplement de passage ? Est-ce qu'elle comptait lui en parler ? Son sourire se déformait quand elle lui demandait s'il travaillait ici. Il se retournait, mais de toute évidence son gilet le trahissait. « Ah oui … C'est temporaire. C'est une histoire stupide. » Ses paroles transpiraient la gêne. Il n'avait jamais ressenti de honte en faisant ce métier, le jeune homme avait toujours apprécier les films, pouvoir voir l'envers du décor était fascinant, mais ses études devaient l'emmener sur d'autres horizons, une carrière sportive, pas culturelle. Alors il redoutait le jugement de cette dernière. « Et toi, tu enseignes encore aux petits bouts ? »  D'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, elle avait toujours exprimé l'envie de devenir maîtresse d'école, projet dans lequel le trentenaire l'avait toujours soutenu. Elle était faite pour ça avec sa tendresse et sa patience sans égales. « Tu es en ville depuis longtemps ? Ça ne te tenterait pas de revenir y vivre définitivement que je puisse te voir plus souvent ? » Lançait-il en rigolant. L'idée de la savoir vivre dans cette ville à nouveau l'emplissait de joie.

Si Sara avait sursauté, c'était néanmoins une excellente surprise que de retrouver Charlie. Il faisait partie des personnes qui avaient été importantes dans sa vie à une période. La jeune femme, passionnée par la danse, avait trouvé avec lui un partenaire, mais également un ami, un confident. Ils avaient passé énormément de temps ensemble, à répéter leurs chorégraphies, jour après jour, inlassablement, pour les compétitions, pour le plaisir d'être ensemble, la danse les réunissait toujours mais à un moment c'était devenu un prétexte pour les adolescents qu'ils étaient de se retrouver, d’être ensemble tous les deux. Sara, dans sa bande de copains, n'osait pas tellement parler de sa passion, le peu de fois qu'elle l'avait évoqué, on s'était un peu moqué d’elle. Et puis Woody s'était montré un peu jaloux envers Charlie, alors qu'il n’avait pas eu de raison de l'être. Alors cette amitié, la compétition, tout ça c'était sa bulle à elle, leur bulle à Charlie et elle. Malheureusement, les années s'écoulant, ils avaient tous les deux arrêté pour se consacrer à des études sérieuses, ils étaient restés proches au départ, puis le temps avait petit à petit faire son œuvre, avec les réseaux sociaux qui arrivaient, les téléphones avec messages illimités, il était devenu plus simple de se parler par écran interposé, en promettant de se voir, mais sans réellement prendre le temps. Et puis Sara s'était mariée, évidemment elle avait invité son partenaire de danse, il avait même aidé Jamie, qui était si mauvais danseur, à répéter l'ouverture de bal. Ça leur avait permis de retrouver une complicité. Mais l’accident, les années à se reconstruire, la vie n'avait pas été tendre avec la jolie brune et elle s’était éloignée, parfois malgré elle, parfois volontairement, de beaucoup de personnes. Peterson avait été l'une d’elles. Ce soir elle était sincèrement heureuse de le revoir et la façon dont elle lui sauta au cou en était la preuve. Il resserra ses bras autour d'elle et le temps sembla s'arrêter pour Sara, ou du moins, revenir en arrière, au temps où ils étaient encore des gamins insouciants. Oui je suis de retour. Surprise ! Au fond elle était un peu tendu, son sourire se crispa légèrement, réalisant qu'elle avait tiré un trait sur beaucoup de personnes dans sa vie, des personnes qu'elle n'aurait jamais aimé perdre de vue. Surprise de trouver Charlie dans ce cinéma, après tout il avait toujours rêvé de faire un métier dans le domaine du sport, la jeune maman lui posa la question, plus curieuse qu'autre chose. Il n’y avait jamais de jugement chez elle. Pourquoi temporaire ?! C'est probablement intéressant. Sara lui sourit avec douceur. Oui, toujours ! Elle avait fait une pause dans sa carrière lorsqu'elle avait déménagé à Pékin, mais elle était heureuse de retrouver ses jeunes élèves depuis un an. Elle lâcha un profond soupir, visiblement ils avaient beaucoup de choses à rattraper elle et lui. C'était la dernière séance je crois. Tu as fini ta journée ? Je peux t’enlever pour prendre un verre ou manger ? Ou juste une balade ? Elle n'avait aucune envie de le quitter aussi rapidement, se rendant compte à quel point il lui avait manqué.


@Charlie Peterson

Son impulsivité rendait son futur incertain, il ne pouvait pas prédire où il serait demain, dans cinq ans. C'est aussi ce qui le motivait. Il savait qu'une routine n'était que chose temporaire, qu'il n'était pas piégé dans une situation qui ne lui plaisait pas. La vie était faite de plusieurs chapitres et il n'attendait pas que le chapitre final lui tombe dessus pour regretter. Il vivait, fêtait, pleurait ; il acceptait les émotions et les stades qu'elle lui donnait. Si certains passages étaient moins plaisants, il gardant en lui l'espoir que les choses pouvaient s'arranger, que le temps allait faire le travail. Charlie avait sauté sur ce métier, effaçant son rêve, ses nuits passées à bâtir quelque chose d'autre, pour caresser l'espoir d'un amour qui s'était évanoui avant même de commencer. Il n'avait cependant pas regretté sa situation, sa curiosité était assouvie, ce n'était qu'une expérience. « Ça l'est … C'est que ... » Il reprenait son souffle, démêlant ses pensées. « Je suis un peu gêné. » Il n'avait estimé qu'un métier était mieux qu'un autre, mais il repensait à ses soirées à étudier, ses multiples messages qu'il avait envoyé quand ses inquiétudes venaient embrumer sa tête, ses efforts jetés par la fenêtre. « J'aurais préféré que tu me voies sortir de mon cabinet disons. » Un jour peut-être. Un tendre sourire affiché à ses lèvres, Charlie essayait de détourner la conversation, parler d'elle, son métier et il ne fut pas étonné de découvrir qu'elle était restée fidèle à ses idées. « Totalement ! On peut même faire les trois, se balader pour aller manger et boire quelque chose. » Ses yeux se dirigeaient vers les lumières du cinéma. Son collègue qui espionnait du coin de l’œil ce qu'il se passait. « Attends-moi juste une minute, je vais chercher mes affaires et j'arrive. » Un simple demi-tour et il disparaissait dans le bâtiment, il se pressait pour ne pas la faire attendre, de peur qu'elle disparaisse et que les années les éloignent à nouveau. Il touchait deux mots à son collègue, lui demandant s'il pouvait gérer la fermeture seul et il lui répondait positivement avec un clin d’œil, Charlie ne répondait pas plus qu'un roulement des yeux. Passant la porte, la fraîcheur de la soirée attaquait son visage, son visage retrouvait son éclat à la vue de la brune qui l'attendait à l'extérieur. Elle ne s'était pas enfuie. Il la rejoignait et emboîtait le pas à ses côtés. « Tu sais, je voulais m'excuser d'avoir disparu du jour au lendemain… Je me suis laissé engloutir par les éventements de la vie. » S'il n'était pas le seul coupable dans cette histoire, il sentait le poids de la culpabilité s'envoler, le rendant plus léger. Sara avait toujours existé quelque part dans ses pensées, elle n'était simplement plus en premier plan, il avait toujours ressenti cette amère nostalgie quand il regardait ses médailles dans la chambre de ses parents. « Je suis heureux que tu sois de retour, on va peut-être pouvoir se revoir un peu plus souvent. » Il n'était qu'à moitié confiant sur ses paroles, le fait qu'ils soient tous les deux dans la même ville n'avait pas empêcher cette séparation amicale. Il profitait que le cinéma frôle la plage pour guider leur pas vers le bord de l'océan qui longeait la ville. « Alors, tu as accompli d'autres rêves que tu avais quand tu étais petite ? » La question n'était pas tant personnelle, mais il ne savait plus par où commencer après toutes ces années.