#2312 - maybe you've heard of me (jackson)

Après la dispute avec son frère, quitter la maison n'avait été que la suite logique. Ils ne pouvaient plus se voir. En réalité, son frère ne pouvait plus le voir. Charlie, lui, il aurait bien essayé d'arranger les choses, mais ce n'était pas aussi simple. Les mots auraient pu arranger les choses, mais ils n'étaient jamais sortis de la bouche du jeune homme, alors il laissait le temps s'occuper de cette plaie béante et il souffrait en silence, espérant qu'un jour, tout redevienne comme avant. À trente ans il avait fait un sac et il avait loué un appartement par loin de chez ses parents. Le début d'une nouvelle vie. S'il avait mis autant de temps à quitter le nid familial, c'était parce qu'il n'avait pas eu de raison de partir. Chez eux, il y avait passé tout sa vie, c'était sa place, il s'y était épanoui, il ne comptait pas bouger de Bowen de suite et puisqu'il n'avait jamais ramené personne à la maison, il n'avait jamais gêné personne. Les Peterson avaient toujours été unis, ils n'avaient jamais pressé leurs enfants de quitter la maison, ils s'aimaient, ils riaient, fêtaient et surmontaient les problèmes ensemble. Quand ils étaient surmontables. Passer d'une maison pleine de vie à une remplie de silence, ça l'avait effrayé, alors il avait repoussé son départ au maximum. Son premier logement avait été un recueil de silence, souffrance, solitude, il l'avait fui autant que possible, restant dehors jusqu'à ce que le Soleil chasse les étoiles. Dedans, Charlie avait ruminé ses problèmes qui matraquaient son cœur, cet appartement avait été un ring et il avait fini épuisé de ces batailles contre lui-même. La solitude, il l’appréciait dans d'autres situations, quand il la choisissait. Ce sentiment de malheur qu'il avait rencontré pour la première fois, il n'avait pas eu envie de l'affronter seul, et pourtant c'est ce qu'il avait fait, pendant longtemps. Trois longues années, avant qu'il ne reprenne son sac et n'emménage ailleurs, avec des colocataires. Charlie avait réussi à ensevelir sa plaie sous une avalanche de déni. Rien ne laissait paraître que derrière son sourire et ses singeries tambourinait le chagrin, même lui avait fini par étouffer les bruits et oublier. Dans cette nouvelle maison, une seule porte restait fermée. Un certain, Jackson était supposé y loger, mais pour Charlie ce n'était qu'une légende, un mythe que ses colocataires avaient inventés pour garder cette chambre pour eux, ne voulant pas savoir ce qu'ils y faisaient et ils pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient à vrai dire, ce n'est pas lui qui allait vérifier. Parfois ils lui disaient « Jackson est passé. » Mais Charlie ne l'avait jamais vu, même pas croisé. Difficile à croire, pourtant, son nom était sur les papiers et une multitude de signes prouvait qu'il était résident dans cette demeure. Cette absence faisait qu'il l'oubliait, il était simplement dans un coin de sa tête. Sa journée avait commencé aux aurores, après une marche pour désembuer son cerveau, il avait rejoint le Summergarden où sa journée avait filé en un éclair. Il avait convoité l'idée d’accueillir la solitude pour apprécier quelques épisodes de série avant le retour de ses colocataires. Son arrivée à la maison fut rapide, mais alors qu'il va pour passer sa clef dans la porte, son visage se referme. What the f-? La maison était déverrouillée, pourtant aucun signe des transports de ses colocs. Soudain, mille scénarios défilent dans sa tête. Poussant doucement la porte, sans un bruit et sur la pointe des pieds, il s'avance vers la pièce de vie, un regard et un sursaut. Il n'avait jamais réfléchi à comment réagir dans cette situation ; hurler ? Appeler discrètement la police ? Affronter l'ennemi ? Ça pourrait sûrement fonctionner, ce n'est pas comme s'il n'avait pas consacré la plupart de sa vie au sport. Reprenant ses esprits rapidement, toussotant pour attirer l'attention de l'homme. « Tu cherches quelque chose ? Je peux t'aider peut-être ? » Lançait-il sur un ton semi-agressif. Trop apeuré pour être convaincant. Avant qu'il puisse ouvrir la bouche, Charlie renchérissait.   « Tu t'es perdu ? Tu veux que je te ramène chez ta maman ? » Il riait presque à sa propre blague, mais réussissait à converser tant bien que mal son visage sérieux.

Qu’est-ce que ça te faisait bizarre, maintenant, d’être à la maison. T’étais tellement habitué aux chambres d’hôtel des plus grandes villes de l’Australie. Habitué de ne plus jamais pouvoir sortir de ta chambre sans croiser un collègue dans le couloir. Habitué de dormir seul même si Perry habitait pas mal toujours tes rêves. Habitué à la même routine de dormir, te lever, visiter la ville avant d’aller à la répétition puis au spectacle. Et tu recommençais. Jour après jour. Depuis maintenant huit mois. T’avais passé plus de temps à l’extérieur du Queensland qu’à Bowen, dans la dernière année, alors forcément c’était toujours un peu étrange de te retrouver dans “tes choses” : ta chambre, ta tasse à café, tes colocs. Parlant de coloc’, il y en avait un nouveau, Charlie, que t’avais même pas encore croisé. Évidemment, Poppy t’avait prévenu que la chambre de Carter avait enfin été louée par quelqu’un qui convenait à ce que vous recherchiez, mais t’avais aucune information de plus que ça : son prénom pis qu’il semblait cool. À chaque fois que t’étais revenu à Bowen pendant tes congés, depuis son emménagement, t’étais pas tombé sur lui une seule fois. Il faut dire que lors de tes brefs et peu nombreux passages, tu passais le plus clair de ton temps avec Perry, dans son lit, donc bon, tu ne croisais juste généralement pas vraiment de gens. T’étais quand même passé à la maison de temps en temps, mais lui n’y était jamais. C’était lui, le mythe, au fond. Pas toi. Bref, t’étais au salon, en train de chercher la télécommande entre tous les coussins du canapé. On aurait pu croire que t’étais un voleur en train de chercher où le stock de cocaïne était planqué, mais ça ne te traversa pas l’esprit, ça, non. Parce que t’étais chez toi. T’étais rentré avec tes clés. T’étais chez toi, bordel. Pourtant, quand quelqu’un se pointa dans la pièce de vie et te demanda si tu cherchais quelque chose et s’il pouvait t’aider, d’un ton de voix plutôt sec et agressif, tu te sentis comme un étranger dans ton propre monde. T’avais rapidement relevé la tête vers le gars qui se tenait là. T’allais dire que tu cherchais la fucking télécommande qui disparaissait tout l’temps, ici, depuis quelques temps, mais il renchérit en te demandant si t’étais perdu et s’il pouvait te ramener à ta maman. « Mais, what ? J’ai l’air d’avoir douze ans, ou quoi ? » Demandas-tu en fronçant les sourcils, l’air vraiment confus par tout ce qui se passait. « T’es qui, toi, au juste ? Genre, pas juste tu te prends pour qui, mais même, t’es qui, en général ? » Tu ne pensais pas être face à Charlie, parce que Poppy l’avait tellement vendu comme un gars cool et drôle, ça pouvait pas être lui devant toi. T'aimais pas sa vibe.

Un souffle s'échappait d'entre ses lèvres, tentant de calmer son cœur qui palpitait à l'idée de confronter un potentiel danger. Sur le vif, ses pensées s'étaient envolées, le laissant ignorant face à la situation. L'inconnu fouillait le canapé et Charlie le regardait, interdit, ne sachant pas ce qu'il cherchait. Une cachette ? Un coffre ? À cet endroit ? Peu probable, mais possible. À y réfléchir, des objets de valeur, l'australien n'en possédait pas vraiment. Il n'avait aucune envie de repayer son arc et sa batterie, mais il sait que s'ils venaient à disparaître, il pourrait toujours en retrouver. Si cet homme cherchait des bagues, des colliers ou des bracelets, alors Charlie n'était pas la bonne personne à cambrioler, mais peut-être que ce n'était pas le cas pour ses colocataires donc pour eux il tenait sa position. « Non, mais t'as pas l'air d'être à ta place non plus. Tu rentres chez les gens à chaque fois que tu vois une porte ouverte ? » Il grimaçait à sa question, ne comprenant pas qu'est-ce que cette information lui apporterait. « C'est à moi de te poser cette question. » Les deux hommes avaient l'air aussi troublés l'un que l'autre. Charlie se demandait s'il n'avait pas fait une erreur en l'abordant de cette manière. Gronder, chercher des ennuis, ce n'était pas son genre, mais voir un intrus chez lui, ce n'était pas dans ses habitudes. Il perdait ses yeux dans l'ensemble de la pièce, constatant que rien n'avait été retourné, quant au mystérieux bonhomme, il n'avait rien dans les mains et ne semblait pas pressé de quitter les lieux. « Attends ... » Son visage se crispait en  réalisant l'erreur qu'il venait sûrement de commettre. « Excuse-moi … On ne m'avait pas prévenu que tu restais plus qu'une nuit. » L'embarras se dessinait sur son visage, quand il forçait ses lèvres à s'étirer résultant à un sourire maladroit sur un visage gêné. L'ensemble était chaotique. « Moi c'est Charlie, son colocataire. » Parce que pour lui, le jeune brun qui se tenait face à lui n'était personne d'autre que la conquête d'un de ses colocataires. La situation le rendait ridicule. Il craignait qu'il rapporte cette aventure aux autres, détruisant l'image de la bonne personne qu'il avait bâti.  

T’avais pas l’air d’être à ta place, ah bon ? Pourtant, tu vivais bel et bien ici, et ce avant Poppy, et ce avant Charlie, le nouveau. Et surtout, ce avant ce mec que tu ne connaissais pas face à toi. Y’avait pas mal que Bessie qui aurait pu te dire quelque chose, puisque c’était elle qui avait été la première à louer cette maison. Après ça, t’étais le o.g. « Je rentre chez moi quand j’veux, surtout. » Tu fronças les sourcils. « Non, t’as aucune question à m’poser, là. » Pour qui est-ce qu’il se prenait ? Et pourquoi tu prenais le temps de lui répondre, bordel ? T’aurais dû être en train d’appeler la police, s’il ne voulait pas te dire qui il était et ce qu’il foutait ici. Si c’était le nouveau mec de Poppy, fine, mais il aurait pu commencer par ça comme présentation. “Hey, salut, on se connaît pas, je suis le copain de Poppy, elle m’a dit que je pouvais l’attendre ici”. Un truc comme ça, quoi. Mais non, à la place, il te faisait sentir comme si t’étais de trop alors que t’étais chez toi. Un délic sembla se faire dans la tête de ton interlocuteur, mais tu ignorais encore que ce n’était pas tout à fait le bon déclic. Au moins, il ne semblait plus te prendre pour un cambrioleur, c’était déjà ça de gagné. Mais tu demeurais assez confus. « Plus qu’une nuit … ? » Demandas-tu, pas trop certain de comprendre. L’homme se présenta finalement, comme étant le colocataire de ... de qui ? Tu le toisas pendant quelques secondes, avant que les fils ne se connectent dans ta tête. Il était donc Charlie. Le colocataire de Poppy. Mais ton colocataire à toi aussi, du coup. Et alors que toi, tu pensais qu’il était la nouvelle de conquête de Poppy, et bien c’est exactement ce que lui, il pensait de toi aussi. T’eus un rire de soulagement mêlé à de l’amusement mêlé à tout un what the fuck de cette situation. « Oh man … ce quiproquo de dingue. » Commenças-tu. « Je suis Jackson. Ton colocataire, aussi. Pas juste pour une nuit. Enfin … c’est presque ça, rendu là. » T’étais si peu présent dans la coloc’, depuis le mois de mars.

Entêté, il n'avait que faire des paroles de l'homme face à lui, elles rentraient par une oreille et ressortaient par l'autre, sans cheminement de pensée de la part de Charlie. Et si seulement il avait écouté. Il ne voyait face à lui qu'un inconnu qui ruinait ses plans et pire, qui menaçait sa sécurité. Si son cœur ne palpitait plus aussi rapidement qu'à son entrée, il restait vigilant sur ses intentions, il ne fallait qu'un mouvement de sa part pour activer la défense du trentenaire. Puis un éclair de génie était venu éclairer ses pensées enfumées par la vigilance. Il n'était pas là pour le voler, il était là pour quelqu'un, Poppy peut-être, et lui venait d'agresser le prétendant de sa colocataire sans vergogne. Un relent de honte traversait l'âme de l'agent, il s'excusait tant bien que mal. Plus mal que bien, à vrai dire. La confusion se lisait sur les deux visages et l'envie de s'enfuir de cette situation le torturait, mais sa propre idiotie le paralysait. Un rire brisait le silence gênant qui régnait dans la pièce. Son pâle faciès virait écarlate en une fraction de seconde avant d'exploser de rire à son tour. Tiraillé entre la honte, la gêne et cette ultime humiliation, il voulait disparaître, s'enterrer, ce défaire de cette maladroite situation. Mais le voici, réalisant que tout ce qu'il avait dit depuis quelques minutes resterait gravé comme étant sa première impression. « Oh boy ! » Il essayait de reprendre un peu de sérieux. « Je suis tellement désolé, le fait que tu sois Jackson était vraiment la dernière de mes options. » Avouait-il à moitié embarrassé et moitié soulagé. Si c'était la dernière de ses options, c'était également la moins hasardeuse et il se réjouissait presque de rencontrer ce mystérieux colocataire. « Promis je ne suis pas aussi idiot normalement … »  Il ne pouvait pas le confirmer à 100%, mais il pouvait toujours espérer l'être le moins possible. « Je pensais que les autres déliraient quand ils parlaient de toi, mais tu existes vraiment. » Il le taquinait gentiment pour rebondir sur ce qu'il venait de lui dire. Charlie comprenait qu'il ne pouvait pas être partout, revenir ici chaque soir était impossible et irréaliste avec un métier comme le sien. « De retour en ville ? Tu en as eu assez de voler sur ton trapèze ? » L'unique information qui était parvenue à ses oreilles : son colocataire était acrobate, une anecdote que Charlie trouvait incroyable et fascinante. Pour ses études il avait eu à pratiquer plusieurs sports et il était passé à côté de ce sport en se rabattant sur l'escalade.