Dancing in the moonlight. ➽ Joe

Dancing in the moonlight.
MALOU & JOE

Et voilà, une autre nuit de travail terminée. D'ailleurs, il était presque l'aube à présent. Les horaires, dans ce métier, variaient beaucoup, mais Malou s'y était faite au fil du temps. Elle vivait souvent en décalé, parfois elle travaillait de jour, parfois jusque minuit, parfois jusque six heures du matin, comme aujourd'hui. La seule chose dont elle rêvait à présent, c'était de rentrer chez elle et de s'effondrer sur le matelas qui faisait office de lit dans son petit appartement miteux. Elle se changeait dans les vestiaires avec les autres filles, sans leur adresser la parole comme d'habitude. Ces dernières avaient appris que Malou ne désirait guère une quelconque compagnie. Surtout que la plupart d'entre elles étaient des pimbêches hautaines ou qui riaient trop fort, pour tout et n'importe quoi. Brrr, ça lui donnait la nausée. Une fois habillée, des talons beiges aux pieds et un long manteau bleu par-dessus sa robe, elle avait beaucoup plus de classe que la prostituée qu'elle était, sur scène ou dans une chambre avec un client. Malou passa la main dans ses cheveux flamboyants et se leva pour sortir de l'établissement, en même temps que d'autres filles qui avaient également terminé leur service. Elle avait à peine fait trois pas qu'elle se tordit le pied, cassant le talon de sa chaussure par la même occasion.

« MERDE ! »

S'écria-t-elle d'une voix stridente, sous le coup de la douleur et de la fureur. Putain c'était une blague ? C'était vraiment pas le moment, elle avait pas le temps pour ça, elle voulait juste dormir bordel de merde, elle avait assez donné pour aujourd'hui. Mais déjà, une douleur brûlante enveloppait sa cheville. Fuck. Fuck fuck fuck fuck fuck. Elle avait presque envie de pleurer de colère, là.

Une floppée d'insultes sortait d'entre les lèvres de la jeune femme, insultes qu'elle destinait à sa cheville qu'elle considérait désormais comme faible et indigne. Elle était plus en colère contre elle-même qu'inquiète pour cette blessure. Ça la faisait bien chier putain, ça faisait un d'ces mal de chien. Elle qui souhaitait juste rentrer pieuter au plus vite. Et puis elle n'avait pas franchement les moyens de s'offrir une visite à l'hôpital, puis comment elle allait faire pour bosser ? Puis elle n'avait guère envie de devenir une assistée pour les semaines à venir, si cette blessure était de mauvaise augure. Malou n'était pas du genre à quémander de l'aide, de toute façon elle n'avait pas d'amis à qui demander.

« Ouais euh... J'crois que j'ai pas trop le choix. »

Grogna Malou pour répondre à la collègue qui était venue voir si tout allait bien. La rouquine avait tenté de bouger son pied, mais c'est qu'elle chiait vraiment de mal. Putain, super, bordel de poil de cul. Sur le coup, elle devait bien admettre qu'elle allait avoir du mal à se déplacer seul. Elle grommelait à voix basse, pestant contre ce mauvais sort, putain pas aujourd'hui quoi, pas maintenant. Et elle n'avait aucune envie de faire copain-copine avec une des filles du boulot. C'était une brunette, Joe si elle se rappelait bien. Elle l'avait déjà abordée plusieurs fois, et Malou l'avait remballé sans aménité. Comme elle le faisait avec tout le monde. Mais elle devait avouer que cette fille ne semblait pas méchante, et de toute façon là, elle n'irait pas bien loin si elle remballait chaque personne qui l'approchait.

« Putain merde... J'vais galérer à marcher, avec cette connerie. »

Râla encore une fois la jeune femme, avant de se relever difficilement, se tenant sur son pied valide en équilibre précaire. Elle cligna des yeux pour chasser les larmes de douleur qui s'y étaient pointées. Pas question de chialer, c'était pas son genre. Mais bordel, ça faisait vraiment mal.

Malou répondit par un grognement peu amical à la petite plaisanterie de la brune. Bah ouais, elle devait trouver ça super drôle de la voir en si mauvaise situation, qu'est-ce qu'on se marrait en effet ! C'était pas elle qu'avait le pied en feu, putain. La rouquine lui adressa un regard noir, du coin de l’œil, mais ne releva pas plus que ça. Elle était trop occupée à souffrir et à insulter sa cheville intérieurement. Puis de toute façon, elle avait besoin de l'aide de Joe et ne pouvait pas refuser. Qu'elle l'aide d'ailleurs, au lieu de lâcher des blagues débiles. C'est d'ailleurs ce que la brunette fit, s'approchant d'elle et lui proposant de s'appuyer sur son épaule. Malou n'était pas très fan des contacts physiques, détail qui allait avec le reste de son caractère farouche. Mais bon.

« Ouais euh ok. On est quand même pas tout près de l'hosto... Mais j'ai pas envie de payer un taxi, alors on fait comme ça. »

Répliqua la jeune femme, finissant par s'appuyer doucement sur Joe après quelques secondes d'hésitation. Putain, l'hôpital. Comme si elle avait de quoi payer des frais médicaux. C'était jamais qu'une galère de plus, extrêmement malvenue, remarque. Les deux jeunes femmes prirent donc la route de l'hôpital, Malou se débrouillant comme elle pouvait pour ne pas marcher trop lentement. C'était quand même sympa de la part de sa collègue, et elle ne voulait pas lui faire perdre plus de temps que nécessaire. Durant le trajet, la jolie rousse ne dit rien, réfléchissant déjà comment elle allait faire pour se payer le luxe d'un petit tour chez les toubibs.

Elles avaient l'air malignes, toutes les deux comme ça, quasi collées l'une à l'autre mais à tirer une tronche jusque par terre. N'importe qui se serait demandé ce qu'elles foutaient ensemble alors qu'elles semblaient vouloir s'éloigner l'une de l'autre et évitaient de croiser le regard l'une de l'autre. Mais bon, parfois on a pas le choix. C'était juste que là comme ça dans la rue, elles devaient former un couple assez cocasse. Totalement ridicule. Joe finit d'ailleurs par proposer d'aller chez elle, se montrant récitante à l'idée de se taper jusqu'à l'hôpital. Malou allait déjà protester, surtout par esprit de contestation, mais elle devait bien admettre que la jeune femme avait raison.

« Ouais... Ok, on fait ça. »

Marmonna la rouquine, d'un air un peu dubitatif mais acceptant néanmoins la proposition. Elle rechignait à pénétrer dans un espace qui n'était pas le sien, mais après tout, l'idée de sa collègue était tout de même plus sensée, il fallait l'avouer.

« N'empêche que ça m'emmerde c't'histoire... J'vais pas me ramener au boulot comme une handicapée. Sauf que pas de boulot, pas d'argent. Putain fais chier. »

Râla encore Malou juste avant d'arriver à l'appartement de la brune. C'est que c'était quand même vraiment pas pratique. Elle avait besoin d'argent, comme toujours, pour parvenir à nouer les deux bouts en fin de mois, ce qui était déjà bien assez difficile en temps normal. Mais elle allait pas se mettre à chialer devant Joe. Ni chez elle d'ailleurs. Elle y penserait plus tard, quand sa cheville aurait fini de lui faire un mal de chien.

« Dis-moi que t'as un ascenseur... »

Souffla Malou en tournant enfin son regard azur vers Joe. Elle ne se sentait vraiment pas de monter trois volées d'escaliers comme ça. Et elle se rappela au passage qu'elle n'avait aucun anti-douleur chez elle. Passer à la pharmacie allait faire mal à son portefeuille. M'enfin, c'était mieux que l'hôpital.