dream bigger, play the game (arthur)

Son plus gros contrat depuis … toujours. Isaiah le prenait très au sérieux, d’ailleurs ce n’était pas pour rien qu’il avait profité de cette surcharge de travail pour former une nouvelle ébéniste apprentie, Sacha. Comme il avait le monopole à Bowen des contrats d’ébéniste, croulant parfois sous la demande, il n’avait pas à se montrer égoïste. Et puis, de toute façon, ce n’était tout simplement pas dans sa nature. Un peu d’aide serait la bienvenue, aussi, alors tout le monde gagnait. Même Arthur, qui avait à son service deux artistes très motivés et passionnés par ce projet de monter le plateau de son film western. Isaiah ne s’était encore jamais tourné vers ce style puisque, disons-le, en Australie ce n’était pas vraiment le type de meubles que les gens recherchaient. Peu d’habitants avaient des portes à double-battant pour rentrer chez eux – quoique c’aurait été assez cool. C’était d’ailleurs sur ces portes qu’Isaiah avait bossé, aujourd’hui, travaillant le détail en espérant que le film serait tourné en HD afin qu’un regard admiratif du détail remarque le boulot accompli. Il venait de mettre la première couche de vernis sur le bois quand Arthur rentra dans son atelier temporaire – son sous-sol n’étant pas assez grand pour accueillir autant de décors. Et puis, il avait d’autres contrats aussi, de plus petits contrats provenant d’habitants de la ville pour une nouvelle table, une nouvelle commode, etc. Il devait donc se garder de la place. Isaiah se tourna vers le producteur avec un sourire. « Yo. T’arrives juste à temps pour la pause. Tu choisis toujours bien ton moment pour te pointer. » Releva-t-il tout en sortant un joint de son portefeuille, puisqu’il en avait une dizaine d’alignés dans l’une des poches de celui-ci. Il en sortit un deuxième, le tendant à Arthur. Il avait beau être son patron pour une durée indéterminée, ça ne les empêchait pas de se montrer sous leur vrai jour. Isaiah se dirigea vers la sortie de l’atelier loué, allumant son joint avant même d’avoir franchi la porte. Une fois à l’extérieur, il regarda Arthur de haut en bas. « Est-ce que, genre, tu dors dans un suit en satin, la nuit ? » Un peu comme dans cette série télévisée, là, avec le mec qui parlait à ses enfants pendant dix ans. Il porta le joint à ses lèvres, s’adossant au mur. Isaiah ne portait que très rarement des complets, même lors de soirées plus huppées, il fallait lui tordre un bras.

Aujourd’hui, il avait franchement envi de ne rien faire. Évidemment, il ne «pouvait pas» se le permettre. Du moins, il ne le voulait pas. Avachi sur son divan, il faisait la chiffe molle en regardant dehors la journée un peu maussade. Il gémit de douleur quand Jack, son golden retriever, sauta sur son torse.  Il le tassa puis le regarda japper et tourner en rond dans le salon, un gros sourire de chien plaqué sur son visage un peu con.  

Il est vrai que depuis une semaine Arthur l’avait moins sorti.

- Okay, okay murmura-t-il. Il lui flatta énergiquement le dessus de la tête avant de se lever péniblement.

Il décida de se rendre où il se rendait à chaque fois qu’il voulait avoir l’impression de travailler sans réellement le faire…Il pris quand même la peine de tirer les manches de sa chemise et de replacer son col avant de partir chez Isaiah avec Jack. Et après tout, il était quand même un peu curieux de voir où cette équipe de joyeux lurons ébénistes en était. Il ne les payait pas pour rien quand même. Ça c’est la partie producteur qui le pensait. Au fond de lui, la partie réalisateur avait simplement hâte de voir les portes battantes du saloon et s’imaginer les passer avec la même tronche que Clint Eastwood dans Per un pugno di dollari.

Arthur laissa son chien à l’extérieur tandis qu’il entrait mains dans les poches dans l’atelier.

- Yo. T’arrives juste à temps pour la pause. Tu choisis toujours bien ton moment pour te pointer.

Arthur lui rendit un sourire amusé.

- Si c’est pas une belle coïncidence. Je semble effectivement avoir un certain talent pour ça. Je commence à croire que c’est que tu travailles pas vraiment en fait et que c’est ton apprenti qui se tape tout le boulot.

Arthur attrapa dans un geste nonchalant conditionné par l’habitude le joint que l’ébéniste lui tendait et le déposa entre ses lèvres. Il ajouta, ses mots à moitié prononcés :

- ch’est pas frès fair four lui.

À nouveau à l’extérieur, il sortit son briquet de la poche intérieur de son veston et l'alluma.  Jack tournait autour d’eux, surtout autour d’Isaiah en fait, comme un véritable déchaîné. Arthur le calma un peu en posant une main sur sa tête. Il pris une bonne inhalation et put enfin libérer sa bouche après avoir soufflé cette fumée aux odeurs de printemps.

C’est lui qui regarda à son tour Isaiah des pieds à la tête. Il laissa planer le mystère et répondit plutôt par une question :

- Toi j’imagine que tu dors avec ces caleçons énormes et longs, genre rayés? Ceux qui tiennent vraiment pas les couilles.

Il pris une bonne «pof» et ajouta, en essayant de garder un ton sérieux, mais ses lèvres se pinçant légèrement  et ses yeux trahissant son envi de rire:

- Tu le sais que c’est pas bon pour la prostate?

Heureusement qu’Arthur était quelqu’un de plutôt ouvert et qu’il avait de l’humour, parce que franchement, Isaiah avait toujours eu pas mal de difficulté avec la relation employeur/salarié. Il n’aimait pas être sous l’autorité d’une figure quelconque, et encore moins lorsqu’il devait répondre de certains ordres. Certes, sur le plateau de tournage, Isaiah avait des directives plutôt précises à suivre, des contraintes aussi étant donné que le long-métrage se déroulait dans un environnement distinct. Toutefois, il jouissait d’une liberté au niveau de son horaire et de certains détails artistiques. Et puis, il pouvait parler à Arthur d’égal à égal, il n’avait pas le sentiment qu’il devait bien se tenir devant lui, même si le chèque qu’il recevait à la fin de la semaine était signé de sa main. « Si c’est pas une belle coïncidence. Je semble effectivement avoir un certain talent pour ça. Je commence à croire que c’est que tu travailles pas vraiment en fait et que c’est ton apprenti qui se tape tout le boulot. » Il lui rendit le même sourire amusé, accompagné d’un léger rire. C’est alors qu’il lui tendit son joint quotidien, qu’Arthur déposa entre ses lèvres. « F’est pas frès fair four lui. » Marmonna-t-il sans même démontrer le moindre effort. « C’est une "elle", by the way. » Isaiah leva les mains à la hauteur de sa taille en montrant l’atelier autour. « Et tu la vois quelque part ? » Demanda-t-il en haussant les sourcils, démontrant bien sa fierté d’être le seul à s’être pointé à cette heure-ci, aujourd’hui. Il sourit, amusé, et suivit son ami à l’extérieur de l’atelier, où ils pourraient enfin allumer ces joints. Isaiah fut tout de suite accueilli par Jack, le chien d’Arthur. Isaiah se pencha vers le clébard pour lui gratter le derrière des oreilles. « Salut toi, ouaaais saluuut. Ça fait longtemps hein ? Oh oui. Oh oui ! Le beau chien ! » Il donna un bisou sur le dessus de la tête de Jack avant de se relever et de sortir la critique quant aux éternels complets d’Arthur. Isaiah tira sur son joint en prenant bien soin de ne pas recracher la fumée là où le vent pourrait le porter jusqu’aux narines du chien. « Toi j’imagine que tu dors avec ces caleçons énormes et longs, genre rayés? Ceux qui tiennent vraiment pas les couilles. Tu le sais que c’est pas bon pour la prostate? » Isaiah esquissa un léger sourire, tentant de ne pas céder face à l’humour d’Arthur qui lui avait toujours tellement plu. Ils avaient tous les deux le sens de la répartie, ce qui donnait parfois des échanges plutôt épiques. « Non, moi je dors nu tu vois, au naturel. » Il mena de nouveau son joint à ses lèvres pour en aspirer la fumée, la laissant emplir ses poumons, avant de la laisser aller par ses narines. « Je laisse mes couilles en toute liberté, j’ai jamais eu besoin que rien ni personne ne me les tienne. » Il marqua une pause, puis ajouta : « Et ma prostate va bien, mais merci de t’en soucier, ça me touche ! » Lança-t-il, enthousiaste.

Une elle? Arthur haussa un sourcil. Il ne put s’empêcher un commentaire…

- Nooon, je ne la voie pas. Mais je te rappelle que je te paye pas pour que tu t’envoies en l’air sur les décors hein…quoiqu’après tu pourras me dire s’ils sont solides.

Il lui lança un grand sourire niais avant de rigoler et de déposer le joint sur ses lèvres. Une fois dehors, il fut content de voir Isaiah s’amuser un peu avec Jack. Ce chien avait besoin d’attention ces temps-ci et Arthur se sentait un peu mal de le délaisser comme ça.  

Il était évident que le jeune ébéniste n’allait pas arrêter l’échange là. Avec Isaiah c’était toujours ça : on jouait à se faire rire et à trouver ce qui allait coincer l’autre…parfois ça pouvait prendre du temps et c’est exactement ce qu’Arthur appréciait chez lui…ça et le fait qu’il n’avait pas l’impression de se faire traiter comme un «boss»…Arthur essayait de créer un sentiment de convivialité avec toutes les personnes avec qui il travaillait,  mais avec lui c’était différent. Il n’avait pas à instaurer consciemment la nonchalance dans leur relation, elle était tout simplement là.

- Non, moi je dors nu tu vois, au naturel.

Arthur laissa échapper en saccade la fumée de sa bouche dans un petit rire qu’il ne put réprimer. Il hocha la tête en ramenant l’herbe à ses lèvres. Il laissa ensuite tomber un peu de cendre et répondit tout en laissant s’en aller l’air.

- Faciiiile. Je suis déçu. Un habit de constructeur aurait été mieux.

Isaiah poursuivit : « Je laisse mes couilles en toute liberté, j’ai jamais eu besoin que rien ni personne ne me les tienne. Et ma prostate va bien, mais merci de t’en soucier, ça me touche ! »

Arthur marcha un peu, plutôt piétina le gazon autour de lui. Il baissa la tête, tenta de prendre un air sérieux et la releva vers son ami, une fois satisfait du sourire enlevé de sur ses lèvres.

- Écoute,  je voudrais surtout pas te toucher…

Finalement il rigola un peu avant de poursuivre, l’air sérieux ayant du mal à tenir sous l’effet du pot qui commençait à se faire sentir :

- Tu t’en ai déjà si bien tiré à date sans que personne n’ait à le faire. Je voudrais pas opprimer tes si libres couilles.

Il pinça ses lèvres, il avait simplement envie d'éclater de rire.

Le trois quart du joint avait été fumé. Il prit le fixe sur son chien. Il avait une drôle de tête tout d’un coup.

« Nooon, je ne la voie pas. Mais je te rappelle que je te paye pas pour que tu t’envoies en l’air sur les décors hein…quoiqu’après tu pourras me dire s’ils sont solides. » Isaiah éclata de rire. Si seulement Arthur savait à quel point il était éperdument amoureux d’Ezekielle, contre toute attente. Il lui était fidèle depuis le début, lui qui s’était toujours considéré libre de faire ce qu’il voulait quand bon lui semblait. Le truc était que depuis qu’il était avec elle, il n’avait pas envie de faire quoi que ce soit d’autre avec qui que ce soit d’autre. « Pas besoin de m’envoyer en l’air dessus pour le savoir, c’est moi qui les ai construits, alors forcément ils sont solides. » Se vanta-t-il en prenant un air de grosse merde.

Les deux artistes sortirent de l’atelier pour fumer leur joint, loin de tous ces décors qui pourraient trop facilement prendre feu s’ils jouaient un peu trop aux cons. Isaiah retrouva Jack, son grand ami canin, et s’occupa un peu de lui avant de redonner son attention à son maître. Le maître du chien, pas le maître d’Isaiah. À cause de la remarque de l’ébéniste sur l’hypothétique pyjama d’Arthur, ce dernier s’enflamma dans une conversation sur ce qui pourrait être le pyjama d’Isaiah. Évidemment, ce dernier ne se fit pas prier pour alimenter le débat. « Faciiiile. Je suis déçu. Un habit de constructeur aurait été mieux. » Il recracha la fumée qu’il venait d’inhaler, avant de répondre : « Ouais mais c’est un peu trop irritant pour les couilles justement. » Et c’est là qu’il parla du fait que dormir nu permettait à ses couilles d’être en toute liberté. Arthur, pendant ce temps, l’écoutait sans doute d’une oreille en marchant sur le gazon un peu plus loin. « Écoute, je voudrais surtout pas te toucher… Tu t’en ai déjà si bien tiré à date sans que personne n’ait à le faire. Je voudrais pas opprimer tes si libres couilles. » Il hocha la tête, portant une main à sa poitrine, vis-à-vis son cœur. Un air abattu au visage. « J’suis un peu déçu que tu affirmes avec autant de certitude ne pas vouloir me toucher, no homo. Mais je comprends, hein. Faudrait pas qu’il y ait d’ambigüité dans notre relation de travail. » Déclara l’artiste, avant de laisser tomber son joint par terre et de l’écraser avec son pied, avant de le ramasser et de le jeter dans une poubelle. Il n’allait quand même pas le laisser traîner sur le trottoir, ce n’était pas très correct. « Bon, on rentre et j’te montre ce que j’ai terminé aujourd’hui ? » Il avait pas l’air bien, Arthur, à fixer son chien comme ça. En même temps, c’est vrai que Jack avait une sale tête.

Arthur regarda en riant Isaiah jouer le gars super touché tandis qu’il tapait sa poitrine d’un air lamentable.

- No homo? Ouais, tu feras ça à d’autre, en vrai t’es franchement déçu que je vienne pas vérifier moi-même si ta prostate va bien. Tu devrais peut-être y penser à le faire sur des décors avec ton assistante… tu ne penserais plus aux «ambigüités» potentielles de notre relation.

Il haussa des sourcils pervers, puis prit ensuite un air songeur.

- Mais attends, t’es avec quelqu’un ou pas en fait? Je le sais même pas!

C’est lui qui prit alors un air faussement désolé et heurté dans ses sentiments avec des gestes théâtrales.

- Moi je pensais qu’on était proche et tu partages même pas les informations névralgiques de ce grandiose aspect de ta vie. Faut me le dire si t’es aux hommes, je vais arrêter d’en faire des blagues tu sais.

Il rigola, attendant quand même une réponse.  Il se débarrassa à son tour du mégot de son joint. Oui, la tronche de Jack était amusante. Arthur, à chaque fois qu’il était gelé, avait vraiment l’impression que son chien le savait. Le golden retriver les suivit jusqu’à la porte de l’atelier.  Arthur s’accroupit et le flatta. Il fit un air piteux à Isaiah, les yeux un peu rougis.

- C’mon on peut le faire rentrer? Il va être saaage! Hein tu vas être sage! Oui tu vas être sage! dit-il en flattant les oreilles de Jack.

Quelle belle idée! Isaiah, bizarrement, accepta. Il devait commencer lui aussi à subir les effets calmant du joint qui rend les gens un peu lay-back sur tout. Le trio entra dans l’atelier.

Arthur devenu silencieux se mit à observer les décors. Il passa la main sur les tabourets du saloon, sentant les grains du bois rouler sous sa paume et aperçut la porte sur laquelle Isaiah avait travaillée un peu plus tôt. Il leva des yeux pétillants sur lui.

- WOAaaaah….mais c’est parfaaaaait.

Dans un élan, il s’assit sur le banc.

Isaiah éclata de rire aux propos d’Arthur. Honnêtement, il se fichait bien que ça ait l’air homo ou pas, ce qu’il disait. Il se fichait aussi de si son patron temporaire était en train de se faire des idées sur sa personne. Ce ne serait ni faux ni vrai. Il n’était pas en train de le draguer, parce que son cœur appartenait à une autre, mais il aurait bien pu le faire en d’autres circonstances. Si Isaiah était libre dans sa manière de vivre, il l’était tout autant dans sa façon d’aimer. « Elle a l’air de t’intéresser mon assistante ! Tu sais, t’as le champ libre, j’t’accorde qu’elle est jolie mais ça fait un petit moment maintenant que j’ai accepté la monogamie comme mode de vie. » Lui répondit Isaiah, remarquant bien qu’Arthur avait mentionné son assistante pour la deuxième fois en moins de dix minutes. Peut-être que Sacha lui avait tapé dans l’œil. Il était vrai qu’elle avait un très beau genre. Son patron temporaire lui demanda alors s’il avait quelqu’un ou pas, en fait, vue sa dernière remarque. Il ajouta qu’Isaiah ne partageait pas ces grands aspects de sa vie avec lui, et que s’il était aux hommes, il n’avait qu’à le dire. Isaiah rigola. « J’suis pas dans une de ces catégories à la con. J’aime l’être humain en général, peu importe ce qui se trouve entre ses jambes. Mais sinon, ouais, j’ai quelqu’un ! Ezekielle, qu’elle s’appelle. On s’est rencontrés pendant notre tour du monde et elle est venue me rejoindre à Bowen pour me faire la surprise. » Raconta-t-il en écourtant grandement la longue histoire qu’Ezekielle et lui partageaient. Le jeune homme planta son regard dans celui d’Arthur, un petit sourire au coin des lèvres. « Et toi ? » Isaiah avait beau être un moulin à paroles, il n’aimait pas parler que de lui. Et puis, à voir tous les propos sexualisés qu’adoptait Arthur, il serait intéressant de savoir si cela n’était qu’un rôle cachant un cœur déjà pris ou pas.

Une fois leurs joints terminés, les deux hommes décidèrent de rentrer à l’intérieur pour voir les décors. Arthur demanda à ce que le chien rentre. « C’toi le boss, tu fais c’que tu veux ! » Isaiah rigola en tirant la porte et en laissant passer l’homme et son chien d’abord, avant de s’engouffrer à son tour à l’intérieur de l’atelier plus frais grâce à la climatisation. Arthur observa les décors pendant que le chien, lui, les reniflait en agitant la queue. Il était vrai que l’odeur de bois et de vernis était enivrante. « Woh, woh, there’s not such thing as perfect. » Releva-t-il en passant sa main sur la porte du saloon. « Mais elle est plutôt réussie, ouaip. » Il sourit. « T’as pas les costumes pas loin ? J’aurais envie de me mettre à fond dans l’ambiance, quoi. » Demanda-t-il avec une soudaine hâte au cœur. Il s’imaginait déjà avec le chapeau et les franges le long des bras, et un revolver pourquoi pas. Y’aurait plus assez de place pour Arthur et lui ici.

Arthur sourit en hochant la tête. Il comprenait bien le sentiment qu’il décrivait. Il avait beaucoup plus d’expérience avec les femmes, mais l’idée de s’intéresser à quelqu’un du même sexe que lui ne le rebutait pas. Donc Isaiah était pris…une histoire qui semblait plutôt romantique en plus. Ezekielle…il se demandait quel genre de personne elle pouvait être. Probablement quelqu’un qui avait de l’humour. Du moins il lui souhaitait….Et un tour du monde? Il réalisait qu’il ne connaissait pas de choses sur lui, certains aspects de sa vie et de son passé lui étaient totalement inconnus.

- Un tour du monde? Pendant combien de temps? C’est fou que tu aies fait ça! Tu es allé où? Tu viens d’où en fait? Tu es né ici?

Il écouta sa réponse, jouant avec une brindille machinalement, bon l’effet du pot se faisait sentir et bien qu’il ne manquait aucun mot, ses yeux étaient incapables de s’arrêter quelque part. Le «Et toi» lui fit toutefois tourner la tête. Il ouvrit la bouche, mais n’émit aucun son. Il la referma, fronça légèrement les sourcils puis lui répondit le plus simplement possible.

- J’étais marié, en fait. Mais là, elle est morte.

Il se racla la gorge.

- Ça ne fait que quelques mois. C’est encore étrange d’en parler.

Il sourit et fit un geste de la main comme pour chasser le sujet. Il n’avait pas envi d’y penser. Pas en ce moment.

- Elle est comment Ezekielle?

Isaiah la décrit brièvement, avec ce regard charmant qu’ont les gens amoureux. Ils rentrèrent ensuite à l’intérieur, accompagnés de Jack. L’ébéniste lui demanda alors s’il avait des costumes sous la main. Arthur leva un sourcil.

- Je t’avais amener il me semble deux revolver dont il fallait retravailler les manches en bois.

Il parcourut l’atelier du regard et les vit trainer sur un établi. Il s’approcha les attrapa, vérifia qu’ils étaient vides. Il avait cherché longtemps avant de les trouver. Ils étaient d’époques et non pas des répliques. Il en lança un nonchalamment en direction d’Isaiah qui l’attrapa en souriant. Aucun des deux hommes ne pensaient au chien. Il n’y avait qu’eux.

Arthur éclata de rire.

- OK, dit-il en riait toujours un peu, là tu dois entrer dans le saloon par les portes là!! Et avoir l’air méchant.

Il est vrai qu’Arthur et Isaiah en était presque encore au stade d’inconnus. Ils ne connaissaient pas les aspects les plus importants de la vie de l’autre, et même les détails étaient laissés de côté. En dehors du métier exercé par l’un et l’autre, ça se résumait pas mal à ça, et à quelques blagues franchement déplacées et idiotes qui avaient permis de tisser un lien sans passer par tous les autres chemins. Ça ne posait pas plus de problème que ça à Isaiah, pour lui toutes les relations étaient les bienvenues, peu importe le niveau où elles en étaient rendues. Avec le temps, ils apprendraient à se connaître, et la journée actuelle semblait d’ailleurs être sur un bon départ pour ça. « Pendant cinq ans, environ. J’suis allé en Asie, en Europe, dans le nord de l’Afrique et finalement en Amérique latine et centrale. » Après avoir répondu à cela, il se concentra fort fort pour se rappeler des autres questions d’Arthur. Il les avait shootées avec entrain mais surtout rapidité, et les facultés affaiblies d’Isaiah n’avaient pas forcément su gérer toute l’information. « Ah et je suis né en Nouvelle-Zélande. Et attache ta tuque pour le nom de ma ville de naissance … Paraparaumu !! » Dit-il avec son accent de là-bas avant de rire. C’était un nom vraiment drôle à dire après avoir fumé. « Paraparaumu Paraparaumu Papararomu … » Essaya-t-il de répéter rapidement ; un vrai virelangue ! Il parla ensuite d’Ezekielle, avant de poliment renvoyer la question à son patron concernant ses amours. Il le regretta bien vite, surtout parce qu’ils n’étaient pas trop en état d’en parler. Dans d’autres circonstances, Isaiah lui aurait volontiers prêté oreille, mais là, il sentait qu’il allait sortir des conneries. « Oh. Je suis … je suis désolé. » Il allait demander de quoi elle était décédée, mais Arthur fit un geste de la main signifiant qu’il ne désirait pas s’étaler sur le sujet. Isaiah hocha la tête et releva les yeux vers lui quand il lui demanda comment était Ezekielle. « Elle est … libre. Elle fait ce qu’elle veut, ne s’écoute qu’elle, vit selon ses propres règles … elle est ouverte sur les autres, elle est toujours prête à tendre la main … Elle est … elle est vraiment unique. » Il sourit. À la décrire, on aurait pu croire qu’il se décrivait lui-même. Ezekielle et lui étaient vraiment faits l’un pour l’autre. Finalement, quand ils furent à l’intérieur, Isaiah demanda à Arthur s’il avait des costumes. Le jeune homme n’aurait jamais la chance de jouer dans ses décors, alors pourquoi ne pas le faire maintenant ? Arthur lui parla des deux revolvers dont Isaiah n’avait absolument aucun souvenir. « Ah, euh, oui, c’est vrai, ceux-là ! » S’exclama-t-il en n’ayant franchement aucune idée de quoi il s’agissait. Arthur fouina un peu sur les étagères de travail et en sortit les deux revolvers. Il en lança un à Isaiah, qui manqua de l’échapper – quel gâchis c’aurait été. « Ooooh tu me surestimes là. » Avait-il dit en évitant la catastrophe, refermant sa main sur le manche. « Ils sont magnifiques ! J’vais avoir peur de les gâcher. » De leur enlever leur authenticité, de leur enlever ce caractère bien spécial qu’ils avaient. Mais Isaiah était doué, il allait bien gérer, une fois dans un état normal. Arthur lui fit alors une petite mise en scène, et l’acteur improvisé s’exécuta. Il passa les portes du saloon, une main dans une poche et l’autre sur son revolver, rentré dans son caleçon. « Y’a pas assez de place pour toi et moi dans c’t’atelier. » Lâcha-t-il, faisant semblant de mordiller un morceau de foin imaginaire.