#179 They're thousand reasons to be apart but one reason to stay togather (Effy)

Elle venait à peine de le quitter. Il n’était pas tard mais il n’était pas tôt non plus. Ce soir elle avait été raisonnable et s’était arrêtée à un verre. Les souvenirs de la dernière fois était encore bien trop marquante pour elle, l’alcool était vraiment mauvais pour son petit corps. Par contre, elle avait un sourire figé sur ses lèvres, et son cœur battait encore très vite. Des tournesols dans les mains, elle avait dû mal à se remettre de cette soirée étrange et douce. Déjà elle se demandait pourquoi elle avait accepté ce verre avec Sacha. Il était tout son opposé mais au final elle riait avec lui. Elle avait rougit, elle avait souri. Sauf qu’Eve elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Nova et Endre pourraient la conseiller, mais ils ne pouvaient pas encore comprendre tout ce qui tramait dans la tête de a blonde. Puis elle n’était pas encore assez proche d’eux. En sortant de ce bar, elle courrait vers l’appartement d’Effy. Elles ne se ressemblaient pas, mais elles s’aimaient tellement. Seule Effy pourrait lui donner des conseils, seule Effy connaissait l’histoire de la blonde du début jusqu’à la fin. Elle espérait qu’elle soit chez elle, et que Milo ne soit pas présent. Elle était impatience et devant cette porte elle tapait fort pour pressé son amie. Et quand la porte s’ouvrit, Eve rentrait directement dans l’appartement. « Effy ! Faut que je te raconte ! » Elle était encore sous l’effet de son rendez-vous. Elle n’avait même pas parlé de Sacha à son amie et il était temps de le faire.

Un joint fumant au bout des doigts, Effy lisait, allongée dans son vieux canapé délavé. Depuis son retour, elle parvenait à maintenir la tête hors de l’eau. Rien que passer son début de soirée chez elle à lire des mots, c’était une bonne preuve de son équilibre du moment, même si instable. Au moins, elle n’était pas en train de tourner en rond à deux doigts de la crise d’angoisse, ni perdue quelque part dans une rave hors du centre-ville à se flinguer le cerveau. Tout ça avait cessé, en tout cas en bonne partie, et la belle brune essayait de tenir ses engagements autant que possible, même si elle n’était pas certaine que ce soit vraiment utile. Ce fut Eve à la porte qui la tira de ses pensées volatiles, moyennement concentrée sur le livre d’un vieil auteur anglais dépassé qu’elle tenait en main. La jeune femme semblait impatiente et un brin d’inquiétude étreignit la brunette, avant d’entendre sa voix excitée à travers la mince paroi qui séparait l’appartement du couloir. Posant le bouquin et le joint, elle se dirigea vers la porte, s’emballant dans le large gilet tricoté qui lui arrivait aux genoux. « Hey, you. » fit-elle d’un air légèrement amusé en lui ouvrant, alors qu’Eve trépignait sur place. Le calme implacable d’Effy contrastait toujours avec la joie pétillante de son amie. Elles deux, c’était à se demander si on ne les payait pas pour être amies, tellement leurs caractères et philosophies de vie étaient opposés. Pourtant, même si elle ne le montrait pas, la belle Anglaise portait la blonde dans son cœur d’une façon aussi puissante qu’inexplicable. Elle ne la prenait pas pour une petite chose fragile et naïve, loin de là, même si de l’extérieur, Eve semblait bien plus vulnérable qu’Effy. C’était pourtant l’inverse, au final. Si la brune se cachait derrière une carapace épaisse, faite de froid et d’insolence, pour cacher ses profondes angoisses et sa peur de l’abandon, la douceur d’Eve masquait une force de caractère bien présente derrière des airs de fille bien rangée. La journaliste suivit son amie dans le canapé sans mot dire, alors qu’elles s’installaient, Effy reprenant son joint en main, mais son regard signifiait qu’elle avait toute son attention.

La blonde n’y connaissait rien en l’amour. Sacha était entré dans sa vie et depuis elle pensait beaucoup trop à lui. Ils se voyaient toutes les semaines et plusieurs jours dans celle-ci. Là elle venait de rentrer d’un autre rendez-vous. Ils s’étaient embrassés sur la grande roue et ils avaient même passé une nuit ensemble, où ils n’avaient fait que dormir. Ce soir après ce verre, elle avait besoin de voir Effy pour lui raconter. Les deux femmes étaient radicalement différentes et pourtant elles s’aimaient d’une manière indescriptible. Effy était le monde d’Eve, toujours inquiète pour elle. C’était le jour et la nuit. La côté solaire d’Eve se balançait avec le côté lunaire d’Effy. Personne ne comprenait vraiment leur amitié, mais Effy était la seule qui connaissait Eve du bout des doigts. Excitée comme une puce, elle trépignait d’impatience de tout raconter à Effy. A ce moment-là, elle ignorait que sa meilleure amie connaissait Sacha. Elle ignorait qu’ils avaient joué avec le feu et la violence. La porte s’ouvrait sur la brune. Comme à son habitude, elle avait l’air fatigué et ses traits étaient tirés. Ça lui faisait mal à Eve de voir son amie comme ça, à toujours se battre contre ses démons. Mais elles avaient un accord, de ne jamais juger l’autre. Avec un sourire bienveillant et très joyeux, elle serrait sa meilleure amie dans ses bras avant de rentrer directement dans l’appartement. Comme chez elle, Eve allait directement dans la cuisine pour se faire chauffer de l’eau. « Tu veux du thé ? » Demandait-elle avec un sourire qui ne disparaissait pas qu’à la fin de la journée, elle allait avoir mal au coin de sa bouche Eve. Une fois le thé prêt, Eve se posait enfin aux côtés de son ami. Elle regardait le joint dans les mains d’Effy puis elle roulait des yeux comme pour montrer son mécontentement pas du tout crédible. « Tu sais à quel point je t’aime Effy ! T’es la meilleure amie que quelqu’un puisse espérer. Je n’arriverais pas à survivre dans ce monde sans toi et sans ton soutien. Et je t’aime avec tes défauts et tes qualités. » Oui elle essayait de l’amadouer, même si tout ce qu’elle disait elle y croyait. « Je ne sais pas comment je ferais sans toi et vraiment j’ai trop de la chance d’avoir une amie comme toi qui m’écoute sans me juger. » Elle prit une gorgée de son thé. « J’ai besoin de ton aide … Je crois que je commence à apprécier quelqu’un et j’ai peur qu’il parte quand il saura la vérité. » Son sourire se fanait un peu. Elle avait peur qu’on la juge sur ses anciens choix de vie. Puis la pression sexuelle existait et à chaque fois qu’elle y pensait, elle se disait que Sacha avait déjà eu des tonnes d’expérience et qu’avec Eve il s’ennuierait tellement qu’il la laisserait.

Ça ne lui arrachait même plus de mimique sarcastique, de voir Eve préparer de suite une bouilloire pour le thé. Si Eff' avait normalement l'heure du thé dans le sang, l'Anglaise se tournait bien plus volontairement vers une vodka, pure, sèche. Mais quand elle était avec la blondinette, son comportement s'adaptait, presque automatiquement, naturellement, en fait. Elle-même n'y comprenait rien, mais leur lien défiait les lois de la nature et elles s'y étaient faites, toutes les deux, avec le temps. « Allez, why not. » accepta la belle brune avec un haussement d'épaules, tout en rejoignant le canapé. Et puis, un pétard et un bon thé, ça passait plutôt bien, fallait le reconnaître. Et Effy ne pouvait que rarement refuser quelque chose au sourire de son amie. Une vraie little miss sunshine, cette fille. Peut-être que c'était ça, au final : voir en l'autre ce que personne ne pouvait voir, les trésors cachés et les secrets qu'on barricadait derrière une façade. Qu'elle soit faite d'innocence ou de noirceur. « Tu t'apprêtes à m'annoncer que t'as tué mon poisson rouge ? » Ironisa la brunette alors qu'un sourire amusé, et authentique, prenait place sur ses lèvres, en tirant une latte sur le joint. Cette déclaration d'amitié sortait de nulle part, mais l'Anglaise avait l'habitude, avec Eve. Et même si elle prenait un ton sarcastique, elle connaissait la valeur de ces paroles et ne s'en moquait pas du tout, dans le fond. Elle les accueillait même chaudement. Eve le savait, elle n'avait pas besoin de lui dire. « But I love you too, for what it's worth. » souffla-t-elle en approchant la tasse fumante de ses lèvres, écoutant avec attention chaque parole de sa meilleure amie. Elle arqua un sourcil, son visage déjà un peu plus coloré tourné vers la blonde, l'encourageant à poursuivre, sans mot dire. Elle tiqua en voyant l'expression de son interlocutrice perdre un peu de son habituel entrain, mais ne laissait rien transparaître, attendant la suite avec patience et concentration.

Il y avait cet accord tacite, celui de ne pas juger l’autre. De toute façon, ça ne lui venait même pas à l’esprit de venir critiquer la vie d’Effy. Elle l’aimait ainsi et même si souvent ça lui faisait mal de voir sa meilleure amie ainsi, Eve s’était promis de ne pas jamais être celle qui la jugerait. Les deux femmes avaient leur habitude, et même si elle était chez Effy, Eve savait exactement où se trouvait les choses. Effy pourtant anglaise ne portait pas autant d’importance au thé qu’Eve. « Alors deux thés ! » Répondait joyeusement Eve. Ces derniers jours, Eve vivaient à mille à l’heure. Son cœur passait sa vie à battre trop fort – surtout quand elle était en présence d’un certain brun. Pétillante mais remplie d’incertitude, elle avait besoin de son amie pour la conseiller. La déclaration d’amitié avait été naturelle, surtout qu’elle n’avait pas vu Effy depuis un moment. Elle regardait son amie faussement outrée. « Quoi ? Bien sûr que non je n’ai pas tué ton poisson rouge. » Puis elle riait. « Attend t’as eu un poisson rouge dans ta vie ? » Demandait Eve très sérieusement avant que son rire n’apparaisse. Il fallait qu’elle se concentre la blonde parce que son cerveau fonctionnait trop rapidement en ce moment. Effy avait toujours été la moins expressive des deux. On pouvait se questionner sur cette amitié étrange, mais dans l’intimité, il y avait beaucoup d’amour entre cette brune et cette blonde. Elle lui souriait Eve, quand Effy lui disait qu’elle l’aimait aussi. Aussi active qu’une pile électrique, elle prit sa tasse pour boire une gorgée avant de la poser. « J’ai rencontré quelqu’un. » Balançait-elle d’un seul coup. Eve était tellement innocente. Rarement elle venait voir Effy avec ce genre de nouvelles. La dernière fois où elles avaient parlé de la vie sentimentale de la blonde c’était parce qu’elle avait couché à Ciàran, et ça remontait à quelques années maintenant. « Et il me plaît beaucoup. » Disait-elle plus timidement cette fois-ci.

L’énergie positive d’Eve, bien plus que son apparente naïveté, la faisait rayonner. Un soleil sur pattes, que la belle Anglaise avait plutôt tendance à éviter, et pourtant. C’était à croire qu’on ne pouvait pas échapper à la chaleur débordante de la blondinette. Le cynisme d’Effy s’était toujours étonnamment bien imbriqué avec l’innocence fraîche de son amie. Mais comme elle allait le découvrir dans pas si longtemps, peut-être qu’au final, la journaliste avait déversé un peu trop de chaos et de noirceur sur elle, car c’était la seule explication qu’Effy trouverait pour justifier le fait qu’elles avaient pu être attirées par la même personne : Sacha. Et s’il y en avait bien une qui pouvait savoir à quel point sa personnalité, ou plutôt leurs personnalités, étaient toxiques, c’était bien elle. Mais jusqu’alors, cette information n’avait pas encore franchi les lèvres de son amie. « Aussi incroyable que ça puisse paraître, j’y étais très attachée. » acquiesça la jeune femme aux boucles brunes, avec cet air semi-ironique qui lui était propre. Impossible de savoir si elle était sérieuse. « He does ? » répondit simplement la britannique sans afficher plus de surprise que ça, à l’annonce de sa meilleure amie. Qu’elle ait rencontré quelqu’un n’était pas tant impressionnant, mais quelqu’un qui lui plaise réellement, c’est-à-dire avec une personnalité semblable à la sienne, ça c’était déjà moins probable. Eve n’était pas connue pour avoir des sauteries d’un soir et de multiples histoires dans tous les sens, certes, mais elle n’était pas la douce ingénue que renvoyait son image pour autant. Elle aussi, elle avait des envies, des affinités et des espoirs d’avenir romantique. Qu’elle ait rencontré quelqu’un qui soit à sa hauteur était une bonne chose. Mais quelque chose clochait dans l’expression de la blonde, qui faisait face au visage ouvert mais impénétrable d’Effy. Elle attendait la suite, sans mot dire, son grand regard bleu iceberg sondant son amie. Elles avaient tout leur temps, et la brunette était là pour écouter. Entre son thé et son joint. Curieuse de la suite, mais sans aucune forme de pression. Elle voulait savoir ce qui tracassait Eve, si elle avait envie d’en parler. Parce que quelque chose la tracassait, c’était indéniable aux yeux d’Effy.

Effy avait cette petite chose dans ses yeux qui avaient toujours donné envie à Eve d’être près d’elle. Elle se souvenait encore de leur rencontre où les yeux sombres et tristes avaient croisés ceux de la pétillante mais timide blonde. Il n’avait suffi que d’un sourire pour que les deux femmes s’apprivoisent. Depuis, Eve ne voyait pas sa vie sans la brune. Elle qui se détruisait à petit feu mais Eve s’était promis de ne jamais lui foutre la pression. Il devait déjà y avoir tellement de monde. Eve voulait rester son amie et pas sa conscience. Evidemment, la blonde a détesté beaucoup de ses fréquentations. Milo par exemple qui n’avait pas aidé la brune. Et même s’il changeait, elle se méfiait toujours un peu. Effy ne lui disait pas toujours les prénoms et parfois elle pouvait lire les démons dans son regard. Eve détestait toutes les personnes qui avaient un jour fait du mal à son amie. Effy n’avait jamais jugé Eve. Les deux E envers et contre tous. Deux éducations différentes et pourtant elles avaient l’une pour l’autre un amour inconditionnel. Elle pouffait de rire Eve. Elle découvrait encore des choses sur Effy. Et même l’ironie qui émanait de la brune ne suffisait pas à convaincre Eve. Ce poisson rouge elle avait dû l’aimer un peu. « Si tu veux, je peux t’en reprendre un. » Elle plaisantait mais pas tant que ça finalement. Si Effy en voulait, Eve serait heureuse de lui acheter. Elle ne se rendait peut-être pas compte, mais grâce à la journaliste, Eve prenait confiance en elle. Assez pour avoir rencontré un homme dont les sentiments s’agrandissaient de jour en jour. Il y avait cette chose qui gênait mais Eve croyait que l’amour gagnait toujours. Quelle naïve Eve qui croyait encore aux contes même si elle ne s’attendait pas aux princes charmants. Mais Sacha il l’était charmant dans son genre. Elle se mordillait la lèvre, prête à révéler à son amie les choses qui la tracassait. « Il n’était pas tout à fait l’homme que mon père appréciera… » On pourrait lui dire qu’elle en avait rien à faire de son père. Mais c’était une image pour que les gens comprennent qu’ils étaient aussi différents qu’Effy et elle.

Dans le monde entier, Eve devait être la seule personne qui voyait en Effy quelque chose à protéger et non une menace. D’accord, à l’exception de son frère aîné. Mais elle arrivait grande deuxième, juste derrière lui. Elles avaient toujours su se dire les choses, dès le début, avec la blondinette. Sans fioritures, avec des mots simples mais clairs. Et pourtant, les choses qu’Eve avait à lui dire avaient toujours une pensée protectrice derrière. Alors que toutes les autres personnes qui connaissaient l’Anglaise de près ou de loin semblaient avoir très vite la notion de toxicité qu’elle représentait. Pas Eve. Et de la même façon, sans doute, Eff’ ne voyait pas son amie comme un oiseau sans défense à protéger, mais comme une jeune femme qui savait ce qu’elle faisait et qui voyait clairement à travers les gens, bien loin de la naïveté qu’on lui attribuait. Peut-être qu’il avait été indispensable qu’elles se rencontrent, toutes les deux. Peut-être qu’elles avaient absolument besoin d’un élément et un seul de ce type pour survivre dans ce monde brutal. Eve, c’était son élément, à la brune, sa personne. Et Effy, c’était la personne d’Eve, celle qu’il lui fallait. Sans doute la seule personne qu’elle n’entraînait pas vers le bas, on ne savait par quel miracle. « Arrête, s’il meurt, je vais m’en vouloir à vie. Et son espérance de vie est vachement plus courte que la mienne, alors… » répondit la brunette à l’adorable proposition de son amie, un sourire dans la voix. Elle faillit ironiser qu’au fond, l’espérance de vie du poisson rouge avait plus de chances de dépasser la sienne. Mais c’était trop dark comme semi-blague, pour ce moment, alors elle le garda pour elle. La jeune fille introduisit le sujet de l’homme qu’elle avait rencontré, et Effy était toute ouïe. Elle ne disait pas grand-chose, elle laissait la place à la blonde, mais elle sentait bien qu’il y avait quelque chose de problématique quelque part. Elle y viendrait, où Effy arriverait bien à deviner quoi. Elle devinait toujours. Mais Eve la devança, et la jolie brune plissa les yeux, un petit sourire en coin amusé accroché aux lèvres. Il était là uniquement parce qu’elle ne savait pas, à cet instant, de qui il s’agissait. « Tu comptais lui présenter ? » s’amusa Effy, attendant toujours des indications supplémentaires, même si elle faisait mine de rien.

Jamais quelqu’un aurait pu s’imaginer autant d’amour entre ces deux femmes. Eve jugeait ce qu’elle voyait au-delà de ce que la personne montrait. Effy, ce n’était pas qu’une junkie, accro à ses démons et toxique. Non, avec Eve, elle était cette amie précieuse au doux conseils et qui s’inquiétait pour la blonde chaque jour. Il n’y avait une heure où elle n’avait pas peur Eve qu’on l’appelle parce qu’on avait retrouvé Effy. Elle avait essayé un peu au départ de la libérer de ses addictions. Puis très vite, elle s’est rendue compte qu’elle l’aimait trop pour se battre et qu’à force elle allait la perdre et perdre cette amitié si importante. Eve, elle aimait Effy pour toutes ses longues discussions ensemble, les mots doux et cette amitié infaillible. Il n’y avait pas de jugement et de critique, c’était la beauté de cette amitié. Chacune arrivait avec son histoire et ses valises, certaines plus lourdes que d’autres, mais elles restaient elles. « T’es sûr ? Tu ne veux pas un petit Némo ? » Puis ça pourrait donner à Eve une excuse de venir plus souvent pour s’assurer que le poisson aille bien et qu’Effy également. Eve ne s’imposait pas, mais elle faisait toujours des petites actions pour avoir des nouvelles de sa meilleure amie. Elle ne le montrait pas, mais l’inquiétude était toujours bien présente. Elle avait besoin d’elle, tous les jours de sa vie, elle avait besoin d’elle. Aujourd’hui, elle voulait des conseils de son amie. Sacha était arrivé comme une bombe dans sa vie, et Eve voyait de moins en moins sa vie avec lui. Sauf qu’il représentait tout ce que sa famille n’aimait pas. « Oui … » Disait-elle en souriant timidement. « Je suis amoureuse de Sacha et je sais que mon père n’appréciera pas qu’un lanceur de couteau tatoué soit dans ma vie. » Sauf qu’il n’était pas ce qu’il représentait. Dans le fond, il était plus doux et tendre.

Eve, c’était à la fois son exact opposé et sa sœur d’âme. Non, pas une âme-sœur, une sœur d’âme. Elle n’avait pas d’autres mots. Les deux jeunettes ne se ressemblaient en rien, ou pratiquement, mais il y avait cette connexion qui changeait toute la donne. Chacune apportait à l’autre quelque chose de particulier et d’infaillible. Avec la jolie blonde, Effy avait toujours eu le cœur à sourire, même quand elle était au plus profond des abysses. Elle avait toujours su se lâcher, rire comme une enfant de six ans que le monde n’a pas encore terni. Avec Eve, il y avait de la compréhension, de l’ouverture d’esprit, et puis du pardon, aussi. Si Effy pouvait paraître froide, égoïste et même sans cœur quand on ne la connaissait pas et qu’on ne considérait que ses actions, Eve savait très bien qui elle était au fond. Son altruisme profond qu’elle masquait aux yeux de tous. Sa peur de détruire toutes les bonnes personnes qui osaient l’approcher. Et c’était ça, le truc : Eve, avec ses airs d’innocence et de fragilité, semblait totalement imperméable à la noirceur de l’Anglaise. À l’abri de toutes les bombes. Peu importe ce qui se passait entre elles, rien ne les séparait jamais vraiment, rien ne pouvait les faire s’abandonner. C’était juste comme ça, aussi immuable que la loi de la gravité. « Stop, tu vas finir par me convaincre et ça va mal se terminer pour Nemo, j’te jure. » insista Eff’ en mimant un air autoritaire, mais elle souriait trop pour masquer son amusement. Même l’étincelle dans son regard iceberg dansait joyeusement. Eve lui parla ensuite de cette personne dans sa vie, qui apparemment ne remplissait pas tout à fait les prérequis qu’on aurait imaginé. Après une petite plaisanterie sur la potentielle rencontre entre le père de la blonde et cet homme-mystère, celle-ci confirma qu’elle comptait bel et bien les présenter. « Ah, je vois. » s’amusa Effy, plus sérieuse, un peu prise de court par le fait que son amie veuille vraiment le présenter à son géniteur. Elle n’eut pas le temps d’aller plus loin dans la réflexion, car la jeune femme lui révéla le nom de celui qui semblait la chambouler. Et pour le coup, ça chamboula l’estomac de la journaliste. Elle haussa les sourcils, déjà honnêtement surprise par ce couple pour le moins atypique, ensuite parce qu’elle réalisait que sa meilleure amie s’était amourachée d’un homme avec qui elle avait connecté auparavant, à bien des niveaux. Et pas à des niveaux sains, surtout. « Oui, je comprends mieux. » reprit la brune avec un hochement de tête, conservant un visage parfaitement impassible. « Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? » enchaîna-t-elle, sans laisser le temps de s’attarder spécialement sur Sacha. Après tout, c’était du passé, et apporter cette information dans la discussion n’apporterait rien à son amie dans sa problématique actuelle. La seule chose qui intéressait Effy, c’était de voir comment son amie sentait les choses. Voilà pourquoi elle posait la question, d’une voix douce et à l’écoute. La brunette ne parlait jamais beaucoup, elle semblait parfois manquer de conseils, mais elle posait les bonnes questions, de façon très réfléchie. Ce qu’elle voulait, c’était surtout qu’Eve soit sûre, qu’elle soit bien, en sécurité. Même si savoir qu’elle était avec Sacha ne la rassurait pas forcément. Elle avait suffisamment côtoyé le Russe pour froncer les sourcils à l’idée de le savoir autour de sa meilleure amie.

Elle croyait au coup de foudre Eve. Avec Effy, c’était une évidence, un cœur grand qui se cachait derrière la noirceur de sa vie. Mais Eve, elle voyait au-delà de l’apparence parce qu’Effy elle valait le coup. C’était une amie, une sœur. Il n’y avait pas un jour où Eve doutait de l’amitié de la journaliste. C’était ces moments-là qu’elles étaient elles-mêmes. Elles riaient, souriaient et se confiaient. Eve avait besoin d’Effy dans son entourage parce qu’elle lui rappelait que la vie ne se résumait pas à l’église et au monde des bisounours. Il y avait de la peur et des tragédies dans la vie, choses qu’Eve n’avait jamais connues. C’était un privilège mais Effy lui rappelait la triste vérité. Et pourtant, elle ne cantonnait pas son ami à cela, elle était bien plus, c’était un petit rayon de soleil dans sa vie, un équilibre qu’il lui fallait. Elle riait Eve, parlant de Némo, de ce fameux poisson rouge. A continuer ainsi, Eve reviendrait la prochaine fois avec un poisson rouge. Peut-être qu’Effy en doutait, mais pas Eve. Elle savait que la brune serait capable de s’occuper de ce petit poisson. « Je t’en ramène un la prochaine fois alors ! » Pouffait-elle de rire. Après tout, ces poissons en captivité n’avaient pas une espérance de vie bien élevée et pourtant elle se disait que ça pouvait faire du bien à Effy d’avoir une petite bête à s’occuper. Si Eve était venue, c’était avant tout pour discuter de Sacha. Elle avait besoin d’en parler, de sortir tout ce flux de sentiment qu’elle avait en elle. Cet homme, il l’avait fait chavirer en un instant, la rendant accro et pourtant si sereine. La seule ombre sur le tableau était son père, évidemment qu’il n’accepterait jamais un homme comme le lanceur de couteau. Et pourtant, il la rendait si heureuse et si vivante. C’était le premier homme qu’elle voulait présenter à sa famille. Elle ignorait qu’Effy connaissait Sacha, voir même plus qu’Eve. Elle ignorait qu’ils avaient découvert les pires côtés de l’autre, peut-être que ç’aurait fait fuir Eve. Après tout, elle n’imaginait pas Sacha comme il avait pu l’être avec sa meilleure amie. Il passait son temps à lui dire qu’il était trop noire pour elle, mais Eve ne voyait que le bon côté, la lumière qu’il y avait dans les yeux de son amoureux. « Je pense que c’est débile ! » Disait-elle un peu énervée. Elle se levait. « Ce que je veux dire, c’est que ses tatouages, son métier et son passé ne fait pas l’homme qu’il est aujourd’hui et qu’il mérite une chance. » Une chance pour sa famille, parce qu’elle lui avait déjà donné cette chance. Sacha, elle l’aimait du plus profond de son âme. « Il est si gentil avec moi, il m’aime et je l’aime, les gens devraient juste être heureux pour nous, tu ne crois pas ? » Demandait-elle peu convaincue.

Effy abandonna cette bataille, à peu près certaine que sa meilleure amie lui ramènerait un putain de poisson la prochaine fois, même si elle faisait mine de pas y croire. Elle leva les yeux au ciel avec un sourire en coin dépassé, et n’argumenta pas plus loin. Misère, Nemo, t’es pas prêt. D’ailleurs, Eff’ n’était pas prête à la suite non plus. Elle voyait bien que quelque chose tracassait Eve, ou plutôt la frustrait. Et qu’une pointe de rose teintait ses joues rondes. L’Anglaise avait donc laissé parler son amie, curieuse de savoir ce qui se tramait, sans trop intervenir entre les bribes d’informations que lui donnait Eve. Elle dut néanmoins en appeler à sa maîtrise implacable de ses émotions quand le nom de Sacha tomba, comme une pierre au fond d’un puits. Intérieurement, Effy était triggered par cette information, mais elle ne se sentait pas le droit de venir lâcher une bombe sur Eve, encore plus sans avoir plus d’infos. Elle posa donc une question, sans laisser paraître quoi que ce soit, si ce n’était un intérêt pointilleux pour ce que la belle blonde avait à lui raconter sur cet homme. Elle avait légèrement froncé les sourcils, tout de même. Et Eve en fit d’ailleurs de même en répondant avec une franchise retentissante en disant ce qu’elle en pensait. La colère de son amie était compréhensible, pour Effy. Elle aurait d’ailleurs eu tendance à lui dire d’envoyer chier son cher papa. Le problème, c’était que pour le coup, elle estimait que les craintes du père étaient fondées, même si basées sur les mauvais critères. C’était pas les tatouages et les couteaux du Russe, le problème. Enfin, quoi que, les couteaux… La journaliste les avait déjà vu de près et avait eu l’occasion d’en faire des utilisations peu recommandables. « Et c’est quoi, ce passé a priori si terrifiant ? » relança Effy en haussant un sourcil, prenant une expression décontractée. Eve avait peut-être l’air naïve, mais sa meilleure amie était bien placée pour savoir que sa bienveillance n’entravait pas sa grande intelligence. Aussi, plutôt que de laisser son avis sur Sacha assombrir le tableau, elle préférait chercher le tableau que la blonde avait à dépeindre du lanceur de couteaux. « Peut-être que c’est pas si important, que ton père soit heureux pour vous. Du moment que toi tu l’es. » suggéra la jeune femme avec un petit haussement d’épaules. Elle prit son briquet en main pour rallumer son joint, et tira une grande bouffée. On se détend. Effy avait confiance en l’instinct d’Eve. Peut-être qu’elle ne craignait effectivement rien. Peut-être que Sacha était éperdument amoureux, qu’il avait changé, ou peu importe. Peut-être qu’elle avait raison et qu’Eff’ faisait bien de vite ranger ses jugements et ses inquiétudes.

Bien qu’Effy et Eve soient différentes, la jolie blonde avait besoin de parler à sa meilleure amie. Souvent, Eve était perdue quand il s’agissait d’homme et de sentiments. Certes, elle avait déjà été amoureuse, ou en tout cas, elle avait déjà eu du désir pour certains. Ç’avait été le cas avec Ciàran et Sam. Effy avait été la première à avoir été au courant. Depuis quelques semaines elle fréquentait Sacha. Il était totalement l’opposé d’Eve. Pourtant, jamais elle n’avait été aussi sûr. Dans ses yeux, elle pouvait lire la franchise. Effy avait peut-être plus d’expérience en matière d’homme par rapport à Eve et elle avait besoin d’en parler. Un thé à la main et la fumée d’Effy en l’air, c’était le moment des confidences. Elle lui parlait de ses doutes mais surtout de la potentielle réaction de son père. La famille d’Eve avait de nombreux a priori sur les gens. Plusieurs fois, son père l’avait présenté des chrétiens, tout ce qu’il y avait de parfait pour sa fille. Mais Eve ne voulait pas de ça. Evidemment qu’elle rêvait de mariage et de famille, mais elle ne cessait d’être attirée par les personnes qui ne lui ressemblaient pas. Effy en était la preuve. L’une était solaire tandis que l’autre était plongée dans l’obscurité. Jamais ça n’avait gêné Eve, même au contraire. C’était la personne qui la connaissait le mieux, qui savait tout d’elle. Eve était remplie de doute notamment sur son avenir, ses histoires et le reste. Quand elle disait qu’elle pourrait vivre une vie de célibataire, Effy savait que dans le fond, Eve rêvait de l’histoire d’amour. Elle ignorait cependant que Sacha et Effy se connaissaient. Elle ignorait qu’ils s’étaient fréquentés. « On en parle pas beaucoup. Mais souvent il me dit que je suis trop bien pour lui, pour être dans son monde. » Et très vite elle allait remarquer la noirceur de Sacha. Sauf qu’Eve ne voulait voir que le bon chez les personnes et Sacha était gentil, doux et amoureux. Il venait souvent avec des fleurs, il se montrait vulnérable devant elle. « Je sais. Mais il serait capable d’arrêter de me voir. » A cet instant, Eve ne savait pas si elle serait capable de faire une vie sans la présence de sa famille. Ils l’agaçaient souvent et n’arrivaient plus à entendre leur intolérance. Mais en même temps, elle les aimait, ils avaient toujours été là. Si aujourd’hui elle était cette femme c’était en partie grâce à ses parents et ses frères. « Tu sais, je crois que dans le fond il a toujours été adorable. Il m’offre des fleurs, me montre son univers sans me brusquer. » C’était des signes qui ne trompaient pas.

Le visage de marbre, si ce n'était un sourcillement d'intérêt, l'Anglaise écoutait Eve lui parler de Sacha. Lui présenter avec ses propres mots. Elle dut d'ailleurs se faire violence pour ne pas tiquer quand son amie lui répéta les mots du Russe. Qu'il disait souvent que la belle blonde était trop bien pour lui. « Et c'est un euphémisme. » pensa la brune, sans rien en laisser paraître. Elle se méfiait de cette relation comme de la peste, mais son amitié avec Eve, et surtout la confiance aveugle qu'elle avait en sa meilleure amie, surpassait ces inquiétudes. Elle était prête à fermer les yeux sur ce qu'elle savait de Sacha, et de les ouvrir sur la vision qu'en avait Eve. Elle était prête à se rendre à son jugement, et pour cela, elle ne devait rien révéler de ce qui s'était à une époque déroulé entre le lanceur de couteaux et la camée. Cela pouvait paraître malhonnête, mais le but d'Effy était tout le contraire. Elle ne voulait que le bonheur de la jolie blonde, et elle croyait en son instinct et sa perspicacité. Hors de question qu'elle ne vienne entacher son histoire avec des contes d'un autre temps, aussi sordides et malsains soient-ils. « Tu es trop bien pour qui que ce soit. » fit remarquer Effy, sans l'ombre d'un sourire, mais la sincérité et la justesse de ses propos se ressentait, vibrant dans ses cordes vocales quelque peu asséchées par le joint. Elle prit une gorgée de thé, écoutant la suite. Et elle n'avait aucune solution à offrir à Eve, pour concilier sa famille et son amant. « Alors, il n'est pas obligé de tout savoir. » répondit la jeune brunette avec un haussement d'épaules, suggérant une solution qui lui paraissait on ne peut plus simple, elle qui avait l'habitude de dissimuler, éluder, courber et retourner. « Je te refais du thé? » coupa la brunette en tirant sur son joint, constatant la tasse vite de son amie et se levant déjà pour refaire une théière. Elle revint bien vite dans le canapé, toujours scrupuleusement attentive aux paroles de son amie, malgré son air désinvolte. « Et tu t'y retrouves, dans cet univers ? » questionna Eff', n'émettant toujours pas la moindre once de jugement dans son ton. Elle tendit toutefois le joint à la blonde, lui décochant un coup d’œil de ses iris perçants, sourire en coin vague accroché aux lèvres.

Elle aurait aimé connaître le passé d’Effy et Sacha. Ce secret qu’ils allaient gardé pour eux un bon moment n’aurait pas été le meilleur à garder. Souvent Eve se pensait trop naïve et ça l’énervait qu’on puisse penser qu’elle était une petite chose fragile à protéger. C’était pourtant elle qui s’occupait d’Effy quand la brune était dans des phases sombres. Elle s’occupait aussi de Sacha. Elle était la lumière dans leur monde des ténèbres. Ce n’était pas parce qu’elle était naïve, mais justement assez forte pour ramener les gens qu’elle aimait au-delà de la noirceur de leur vie. Ce secret allait blesser la blonde, mais elle se garderait bien de le dire, refoulant les sentiments qu’elle avait. Ils comptaient pour elle, bien plus que sa propre vie. Mais elle aurait aimé qu’ils lui en parlent dès le début, comme une marque de confiance, un remerciement pour ce qu’elle avait fait pour eux. L’honnêteté était une valeur importante aux yeux de la blonde. Le mensonge était un mal qui amenait les gens plus vers les profondeurs que vers le ciel. Elle parlait de Sacha à Effy ignorant que les deux avaient eu une aventure. Au yeux de la blonde, il était merveilleux le lanceur de couteau, si doux et si honnête avec elle. Lui pensait qu’il ne la méritait pas, mais elle n’était pas d’accord. Eve offrait aux gens autant qu’ils lui donnaient. « Dans ce cas-là, je vais finir nonne ne trouvant pas la perfection. » Disait-elle en riant. Heureusement que ça n’arriverait pas. La jeune femme était toujours attirée par l’opposé d’elle, des gens en souffrance parce que peut-être qu’elle l’était en souffrance mais d’une autre manière. Peut-être avait-elle le syndrome de l’infirmière et qu’elle voulait sauver les gens. La religion ne parlait que de ça, se sauver soi-même et sauver les autres par la foi. Sauf que la foi ne faisait pas tout, surtout pour ceux qui ne croyaient pas. C’était ce qui la séparait de son père, trop rigide sur les règles. Jamais il n’accepterait Sacha, apeuré que sa fille aille directement en enfer rien qu’en côtoyant cette personne. « Il va bien falloir qu’il le sache si un jour avec Sacha ça devient sérieux. » Ils n’étaient qu’aux prémices d’une relation, mais Eve voulait croire que ça durerait toute la vie. « Oui s’il te plait ! » Elle regardait Effy se lever, le joint dans main. Parfois elle aimerait que sa meilleure amie arrête ces choses qui la détruisaient. Mais elle ne disait rien parce que leur amitié a toujours été ainsi. Avec elle, Eve se sentait de libre de parler de tout, de ses angoisses ou de ses rêves. Lui parler de Sacha rendait leur relation réelle. Il était si différent d’elle que plein de doutes naissaient. « Ce n’est pas le mien, les cabarets, la violence c’est tellement à l’opposé de moi. » Avouait-elle. « Mais je m’y retrouve, en tout cas il le fait avec bienveillance et j’aime bien ce cabaret. » Elle rougissait. Eve commençait à apprécier les spectacles et les coulisses de cet endroit si mystique.