Mauvaise expérience [Saoirse]

Son gobelet de café en main, ce petit instant de pause, entre deux boulots. Tout était toujours mérité, il paraît. Théo n’était pas du genre à refuser ces instants, si il n’avait pas à fréquenter la foule. Et aujourd’hui, ils s’étaient tout donnée le mot. Il n’aurait certainement pas attendu, si il n’était pas en manque de caféine. Il va falloir qu’il diminue avec ces conneries, car il avait du mal à tenir en place. Son regard toujours dévié sur cette file qui n’avançait pas et cette foule qui ne diminuait pas. Il arrivait à compter les têtes, juste devant lui. Ce moment ou vous vous dites « allez plus que... ». Lui-même qui était en train d’enseigner à son fils la patience, aurait été un modèle aujourd’hui à ne pas suivre. Même si à cet instant, ça le faisait sourire, pourtant ça calmait son impatience. Ce n’est pas pour autant qu’il se jeta sur son café, il attendait un endroit, calme ou se posait. Un banc, à l’ombre de préférence, loin des regards… C’était peut-être trop demandé, finalement. Les ennuis n’étaient pas loin. Un groupe de filles, le regardaient avec insistance, de quoi mettre mal à l’aise. Des rires, des paroles bases… Et pourtant, Theo avait l’impression de connaître l’une d’elle. Si il était intéressé, il aurait cherché à savoir pourquoi, il était le centre d’attention. Non, il était bien plus occupé à fuir. Encore plus quand l’une d’elle s’approcha, son gobelet lacé en main. « Salut… Tiens ça, c’était pour le "je préfère passer ma soirée avec ma boisson que toi …" Ton souhait est exaucé » Il a été pris à son propre jeu, ces cheveux dégoulinaient en cascade, devant son visage cueilli par le froid et l’odeur de la fraise. Beurk le pire parfum qu’il pouvait exister.

Depuis ses premiers pas dans cette ville, une ville qu’elle n’avait jamais vue de ses yeux, Saoirse venait ici. Toujours avec son violon. Toujours à l’écoute du bruissement actif qui tournait sur la place de la ville. C’était le premier endroit avec lequel elle avait fait connaissance, les premières nouvelles odeurs, nouveaux sons, nouvelle atmosphère. Et si maintenant elle était bien plus habituée à la petite ville australienne, la rouquine continuait de venir ici presque tous les jours, armée de son instrument et de son oreille. Elle venait de terminer un de ces petits concerts qu’elle donnait quand l’envie lui prenait, jouant pour la rue, pour les gens, pour la vie. Et pour elle-même. C’était parfois le temps de deux morceaux, parfois plutôt une demie-heure. Elle rangeait son violon dans son étui après cette fois, une quinzaine de minutes de musique. Retrouvant sa canne blanche, elle décida d’aller prendre un thé glacé au petit stand de la place, qui avait toujours beaucoup de succès. Divaguant dans ses pensées, laissant un mur se dresser entre elle et le reste du monde, les bruits environnants passant en arrière-plan, la rouquine profitait de ce moment simple, de cette vie qu’elle s’était choisie, malgré les sacrifices qui allaient avec. Parfois, il était bon d’être reconnaissant pour ce qu’on avait, même si ça n’avait rien d’exceptionnel. Il fallait savoir s’en réjouir quand même, c’était important de se poser pour apprécier ces moments-là, un peu contemplatifs. L’Irlandaise fut malheureusement tirée de façon un peu abrupte de cet état de veille, un élément extérieur la ramenant dans son environnement direct. Un liquide, froid, dont elle avait pu sentir les gouttes sur son épaule, son décolleté, son cou et le haut de son bras. L’odeur allant avec lui fit froncer les narines, ce n’était pas de l’eau. « Hey ! » s’écria-t-elle, un peu mécontente, d’autant plus qu’elle n’avait pas suivi les événements précédents, son ouïe moins attentive à ce qu’il se passait autour d’elle.

Theo n’était pas le genre de personne a attiré des ennuis. Discret, réservé, le seul défaut qui pouvait lui en attirait… C’est que parfois, il ne réfléchissait pas avant de parler. Ou non, il ne voyait pas les raisons de s’imposer des filtres sur sa façon de parler, ni même pensée. Bien souvent, ça en restait là et la personne partait, ou montrait une certaine colère. Finalement, peut-être que cette fille, qui avait croisé lors de cette fête, n’avait pas apprécié sa façon de parler. Peut-être… Non certainement. Il y avait du monde, beaucoup trop de monde pour répliquer, et de toute façon, il était assez gentleman ou plutôt voir que c’était une femme en colère pour pouvoir se maîtriser. Ce n’était pas non plus un sauvage, mais ce n’était pas le seul dommage collatéral dans cette histoire. Si il ne l’avait pas tout de suite, remarqué, c’est son cri qui alerta. Un peu trop porche de son oreille, qu’une grimace était inévitable. La tête légèrement rentrait dans les épaules, il imitait à la perfection, la tortue. Ou son fils quand il faisait des bêtises. « Je suis désolé... » Et d’ailleurs pourquoi il s’excusait ce n’était pas lui la folle dingue. « Le verre… Il était pour moi… Mais vous étiez dans le chemin… » Elle devait vraiment s’en foutre de ces explications. « Si ça peut vous rassurer, je suis dans le même état... » Voir pire, mais qui ça rassurait qu’il y avait toujours pire… Euh, qu’est-ce qu’il devait faire maintenant ? Il n’était vraiment pas doué pour avoir interagi avec les gens. Des personnes qui connaissaient déjà, ses amis, sa famille, c’était facile des inconnues… « Quelque chose pour vous essuyer, Promis, j’ai rien fait avec... » Ouah la classe Kavanagh, vraiment de quoi faire fuir. En plus, ça ne paraissait pas du tout, suspect...