Falling down is a part of life, getting back up is living (warren)

Ça faisait longtemps que tu n’étais pas sortie. Ça faisait longtemps que tu n’avais pas mis tes talons hauts et une robe beaucoup trop courte pour que ce soit justifié. La majorité des gens étaient encore à Chamonix pour la semaine et toi, tu étais restée à Bowen. T’avais trop de boulot de toute façon et tu pouvais pas t’envoler pour la France. Pendant que Perry s’éclatait là-bas avec Concho, toi tu restais au bercail pour t’occuper de tout. Après tout, avec qui serais-tu allée? Avec ton ancienne colocation et leurs enfants? Boarf, très peu pour toi. Tu rêvais d’avoir ta famille un jour, mais pas maintenant…

Entre temps, avec tes copines, vous aviez décidé de faire un marathon de toutes les boîtes et les bars de Bowen. Le truc c’est que quelque part en chemin, tu les as perdues… Tu sais plus trop si c’est au Elm Street ou au Hendrix, mais tu les as perdues. Tu sors du Elm Street et tu reçois un appel de l’autre côté du pacifique. Tu grognes en sachant que tu ne devais pas répondre, mais tu répondais quand même – un peu en état d’ébriété, tu te dois de l’avouer. Tu fais les 100 pas puis tu finis par raccrocher avec ton interlocuteur alors que tes chaussures te faussent compagnie : ton talon haut s’est cassé et tu tombes dans les bras d’un étranger. T’as un petit hoquet, t’as envie de pleurer malgré tes 34 ans. « Ça vous arrive souvent qu’une femme vous tombe dans les bras comme ça? » T’esquisses un petit sourire et tu tentes de te relever.

Un vieil adage veut qu’à force de fuir son passé l’on se condamne à voir ce dernier nous rattraper. Ma mésaventure de ce matin s’en voulait un exemple plus que probant. Bien que j’eusse profité du programme de protection des témoins afin de m’offrir un nouveau départ, en tirant un trait sur mon passé sombre et nébuleux, j’avais vu mes années au sein du crime revenir me hanter alors que la chaîne cinéma faisait la promotion de son marathon de film de gangsters. La trilogie du Parrain et les Affranchis se voulait une sélection intéressante mais la dernière chose que je pouvais désirer était bien de voir mes souvenirs tortueux revenir à la surface. Je n’avais pas été sans ressentir l’irrésistible envie de renouer avec cette affection que je pouvais éprouver à l’égard du whisky mais j’avais mis tant d’efforts à triompher de mon alcoolisme, je n’allais tout de même pas m’y remettre. Non mieux valait éviter.

Sortant de chez moi, profitant de la soirée, déambulant dans les rues de Bowen je m’apprêtais à me diriger vers ce café ou je commençais à avoir mes habitudes lorsque soudainement je me retrouvai tiré de mes pensées. Je ne fus pas sans remarquer la présence de cette fort charmante inconnue qui, ayant perdue pieds, avait amortie sa chute dans mes bras. Je dois admettre que l’humour dont elle avait fait part m’avait arraché un faible sourire. « En fait c’est assez rarissime comme situation. » Lui dis-je tout bonnement. Évidemment je me doutais que sa remarque était influencée par les quelques verres qu’elle semblait avoir ingurgité. L’aidant à se redresser je la regardai se redresser et je décidai de jouer également la carte de l’humour. « Et vous ? Vous avez l’habitude de tomber ainsi dans les bras des inconnus ? » Évitant je plaisantais, mieux valait ne pas trop le prendre au premier degré.

Il te faisait un petit sourire en te disant que ça ne lui arrivait pas fréquemment. « Rarissime. » Que tu répètes en fronçant les sourcils. « C’est surprenant, pourtant vous êtes canon! » que tu t’exclames avec son aide et tu tires un peu sur tes vêtements pour t’aider. Tu manques de tomber de nouveau avec ton pied en réalisant que ton talon vient de te fausser compagnie. Tu affiches une moue d’enfant et tu retires tes deux chaussures. « C’est pas juste, elles étaient neuves. » que tu pleurniches un court instant, davantage impactée par la boisson que par peine réelle. T’avais les moyens de racheter ces chaussures et tu le savais. À son commentaire, tu souriais. « J’ai tendance à tomber dans les filets des mauvais garçons, pour être tout à fait honnête. En êtes-vous un, c’est pour compiler mes statistiques? » Que tu demandes avec un fin sourire. Tu regardes tes chaussures et tu soupires. T’es maintenant nu pieds dans la rue et décidément, ça te fait pas. Tu lui tends ta chaussure avec un talon haut restant. « Vous pouvez me le casser? Au moins, j’aurai deux chaussures plates… »

La belle demoiselle semblait douter de la véracité de mes propos, elle en avait le droit après tout elle ne me connaissait pas et il ne m’appartenait pas de lui dicter comment elle devait me percevoir. « Merci, c’est gentil. » Je dois admettre que l’entendre me dire que je lui semblais plutôt bel homme était assez flatteur. « Un compliment d’une femme aussi magnifique fait ma journée. »  La belle demoiselle de nouveau sur pieds tituba de nouveau et c’est alors que j’entendis sa remarque à propos de ses chaussures. « Un peu de colle afin de fixer les talons et elles seront comme neuves. » L’entendre me confier qu’elle avait tendance à tomber sous le charme des mauvais garçons pour ensuite me demander si j’en étais un m’avait arraché un sourire amusé. « C’est une question de perception et je ne pense pas qu’il m’appartienne de dicter aux gens comment ils doivent me percevoir. Est-ce que je vous donne l’impression d’être l’un de ces garçons ? » Évidemment je savais pertinemment que je n’avais pas été l’homme le plus exemplaire au cours de mon passé bien que maintenant je m’appliquais à prendre mes distances de ce que j’avais été au cours des ans. « Bien entendu. » Lui dis-je alors qu’elle me demanda de casser le talon de cette autre chaussure qu’elle venait de me tendre. Exerçant une légère pression sur le talon je réussi à le casser pour ensuite remettre à la fort jolie brune sa chaussure. « J’espère que ca ira.  

T’aurais cru qu’il aurait fait tomber des tas de dames, des tonnes et des tonnes même! Il te retournait le compliment en te disant que tu étais magnifique. Tu aurais voulu rougir, mais tes joues étaient déjà toutes rouges par l’alcool. Tu l’entends te dire de mettre de la colle pour qu’elles soient comme neuves… Ouais, bof. T’es pas trop DIY… Tu hausses les épaules. « Mais en même temps, c’est pas plus grave que ça. » que tu échappes, un peu triste quand même. Il te répondait en mode mystérieux et philosophe, tu arquais un sourcil. « Heum… Pas jusqu’à maintenant, pour être tout à fait honnête. » Que tu dis en réfléchissant. « Voyons voir… Vous ne m’avez pas fait tomber au sol, vous n’avez pas encore ri de ma situation… J’dirais que jusqu’ici, vous semblez être une bonne personne. » Un peu triste quand même de pas tomber sur un badboy qui allait t’en faire voir de toutes les couleurs. Il cassait ton deuxième talon et tu souriais. « Bon, c’est plus des escarpins, on parle plutôt de flats, mais j’crois qu’elles auront une deuxième vie intéressante. » que tu constates à voix haute. Tu le rattrapais et tu mettais ta chaussure dans ton pied. « Je vous paye un verre pour vous remercier? » que tu demandes avec un sourire charmeur.