Now is the time for truth ft Ruby Rosebury-Stawski

Une semaine s’est écoulée depuis l’ouverture de l’Insoluble et le démarrage a été des plus prometteurs, Theodore est satisfait de ce début de réussite, l’ouverture stratégique avant la saison estivale permet le rodage des salles avant les vagues de touristes. La majeure partie du chiffre d'affaires va se jouer très rapidement et il est confiant. Beaucoup de commentaire sur les réseaux sociaux promettent des visiteurs d’autres continents pour venir déjouer les énigmes du magicien. Il a donc passé la semaine ici, à régler les derniers détails, comme afficher clairement que les salles sont climatisées - ce qui est un bel attrape touristes qui n’en peuvent plus de l’air extérieur par manque d’habitude - le changement de disposition du bar à gâteaux et recalculer ce qui a déjà été calculé par un comptable, mais qui compte mieux que Theodore Kelly en personne ?

Il n’a pas vraiment prit de nouvelle du monde extérieur durant cette semaine, pas de prestation au délirium, pas de sortie avec Nastya ou qui que ce soit, pas même Penny. Leur première rencontre s’est assez bien passée à ses yeux et il espère parvenir à nuer des liens avec cette dernière, même si rester enfermer ici ne l’aide en rien à passer du temps avec sa fille. Cet investissement lui permettra de passer du temps avec Penny en temps voulu, il s’assure une source de revenu, une place dans la ville et la possibilité de libérer ses soirées loin des planches, c’était bien ce qu’il avait prévu de faire en venant à Bowen…

Malgré tout, il y a deux jours, tard dans la nuit  il a trouvé le temps de jouer. Depuis son voyage en France et qu’il a remis les pieds dans un casino, le besoin de jouer se fait plus fort. Comme si ça avait déclenché quelque chose en lui, un appel. Il ne cherche pas vraiment à résister, il se dit seulement qu’avec la pression actuelle, il a juste besoin de s’amuser un peu. Il existe plein de manière de s’amuser, mais avec les jeux il se sent bien. Il ne fait de mal à personne, c’est ce qu’il croit ardemment.

Cette nuit-là, il a échangé avec Ruby en garde de nuit, il l’a taquinait au sujet de son absence à l’hôpital mercredi comme il le fait usuellement, il lui a proposé de venir le voir à l’insoluble, qu’il lui offrira un verre, sans alcool… Ça les changera de leur soirée d’Halloween. Quelle soirée mémorable ! Même s’il se sont revu depuis, lorsque Theodore a jugé bon de parler de Penny à quelqu’un en qui il avait confiance, quelqu’un qui pouvait le comprendre, à son sens. Il ne sait pas vraiment ce qu’elle pense de la situation, ils ont été ensemble, elle sait à quel point il peut être odieux, elle a pu aisément deviné pourquoi son ex n’avait pas repris contact avec lui, même après la naissance de leur fille. Ce silence, toutes ces années…

Lorsque Ruby arrive à l’Insoluble, Theodore est installé à l’une des tables de l’espace de détente et de jeux de société, seul, il n’y a que deux groupes de clients en train de jouer à des tables différentes. Le magicien fait face à son écran d’ordinateur portable, plusieurs papiers et sa tablette. Il fit signe à la brune en rangeant ses papiers pour qu’elle puisse s’asseoir en face de lui sans avoir l’impression de le déranger, ce serait un comble puisqu’il a lancé l'invitation ! “ Salut Ruby ! Content de te voir,  j’t’en prie installe-toi, j’irai chercher ce que tu veux boire. “ Teddy Kelly comme serveur attitré, ce n’est pas pour tout le monde !

Son regard tombe sur sa tablette  qui ne cesse de lui envoyer des notifications de jeux, des parties manquées, de résultats de paris divers et de gains remportés. Il s’empresse de la retourner, même s’il pourrait prétendre que c’est pour le complexe, il doute pouvoir être un bon menteur aux yeux de Ruby, elle le connait un peu trop bien… Il faut dire qu’elle a le don de le pousser à être meilleur, comme s’il partait avec une dette de comportement envers elle si une telle chose existait. Il a su se contenter de leur amitié et se donne du mal pour la conserver, parce qu’il doit avouer qu’elle apporte beaucoup dans son équilibre, par sa franchise, mais aussi par le challenge qu’elle apporte et dont il a besoin dans la vie pour se booster, pour se surpasser continuellement. Il se racle la gorge, le temps de trouver avec quoi provoquer verbalement pour lui faire oublier ce qu’elle aurait pu voir “ Je ne t’ai pas vu inscrite sur les listes pour les salles, aurais-tu peur de ne pas réussir à résoudre mes énigmes ? “ Il lui adresse un sourire espiègle et complice avant de lui mettre sous le nez la carte des boissons.

Encore un mois et Ruby allait terminer ses études. La cérémonie de remise de diplôme allait se faire à la fin du mois. Elle était heureuse, excitée et soulagée. Dix ans d’étude. Dix satanés d’année d’étude pour enfin faire le métier qu’elle rêvait. Evidemment, elle l’avait déjà fait, mais cette fois-ci elle serait titulaire, officiellement Dr Rosebury. Quelques jours plus tôt, elle avait décidé de ne pas garder le nom de son mari, il était temps de se reconstruire. Luke ne le portait pas non plus, vu qu’il n’était pas le fils d’Antoni, même si celui-ci l’avait toujours considéré ainsi. Sa vie allait être plus facile maintenant qu’elle aurait une vraie paye, fini le salaire médiocre de l’internat. Elle avait même décidé qu’elle ferait un mi-temps à l’hôpital et un mi-temps en libéral. Les deux côtés de la profession lui plaisait. Elle adorait l’urgence et l’incertitude de l’hôpital. Mais elle aimait aussi suivre les patientes et essayer de leur trouver des solutions durables. La nuit dernière, elle avait échange plein de messages avec Theodore. Toute la nuit elle avait sourit comme une idiote, contente d’avoir de ses nouvelles. Malheureusement, elle n’avait pas pu venir à l’inauguration puisque ce soir là, elle était de garde et personne n’avait voulu échanger avec elle. C’était avec grand plaisir qu’elle répondit positivement à son invitation de passer dans l’après-midi. Elle en profiterait pour lui remettre l’invitation pour sa cérémonie à elle. Il y avait eu beaucoup de changements dans leur vie. Depuis Halloween, il y avait cette petite tension que Ruby ressentait, mettant parfois de l’écart avec le magicien. Elle sentait bien qu’en sa présence son cœur battait toujours un peu plus vite. Sauf qu’elle suivait les informations et certaines rumeurs commençaient à apparaitre, concernant Theodore et une femme. Oui, ça lui faisait de la peine et en même temps, n’étaient-ils pas mieux comme amis ? Surtout qu’il avait besoin d’elle, depuis qu’il avait rencontré sa fille. Penny. Tout le monde était lié dans cette ville puisque son fils avait comme père Perry, le père adoptif de Penny. Elle arrivait devant l’Insoluble. Theodore était là, à travailler. Il faisait si sérieux avec ses papiers et son ordinateur. « Salut Theodore. » Elle avait un grand sourire et voilà que son cœur commençait à battre plus rapidement que la normal. « Je prendrais un thé ou une tisane. » Enfin quelque chose de doux pour calmer le trop d’émotions à l’instant. Elle s’asseyait en face, alors que sa tablette passait son temps à s’allumer. Des notifications. Elles avaient toutes en commun d’être reliées au jeu d’argent. Ok, Théodore aimait parier de temps en temps rien de grave. Ce qui l’était plus c’était sa façon de cacher sa tablette, comme s’il faisait quelque chose de mal. Les sourcils se renfrognèrent, montrant l’incompréhension et un peu l’inquiétude de la brune. Enfin, pour le moment elle oubliait vite. Autant, il lui avait parlé de Penny, autant il ne parlerait pas de son addiction aussi facilement. Enfin seulement s’il avait conscience de son problème. Tel le compétiteur qu’elle connaissait, il ne pu s’empêcher d’attaquer Ruby en plein dans son égo. « Non j’attends juste que plusieurs records soient faits pour tous les battre. Je ne voudrais quand même pas bloquer le meilleur score dès la première semaine. » Disait-elle en riant. Elle pouvait voir des clients dans une salle sur l’ordinateur de Teddy. « En tout cas c’est magnifique ici, tu peux être fier de toi, ce lieu va devenir un incontournable de Bowen. » Lui disait-elle en souriant.

Le regard de Theodore s’est éclairé en voyant Ruby, même s’il adore travailler, beaucoup trop même. C’est un carriériste le Theodore, à trente ans il a bâti bien plus que beaucoup en une vie et il ne compte pas vraiment s’arrêter même si le but est de lever le pied. Il sait que Penny sera bientôt adulte, elle aura sa vie et même s’il veut en faire partie, il sait aussi que ça ne sera jamais comme si elle n’était encore qu’une enfant. Il ne connaitra jamais ça, cette joie lui a échappé, lui a été volée en quelque sorte par un silence beaucoup trop lourd après sa dispute avec son ex. Il ne se permet cependant pas de se plaindre à ce sujet, parce qu’il sait très bien quel adversaire impitoyable il peut être au cours d’une querelle verbale. Ce coup de frein dans sa carrière, il est là pour lui permettre de passer du temps avec Penny, pour qu’ils puissent se connaitre, sans courir après le temps perdu…

Ruby lui est d’une aide précieuse même s’ils ne se voient pas beaucoup ces derniers temps, ils s’écrivent parfois, il lui demande ce que font les jeunes filles de quinze ans pour s’amuser et lui demande si faire telle ou telle activités n’est pas trop infantilisante. Il n’a aucune idée de ce qu’est la fonction de père et encore moins ce que c’est que d’être une jeune fille bouleversée par les hormones. Il n’harcèle pas non plus la brune de messages, c’est assez difficile pour lui d’admettre avoir besoin d’aide, mais ça lui fait du bien d’en recevoir, il doit bien l’admettre. Theodore est entouré de femmes fortes et patientes avec lui, à commencer par sa brave maman qui trépigne d’impatience de rencontrer Penny. Ruby connait bien le père adoptif de sa fille, puisqu’ils ont eu un enfant ensemble, la nouvelle avait quelque peu abasourdis le magicien, pas réellement prêt pour un tel rebondissement. Il se disait alors qu’il n’était pas plus mal qu’il garde ses distances avec elle malgré tout, pour leurs enfants… Quel drôle de monde que celui de la parentalité, celui de faire passer le bien de leurs progénitures avant leurs envies personnelles. Il n’a jamais connu ça avant, le grand Theodore Kelly. Malgré cette tension entre les deux exs, Theodore devait bien s’avouer s’être réellement attaché à une autre femme. Avec Nastya il lui était difficile de mettre des mots sur leur relation, craignant une source d’anxiété supplémentaire qui le mettrait en mauvaise posture comme à Chamonix, il n’est pas prêt pour une nouvelle crisa d’angoisse comme lorsqu’il était adolescent. Il pensait tout ça derrière lui…

C’est en majeure partie pour cette raison que les notifications de jeux se bousculent sur sa tablette. Fatigué d’entendre des réflexions à ce sujet, il retourne cette dernière devant les yeux de la brune, ignorant délibérément sa réaction et la provoque un peu pour regagner son sourire. “ Je vois. “ Dit-il en pouffant de rire alors qu’elle prétend attendre d’avoir un peu plus d’enjeu avant de s’inscrire. “ Merci, venant de toi ça compte beaucoup. “ Parce que l’avis de Ruby compte pour lui et parce que c’est une femme quelque peu exigeante qui ne dirait pas de telles choses à la légère ou pour faire plaisir. “ Je vais te chercher ta tisane. “

Il se dirige derrière le comptoir, prenant au passage des nouvelles de sa serveuse qui affirme que tout se passe bien, il réalise que la situation aurait pu être étrange si Nastya avait été service. Il réalise que cela aurait été étrange… Parce que ses émotions le sont en compagnie de ses deux femmes, puis il se trouve ridicule de penser de la sorte. Ils ne sont qu’amis avec Ruby et avec Nastya… Aucune règle n’a été fixé même s’il lui a affirmé ne fréquenter aucune autre femme, il n’a aucune idée de la réciprocité de la situation et n’a pas vraiment envie de le savoir. Il n’a pas envie de se prendre la tête, de s’engager dans quelque chose qu’il pourrait si facilement détruire si… Si l’angoisse refaisait surface ? Ce serait si facile de dédaigner à nouveau son comportement de connard…

- THEODORE FAITES ATTENTION !

C’est la voix de la serveuse qui le tire de ses pensées alors qu’il fixait Ruby tout du long, il réalise que cette douleur était bien réelle, celle qui lui irradiait les doigts alors qu’il avait la main sur le métal brulant de la cuve d’eau. Après une grimace, il rassure l'employée et la clientèle “ Ne criez pas... Tout va bien ! “ A nouveau un regard en direction de Ruby pour lui adresser un sourire “ Je reviens ! Juste une minute. “ Showman.

Il disparut dans la petite cuisine arrière pour mettre sa main sous l’eau tiède et stopper la cuisson de sa peau, son cœur se serre de voir ainsi son outil de travail endommagé. “ Quel crétin… “ Ça peut arriver à n’importe qui, mais il sait que c’est uniquement arrivé parce qu’il a la tête ailleurs, parce que se concentrer ces derniers temps est une épreuve et qu’il n’est plus vraiment certain d’être lui-même depuis son retour à Bowen ; bien que ce soit l’inverse, il apprend justement à se découvrir réellement sans toute cette poudre aux yeux de Vegas.

Depuis Halloween, c’était la panique dans la tête de Ruby. Les images de cette soirée revenaient parfois par vague. A plusieurs reprises, ils s’étaient retrouvés proches l’un de l’autre. Ruby avait redécouvert la jalousie quand il avait passé le début de soirée avec une autre femme. Jamais elle ne pensait ressentir une nouvelle fois ce genre d’émotion pour Theodore. Sauf qu’elle devait l’admettre, le magicien hantait quand même ses pensées. Son sourire la trahissait quand elle recevait un message de lui ou encore quand elle le croisait le mercredi à l’hôpital avec l’association. Pensant retrouver un ami, elle n’avait pas fait attention aux alarmes de l’amour. Elle était stupide. Et pourtant, ça semblait réciproque. Elle ne s’était pas imaginée tout les rapprochements de ces derniers temps. Aujourd’hui, elle prenait son courage à deux mains, toujours téméraire pour avoir des discussions sérieuses. L’excuse était toutes trouvée. Depuis l’ouverture de l’escape game de Teddy, Ruby n’avait pas encore eu le temps de venir. Il l’accueillait avec un large sourire. Ça lui faisait du bien de le revoir. Sauf que le veille, le journal à ragot de Bowen avait sortit un article sur Theodore. Cela le concernait lui et une autre femme. Habituellement, Ruby ne prêtait guère attention à ce genre d’information, mais ça lui fit un petit quelque chose. Mais ce n’était pas le moment d’y penser, s’excusant de n’être pas encore passée ici. Tout était parfait ! Le compliment sortait naturellement de la bouche de la gynécologue. « T’as dû bosser comme un dingue. » Il ne s’éloignait pas trop, faisant chauffer l’eau. En attendant, alors qu’elle ne remarquait pas qu’il l’observait, Ruby scrutait le bureau du magicien. Peut-être que si elle regardait un peu les indices, elle deviendrait imbattable. Il serait tellement surpris de sa rapidité qu’il devra admettre au monde entier qu’elle était meilleure que lui. C’était un petit jeu entre eux, une petite compétition amicale. Grâce à cela, Theodore avait revêtu de sa plus belle robe pour le concours d’Halloween. Il avait fait dons des cadeaux reçus à Ruby. Pendant une journée entière, avec Luke, elle avait profité de l’entrée au parc aquatique. Ils s’étaient amusés comme des fou. Maintenant qu’elle était officiellement titulaire, son salaire avait considérablement augmenté. Mais il y a quelques mois, elle avait dû mal à finir le mois. Heureusement Luke c’était habitué et il ne demandait jamais grand-chose. Son fils était adorable et gâté par ses grands-parents. La conversation avec Perry avait été douloureuse et quelques semaines auparavant, elle avait découvert que Theodore était le père génétique de Penny. Tout cela avait compliqué leur relation à eux deux, préférant protéger leurs enfants. C’est un cri qui la fit sortir de ses pensées. L’employée de Teddy hurlait, le magicien s’était brûlé. Ce sourire la rendant folle. Ruby n’hésita pas à le suivre, au moins il respectait les gestes de premiers secours. « Tu restes la main sous long au moins vingt minutes. » Elle l’accompagnerait tout du long. Pendant quelques minutes, le silence régnait en maitre. La gorge de la gynécologue était un peu sèche, appréhendant les paroles qu’elle allait dire dans quelques secondes. « Tu es avec quelqu’un ? » Demandait-elle. Ça y’est, elle s’était lancée, espérant qu’il soit assez honnête avec elle. « J’ai lu ça quelques part, c’était avec elle que tu étais avant la soirée à Halloween ? » Une lueur de tristesse passait dans son regard. Si c’était avec elle, alors Ruby s’était imaginée trop de choses.

Il a simplement sourit lorsqu’elle avait affirmé qu’il avait bossé comme un dingue, il ne veut pas révéler ce qu’il s’est passé en coulisse, cela fait des mois qu’il prépare ça, qu’il y met beaucoup de son énergie et a dû apprendre beaucoup de choses qu’il ignorait jusqu’alors sur la gestion d’entreprise. Bien sûr, il est aidé, mais il tient à avoir la main sur tout, comme lorsqu’il préparait ses numéros sur scène. Il avait eut cette part de travail, mais aussi la douloureuse négociation avec les banques pour les investissements. Bien qu’il ne soit pas dans le besoin à première vue, les banques n’ont plus confiance en lui. Prêter de l’argent à quelqu’un qui joue au casino, c’est rédhibitoire. Pour présenter le dossier de demande, il devait absolument ne laisser transparaitre aucune dépense dans les jeux (winamax et co) sur les relevés bancaire pour une durée de trois mois ! Un vrai calvaire pour lui qui a fait tomber à l’eau la présentation du dossier à deux reprises. Cet endroit n’aurait pu voir le jour sans cet effort douloureux de sa part, personne ne sait cela… À part son comptable et sa mère, il ne compte pas s’éprendre sur le fait que ce fut en réalité la partie la plus difficile de la création de cet endroit… Se priver de cette chose qui le fait vibrer, qui le rassure, qui occupe tant ses pensées, c’était bien plus douloureux qu’il ne l’admettra jamais. Fort heureusement il a su trouver où jouer avec de l’espèce et a fait justifié ses dépenses en cadeaux pour sa fille. Vile menteur…

Il fut surpris que Ruby le rejoigne en cuisine sans aucune protestation de l’employée, il lui adresse un second sourire alors qu’elle lui donne une consigne médicale. Il ne fit pas le rebelle, car il avait mal. Theodore relativise beaucoup la douleur, il sait qu’une grosse partie se joue dans le mental. Il resta bien silencieux, à fixer sa main rougie mais heureusement pas noircie ou cartonnée, il devrait vite s’en remettre. Il ne se rend pas vraiment compte que plus d’un quart d’heure se déroula ainsi, en silence. Theodore appréciait la compagnie de Ruby, sa présence à ses côté impactait beaucoup son comportement en général, même s’il avait mis de côté cette attirance à son égard. Il se sentait trop bien avec elle pour tout gâcher avec des sentiments à sens unique et leurs enfants avaient enfoncé le clou du côté : mauvaise idée, restons amis.

Etonné que le silence se brise sur cette question pour le moins inattendue, son regard a bondit sur elle avec beaucoup d’interrogations dans les yeux, il se pince les lèvres lorsqu’il remarque qu’elle est sérieuse même… Triste ? Pourquoi est-ce que ça la rendait triste ? Il se persuade d’encore se gourer ou que cela à un lien avec toute autre chose “ Tu m’en veux encore d’avoir commencé à boire sans toi ? “ il répondait avec humeur, mais il poursuivit avec un peu plus de sérieux “ J’fréquente quelqu’un. “ C’est une variante importante selon lui du fait d’être avec quelqu’un. “ C’était juste comme ça au début, mais… On continue à se voir. “ Il se demande bien où est-ce que Ruby a bien pu lire quelque chose sur sa relation avec la russe, il oublie cette histoire sur write about me, il a la mémoire courte pour les choses qu’il juge sans importance. Cependant, il avait une question plus pertinente à poser à la belle et jeune médecin “ Pourquoi tu me regarde comme ça Ruby ? “ Il n’a pas un bon pressentiment et bêtement (très bêtement) il se defend contre cette sensation avec l’humour “ T’en fais pas, j’suis gentil avec les filles maintenant… “ Mais toujours pas un gentil avec le cœur de Ruby.

Elle ignorait tout Ruby de l’addiction de son ami. Peut-être qu’elle aurait utilisé ces mots avec plus de parcimonies. Oui il avait dû travailler comme un acharné pour ouvrir cet espace, elle ignorait qu’il avait dû lutter contre des démons bien trop forts. Trop fier pour en parler, Ruby allait découvrir cette addiction bien plus tard par le biais de la mère du magicien. Mais aujourd’hui, ils n’en étaient pas encore là. La gynécologue s’émerveillait devant le spectacle que lui offrait ce nouvel espace. C’était bien l’élément de Theodore, le magicien qui allait créer des énigmes pour les habitants de Bowen. Elle ne l’aurait imaginé dans un autre endroit que celui-ci. Ruby n’avait pas pu se venir à l’ouverture, de garde cette nuit-là, personne n’avait voulu échanger avec elle. La soirée avait été horrible, bougonne, elle aurait préférée être présente pour cette soirée importante pour son ami. Même si elle se posait de plus en plus de question par rapport à Theodore, il était une des personnes les plus importantes. Ils arrivaient ensemble à avoir un équilibre, une sorte de balance complémentaire. Ruby avait peur de casser cela. Pourquoi prendre le risque de bousculer cet équilibre pour des sentiments sûrement pas aussi fort que ce qu’elle pouvait croire. Elle l’avait évité un peu Theodore, ce besoin de réfléchir avait été important. Aujourd’hui, elle se sentait prête à le revoir. Il lui souriait comme si elle était une douce amie et déjà elle se sentait apaisée. Jamais elle n’aurait cru retrouver cette complicité alors que quelques mois auparavant elle avait envie de lui donner une nouvelle fois un coup de poing. Cet idiot se brûlait avec la bouilloire. L’employée avait regardé Ruby avec un air mauvais, s’apprêtant à l’empêcher de rentrer dans la cuisine. Ruby ne lui rendit qu’un regard hautain et sûr d’elle. Si elle voulait rentrer dans cette cuisine elle y rentrera. Quelques petits conseils à Teddy pour sa main étaient nécessaires. Ils restèrent comme ça, dans le silence longtemps. Dos à elle, il ne pouvait voir toutes ses fois où elle avait voulu commencer la conversation. Elle ne savait pas juste comment amorcer le sujet. Cet article idiot sur The Writers avait eu le malheur d’énerver Ruby. Elle se souvenait très bien de cette soirée d’Halloween et surtout de ce qu’elle avait ressenti quand Teddy était arrivé un peu éméché. Cette petite pointe de jalousie avait commencé à naître, se disant que peut-être il appréciait une autre femme. Et que cette potentialité l’a faisait vraiment chier. Ruby n’était pas une femme possessive, la jalousie était son problème à elle, et pourtant elle aurait voulu qu’il ne passe la soirée qu’avec elle. Heureusement, Theodore éméché était un Théodore gentil et drôle. Tous les souvenirs de cette soirée lui donnaient le sourire. Cette fois où il l’avait jeté dans la boue, ou encore cette douche … Si le petit garçon n’était pas arrivé en courant, peut-être se seraient-ils embrasser.

Elle secouait la tête, agacée de ses réflexions. Ce n’était une gamine de quatorze ans en pleine émulation hormonale. Ils ne s’étaient pas embrassés ? Certes, ce n’était pas le bon moment. Les mots sortirent tout seul … Maintenant, elle n’avait pas le choix que de parler, d’expliquer pourquoi elle posait cette question. Le regard triste et un peu fuyant, elle attendait la réponse du magicien qui s’était légèrement tendu. Non, elle ne lui en voulait pas. Elle aurait juste voulu être celle avec qu’il aurait envie de passer toute la soirée. Elle lui répondait un rire assez faux. Les mots qui suivaient eu l’effet d’un uppercut pour Ruby. L’article ne mentait et Theodore était avec quelqu’un. Toutes les petites attentions à Halloween n’étaient en fait rien d’autre que des gestes anodins. « Oh d’accord … C’est une bonne chose. » Sa réponse aurait pu être convaincante si sa voix ne tremblait et qu’elle évitait le regard de Theodore à cet instant. Elle le regardait comme ça parce qu’elle ne pouvait s’en empêcher, de ressentir cette petite tristesse. « Sauf moi. » Disait-elle dans un souffle. Le courage de la gynécologue revenait et elle se levait de sa chaise. « Je suis stupide, à un moment j’ai pensé que toi et moi il y avait un peu plus de l’amitié. » Elle le regardait cherchant à déceler des réponses par son langage corporel. « Alors que ça a toujours été de l’amitié. Tu vois une autre personne. » Elle soupirait Ruby, espérant ne pas franchir un pas qui enlèverait cette complicité qu’ils avaient construits ces derniers mois.

La douleur de sa main aurait dû continuer à l’irradier, mais elle s’estompait trop vite, au profit d’une peine psychique à laquelle il n’était pas vraiment préparé. Il regrettait presque sa douleur à la main et l’espace d’un instant, il pouvait envisager comprendre pourquoi certaines personnes aiment tant se faire du mal. Pas lui, il ne cède pas à ce genre de pulsion autodestructrices, mais plus d’une fois il a réalisé comprendre les raisons qui peuvent pousser certains à se scarifier ou juste se foutre en l’air. C’était extrême comme sensation, il faut dire qu’il était assez fragilisé mentalement ces derniers temps. Jamais il ne le montrera, jamais il ne demandera de l’aide. Il savait comment aller mieux, comment récréer son esprit avec des jeux, comment se rebooster avec de l’adrénaline pure.

Ruby ne semblait pas aller bien, pas le moins du monde, et il n’avait aucune idée de ce qu’il était sensé faire ou dire pour arranger la situation. Cette situation qu’il avait crée.

Sauf moi. Deux petits mots qui résonnent sans fin dans sa tête. Il la fait souffrir, encore. Tout ce qu’il voulait éviter à tout prix était en train de se réaliser. Theodore avait pourtant tout fait pour se rattraper, pour ne pas aller trop loin et briser cette amitié qu’il trouvait si sincère. Il la fait souffrir, mais cela n’avait rien à voir avec ce qu’il s’était passé quinze ans plus tôt, non, cette fois il souffrait avec elle. Et il détestait cette sensation. Surtout qu’il ne comprenait toujours pas ce qu’il avait fait de travers, malheureusement lorsqu’elle l’éclaira, ce ne fut pas un soulagement. Il avait vraiment été à côté de ses pompes… Il se maudissait d’être aussi lamentable en relation sociables, si seulement les gens pouvaient être des chiffres, ça serait tellement, mais tellement plus facile !!!

S’il était resté relativement figé jusqu’alors, essayant de comprendre ce qu’il se passait, il finit par se mettre en mouvement. Sa main valide vint passer nerveusement sur sa nuque tandis qu’il déviait le regard quelque secondes pour réfléchir à ses mots, mais aussi pour essayer de dissimuler son trouble. Ses yeux noisette se relèvent vers ceux de la belle Ruby “ Je… J’sais que j’étais sacrément ivre ce soir là… Mais j’me souviens clairement de c’que tu m’as dis Ruby. T’as dis qu’il n’y avait rien entre nous. “ Il l’aurait embrassé, sans hésiter, plus d’une fois l’occasion s’était présentée, mais il n’avait rien fait parce qu’il ne voulait pas briser ce peu qui pourrait exister entre eux. Il se souvient avoir ressenti une tristesse, une déception, probablement similaire à ce qu’elle ressentait à cet instant.

Sa main valide vient pincer l’arrête de son nez.
Pourquoi est-ce que ça le contrarie à ce point ?

“ J’pensais devenir dingue… “ Il s’en posait des sérieuses questions quand ses sentiments étaient si forts qu’il lui envoyait parfois des sms dans la nuit. Il lui a fallu du temps pour accepter qu’ils ne se remettront jamais ensemble et qu’il méritait d’être bien avec une autre. Nastya et lui, ça n’avait rien de sérieux au début, définitivement pas. Il s’est offert le luxe d’apprendre à la connaitre et s’était laissé succomber peu à peu à cette personnalité si douce et piquante à la fois. Il soupire pour chasser son agacement et regarder à nouveau la gynécologue “ T’as pas idée de savoir à quel point j’me sens chanceux que t’aie accepté mon amitié et je… J’pouvais pas bousiller ça en te demandant d’en accepter plus alors que j’étais persuadé que tu n’en voudrais pas. “ Lui, parler d’amour… Bon sang… C’est trop douloureux, il se sentait vraiment mal; à deux doigts de vomir tellement ça le brassait ses émotions et ça n'est pas normal pour lui... Mais il s’accrochait, donnait l’illusion de s’en sortir… Ah ça oui, à condition de ne pas voir cet douleur violente dans son regard.

Pourquoi venait-elle aujourd’hui lui parler de ses sentiments ? Il avait l’air heureux avec la jolie Nastya. Tout semblait aller pour le mieux chez lui. Son escape game fonctionnait, il avait une gentille femme qui l’aimait. Mais il fallait que Ruby arrive aujourd’hui avec ses doutes et lui en faire part. Son but n’était pas de gâcher et casser ce qu’il y avait entre lui et Nastya et entre lui et elle. Mais ça faisait des jours maintenant qu’elle ne dormait plus trop, pensant sans cesse à lui. Cela les avait éloigné et Ruby avait manqué l’inauguration. Elle aurait voulu venir, mais elle savait qu’elle le verrait avec elle. Les gestes tendres qu’ils auraient pu avoir auraient fait mal à la gynécologue, elle qui se remettait tout doucement de la perte de son mari. Antoni était toujours ancré en elle, chaque jour elle pensait à lui. Pendant un moment, elle s’était demandée si elle n’avait pas redirigé les sentiments amoureux d’Antoni auprès de Théodore. Le magicien était si doux et gentil avec elle. Il avait fait tout pour qu’elle lui pardonne et cela avait été presque trop facile. Très vite, elle s’était oubliée dans les doux souvenirs qu’elle avait eu avec lui. Cette première nuit ensemble qui avait été la première fois de Ruby. Il y avait aussi eu tous les moments drôles avec la Maman Kelly, toutes ces fois où elles s’étaient moquées de l’adolescent. Theodore avait été particulier dans la vie de Ruby. Alors peut-être qu’elle s’était perdue dans ses souvenirs. C’était à Halloween que tout avait dérapé, quand son cœur s’était serrée lorsqu’elle avait apprit qu’avant de la rejoindre il était avec une autre. Ce soir là, elle mourrait d’envie qu’il l’embrasse et plusieurs fois ils s’y étaient presque risqués. Dans cette salle close, ils allaient parler à cœur ouvert. Theodore lui tournait le dos, soignant sa main. Ruby sentait sa gorge se nouer. Après tous ces mois, elle savait qu’elle avait besoin de Kelly dans sa vie. Ses messages la faisaient rires, les journées avec Hôpital sourire passaient plus vites. Ils se regardaient, un jeu de regard encore plus intense que les mots qu’ils échangeaient. Mais se fut de l’incompréhension dans les yeux de Ruby. Oui elle avait dit ça, mais pour elle ce n’était pas le même contexte. « Tu es arrivé ivre parce qu’avant tu avais passé ton début de soirée avec quelqu’un d’autre. Toute la soirée tu as fais des allusions à notre amitié. » Ils étaient si stupides et Ruby s’en rendait compte à l’instant. Ce n’était pas une question de sentiment pas partagés mais plutôt de sentiments non communiqués. « Alors oui j’ai dis ça, mais plus pour me convaincre moi-même que te convaincre toi ! » Finalement, cette soirée qui était un moment drôle et doux se révélait être un vrai gâchis. C’était peut-être leur problème à Teddy et Ruby, ils n’étaient jamais sur la même ligne de temps. Il était déjà presque trop tard quand elle s’était rendue compte qu’elle avait des sentiments pour lui.

Dans cette salle, il y avait une tension et un malaise. Ruby avait l’impression que Theodore s’échappait. Peut-être aurait-elle dû se taire et garder ses sentiments enfouie en elle. Son cœur se serrait de peur de perdre cette amitié si précieuse. « J’ai toujours pensé que tu ne m’avais jamais vu comme plus qu’une amie… » Après tout, c’était lui qui avait mit fin à leur relation. Elle n’était pas bête Ruby, parfois elle avait senti le regard du magicien sur elle et de ses beaux yeux noisettes qui la scrutaient. Les gestes tendres qu’ils avaient eu à Halloween avaient bien existé. Pour se protéger, elle interprétait ses moments comme des simples marques d’affection d’amitié. Ils étaient stupides et les larmes montaient dans les yeux de la brune. « Je ne voulais que ça … » Les yeux brillants croisaient ceux du magicien. « Finalement, c’est moi qui suis en train de tout gâcher. » Elle gâchait cette amitié si particulière, tout ça parce qu’égoïstement elle voulait qu’il sache. Mais pour son amitié avec Theodore, elle serait capable de taire les sentiments qu’elle a. « Je ne veux pas perdre ton amitié. » Jamais elle n’avait accepté son amitié comme il le sous-entendait. Theodore méritait la confiance que Ruby avait en lui, malgré ce passé. Il le méritait parce qu’il apportait à Ruby un stabilité et un amour qui lui manquait.

Il n’avait pas imaginé qu’ils se retrouveraient dans ces circonstances ce jour-là, sans l’ombre d’un doute il aurait esquivé ce moment. Il est comme ça Theodore, plutôt lâche quand il est question de sentiment. Il aimerait avoir plus de facilité, mais ça n’est pas le cas. Il a l’impression que ça ne le sera jamais, c’est comme s’il avait perdu les clé pour ouvrir les verrous qu’il a installé lui-même sur sa capacité à exprimer son affect. Même avec Jenny, sa propre fille, il peine à lui déclamer son adoration. Elle le rend heureux, sa fille. Comme sa relation avec Nastya le rend heureux, ou l’amitié de Ruby. Bien qu’à cet instant, il a l’impression de perdre cette amitié. Il a bien cru perdre Nastya à Chamonix, alors qu’est-ce qu’il en sait ? Il sait seulement, qu’il n’y comprend pas souvent grand-chose aux interactions sociales. Il angoisse vite, face à la complexité. C’est bien pour cela qu’il esquive les complications, parce qu’il déteste ne pas gérer, ne pas avoir le contrôle des événements

Ils s’étaient mal compris, très mal compris au cours de la soirée d’Halloween. Peut-être n’aurait-il pas invité Nastya à Chamonix s’il avait su, peut-être qu’il aurait invité la belle Ruby. Il a honte à cette pensée, il a l’impression de trahir la russe. Pourtant, il ne fais rien d’autre que du grand Theodore Kelly : se torturer l’esprit à calculer les probabilité qu’un événement se serait produit ou pas dans d’autres circonstances.

Une de ses autres manières de fuir l’instant présent.

“ Ruby… Je… C’est trop tard. “ Cette conversation, c’est de la douleur pure pour l’illusionniste. Il a déjà dû avouer à demi-mot avoir éprouvé des sentiments pour la jolie Ruby et maintenant, il doit lui dire qu’il en a pour Nastya, alors qu’il n’a pas été capable de le dire à la principale concernée. Il a juste envie de couper court à cette situation. Une main qu’il pense discrète au creux de son épigastre, il ne sait pas ce qu’il tente de contenir à l’intérieur de lui. Malgré tout, il reste droit, tente de faire bonne figure. Son comportement est dans la fuite par le rejet de parler davantage, dire que c’est simplement trop tard, c’est beaucoup plus simple. Mais voilà, la machine est lancée, il ne vas pas cessé d’imaginer, de calculer l’incalculable, à savoir… Est-ce que ça aurait pu marcher entre eux cette fois ? Aurait-il été plus heureux avec elle ? C’est le genre de torture mentale dont il est friand malgré lui, inconsciemment et qui a le don de gâcher ce qu’il possède déjà.

Il veut se dérober et Ruby en a conscience.
Un fait de plus qui le perturbe.

Les larmes dans les grands yeux sombres de la gynécologue l’empêche cependant d’agir comme il l’a fait lorsqu’il était adolescent : le rejet brutal, la méchanceté même. Parce que c’est vrai, il a changé. Aussi, il tient à elle, plus que jamais.

“ Eh merde… “ Il s’approche d’elle, sans trop réfléchir, mettre son cerveau sur pause pour juste… Agir. Agir avec le cœur. Mais le cerveau est-il vraiment complètement sur pause avec lui ? Putain qu’il a la trouille à cet instant, il a peur que ce soit elle, qui le rejette. C’est trop tard, ses bras ont enlacé la jeune femme pour la serrer contre lui. Il oublie la douleur de sa main, il la tient juste là, contre son cœur endolori. “ Ne me déteste pas à nouveau… “ Elle n’a pas idée de savoir à quel point il se sent seul ici, à quel point il n’a pas vraiment d’ami, à quel point face à cette solitude dans sa tête, son principal refuge se trouve dans les jeux qui le détruisent. Tout ça, il ne peut pas l’avouer, il n’en a pas la force. Mais à la tenir comme ça contre lui, c’est sa manière à lui, de se confesser. D’essayer du moins…

Ils n’étaient pas connectés Ruby et Theodore dans leur vie. Ils n’arrivaient jamais à trouver le bon timing, comme si la vie se jouait d’eux. Ce n’était pas dramatique, mais des milliers d’autres possibilités auraient pu naître si seulement ils arrivaient à s’accorder sur leur temporalité. Se rendant compte de la réciprocité des sentiments du magicien, elle s’en voulait terriblement Ruby. Il lui aurait fallu d’un peu de courage pour dire à Teddy qu’elle ça l’ennuyait qu’il ait vu une autre personne avant leur rendez-vous à eux. Ce n’était pas son genre les histoires de couple traditionnel. La dernière en date était Théodore quand ils étaient encore que des jeunes adultes. Après, Ruby avait fui tout ce qu’il y avait de plus de traditionnel. Déjà, elle eut un enfant avec son meilleur ami, qui avait appris si récemment qu’il était le père d’un adorable petit garçon de huit ans. Les choses s’étaient enchaînées, un mariage de fait plus que de raison, mais un mariage heureux et rempli d’amour. Aux yeux du monde ils étaient mariés, un couple aimant, ce qui était le cas. Mais chacun avait une grande liberté dans les relations qu’ils entretenaient avec les autres.

Ce n’était pas du traditionnel qu’elle voulait avec Théodore. Non, Ruby voulait juste l’embrasser, être dans ses bras, lui dire qu’elle ressentait parfois un élan d’amour pour cet homme. Mais il était trop tard, comme il venait de si bien lui dire. Elle sentit ce pincement désagréable dans sa poitrine, une douleur qu’elle évitait le plus souvent. Egoïstement, elle aurait pu lui demander de ne pas penser à cette jolie brune, Nastya. Egoïstement, elle pourrait franchir les quelques pas qui les séparaient pour aller embrasser cet homme. Mais elle ne fit rien Ruby, acceptant cette peine. Elle tournait néanmoins son visage pour se cacher du magicien. Elle sentait les larmes monter doucement. Quel gâchis. Si seulement ils avaient parlé. Si seulement, ils n’avaient pas eu peur chacun de leur côté de briser ce lien qu’ils avaient reconstruit assez facilement. Elle ne pouvait pas le chasser de sa vie. Il était là quand Mandy avait rendu son dernier souffle, s’inquiétant de la réaction de la gynécologue. Il était venu à sa remise de diplôme avec le regard fier. Elle ne pouvait déraisonnablement virer cet homme de sa vie, lui qui avait réussi à prendre une nouvelle façon cette place. Elle s’en voulait de gâcher cette complicité. Ils n’étaient pas tant que ça éloigner l’un de l’autre et pourtant Ruby avait l’impression qu’un gouffre s’était créé entre eux. « Je n’aurai pas dû t’en parler … » Disait-elle à demi-mot. Ses sentiments auraient pu fini par disparaître. Elle aurait pris une certaine distance avec lui. Non, finalement ça n’aurait pas fonctionné. Elle avait essayé, prétextant des urgences pour le voir le moins possible. Finalement, il lui manquait trop. Elle sent les larmes dans ses yeux en croisant le regard du magicien. Puis il réduit l’espace. Ruby se sent bien dans ses bras, et elle lâche les vannes de ses larmes ruinant la chemise qu’il porte. C’était un contact doux et réconfortant. A sa requête, elle relevait les yeux vers lui. « Je ne te déteste pas … » Comment le pourrait-elle ? Il n’y avait vraiment aucune haine et animosité entre eux. C’était juste la vie et le temps qui ne les aidaient pas. Elle soupirait un grand coup, continuant à serrer le magicien. Cela durait des longues minutes, autant de temps qu’il fallait pour que Ruby se calme. Et enfin, elle se détachait de lui, doucement, à contrecœur. « Je vais y aller. » Ruby ne pouvait rester et faire comme si ces dernières minutes ne s’étaient produites. « Je ne déteste pas. » Répétait-elle encore une fois, pour qu’il comprenne, qu’il ne culpabilise pas, qu’il continue à faire sa vie. « Mais je vais avoir besoin d’un peu de temps. » Combien ? Elle ne savait pas, mais pas trop non plus.

Ce serait mentir de sa part que prétendre qu’il savait vraiment ce qu’il voulait à cet instant, contrairement à ces mots lorsqu’il annonce que c’est trop tard. Ça ne lui ressemble pas de dire ce genre de chose, il est magicien, les possibilités, c’est lui qui les contrôle. Il ne contrôle plus rien. Theodore n’aura pas l’esprit tranquille après cette conversation, même si c’est toujours le cas, l’agitation sera plus forte. Il a beau vouloir dissimuler à tout prix ce qu’il ressent, ça n’est malheureusement pas toujours possible. Il souffrait de la situation, parce que Theodore est de l’ancienne école et il ne peut pas imaginer que l’on puisse sincèrement aimer deux personnes, alors cette ambivalence dans son cœur, il ne la comprend pas et il ne peux s’empêcher de se dire qu’il y a quelque chose qui cloche chez lui. Cela lui semble être la seule explication plausible à cette situation, le problème, c’est lui.  

Il n’arrive pas à être clair dans sa tête, dans son cœur. Ça n’a jamais été nouveau comme réalité, mais il avait toujours été le seul à en pâtir. La peine de Ruby l’affecte terriblement, parce qu’il l’aime et la voir souffrir n’est pas chose aisé.

Son habituelle indifférence lui manque, cœur solitaire s’en sortait bien mieux, mais cela ne voulait pas dire qu’il était plus heureux. C’était seulement différent. Même si à cet instant, il ne peut s’empêcher de se dire qu’effectivement, il était plus heureux avant. Avant d’avoir Jenny, peut-être bien… Ah, qu’il déteste ce gouffre de remise en question dans lequel il se précipite.

Il la prend dans ses bras, parce qu’il ne veut pas la perdre, son corps a agit plus vite que son cerveau. S’il avait réfléchi, médité à la question, aurait-il serré al brune contre son torse pour sentir son cœur contre son torse. Cette tension, cette adrénaline… Il doit admettre trouver ça grisant, l’espace d’un instant. S’il n’y avait pas toute cette peine entre eux, ça aurait pu lui plaire. Elle pleurait tant, il ne s’était pas préparé à ça, Ruby est si forte et encore une fois… Il était la cause de ses larmes. Il voulait croire que c’était la dernière fois qu’il lui ferait mal, mais il se trompait lourdement.

Elle affirme ne pas le détester, il se dit qu’au moins l’une des deux personnes présente ici ne le déteste pas. Il savait qu’il était en train de la perdre, malgré ses mots. Il savait qu’il perdait la personne avec laquelle il lui était le plus facile sur cette terre de s’exprimer, oui… Il ne se confie, se livre, avec une telle aisance (tout est toujours relatif bien sur) qu’avec Ruby, parce qu’elle ne le juge pas, parce qu’elle a la maturité de le comprendre et de prendre du recul avec sa maladresse. Cette stabilité qu’il avait placée en elle, s’effondrait littéralement.

Ils se détachent, elle annonce devoir y aller, mais ne pas le détester. Il a un petit sourire avec un acquiescement, pour lui dire qu’il la croit, mais… Ce léger pincement de ses lèvres signifiait qu’il ne la croyait pas. Il acquiesce encore lorsqu’elle assure avoir besoin d’un peu de temps, il connait ça, l’absence pour se reconstruire. Le silence, l’éloignement… C’est ce qu’il a toujours fait : partir. Mais il est prisonnier de Bowen, il n’a nulle part où se réfugier… Si ce n’est dans sa tablette et les jeux. Il y pense déjà, il sait qu’il va y passer toute la nuit, pour n’avoir rien d’autre à quoi penser. Il va se soustraire à la réalité, au temps, à lui-même. “ Ok je… J’ai plein de trucs à faire de toutes manières… “ C’était la réponse la plus minable de l’histoire, il était dépassé à tel point qu’il se refermait déjà sur lui-même. Il ne pleure pas Theodore, il n’a pas plus pleuré pour la mort de Mandy, pour sa petite main glacée dans la sienne, que pour ce qu’il considère comme la fin de quelque chose avec Ruby. Son cerveau bascule toujours dans un autre mode lorsqu’il se sent trop triste, parce que c’est une émotion qu’il n’a jamais appris à vivre.

Il recule d’un pas, puis reporte son attention sur sa main abimée. Il en avait oublié la douleur de la brulure, il se dit qu’il doit se faire un pansement pour que ça ne s’aggrave pas. Il a apprit à se soigner seul, car le métier d’illusionniste est plus dangereux que l’on ne l’imagine. Il sait déjà ce qu’il doit mettre pour soigner sa brulure, pour en prendre soin… “ Prend soin de toi… “ Qu’il lui demande en reposant ses yeux bruns sur elle, parce qu’il n’est pas capable, lui, de le faire. Son sentiment d’échec transpire dans son attitude, mais ils prirent chacun un chemin différent, lui vers les bureaux et elle vers la salle de réception et la sortie.

Dès lors qu’ils ne furent plus dans la même pièce, son cœur était d’autant plus lourd, il n’eut pas la force de se retourner, de courir après elle. Il aurait dû, mais pour dire quoi ? Qu’il l’aime ? Ce serait encore plus cruel et égoïste… Il est fatigué de l’être.