"Hey ! nice to meet you..." [El']

Il y avait toujours eu quelque chose qui clochait dans sa vie. En règle générale, tout ce qui avait un lien avec le domaine public n’allait pas, mais sa vie privée était un vrai petit cocon. Les choses s’étaient inversées ces derniers mois. Il était complètement épanoui dans son travail, avec les gens, en cours. Mais son for intérieur se tordait d’un mal-être qui collait à ses chairs, à sa peau, sans cesse augmentant, une tristesse qui le laissait parfois silencieux, le regard pensif ; des regrets qui lui lacéraient les veines, qui tailladaient son cœur.

Dimanche avait déployé sa monotonie sur cette journée et Casey n’avait aucune distraction. Sa colocataire n’était pas là, aussi le jeune homme s’ennuyait ferme. Lorsque la pluie se fut tarie, il décida de sortir avec Sharma, son chien, qui glapissait déjà de joie en voyant la laisse.

Alors le jeune étudiant, passant une veste sur ses épaules, s’en alla hors de son appartement, l’animal  aboyant de joie à l’idée de sortir. Il réussit à faire sourire Casey, qui n’en finissait jamais de rire à chacune de ses bêtises. Le ciel était encore chargé mais il ne pleuvait plus ; Casey espérait que le temps resterait ainsi en suspens : dimanche, jour des lunettes pour les porteurs de lentilles de contact comme lui, et il détestait par-dessus tout avoir des gouttes de pluie sur ses verres.

Pendant qu’il fermait sa porte, la laisse glissa de sa main et Sharma fila courir après des feuilles mortes que le vent faisait voleter. Casey se retourna au moment où le chien entrait dans le jardin de la maison d’en face ; l’Italien pesta, lui ne pouvait pas aller se frayer un chemin à travers les haies pour le rattraper.

Il sonna chez son voisin qui, à l’ouverture de la porte, s’avéra être une voisine.

« Bonjour, désolé de vous déranger, mon chien est entré dans votre jardin… Je peux aller le récupérer ? » demanda-t-il avec une grimace de gêne en fixant la blonde face à lui.

Il ne l’avait jamais vue à Bowen, pourtant il y habitait depuis son enfance. Mais les choses dans la ville australienne avaient bien changé pendant son absence, et puis il ne connaissait pas bien cet endroit, Emily et lui ne vivaient pas dans cette rue auparavant.

La porte s’ouvrit sur une jeune femme blonde, en robe de chambre. Qui n’avait pas franchement l’air ravie d’être dérange – l’avait-il réveillée ? Casey se promit de se faire le plus rapide possible au vu de son air blasé.
Malgré tout, la blonde le laissa entrer et se permit même de lui ébouriffer les cheveux au passage, interloquant l’Italien. Elle le conduisait dans le jardin quand soudainement la jeune femme lui posa une question. Casey eut un léger rictus – il s’était posé la même question à son propos.

« Je suis tout à fait de Bowen, j'y ai même toujours habité – mais je me suis absenté de mars à août. » répondit-il, amusé. « Et vous ? Je ne me souviens pas non plus de vous avoir croisée. » ajouta-t-il en fronçant les sourcils alors qu’ils gagnaient le jardin.

Elle lui fit par ailleurs une petite remarque sur son chien et l’étudiant pria pour que Sharma se soit contenté de jouer avec les feuilles sans toucher à rien d’autre. Il lui adressa un petit sourire signifiant qu’il espérait qu’il en fût autant.
Elle avait l’air d’être quelqu’un de particulier. Qu’elle lui ébouriffe les cheveux spontanément alors qu’ils ne se connaissaient pas donnait d’elle l’image de quelqu’un de sociable, familier, agréable. Mais son regard, la façon dont elle formait et prononçait ses phrases avait quelque chose d’hostile – comme si elle se méfiait de lui. Il ne savait pas trop comment réagir.

« Sharma ! » appela-t-il, apercevant le pelage de son chien dans l’herbe. Au loin. Dans le grand, très grand jardin. Rien à voir avec le sien. Il comprenait maintenant pourquoi elle lui avait dit qu’à deux ce serait plus facile.

Il priait pour qu’il n’ait pas fait de bêtises, s’il pouvait éviter d’avoir des ennuis avec sa voisine, ça l’arrangeait ; elle n’avait pas l’air très commode en somme.