one day i'll fly away -r.

Le grand jour était venu. Tu étais encore proie aux doutes, ne sachant pas si c'était la bonne chose à faire mais aujourd'hui, tu ne voulais plus te prendre la tête, tu ne voulais plus chercher à peser le pour et le contre. Après tout, personne ne savait que c'était elle. Personne ne pouvait te juger pour ça. Et même si certains le faisaient, ça t'était bien égal. Ce n'était pas leurs histoires. Même entre elle et toi, vous n'en parliez plus. Il n'y avait rien à dire tant que tu ne serais pas capable de te poser sur tes sentiments, tant que tu n'aurais pas pris une décision sur ton avenir. Pour le moment, tu voulais te concentrer sur ta rencontre avec Alioth. Ton sac sur le dos, tu fouillais des yeux l'entrée de l'aéroport, essayant de repérer ton amie. « Théia ! » Tu avais levé ta voix aussi fort que possible sans pour autant hurler parce que tu ne voulais pas troubler la fourmillement qu'il y avait dans les lieux. D'un signe de main, elle s'approchait de toi. Un grans sourire sur le visage, tu t'approchais d'elle pour couper court à la distance qu'il y avait entre vous. Même si tu ne voulais pas que ce soit bizarre, tu savais qu'au fond, tu l'étais. Rien qu'en hésitant pendant une fraction de seconde à savoir si tu devais l'embrasser sur la joue, l'enlacer ou juste lui dire "hey" avec un léger sourire. La troisième option serait étrange et tu n'optais pas pour celle-là. Tu choisissais de l'enlacer et de lui déposer un baiser juste après. « Prête pour un long voyage ? » demandais-tu en reculant de deux petits pas pour pouvoir l'avoir en entier dans ton champ de vision. Tu avais un grand sourire sur le visage.

Dans un mélange de nervosité et d'excitation, son ventre se noue. Théia, même après avoir dit oui, a longtemps reconsidéré la proposition de CJ d'aller jusqu'au Canada avec lui. Personne ne sait et pourtant, elle continue de se comporter comme si le monde entier avait le regard tourné vers eux. Et puis finalement, après trop de réflexions et trop de pensées à migraine, elle s'est dit tant pis. Tant pis si ils parlent, tant pis si ils commencent à avoir des soupçons dès le moment où ils auront quitté le sol australien. Elle veut être là pour lui, quel qu'en soit le prix à payer. Elle veut pouvoir le soutenir lorsqu'il rencontrera son fils, écouter ses peurs et ses espoirs. Tout en tirant sa valise derrière elle, Théia cherche CJ du regard et pense à cette aventure qu'ils sont sur le point de vivre. Elle n'a pris l'avion qu'une seule fois pour venir ici, en Australie et pour ça, elle n'a pratiquement pas dormi de la nuit. En entendant son prénom, elle se tourne vivement tout en faisant virevolter ses longs cheveux lâchés derrière elle. Un sourire immense vient étirer ses lèvres. En même temps que lui, elle réduit la distance les séparant jusqu'à venir se blottir contre lui dans une étreinte. « Si je suis prête ? Ça fait des jours que je l'attends ce voyage ! » s'exclame-t-elle avant de reprendre son chemin jusqu'aux portes d'embarcations. Théia relève la tête vers CJ. « Et toi, prêt à voir ton fils ? » lui demande-t-elle, posant sur lui un regard rempli de cette même douceur qu'elle a toujours eue envers lui. Elle qui craignait que quelque chose ne se soit brisé entre eux, il ne lui a pas fallu longtemps avant de comprendre que CJ et elle, rien ne pourrait les séparer. Ils sont plus forts que ça, trop liés que pour être déliés. Sans lui, Théia ne serait pas Théia.

Tu avais eu cette boule dans le ventre. Celle qui naissait quand on se demandait si elle allait venir. Tu sais qu'elle t'avait dit oui et qu'elle ne te l'avait pas dit pour te faire plaisir. Elle le voulait. Mais tu ne l'avais pas revu depuis, tu ne savais pas si certaines choses avaient pu la bousculer. Tu avais peut-être eu vent de choses qui ne te regardaient pas. Comme si ça avait une grande importance, comme si ça pouvait basculer ton choix. Et peut-être que ça en avait mais tu ne devais pas ignorer aussi qu'elle avait le droit d'aimer qui elle voulait. Tu n'avais aucune emprise et tu n'en aurais jamais. Personne n'avait aucun droit sur l'autre. Et tous tes doutes se dissipaient lorsqu'elle était entrée dans ton champ de vision. Captivé par son lancé de cheveux. Tu aurais aimé pouvoir capturer ce moment puisqu'il était plein de grâce. La beauté de Théia à l'état pure, un léger sourire aux coins des lèvres, de légère pommette rosées. Ce visage qui avait le don de te faire rater un battement à chaque fois que tu te le regardais. Qui te coupait le souffle quand tu plongeais ton regard dans le sien. À nouveau, tu pouvais respirer, l'accueillir comme il se doit. « Ton enthousiasme me fait du bien. » Comme un moyen de te booster. Comme pour t'empêcher de penser que tous ça ne ferait qu'une immense catastrophe dans vos vies. Mais tu refusais encore cet idée. « Je ne crois pas. Je flippe un peu plus à mesure que ça s'approche.. » Deja ce matin tu avais choisi d'ignorer trois fois ton réveil, comme si tu essayais de repousser ce moment parce que tu n'étais pas encore prêt à te lever, prêt à te préparer et à faire face à ce qui allait te tomber dessus. Mais tu avais trouvé le courage de te lever et de te dépêcher pour ne pas rater le moment. Pourtant tu sentais ce courage défaillir. « Mais on a un avion à prendre et on devrait se presser un tout petit peu, osti. » disais-tu sans même attendre une réponse de sa part. Tu attrapais sans main commençant à marcher vite. Il fallait que tu passes les contrôles au plus vite comme ça tu serais sûr de ne plus pouvoir faire demi-tour. La pauvre, à peine arrivée, tu ne la ménageais pas.

Il n'a pas fallu longtemps pour qu'une nouvelle rumeur court à son sujet, celle-ci bien plus ciblée que la précédente où son nom n'avait jamais été mentionné. Plus amusée que dérangée, Théia avait préféré en rire au lieu d'en parler à qui que ce soit. Elle ne sait pas si CJ lit ces bêtises qui circulent sur internet, principalement sur le blog des writers. Et si il les lit, elle n'a aucune idée de si il serait capable de le croire. Peut-être que lui aussi considère Woody comme un parfait crétin, à la réputation minable et au nombre de conquêtes plus grand que ceux de la population entière réunis. Mais même si la brunette ne le voit en aucun cas comme tel, elle est certaine que jamais elle ne tomberait dans les filets d'un éternel dragueur. Elle n'est pas naïve, ou plus. Elle l'a trop été ces derniers temps, mais c'est une ancienne part de sa personnalité qu'elle préfère garder effacée. « Ça tombe bien, j'en ai assez pour tout le voyage. Avec moi à tes cotés, interdiction de te désister. » On dirait un slogan, une manière de se vendre auprès de CJ. En l'entendant si nerveux, elle lève les yeux vers lui avec une soudaine envie de le réconforter. Un fin sourire vient étirer ses lèvres. « Ça va aller, je suis certaine qu'il va t'adorer. » Et si ce n'est pas le cas, elle sera là. Dans le bon comme dans le mauvais, Théia restera à ses cotés afin de l'empêcher de flancher. Bien vite, CJ les rappelle à l'ordre et pousse un juron en québécois qui appuie encore plus son accent qui s'était pourtant fait plus léger au fil du temps. Comme à chaque fois qu'il parle dans sa langue natale, elle ne peut s'empêcher de sourire jusqu'aux oreilles. « Il ne partira pas sans nous, » tente-t-elle de dire, trop lente puisque CJ la tire déjà en direction des portes d'embarquement. Ils passent les différents contrôles, brandissent leurs passeports à plusieurs reprises, et finissent bien vite assis l'un à coté de l'autre dans un avion rempli. Un peu anxieuse, Théia inspire profondément. « Si je meurt avant d'arriver, j'aimerais un enterrement rempli de couleurs et de chansons joyeuses. » Elle relève la tête et force un sourire.

Elle te donnait vraiment le sourire. Tu savais que tu pouvais compter sur elle pour te tirer vers le haut. C'est toi qui l'aidait parfois à se relever mais cette fois, c'est toi qui avait besoin d'elle plus que jamais. Ce moment allait sûrement changer ta vie, ta façon de voir le monde et peut-être cela t'aiderait à savoir ce que tu voulais. Mais tu n'avais pas eu le temps de lui dire puisque tu t'étais précipité avec elle a l'accueil afin de commencer les divers étapes. Et tu l'avais entendu parler derrière toi mais pas assez fort puisque tu puisses comprendre ce qu'elle avait dit. Une fois arrivés au premier contrôle, tu lui j'étais un regard. Vaut mieux tard que jamais. « T'es vraiment la meilleure ! » Sa présence etait un réel bonheur. Même éloigné d'elle deux minutes le temps de passer les diffèrents scanners de sécurité, tu l'avais dans la tête. À croire que depuis qu'elle y était entrée, tu avais du mal à te la sortir de là. Et c'était peut-être un signe. Mais tu n'étais pas vraiment du genre à croire au destin. Tu te basais sur des faits factuels. « Je ne te laisserais jamais mourir, d'accord ? » Cette pensée te fit frémir. Tu savais qu'elle avait le cœur fragile, qu'elle avait eu une opération dernièrement mais il pouvait tenir le temps d'un voyage. Voilà une chose à laquelle tu n'avais pas pensé et maintenant que tu le savais tu allais sûrement te faire du soucis quand la moindre chose n'ira pas chez elle. « Je crois qu'on a quelques heures à tuer. Un jeu de carte ou un film pour commencer ? » proposais-tu avec un grand sourire. Si tu pouvais éviter de penser au pire pendant le voyage ce serait génial.

En l'entendant dire qu'elle est la meilleure, Théia se sent sourire automatiquement. Ces derniers temps, elle a été loin d'être la meilleure des personnes. Pour noyer son chagrin, elle a bu. Pour oublier la rumeur, elle a joué les aguicheuses alors qu'elle n'en a jamais été une. Elle sombrait, se laisser aller vers son coté sombre. Mais CJ, il était sa lumière. Il la tirait vers le haut, l'aidait à se sentir meilleure. Quel paradoxe, étant donné les récents événements. En guise de réponse, elle se contente de sourire et le suit jusqu'à l'intérieur de l'avion. Dans un premier temps, elle panique. L'altitude, les dangers possibles, elle passe en revue tout ce qui pourrait faire qu'ils finiraient par s'écraser sur la terre ferme. Ou à prendre feu, au choix. « Je te fais confiance pour me maintenir en vie, » répond-elle avant de relever les yeux vers lui, un faible sourire soulevant le coin de ses lèvres. Non, elle ne risque plus rien. Son coeur n'est plus malade, il est prêt à supporter bien plus que ce qu'elle n'arrivait même pas imaginer avec l'ancien. La seule contrainte, c'est la possibilité de rejet. Plus qu'un mois. Un mois de risque, un mois où elle pourrait soudainement cracher sang et air. Mais jusqu'à aujourd'hui, tout semble bien aller. « Je suis vraiment nulle aux cartes, mais peut-être que tu pourrais m'apprendre. » Elle repense à leur séance de skateboard et se met à rire. « Tu vas finir par devenir mon mentor pour tout, » ajoute-t-elle avec un sourire amusé, enfantin. Être avec CJ, c'est comme être dans une bulle. Elle n'entend plus rien, ne voit rien, ne pense pas non plus. Elle se sent bien, légère, prête à s'envoler.

Tu aurais aimé pouvoir garder ce moment là. Elle avait relevé son regard vers toi. Tu te serais cru dans un de ces moments où le temps est ralenti, où tu patientes avec une légère impatience que son regard croisé enfin le temps. Et quand ils sont engins dans l'axe, il y a cette petite peau qui se tire et dévoile un sourire masqué alors jusque là. « Tu peux. » Tu étirais un large sourire sur ton visage. Savoir qu'elle te confiait sa vie c'était précieux. C'est te dire et te montrer à quel point elle avait confiance en toi et tu savais à quel point ça lui coûtait si jamais elle venait à se briser. Et tu n'aimerais pas être de ce monde pour subir sa peine et sûrement sa colère si jamais ça venait à se produire. Et pourtant tu étais sur le mauvais côté de la pente, celle qui menaçait votre relation si jamais tu prenais une certaine décision. Et une autre décision qui pourrait vous rendre heureux mais tu ignorerais si c'était une relation durable et saine pour tous les deux. Tu te sentais à la fois heureux et apeuré. « J'en connais que tout enfant à au moins une fois joué dans sa vie avec son père ! » C'est alors que tu tu pensais les choses à deux échelles. La première etait qu'Alioth avait déjà joué à ça avec le sien, que ce moment, tu ne le connaîtrais pas dans les jours à venir. Et la seconde, c'était à quel point tes propos pouvaient être vexants pour elle qui n'avais sûrement pas eu un jour l'occasion de se faire. Elle t'avais exprimé cela dans les grandes lignes que tu ne savais même pas à quel point la relation qu'elle avait avec son père etait fragilisée. Tu ne l'avais jamais creusé parce que si elle en avait eu besoin, elle aurait pu te le confier mais il ce n'était pas arrivé. Tout comme elle n'avait pas creusé quand elle a su pour Alioth ou même pour ta discussion avec Nevaeh. Tu passais rapidement à autre chose en lui expliquant brièvement les règles de la bataille et elle connaissait. Après deux-trois cartes, tu relevais ton regard vers elle. « Tu vois comme c'est facile, tu me plumes ! » Et pas que les plumes. Sans le vouloir elle pillait un peu plus ton cœur.

Elle a toujours eu confiance en lui. Une confiance aveugle, même. Elle lui faisait confiance lorsqu'ils étaient au bord de la falaise, ou lorsqu'ils étaient à des mètres au-dessus de la mer. Elle lui faisait confiance ce soir-là, lorsqu'ils se sont ouverts l'un à l'autre et qu'il lui a promis des choses sur le court terme, mais pas sur le long. Théia était effrayée que quelque chose ne se rompe entre eux car CJ, il est probablement le seul à voir en elle cette si grande sensibilité qu'elle se tue pourtant à cacher. Son absence dans sa vie la rendrait dingue, elle ne sait même pas si elle aurait pu la supporter sans finir par le harceler à coups de téléphone. Il a son coeur entre les mains, elle lui a laissé cet honneur car elle sait que jamais il ne le briserait intentionnellement. CJ a toujours été différent, et il le restera éternellement. « Fais gaffe, j'apprends très vite. Je suis certaine que je vais pouvoir te battre après seulement quelques manches. » Elle lève les yeux vers lui et ne peut empêcher un sourire de venir étirer ses lèvres. Il est sur le point de retrouver son fils. Peut-être qu'ils auront le temps pour une partie de carte, ou de football. Dans sa valise, Théia a emporté sa caméra en espérant pouvoir capturer quelques instants où CJ sera heureux, en compagnie d'un petit bout de sa famille. Cette simple idée lui réchauffe le coeur, et elle refuse impérativement d'imaginer les possibilités plus négatives. Tout se passera bien, elle en est certaine. Théia et CJ jouent quelques parties de cartes et, comme prévenu, elle ne tarde pas à avoir un coup d'avance sur lui. Un sourire plus grand que le précédent vient accompagner son regard rieur. « Je te l'avais dit ! » Elle ramasse quelques cartes afin d'en faire un petit paquet qu'elle tape contre la tablette devant elle. « Au fait, j'ai une question à te poser et je te promets qu'après, je te ne t'embêterai plus avec ce sujet. » Elle n'ose pas le regarder. Tout en jouant machinalement avec les cartes, Théia se pince les lèvres. « Est-ce que... tu as eu l'occasion de parler avec Nevaeh ? »

Elle était espiègle, à peine avais-tu fini d'expliquer les règles qu'elle t'assurait pouvoir te plumer. Et elle avait raison, en même pas cinq tours, tu venais de perdre cinq cartes. Tu lui offris un léger sourire en ne la quittant pas du regard. « Je n'ai pas douté une seule fois. » C'était aussi un jeu de chance, plus on avait de carte, plus on avait une chance d'en avoir une meilleure que l'adversaire. Un as et elle pouvait récupérer le - peut-être - dernier roi qu'il te reste. Mais tu pouvais aussi récupérer des dix, des sept, et même des dames. Rien n'était joué encore, tu pouvais te refaire une main. A sa question, tu lèves le regard vers elle, voyant bien qu'elle n'était pas très à l'aise à l'idée de la poser, mais comme si elle avait besoin de savoir. « Je t'écoutes. » S'il y avait bien une chose que tu devais à Théia, c'était la vérité. Tu n'étais pas un menteur de base, tu n'aimais pas le mensonge, mais la vérité n'était pas toujours belle à entendre. Tu te doutais de la question mais tu pensais que ça viendrait plus tard dans le voyage, après ta rencontre avec ton fils. Au moins, maintenant ça ne te pèserait plus autant sur la tête. « Non. » ajoutais-tu dans un premier temps, gardant un léger silence. Tu attrapais ta carte pour la retourner, rompant alors le silence. « J'ai pas vraiment envie de croiser Woody ou Félix, ils doivent faire le pied de grue chez leur sœur pour être sûr que je vienne pas lui chambouler la tête avec mes belles paroles parce qu'au fond je suis un profond connard. » C'était un peu cru dit comme ça, mais tu l'avais dit avec le plus grand des calmes, sans la moindre animosité dans la voix. Tu avais juste utilisé plus ou moins leurs mots, tu n'étais pas sûr à 100% que c'était ça dans les moindres détails mais c'était au moins l'idée générale. Tu avais sûrement tort, ils ne devaient pas monter la garde pendant que leur soeur ne serait pas assez stupide pour te laisser rentrer chez elle et accepter de t'écouter. Tu n'avais pas pu le faire la dernière fois et tu attendrais qu'elle vienne à toi. Ou alors tu saurais enfin ce que tu ce que tu voudrais, histoire de mettre les choses au clair avec tout le monde.

La question lui brûlait les lèvres. Elle savait qu'en parler maintenant ne servait rien et Théia, elle aurait aimé pouvoir profiter de ce voyage avec CJ sans se replonger dans tous ces événements qui ne devraient appartenir qu'au passé. Mais elle l'a posée. Elle a parlé de Nevaeh, plus par curiosité que pour se rassurer. D'abord, il ne prononce qu'un simple non devant lequel elle se contente de hocher la tête. Il n'y a donc rien eu, pas de nouveauté. Ils en sont toujours au même stade, incertain de l'avenir de leur couple. Mais rapidement, il mentionne autre chose. Le début de sa phrase lui fait rapidement comprendre qu'il va parler de ses frères mais, lorsqu'il prononce leurs prénoms, Théia se fige. Woody. Elle ne bouge plus, n'écoute même pas la suite. Elle connait le nom de famille de Woody pour lui avoir parlé plusieurs fois sur les réseaux sociaux, mais jamais elle n'a entendu celui de Nevaeh. Pendant plusieurs secondes, son regard se perd dans le vide. Elle pourrait penser à Félix aussi, garçon qu'elle a rencontré presque un an plus tôt sans jamais le revoir. Et pourtant, ses pensées restent focalisées sur le premier. Non, c'est impossible. « Je crois que mon estomac a du mal avec les avions, je reviens. » Elle lui offre un sourire faux et quitte son siège avant de se diriger vers l'allée centrale. Alors qu'elle marche jusqu'aux toilettes, Théia sent son coeur battre contre ses tempes. Elle entre dans la cabine, ferme derrière elle, et rabaisse la planche afin de s'asseoir dessus. Sans attendre, elle sort son portable de sa poche et ouvre une page internet même si elle sait que c'est déconseillé lorsqu'on se trouve à bord d'un avion. Elle ouvre le site des Writers, passe en revue les nombreuses rumeurs. Elle y voit plusieurs fois le nom de Woody en compagnie de plusieurs filles, mais ce n'est pas ça qui l'intéresse. Théia se lance dans la lecture des articles et, après en avoir parcouru quelques uns, elle tombe sur ce qu'elle cherchait. Woody aurait dû se concentrer plutôt sur sa sœur Nevaeh Rutkowski (...) Elle ne lit pas la suite. Sur le moment, Théia se sent stupide. Stupide et en colère. Ses mâchoires se serrent, son poul s'accélère, une réaction physiologique que son ancien coeur n'aurait pas supporté. Woody est le frère de Nevaeh. Woody est celui qui a frappé CJ, lui-même qui l'a probablement laissé pour mort. Un sanglot reste coincé dans sa gorge, mais elle s'empêche de l'extérioriser. Après avoir retrouvé ses esprits, Théia range son portable et quitte la cabine afin de retourner sur son siège. « Désolée, » souffle-t-elle, la tête et le coeur en vrac.

Elle te plumait une nouvelle carte. Encore une de moins pour toi. Elle pose sa carte en première et c'est à toi de jouer, tu la bats alors, de très peu, un sept contre un cinq. Rien de bien fou. Mais c'était toujours ça de pris. Votre voyage qui était si agréable venait de prendre une autre tournure. Tu avais été franc en répondant à sa question. Tu aurais bien aimé dire à Nevaeh de vive voix que tu partais pour quelques jours, que tu allais à la découverte de ton fils. Elle s'en foutrait sûrement, elle aurait raison. Mais tu ne pouvais pas te l'enlever de la tête. Tu la connais depuis presque 20 ans, tu l'as vu grandir, tu as grandi avec elle, tu l'as aimé. Elle ferait toujours partie de toi. Tu n'avais pas été la voir, tu ne lui avais pas envoyé de message. Tu te contentais de la laisser tranquille. Théia déclarait alors se sentir mal à cause de l'avion « Je.. Euh.. D'accord.. » De toute façon elle ne te laisse pas vraiment le choix de dire autre chose, en instant, elle s'était éclipsée. Tu ne saurais dire si c'était à cause de ce que tu avais pu dire là juste avant ou non. Tu regardais les minutes défilaient sur ta montre, te demandant si tu devais aller voir ou non si elle allait bien. Tu savais que son cœur était plus résistant que le précédent, mais il y aurait toujours un risque plus élevé pour elle. Une idée qui ne t'enchantait pas du tout mais elle n'aurait pas été se cacher aux toilettes si c'était une douleur cardiaque. Elle n'était pas idiote à ce point. Elle ne l'était même pas du tout. Elle finit par sortir, te rejoignant aussitôt. « Tu vas bien ? Tu veux boire ou manger quelque chose ? » demandais-tu assez rapidement en la détaillant. Elle te paraissait un poil plus pâle que d'habitude mais si c'était l'estomac, comme elle le disait, il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Pourtant, une idée restait là, dans un coin de ton esprit et tu devais lever le voile sur ça. « C'était à cause de quelque chose que j'ai dit ? » demandais-tu. Tu voulais savoir si dans tes propos quelque chose avait pu lui faire du mal. Sans t'en douter, tu lui donnais des informations qu'elle aurait sûrement aimé ne pas connaître.

Pauvre CJ, si il savait. Si il savait que pendant cette courte période de temps où ils ne se parlaient pas, Théia se rapprochait du type qui l'avait tabassé. Dans ces toilettes, elle se sent sale. Elle aimerait crier pour extérioriser sa colère, relâcher tout ce qu'elle a pendant si longtemps accumulé. Elle s'en veut, elle se déteste pour s'être laissée s'attacher à Woody. Elle haït encore plus cette petite part d'elle qui veut le comprendre, le pardonner, qui a peur qu'il finisse par la détester pour ce qu'elle a fait. De retour à son siège, Théia regarde le vide pendant plusieurs secondes. Il ne comprend pas, comment le pourrait-il. À sa proposition, elle se contente dans un premier temps de secouer négativement la tête. « Non, je vais bien merci. » Son coeur bat à toute allure, ses joues sont rougies et sa peau doit probablement être pâle. Mais à part ces quelques détails, Théia va bien. Ou du moins, elle ira bien lorsqu'elle aura assimilé la nouvelle. Bordel, pense-t-elle. À la question de CJ, elle appuie sa tête contre le siège avant de la tourner vers lui. Elle ne peut pas lui dire, pas maintenant. Pas avant ce voyage qui est censé être merveilleux pour lui comme pour elle. Alors à la place, Théia sort le premier mensonge qui lui passe par la tête. « C'est juste que... je connaissais Félix, vaguement. J'ai du mal à croire qu'il ait pu faire une chose pareille. » Pendant de longues secondes, elle laisse son regard se perdre dans celui de CJ. Des larmes lui montent aux yeux sans qu'elle n'arrive à les en empêcher. La main de Théia vient doucement se poser sur sa joue avant de la caresser à l'aide de son pouce. « Je suis désolée pour tout ce qu'il s'est passé, » souffle-t-elle, même si elle sait qu'il n'apprécie pas lorsqu'elle s'excuse. Elle continue de caresser sa joue un moment avant de laisser son bras retomber le long de son corps. « Et si tu me parlais de ton fils, que je sache un peu qui je vais rencontrer ? Comment il est venu au monde, des détails comme ça. » Théia ne sait pas si parler du petit n'est pas plus maladroit qu'autre chose, mais elle a besoin de ne plus penser aux Rutkowski. Si elle continue de ruminer là-dessus, elle finira par exploser et ne pourra cette fois pas se contrôler.

« T'as pas vraiment la tête qui va avec. » Son teint retrouve doucement sa couleur normale mais ce n'était pas encore tout à fait ça. Tu sentais bien qu'il y avait quelque chose, qu'elle ne te disait pas vraiment la vérité mais tu ne voulais pas lui forcer la main. Tu lui adressais juste les mots qui te venaient en tête, un message de paix et d'amour. « Je ne sais pas où en sont tes relations avec lui, mais il faut mettre ça de côté Théia. C'est une histoire du passé, ils ont fait ça parce qu'ils étaient en colère. La colère fait faire de mauvaises choses mais il ne faut pas juger un homme dans un état de colère. La plus douce des mamans pourrait se transformer en meurtrière si on s'en prenait à la chair de sa chair : sa famille. Je n'ai aucune colère contre les deux hommes et j'accepte ce qu'ils ont fait. Il faut laisser tout ça de côté, chacun de nous pourra avancer et on y verra tout plus clair. Ne les condamnes pas. » Tu ne voulais pas non plus les blâmer et les accabler de ce qu'il t'était arrivé. C'était arrivé, un point c'est tout. Ressasser ces histoires ne vous aiderez pas à avancer, il y avait plus important dans la vie que d'en vouloir à quelqu'un pour une correction peut-être un peu trop sévère. « Ce ne sera jamais ta faute Théia et jamais tu ne m'entendras t'accuser devant les autres. » Tu avais bien trop de respect pour être ce genre de mec. Tu assumais l’entièreté de la faute. Il y avait autre chose dont tu aurais dû parler avec elle mais maintenant qu'elle avait posé les questions sur ton fils, tu n'avais pas le coeur d'en parler maintenant. Vous le feriez un peu plus tard, ce n'était pas pressé. « J'aimerais pouvoir t'en dire plus mais j'étais déjà parti depuis longtemps lorsqu'il est né. Sa mère l'a placé en famille d'accueil. Je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il va avoir 7 ans et qu'il s'appelle Alioth. » Tu haussais doucement les épaules, à elle, ça lui parlerait ce prénom. Ce n'était pas commun et ce ne serait sûrement pas rigolo pour l'avenir mais son prénom avait une grande signification pour toi, pour Lou.

Il sait, sont les deux premiers mots qui surgissent dans son esprit lorsqu'elle entend cette première phrase qu'il prononce. Mais bien vite, Théia réalise qu'il n'y a en réalité rien à savoir. Cette rumeur circule toujours sur elle et Woody, rumeur mensongère qui extrapolait un début de relation innocent, contrairement à la réputation que lui se traîne indéfiniment. Mais jamais ils ne se sont embrassés, jamais ils n'ont couché ensemble et jamais ils n'ont laissé sous-entendre que l'un était attaché à l'autre. Il n'y a rien, rien de plus que quelques moments hors du temps. Pourtant, le coeur de Théia se sert. Elle écoute CJ sans le couper, assimile ses paroles et se les répète pour ne pas les oublier tout de suite. À la fin de son discours, elle laisse échapper un soupir pendant que le dos de sa tête retombe contre le siège. « Le monde ne te mérite pas, CJ. » Un fin sourire vient étirer ses lèvres. Sourire songeur, de réflexion, sourire qui n'est ni vrai ni faux. Juste un rictus qui se forme sur son visage comme un réflexe. « J'aimerais être capable de raisonner comme toi, mais il faut croire que je suis plus maman ours que dalaï lama. » Elle rit doucement à ses propres paroles. Son teint retrouve ses couleurs, grâce à lui. Les battements de son coeur diminuent, ses poings se déserrent. Ce ne sera jamais de sa faute. « Je sais que tu ne ferais jamais une chose pareille, je n'en ai jamais douté. » Il a su trouver les mots pour la calmer, chose que peu de personnes ont été capable de faire. Ce doit probablement être pour cette raison que jamais Théia et CJ ne se sont pris la tête, et que le courant est toujours si bien passé entre eux-deux. Ils se complètent. Il apaise sa colère, sa douleur, cette part de sa personnalité qui s'enflamme si vite. Il agit sur elle comme un antidouleur. « Alioth, » répète-t-elle doucement, son regard toujours perdu dans le vide. « C'est un beau prénom. » Elle aimerait en savoir plus, connaître l'identité de la mère par exemple. Pourtant, Théia se contente de relever les yeux vers CJ et de laisser un silence planer entre eux deux. Le silence n'est pas inconfortable, au contraire. Elle en avait besoin, de ce moment sans mots douloureux.

Sa réponse te fit sourire dans un premier temps, proclamant que le monde ne te méritait pas mais si tu n'étais pas là, alors jamais vous ne partageriez un moment comme celui-ci, un moment où tu lui permets de s'évader, d'oublier ses problèmes de santé, de vivre tout simplement. Et tu savais comme elle aimait ça, elle, la vie. C'était une très bonne vivante, plus que toi sans doute. C'est ce qui vous avez rapproché dès le départ. La suite de sa réponse te fit rire, tu n'étais pas le dalaï-lama, tu étais capable de t'énerver et d'agir sous la colère. Cela n'arrivait quasiment jamais, tu ne te souvenais même pas de la dernière fois, sûrement quand tu avais claqué la porte au nez à ta famille en les traitants tous de menteurs, refusant de comprendre les raisons qu'ils les avaient poussés à agir comme tel. « Oui, mais ce n'est pas ton combat. » ajoutais-tu simplement pour clore cette conversation. Tu devais sûrement la vie à l'intervention d'Aisling et même si tu ne doutais pas de ses compétences pour se défendre, elle aurait vraiment pu finir dans le même état que toi. Tu ne voulais pas que le même sort arrive à Théia si jamais elle voulait s'en prendre à eux. Toute cette histoire avait fait beaucoup trop du bruit, tout ce que tu voulais, c'est que ça se tasse. Et pour ça, rien de mieux que de penser au présent, en parlant du pourquoi de votre voyage : ton fils. Elle aimait son prénom et ça te faisait déjà chaud au cœur. Une pensée qui venait t'apaiser. « Merci. » Dans un léger sourire tu viens caler ta tête dans ton siège, le regard sur Théia, tu sentais la fatigue prendre part de ton corps. Lentement tu fermais les yeux, te laissant sombrer. Tout ce pic d'émotions d'un coup, ça t'avait épuisé. Tu ne savais pas combien de temps tu allais dormir. Quand tu ouvrais les yeux, il y avait toujours Théia assise à côté de lui, ça pouvait faire cinq minute comme soixante-dix. « Je.. Je me suis endormi. Désolé. » Le stress accumulé avant le départ t'avait pas mal épuisé, tu n'avais pas passé une bonne nuit depuis près de 10 jours. Il fallait bien se reposer de temps en temps pour ne pas finir à l'hôpital, dans un état au bord de la mort. Et puis si tu avais une tête de zombie, tu ferais mauvaise impression aux yeux de ton fils, ça t'était impensable.