FBI : Fausse Bonne Idée [Feat. Tahlia Wates]

Dans l'esprit de Tahlia, c'était très clair. Jamais, ô grand jamais, elle ne révélerait les démons qui hantaient Donovan. Ce n'était pas son job. S'il devait tomber, ce serait sous la décision de ses supérieurs. Et puis, elle n'était pas le genre de femme à trahir son entourage, qu'il soit privé ou professionnel. Avec elle, il pouvait dormir sur ses deux oreilles. Comme elle le lui avait dit précédemment, elle ne dira rien et le temps justifiera au mieux ces paroles criantes de vérité. Au fond, tout ce qu'il s'était passé dans ce bureau restera dans ce bureau. Tahlia ne voulait pas voir l'unité de l'équipe voler en éclats. Ils avaient fini par trouver un équilibre, imparfait certes, mais ils tenaient le coup. Elle se verrait mal mettre tout en l'air pour une histoire stupide. Parce que cette histoire était stupide. Malgré les avertissements, elle avait continué à le provoquer, jusqu'à recevoir ce geste défendu. Quand il la croisera, il ne pourra que penser à cette agressivité qu'il avait eu à son égard. Quant à elle, elle se rappellerait sans cesse la colère qu'elle avait lu dans ses yeux, de sa main sur son col. Il y avait du chemin à parcourir s'ils voulaient retrouver confiance en l'un et l'autre. Mais elle était prête à faire ce pas... Pas aujourd'hui, évidemment, c'était encore trop frais et la rancoeur était présente, malgré tout. Mais elle le ferait.

Pour l'instant, elle avait seulement envie de comprendre. Comprendre pourquoi il en arrivait jusque là, pourquoi il était si instable, pourquoi il se réfugiait sans cesse derrière une bouteille d'alcool. Elle ne pensait pas avoir les réponses à ses questions. Elle s'imaginait qu'il allait partir, fuir une nouvelle fois et mettre des barrières entre lui et elle, pour l'écarter. Mais il commença tout en douceur. Il lui avoua, à demi-mots, qu'il était autrefois un policier presque exemplaire. Tahlia ne répondit rien sur le coup, elle savait ce que c'était. Elle aussi était passée par là. Elle avait préféré ruiner sa réputation et sa carrière pour protéger un ami. « Tu as encore quelques réflexes. Sinon, ça ferait longtemps que tu ne serais plus ici. » Il y avait quand même quelques enquêtes qu'il avait mené avec brio et il était important de le rappeler. Mais elle n'insista pas plus. Donovan s'ouvrit un peu plus, face à une Tahlia plus que surprise. Elle posa son regard sur cette gourde qu'il prit en main, comme s'il cherchait son ancre. Elle s'apprêta d'ailleurs à rétorquer, mais elle s'arrêta net, se rendant compte qu'il avait raison. Elle n'avait pas le droit de remettre en cause son addiction. Que ce soit la cigarette, l'alcool, la drogue, la malbouffe ou même le sexe, chaque addiction était dangereuse à sa façon. Alors, elle se contenta de hocher la tête, lui donnant raison par cette même occasion. Cela aurait pu s'arrêter sur cette réflexion quelque peu moralisatrice, mais Tahlia tenta le tout pour le tout en lui posant une question. La question qui lui permettrait d'obtenir toutes ces réponses. Donovan joua le jeu. Et le portait qu'il lui offrit la déstabilisa au plus haut point. Il l'avait habitué à voir l'être détestable, têtu et provocateur. Devant elle, aujourd'hui, il y avait l'homme brisé. Elle comprit enfin ce qu'il se passait. Il avait tout perdu. Face à tant de détresse, Tahlia fit un geste vers lui, s'apprêtant à poser une main sur son bras, mais elle se stoppa, estimant que cela pouvait mal passer. Ou pire, passer pour de la pitié. Mais dans les yeux verts de la policière, on ne voyait aucune pitié, seulement de l'émotion pure et sincère. Il venait de lui avouer qu'il avait souvent eu envie de se mettre une balle dans la tête. Le suicide était un sujet sensible pour la brune, qui avait vu son propre ami, Jayden, tenter de se suicider, il y avait près de dix ans. Alors, elle comprenait ce mal-être. « C'est peut-être parce que tu n'as pas à le faire. » S'il ne le faisait pas, c'était qu'il y avait quelque chose qui le maintenait en vie, coûte que coûte. C'était à lui de s'en rendre compte et de voir si cela valait le coup. La jeune femme garda son regard sur lui et se mordilla la lèvre inférieure, se demandant si elle devait aller plus loin dans ses questionnements. C'était délicat, mais elle osa, malgré tout. « La personne que tu as perdu, c'était ta femme ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? »

Dans l'hypothèse où la jeune femme serait capable d'oublier ou même de pardonner les actes qu'il vient d'avoir envers elle, lui en revanche, en sera incapable. Il n'a jamais douté qu'il était mauvais. Mauvais pour lui  mauvais pour tout ceux qui l'approchaient, c'était un salaud fini mais, jamais il n'aurait pensé rajouter sur sa liste : violence envers une femme. Il était vraiment descendu bien bas dans sa chute libre et jamais, non jamais, il ne pourra se pardonner d'avoir agit de la sorte. Il aurait pu lui crier dessus, reprendre sa gourde en faisant quelques gestes un peu brusque, mais jamais il n'aurait dû lever la main sur elle. Donovan détestait ces types qui pensaient qu'ils étaient supérieurs au point de cogner sur des femmes. Il faut croire qu'il était devenu ce qu'il haïssait le plus. Ce qu'il avait toujours détesté et qu'il trouvait faible de la part d'un homme. Il était devenu celui-ci même. Tahlia avait raison, il devait arrêter l'alcool, il courrait à sa perte, mais il n'était pas encore assez conscient de ce que ça engendrait réellement puisque sa propre vie n'avait plus aucune valeur à ses yeux.

Face aux questions de Tahlia, il aurait pu réagir comme il le faisait tout le temps, c'est-à-dire en fuyant. Mais comme s'il était traversé d'un élan de lucidité, il décida de se livrer à elle, de lui dire à demi-mots les choses telles qu'elles étaient. Bien évidemment, ça aurait été trop simple de tout lui livrer sur un plateau d'argent. Déjà que parler de lui était un véritable exploit, il ne pouvait pas non plus totalement renier la manière dont il agissait naturellement. Il faisait déjà bien plus d'efforts pour elle, qu'il n'en avait fait pour qui que ce soit ces dernières années. Alors, même si elle l'ignorait, elle devait lui en être reconnaissante.

" - C'est même plus des réflexes, c'est simplement la routine après vingt ans de service."

Des gestes qui étaient devenus naturels. Des paroles qu'il avait appris par coeur pour les réciter comme un adolescent réciterait une leçon. Tout ça, c'était devenu sa routine, et bien plus encore depuis ces cinq dernières années. Dégainer une arme ne lui avait jamais fait peur, mais il ne pouvait pas nier que depuis le décès de sa femme, il aime particulièrement l'utiliser, et ce, que ce soit réellement nécessaire ou non. Donovan avait perdu pied et malgré que son supérieur couvrait certains de ses actes, il ne le ferai pas éternellement. Personne ne le supportait bien longtemps. C'était dans ses gènes, dès que quelqu'un commençait à s'intéresser à lui, il se sentait obligé de se montrer exécrable, parce que c'est tout ce qu'il mérite et qu'il aime bien trop sa solitude de ces dernières années pour laisser quelqu'un empiéter sur son territoire.

Tahlia avait vu juste, s'il n'avait pas appuyé sur la détente, c'était pour une seule bonne raison : sa femme. C'était le seul fil qui le reliait à la vie. Il se devait de retrouver les coupables, de les mettre derrière les barreaux voire même, de les faire souffrir avant de les achever. Mais est-ce qu'il éprouverait une quelconque satisfaction à les tuer ? En tout cas, c'est ce dont il rêvait. Alors que sa jeune collègue lui posa cette question qui devait lui brûler les lèvres, il ne put s'empêcher de jouer nerveusement avec son alliance. Il était veuf certes, mais il n'avait jamais eu le courage de la retirer, c'était un peu comme si elle était encore là, quelque part dans sa caravane.

" - Oui. Elle était enceinte. On allaient avoir un enfant, je ne saurai jamais si c'était une fille ou un garçon. J'étais parti sur une enquête, j'étais loin de chez moi. À l'époque, je ne vivais que pour mon travail, puis, il y a eu ce coup de téléphone m'annonçant qu'on venait de la retrouver morte. Elle a été assassiné par un cartel sur lequel j'enquêtais. Tu comprends ? C'est à cause de moi qu'elle est morte, j'ai pas su la protéger !"

Dans sa voix il y avait de la colère. La colère de ne pas avoir su faire son devoir et protéger sa femme comme devrait le faire n'importe quel mari et futur père. Mais il y avait aussi de la tristesse. Cette tristesse d'être seul, d'avoir perdu ce qu'il avait de plus cher, mais au final, il savait que ça pouvait arriver, il avait simplement refuser de le croire jusqu'à ce qu'on lui annonce le décès de sa femme. Il s'en souvenait comme si c'était hier. Danno serra les poings tellement fort sur ses phalanges en deviennent blanches. Maintenant Tahlia allait comprendre que la seule chose qui l'animait c'était de retrouver ces hommes. C'est une femme intelligente et elle ne mettra pas longtemps à faire le rapprochement entre les deux.

Comme toute personne saine d'esprit, Tahlia aurait dû poser cette gourde, tourner les talons et s'éloigner le plus possible de Donovan. Mais elle n'avait pas pu le faire. Elle savait qu'elle était toute aussi fautive que lui. Elle n'avait donc pas le droit de lui remettre la faute dessus afin de le faire passer pour le bourreau de l'histoire. Mais elle savait aussi que sa condition de femme allait les éloigner naturellement. Si elle avait été un homme, Donovan lui aurait fichu un poing dans la figure. Ils se seraient envoyé deux-trois coups dessus et l'histoire se serait terminée par un verre dans le bar d'à côté. Mais parce qu'elle était une femme, cela changeait toute la donne. On n'usait pas de violence envers une femme. Mais même avec cette idée-là, la jeune policière était restée, face à lui, dans ces toilettes. Ce n'était pas du masochisme, bien sûr que non. Donovan était juste tombé sur une femme qui avait connu des violences conjugales dans le passé. Elle faisait donc la différence entre un homme à la nature violente, lâche et faible, et un homme brisé, dont l'impulsivité poussait parfois à des actes regrettables. Elle ne lui donnait pas d'excuses, loin de là, mais Tahlia serait sûrement plus apte à pardonner à Donovan plutôt qu'à Elias, son ex petit-ami.

Mais il n'était pas question de cela à l'heure actuelle. Donovan avait su éveiller la curiosité de la brune. Et on savait ô combien l'agent Wates était curieuse ! Cela lui permettait d'oublier - un temps - tous les soucis à côté. Son supérieur avait ouvert une brèche au sein de laquelle la jeune femme s'était infiltrée, plus ou moins subtilement. Et elle continuait de creuser, avec des questions toujours plus ou moins subtiles. Elle se doutait que l'effort devait être immense pour Donovan, Tahlia en avait pleinement conscience. C'était pour cela qu'elle agissait naturellement avec lui, sans se parer d'un regard plein de pitié, au fur et à mesure qu'il énonçait son histoire. Il ne méritait pas cela. Son histoire était d'une grande tristesse, mais il ne méritait pas les regards plein de pitié, à la limite de l'hypocrisie, que les gens osaient lancer, sans savoir ce qu'il fallait réellement faire. Tahlia posa ses yeux verts sur l'alliance qui trônait à l'annulaire gauche de Donovan. Une alliance avec laquelle il jouait nerveusement. Même s'il ne lui répondait pas, les gestes du policier apportaient la réponse attendue par Tahlia. Il avait perdu sa femme. Elle redressa la tête et croisa son regard alors qu'il confirma cette idée-là. Le coeur de Tahlia se serra en apprenant que la jeune femme était enceinte, lors de son décès. Alors qu'il s'était préparé à être père, on avait osé lui retirer femme et enfant. La vie pouvait être une bien belle garce. La jeune femme comprenait mieux l'addiction qui le maintenait en vie, ce côté tête brûlée et instable. Elle n'avait jamais vraiment connu l'amour, elle ne pouvait donc pas savoir ce que cela représentait de perdre l'amour de sa vie, mais elle comprenait mieux la détresse qui l'animait, ce regret qui le malmenait au quotidien. "Ce n'est pas à cause de toi, Donovan. C'est à cause de ces saletés qui n'ont pas eu le cran de s'attaquer à la bonne personne. Quand on devient flic, on sait que l'on risque notre propre vie. On signe pour ça, pas pour la vie de notre entourage. Personne n'aurait pu imaginer cela." Il n'aurait probablement rien pu faire pour la protéger, là était le problème. La mort de sa femme était une conséquence inattendue d'une enquête dangereuse. Qui pouvait prévoir cela ? Personne. Mais elle comprenait l'impuissance qu'il pouvait ressentir. Il avait fait voeu de protection envers son épouse, et il avait échoué. Le policier le plus doué aurait échoué, lui aussi. Mais cela, il serait difficile de faire l'entendre à Donovan. Le manque de sa femme effaçait tout. Cela effaçait tout discernement, tout espoir de se rassurer, de ne pas se mettre la faute dessus. C'était humain. Tout comme c'était humain de vouloir venger l'être aimé. Tahlia avait d'ailleurs une petite idée sur ce propos. "Tu enquêtes encore sur ce cartel ?" C'était une question qui sous-entendait une autre, bien plus directe. Avait-il l'envie de se venger ?

Donovan était le genre de mec rancunier, il ne pardonne jamais facilement et lorsqu'il le fait, il n'oublie pas pour autant ce qu'on lui a fait. Que ça aille d'une petite blague sans importance à un coup de poignard dans le dos. Alors il est évidemment que cette altercation qui venait d'avoir avec Tahlia n'allait pas pouvoir s'effacer de son esprit avant un bon bout de temps, si toutefois, il arrivait à oublier ce qu'il avait fait.

Le mieux était sans doute qu'il quitte les forces de police, qu'il aille retrouver un autre commissariat où personne ne sera susceptible de connaître son histoire, et donc de le juger. Où personne n'aura eu vent de son comportement exécrable et quasiment suicidaire. Là où il n'aura aucune femme sous ses ordres, comme ça si quelque chose arrive, il pourra se défouler sur le visage du coupable. Mais au fond, tout cela n'était que pour altérer la vérité, faire face à ce qu'il devait affronter n'était pas simple. Loin de l'être même, mais il allait devoir vivre avec ça sur la conscience. Probablement qu'il allait demander à ne plus aller sur le terrain avec elle, ou bien à moins travailler avec elle, parce que l'éviter lui permettra peut-être de se pardonner lui-même cet écart.

Donovan était bavard. Beaucoup trop bavard. Bien plus qu'à l'habitude en tout cas. Et lorsqu'il répondait à une question, Tahlia trouvait le moyen de lui en poser une autre dans la foulée. Il avait presque cette impression d'être suspect dans une enquête et qu'il subissait un interrogatoire de sa collègue. Mais est-ce que ça ne le libérerait pas de discuter de ce poids qu'il a sur le coeur depuis toutes ces années ? Tahlia ne le jugerait pas, sinon elle l'aurait déjà fait. Elle avait son caractère bien à elle, mais elle ne l'avait jamais jugé, parce qu'elle ne connaissait pas son passé, ni même sa personnalité, alors elle s'était abstenue de tout commentaire là où d'autres ne se seraient pas privé pour lui faire remarquer et appuyer là où ça fait mal.

Sans savoir réellement pourquoi, Danno avait fini par céder, bien qu'elle n'est pas eu beaucoup à insister. Il s'était confié à elle, lui avait raconté son passé. Enfin une partie de son passé. Juste la perte de sa femme, pour le reste, elle n'était certainement pas apte à entendre la vérité. Des conneries il en avait fait depuis qu'il avait perdu et sa femme, et il était persuadé que la jeune femme ne soupçonnait pas un quart de ce qu'il avait pu faire alors qu'il avait totalement perdu pied.

Il savait au fin fond de lui qu'elle avait raison. Que rien n'était de sa faute. Qu'un autre officier aurait été tout aussi impuissant que lui dans la même situation. Mais il refusait de l'admettre. Tout comme il refusait de faire son deuil et tourner la page sur ce meurtre. Mais il se gardait bien de le lui dire, sinon il savait qu'elle mettrait tout en place pour le convaincre de changer d'avis sur la situation.

" - J'aurai dû anticiper. J'aurai dû savoir que le seul moyen qu'ils avaient pour me faire plier c'était elle. Je le savais au fond, et eux aussi, et ils ont trouvé la seule manière de m'atteindre."

C'est un risque d'être flic, c'est un fait. En revanche, il n'avait jamais pensé que sa femme puisse être en danger à cause de ses actes. Et encore moins pour une enquête sur laquelle il travaillait. Il avait reçu plusieurs avertissements lui demandant de lâcher l'affaire, mais têtu comme il était, Donovan avait tenu bon, et c'est sa femme qui en avait payé le prix.

" - Non."

Il venait de mentir effrontément à la jeune femme en la regardant dans les yeux. Bien sûr qu'il enquêtait jour et nuit sur ce cartel pour retrouver les responsables, mais il savait que Tahlia n'était pas idiote, elle était même plus intelligente que la plupart des flics avec qui il bossait. Et s'il répondait oui, ça sous-entendait qu'il cherchait à se venger, mais il refusait de mettre une autre personne en danger.

Cette matinée était décidément bien étrange. Malgré ce qu'il s'était passé, Tahlia avait tenu à se confronter à Donovan. Elle aurait très bien pu tourner les talons et ne plus lui adresser la parole. Elle aurait pu se diriger vers le bureau de leur chef et demander à changer d'unité sur-le-champ. Quoique... cette idée-là restait ancrée dans son cerveau. Elle n'était pas dupe. Tahlia savait qu'il serait très difficile de retravailler avec Donovan. Et les confidences qu'il lui faisait risquaient de ne pas arranger la situation. En le laissant se dévoiler, Tahlia empiétait sur le territoire de Chamberlain. Pourtant, elle ne comptait pas utiliser ces informations contre lui, bien au contraire. Cela lui permettait de mieux comprendre qui se cachait derrière ce masque de fer. Mais elle connaissait aussi l'instabilité de Donovan. Même s'il se confiait à l'instant T, rien ne l'empêcherait de regretter ses paroles, une fois sorti de ces toilettes. Là, il la verrait sûrement comme une ennemie qui détenait toutes les cartes pour le faire tomber, qui savait où taper pour faire du mal. Il préférerait sûrement cette solution plutôt que de se dire qu'elle était le genre de personnes qui ne lui voulait aucun mal. Qui était prête à l'aider, même. Alors qu'elle avait toutes les raisons pour le haïr, il semblerait que la personne la plus butée dans l'histoire n'était pas Tahlia, mais plutôt son interlocuteur. Mais elle pouvait comprendre cette position. Moins il y avait de personnes au courant, mieux il se protégeait...

Le regard de la jeune femme s'était adouci en comprenant ce qu'il s'était passé pour lui. Il avait vécu une histoire terrible, de laquelle on ne pouvait sûrement jamais se relever. Elle se demandait comment il faisait pour rester dans les forces de police, alors qu'il se levait chaque matin avec une culpabilité qui le rongeait au plus profond. Une culpabilité malvenue, puisqu'il n'aurait sûrement rien pu faire pour sauver sa femme. Mais allez dire ça à un homme qui a perdu l'amour de sa vie, à cause de son propre métier. Ce serait parler à un sourd. Mais elle espérait qu'il retienne ses paroles et qu'elle fasse effet d'ici quelques années. S'il restait en vie, évidemment. Maintenant, elle comprenait les faits et gestes insensés, dangereux de Donovan. Elle qui croyait qu'il n'était qu'un casse-cou, une tête brûlée, comprenait désormais qu'en réalité plus rien ne le rattachait à la vie. Il vivait de manière dangereuse, parce qu'il n'avait plus cet instinct de survie qui le poussait à se battre. C'était presque un jeu qu'il menait désormais contre son existence. « Ce n'est pas une chose que l'on anticipe, aussi aguerri que l'on puisse être. Je sais que c'est difficile, mais il faut que tu l'admettes. Il faut que tu puisses avancer. Tu ne peux pas te détruire comme cela.» répondit-elle alors qu'il faisait part de ses regrets. Elle ne pouvait rien dire d'autre et ne voulait surtout pas évoquer les possibilités s'il avait laissé tomber l'enquête. Peut-être que sa femme serait vivante, oui. Peut-être que ce serait lui qui aurait laissé la vie. Peut-être qu'ils seraient morts tous les deux. Avec des si, on pouvait refaire le monde. Mais cela ne changerait rien au quotidien de Donovan. Ce clan l'avait atteint, de la pire manière qu'il soit. Mais connaissant son supérieur, Tahlia se doutait qu'il n'était pas échec et mat. Alors, elle lui posa une question. Une question toute simple mais offrant un sous-entendu qu'il serait capable de comprendre. La réponse de Donovan fut radicale, presque trop express. Tahlia soutint son regard et se permit même de plisser les yeux, comme à chaque fois qu'elle était sceptique. Elle n'était pas certaine de sa sincérité, mais n'était pas capable non plus de la remettre en doute. Alors, au lieu d'accabler, à coup de j'espère que tu ne mens pas et autres phrases moralisatrices, elle opta pour davantage de subtilité. « Si tu comptes, un jour, te jeter dans la gueule du loup, ne le fais pas seul, ok ? » C'était une manière de lui faire comprendre qu'elle n'était pas totalement convaincue et de lui faire passer le message par rapport à leur présence. S'il avait besoin, elle était là, prête à l'aider.

Donovan était un peu perdu dans tout ce qui s'était passé. Il avait l'impression que ça faisait des heures qu'ils étaient là, et au fond, ça faisait de longues heures qu'il était levé et la journée lui semblait déjà interminable. Et c'était sans compter cet incident avec sa collègue. Maintenant, il avait l'impression de tourner dans une spirale sans fin, et il ne parlait pas de son addiction à la drogue et à l'alcool mais bel et bien à tout son mode de vie qui devenait plus que compliqué à gérer si en plus Tahlia venait se rajouter à l'équation. Il aurait pu éviter tout cela, il aurait suffit qu'il capitule, qu'il accepte de lui donner cette gourde et rien de tout cela ne serait arrivé. Mais Donovan reste Donovan, et il ne cède jamais facilement. Cette fois-ci ça aurait pu être bien plus dangereux que ce qui était arrivé. Il aurait très bien pu ne pas se contrôler et aller jusqu'à frapper Tahlia. Il ne s'en pensait pas capable, mais il ne sentait pas capable non plus d'être violent avec une femme, pourtant c'est bel et bien ce qui était arrivé.

Était-ce une manière de s'amender que de se confier à la femme qui l'avait mis dans un tel état, mais en tout cas, c'est ce qu'il avait fait. Il s'était ouvert à elle. En plus de l'incident qui avait eu lieu, elle en savait beaucoup trop sur lui, des points non négligeables si elle désirait le faire tomber. Elle avait toutes les cartes en main, et plus il continuait de se livrer, plus elle était en mesure d'avoir un impact sur son quotidien. La culpabilité qui le rongeait chaque jour grandissait au fur et à mesure. Arrivera un jour où il ne sera plus capable de supporter une telle chose et où il commettra un geste stupide. Encore plus stupide que tout ceux qu'il a déjà pu faire jusqu'alors. Dans tous les cas, il courrait à sa perte. D'une part parce qu'il courrait après les meurtriers de sa femme, sans même avoir la certitude qu'il pourra les retrouver, et dans l'hypothèse où il réussirait, que ferait-il une fois devant eux ? Si il fait en sorte pour agir après avoir réfléchi, devant ces hommes, son cerveau ne fonctionnera pas, seul sa douleur parlera pour lui.

Il se mit à sourire, un faux sourire tout en haussant les épaules quand elle s'adressa à lui. Il avait envie de lui rire au visage, de lui balancer des choses blessantes parce qu'il le pouvait et parce qu'il était comme ça, mais au fond de lui, il savait qu'elle avait raison et c'est ça qui le mettait encore plus en colère. Comment cette femme arrivait-elle à trouver les bons mots, ou en l'occurrence, les mots qui pouvaient avoir un impact sur Chamberlain ? C'était vraiment déroutant alors même qu'elle ne le connaissait pas. Ou alors, le peu qu'il avait pu lui dire avait suffit pour qu'elle arrive à cerner le personnage qu'il était. En revanche, elle ignorait tout de son enfance, les coups donnés par son père, sa séparation d'avec sa mère et son frère. Il faut croire que le bonheur qu'il avait, il ne l'a jamais réellement mérité et donc, il lui a été retiré avant même qu'il ne puisse pleinement en profiter.

" - Comment tu peux me demander ça ? Me détruire c'est la seule chose que je sais faire correctement. C'est naturel chez moi, j'ai toujoirs détruit tout ce que j'ai touché, cest le seul domaine où j'excelle." avoua-t-il dans la confusion du moment.

Puis, Tahlia avait posé une question. La question. Celle à laquelle il avait répété des dizaines et des dizaines de fois la réponse qu'il sortirait si quelqu'un venait à la lui poser. C'est la raison pour laquelle il avait répondu beaucoup trop rapidement pour que sa réponse paraisse crédible. Et si quelqu'un était bien capable de déceler les choses, c'était cette femme. Ce petit bout de femme qui se tenait devant lui. Au fond, même s'il ne lui avait jamais dis, il l'admirait pour son courage, sa ténacité et toutes les autres qualités dont elle regorge, d'autant plus dans ce milieu masculin où le sexisme est bien souvent présent.

" - Est-ce que tu me demandes de te mettre au courant de ce que je fais ? Même si c'était le cas je refuse de t'impliquer là-dedans. En plus d'être une enquête sur laquelle j'ai travaillé, c'est avant tout une affaire personnelle et je refuse que tu puisses voir de quoi je suis réellement capable. Si je le retrouve, je ne pourrais rien faire d'autre que leur coller une balle entre les deux yeux après avoir obtenu les informations dont j'aurai besoin."

Au moins, il était sincère. Il lui avait dit ses projets, mais il ne l'a comptait pas dedans, elle était bien trop jeune pour qu'il l'implique dans tout ce bordel, c'était bien trop dangereux.

Tahlia ne comprenait pas pourquoi elle ressentait ce besoin de rester face à lui, de l'écouter et d'essayer de le comprendre. Elle aurait pu sortir d'ici en gardant en tête la simple idée qu'il était un pauvre con alcoolique. Cela l'aurait arrangé, tout comme cela aurait arrangé Donovan. Ils auraient continué à se croiser au commissariat, sans s'adresser le moindre mot ou le moindre regard. Mais en restant ici, Tahlia avait mis le doigt sur les maux qui animaient Donovan. Des maux qui le rendaient tellement plus humain. Et c'est là que tout changeait. Même si elle avait un fort caractère, Tahlia ne pouvait rester de marbre face à de telles histoires. Elle ne pouvait éprouver de la colère alors qu'elle avait en face d'elle, un homme détruit. C'était stupide, probablement, mais c'était plus fort qu'elle. Alors oui, elle osa. Elle osa dire qu'il ne devait pas laisser cette culpabilité le ronger. Elle osa même sous-entendre qu'il devait cesser de se détruire et accepter cette dure fatalité. Cela ne changerait rien à sa vie, hormis qu'il se détruisait à petits feux. Tahlia n'avait aucune prétention. Elle ne le connaissait pas assez pour qu'elle soit celle qui l'aiderait à s'en sortir, mais si ses paroles pouvaient avoir un quelconque impact, ce serait déjà une très bonne chose. Pas manqué. Donovan tiqua sur certains mots. « Se détruire, ce n'est pas naturel. C'est une solution facile à appliquer, tout simplement. C'est tellement plus simple de se détruire et de détruire tout ce qu'il y a autour de soi, plutôt que de se remettre en question et faire en sorte que la vie ne soit plus un fardeau. La vie est une belle garce, Donovan, il faut se mettre ça en tête, mais il faut être plus garce qu'elle pour s'en sortir. » En gros, c'était un beau coup de pied aux fesses qu'il fallait se mettre et tourner la page en faisant de son passé une force. Tahlia, elle-même, tentait de se mettre ce coup de pied aux fesses. « Ce n'est pas facile, c'est sûr. Mais tu as de la ressource, tu es un homme intelligent. Tu as quarante ans, tu as encore tout à faire. Ne gâche pas tout ça en te détruisant à petits feux. » Et elle osa la phrase risquée, mais qui pouvait faire mouche :  « Je suis sûre que ta femme n'aurait pas voulu te voir comme cela. » C'était quitte ou double, mais au moins Tahlia exprimait le fond de sa pensée. « Pour elle, tu devrais te donner tous les moyens de vivre, de trouver le bonheur. Ce n'est pas une honte ou un manque de respect à son égard. C'est la plus belle façon de préserver son souvenir. Et ça, c'est le boulot de ceux qui restent sur cette Terre. »

Ce n'était déjà pas facile de vivre, mais si l'être humain se mettait encore plus d'obstacle, cela devenait compliqué. Tahlia aussi n'avait pas eu une vie facile, mais elle savait s'entourer de gens qu'elle aimait. Elle n'était pas la plus heureuse mais elle ne se laissait pas abattre. Ses baisses de moral, elle en faisait une force. Mais au fond, elle n'était pas si différente de Donovan. Tant qu'elle ne ferait pas son deuil de son histoire avec Elias, elle ne pourrait pas pleinement avancer. Donovan, aussi, devait faire son deuil. Et Tahlia avait sa petite idée quant à la façon dont il le ferait : la vengeance. La façon dont il répondit à sa question ne convainquit pas la jeune femme, qui ne se gêna pas de le faire comprendre. Les premiers mots de Donovan donnèrent l'impression qu'il ne lâcherait pas le morceau. Et pourtant, il lui annonça ses projets, sans concession, sans mâcher ses mots. Il était prêt à avoir du sang sur les mains. Tahlia ne pouvait pas lui en vouloir, elle agirait sûrement de la même manière, mais elle ne pouvait pas le dire clairement. « Je ne te demande pas de me mettre personnellement au courant. On sait tous les deux que nous ne sommes pas le meilleur binôme du commissariat. Mais ce que je veux dire par là, c'est que tu n'as pas à subir ça, tout seul. C'est peut-être une enquête personnelle, mais tu as une équipe derrière toi qui est habilitée à enquêter. C'est aussi notre job d'arrêter les criminels. » Elle marqua une pause, avant de reprendre doucement : « Pour ce qui est de leur coller une balle entre les deux yeux, je devrais sûrement jouer la policière choquée et te dire que tu ne dois pas faire ça, mais ce serait de la foutaise. J'agirai sûrement de la même façon que toi sous le coup de l'impulsivité..." Il était sincère, elle aussi. "Mais tu as pensé à l'après ? La question à se poser, c'est est-ce que ça vaut le coup de se mettre à leur niveau et de prendre la peine de vivre avec du sang sur les mains ? Je ne suis pas certaine que cela apaise les douleurs et ça ne te rendra pas ta femme. Pour le coup, il faut peut-être laisser faire la justice faire son boulot. Et parfois, les détenus rendent un bien meilleur jugement que les hautes autorités... » Croupir derrière les barreaux d'une cellule et affronter les autres détenus pouvaient être plus terrible que la mort elle-même.

S'il avait eu le choix, Donovan n'aurait pas hésité une seule seconde pour éviter Tahlia jusqu'à la fin de son service, et recommencer ainsi tous les jours. Ça ne lui faisait ni froid ni chaud, après tout, il ne l'a connaissait pas et elle non plus. Ils bossaient juste ensemble et ils savaient ce qu'il fallait savoir sur l'autre pour travailler correctement en équipe. Enfin correctement est un doux euphémisme, leur équipe est plus que complexe mais jusqu'alors, ils ont toujours réussi à bosser ensemble.

Mais il a fallu que Tahlia fasse sa tête dure, qu'elle le provoque encore et encore jusqu'au point de non-retour. Il aurait pu simplement reprendre la gourde quand elle lui avait ramené et ne jamais évoqué ce qui le mettait dans un tel état. Pourtant, il l'avait quand même fait. Et maintenant, la jeune femme savait que Donovan n'était un homme mauvais, il était simplement brisé et sa colère était sa seule manière de s'exprimer. Le goût de la vie l'avait quitté et pour faire honneur à sa défunte épouse, il était à peu près prêt à tout pour la venger, même si ça impliquait de mettre sa propre vie en péril. Il n'a plus aucun but depuis son décès, il erre sans vraiment savoir pourquoi il n'a jamais réussi à mettre fin à ses jours.

Donovan n'était pas né de la dernière pluie et il savait plus que n'importe qui que Tahlia avait raison. Mais jusqu'ici, il avait toujours fait peur aux autres, si bien que personne n'osait vraiment l'approcher ou même, lui dire les choses aussi clairement que le faisait la brunette. Et c'était ça qu'il avait toujours apprécié chez elle : sa franchise. Mais dans le cas présent, il aurait préféré que ce soit envers une autre personne qu'elle soit aussi franche, même s'il savait qu'elle avait raison, il était encore dans le déni et préférait tout détruire, que ce soit lui-même ou tout ce qui l'entoure pour ne pas faire face à la réalité.

Jusqu'alors, sa colère s'était apaisé, et son regard était redevenu à peu près normal, même si sa respiration restait un peu trop rapide, mais lorsque sa collègue évoqua sa femme, elle savait pertinemment qu'elle jouait avec une corde sensible, mais elle ne semblait pas se douter des conséquences que ça poivait avoir sur son supérieur. Chamberlain planta ses yeux sur son interlocutrice, et immédiatement ces derniers deviennent noirs. Noir de colère, de rage.

" - Ne reparle jamais d'elle. Jamais."

Cette menace déguisée était la preuve que Donovan n'était tout simplement pas prêt à voir la réalité en face. Bien sûr qu'il pourrait retrouver une femme en or qui le rendrait heureux, mais il avait l'impression que c'était trahir son épouse. Il faut se rendre à l'évidence, cela fait cinq ans qu'il fait face à la solitude et en cinq ans, il n'a même pas été capable de retirer son alliance qu'il porte à son doigt. Ça en dit long sur la douleur qui l'accable. C'est certain que Miranda n'aurait pas aimé le voir devenir cet homme insensible, violent et prêt à tout pour se détruire lui-même. Il ne peut s'empêcher lorsqu'il boit tous les soirs d'entendre sa voix le sermonner, mais boire c'est ce qui lui permet de garder la face, sans ça, il aurait coulé depuis longtemps. Bien trop longtemps. Les jours passaient à une lenteur infinie même si sa journée de travail était intense. Et c'était ainsi depuis qu'elle l'avait abandonné et laissé seul en proie à son désespoir.

Dans un élan de franchise, il avait avoué à demi-mots ses projets pour l'avenir et pour retrouver les meurtriers de sa femme. Ils étaient dangereux ? Qu'importe. Il risquait sa vie ? Tant pis, il ne manquerait à personne.

" - Tu ne comprends rien.. Cette enquête est clôturée depuis longtemps. Ils ont établi leur diagnostic et le dossier a été classé. La seule manière que j'ai d'enquêté c'est ici, sans me faire chopper. S'ils l'apprennent je suis bon pour être radié. Bien qu'en soit je m'en contrefou, si je suis viré, ça veut aussi dire que je n'aurai plus aucun moyen d'enquêter sur ce dossier. Et ça, c'est impossible. C'est ma seule raison de vivre que de retrouver ces enfoirés. On ne peut pas tuer une femme et son enfant et s'en sortir comme ça, sans rien."

Le ton de sa voix avait changé. Il était devenu plus sombre, plus ... déterminé. Il ne lâchera jamais ce dossier avant de retrouver ces hommes, même si pour cela il doit faire des kilomètres et des kilomètres et mentir à ses supérieurs ou son entourage. Il n'a plus rien à perdre.

" - Laisser faire la justice ? Est-ce que tu te moques de moi ? Je te pensais plus perspicace Wates. Tu sais comme moi que si ces mecs sont arrêtés, d'une part ils ne balanceront jamais les complices et puis la justice sérieusement ? Ils font faire deux ans de prison et être libérés pour bonne conduite. Je ne peux pas les attendre à la sortie pour leur faire payer le prix de leurs erreurs. J'ai besoin de souffler, d'en finir une bonne fois pour toute. Et si ce n'est pas eux qui meurent, alors ce sera moi. C'est comme la roulette russe, il y a toujours un perdant."

En dépit de ce qu'il s'était passé, la tension avait fini par s'amenuiser au fur et à mesure de leur conversation. Tahlia voyait désormais plus clair sur la personne qu'il était réellement : alors qu'elle pensait qu'il n'était qu'un connard fini, il s'avérait, en réalité, qu'il n'était qu'un être humain guidé par la colère et la douleur. Bien sûr, cela ne le pardonnait pas du geste qu'il avait pu avoir envers la jeune femme – qui aurait pu aller bien plus loin, elle le savait – mais Tahlia lui donnait quelques circonstances atténuantes. Elle se reconnaissait en lui. Sous la douleur, ils étaient capables du pire. Seulement, Donovan était à un stade bien plus avancé qu'elle. Et Tahlia était incapable de rester là, plantée devant lui, sans tenter de le ramener à la raison. La vie ne lui avait pas fait de cadeau, mais il était encore là et il devait apprendre à aimer de nouveau la vie, même si cela semblait inconcevable. Beaucoup devaient penser à cela mais peu avait le cran de le dire à Chamberlain. Tahlia, elle, avait tenté. Elle avait osé dire le fond de sa pensée, sincèrement et franchement, fidèle à son image. Elle s'en était pris des revers à cause de cela, mais la brune continuait sur cette voie, ne voulant pas tomber dans l'hypocrisie générale qui guidait désormais notre société. Mais cela ne sembla pas plaire à Donovan. Très vite, son visage changea d'expression, son regard devint noir, sous une Tahlia qui ne bougea pas d'un poil. Ne pas reparler de sa femme ? « Pourquoi ça ? Tu as peur d'affronter la vérité, c'est ça ?! Je ne la connaissais pas, ta femme, mais je sais ce que c'est d'aimer quelqu'un et de vouloir voir l'autre heureux, en dépit de tout. En faisant d'elle un sujet tabou, tu te mets toi-même des barrières. Tu ne t'aides pas en faisant cela ! » Sur ce ton déterminé, la brune secoua la tête, se contrefichant de sa menace déguisée. Elle voulait juste qu'il subisse un électrochoc, qu'il se bouge afin d'ouvrir les yeux. Et si vraiment il ne le voulait pas, il y avait toujours la solution pleine de lâcheté et qui se trouvait dans ce pistolet chargé. Ce serait si simple d'effacer toute douleur, mais ce serait surtout un beau gâchis.

Mais Tahlia comprit enfin ce qui le gardait, pour l'instant, en vie, ce qui lui permettait de tenir. La vengeance était un moteur indéniable. Contre leur gré, les assassins de la femme de Donovan étaient devenus le moteur du policier. Elle comprenait pourquoi il restait flic. Ce n'était qu'une couverture, un moyen de continuer son enquête. Il usait du système pour ses propres convenances, mais au fond, qui ne le faisait pas ici ?! Que ce soit pour un PV à faire sauter ou une enquête classée à étudier de nouveau, tous ici profitait du système. Elle avait ressenti toute la détermination dans la voix de Donovan. Elle poussa un long soupir quand il dénigra son dernier argument, celui sur la justice. Elle était perspicace, Tahlia, mais elle n'était pas en droit d'appuyer les paroles de son supérieur et de dénigrer la justice. Elle était l'une des représentantes de la justice et contrairement à Donovan, elle tenait à son boulot. « Peut-être... » avoua-t-elle à demi mots, quand il évoqua ce principe de bonne conduite qui remettait dehors des gens destinés à pourrir en prison. Elle recula de quelques pas et croisa ses bras contre elle, alors qu'elle laissa un silence s'installer. Sa voix, plus calme, le rompit après quelques secondes : « Je suppose qu'il n'y a rien qui te fera changer d'avis ?! Puisque c'est comme ça, je vais faire demi-tour, quitter cette pièce et faire en sorte d'oublier tout ce que tu as pu me dire aujourd'hui. Même si j'ai toutes les cartes pour te faire tomber, je ne ferai rien, Donovan. Tu peux compter sur mon silence. » Cela lui retombera peut-être dessus, qui sait, mais au fond, elle comprenait les raisons de son supérieur. « Et si tu arrives à tes fins... fais en sorte de rester en vie. Je m'en voudrais de prendre la place d'un mort. » Bien sûr, ces dernières paroles n'étaient pas à prendre au premier degré, mais c'était la preuve qu'au fond, Tahlia n'avait pas envie de voir cet homme passer l'arme à gauche. Il avait encore beaucoup de choses à faire, mais il était le seul à ne pas s'en rendre compte... malheureusement.

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