have you ever seen the sky so blue (ella)

La vie va vite. Le temps passe, il s'écoule, et sans qu'on ait réellement remarqué, il file. Il disparait. On ne prend pas assez le temps de vivre. De vivre réellement. De se faire du bien, de s'accorder des moments pour se faire plaisir. De se laisser bercer par les petits bonheurs. Au contraire, on se laisse porter par les soucis, les problèmes du quotidien, les stress qui nous rongent les sangs, la routine qui se fait prenante. Et, rapidement, dans ce qui semble être en clignement de yeux, la vingtaine passe, la trentaine arrive sans crier gare, sans s'annoncer. Violet avait choisi le bonheur. Elle s'était évadée de ses démons, de ce qui l'empêchait d'être elle-même. Cette grande ville trop bruyante, trop passante, trop active qu'elle avait troquée contre Bowen et son calme, Bowen et sa tranquillité, Bowen et sa sérénité. Bowen, sa maison, là où elle s'était créé un univers bien à elle entourer de gens qui la ressemblaient, au final, et non pas les New Yorkais trop pressés. Prendre soin de soi, Violet en était capable. Malgré sa manie d"un peu trop travailler, de se plonger la tête dans sa boutique quand tout allait mal autour d'elle, la commerçante savait reconnaitre les moments de sa vie où il fallait s'arrêter, d'accorder une pause. Depuis la réouverture de la boutique, elle avait travaillé comme une déchainée un peu pour récupérer son temps de pause, beaucoup pour oublier la douleur d'avoir perdu à la fois Terrence et son amour pour la mer. Aujourd'hui, elle s'accordait un moment de légèreté où sa tête délaisserait les problèmes et s'aérait l'esprit. Et elle ne se l'accordait pas seule. Elle n'était pas l'unique âme ayant besoin de légèreté. C'est pourquoi elle avait réquisitionné Ella pour la journée. Sans lui dire où elles allaient, elle était passée la chercher et, après plusieurs heures de route, quelques villes voisines laissées derrière, les deux jeunes femmes arrivèrent devant ce qui leur semblait être une forêt. T'es déjà montée dans un arbre ? S'enquit la brune en regardant son amie, après avoir arrêté la voiture, le regard brillant. Elle l'avait amené dans un parcours aérien, dans les arbres, où, attachées à l'aide de mousquetons, elles devaient traverser la forêt à la cime des arbres passant sur des passerelles, des ponts et des obstacles flottants jusqu'à la fin du trajet. J'espère que tu n'as pas le vertige, affirma Violet, un sourire moqueur aux lèvres.

Une sortie entre filles. Voilà qui tombait à pic ! Avec le retour de son ex à Bowen, la rencontre catastrophique de Noah avec celui qui était quand même son père, Ella ne savait plus où donner de la tête. Elle valsait entre son travail, son fils, les problèmes à l'école qu'il pouvait avoir et Edwin qui se rajoutait à l'équation. De quoi faire perdre pied à notre jeune mère qui gardait toujours la tête froide en temps normal. S'il y en avait bien une autre qui voyait les journées passer à vitesse folle, c'était bien Violet, sa camarade du jour. Elle avait pu rouvrir la boutique, il y a peu, et Ella se doutait qu'elle n'avait pas un instant pour elle.Du moins, jusqu'à ce jour où elle avait littéralement enlevé Ella pour la journée, restant mystérieuse sur l'endroit où elles allaient. Heureusement, la jeune mère était bonne joueuse. Alors, elle ne submergea pas son amie de questions, afin de savoir où elle comptait l'amener. Après plusieurs heures de routes – en musique, évidemment – le paysage commença à changer, se faisant plus vert, plus feuillu. Face à une étendue d'arbres, qui laissait croire que c'était une forêt, Violet gara la voiture, lui demandant si elle était déjà montée dans un arbre. Toute fière, Ella répliqua : « Tu as devant toi une véritable grimpeuse ! Quand j'étais gamine, je passais mon temps à me cacher dans les arbres, afin de me débarrasser de mes frères. » Avant d'ajouter, en riant : « Jusqu'à ce que je rate une branche et que je me casse le bras. » Connaissant sa maladresse légendaire, il était évident qu'un tel événement lui arrive. Alors quand Violet ajouta, avec un sourire moqueur, qu'elle espérait qu'elle n'ait pas le vertige, Ella prit un faux air outré : « Quel est donc ce sourire moqueur sur vos lèvres, Mademoiselle Cox ?! Je vais te montrer ce que c'est que de grimper dans un arbre. Et sans avoir le vertige ! » ça, c'était Noah qui avait le vertige ! Elle sortit de la voiture, en riant et regarda autour d'elle. En voyant le grand panneau d'affichage qui indiquait l'endroit, Ella esquissa un sourire : « De l'accrobranche ?! Depuis le temps que je voulais en faire ! » Violet avait tapé dans le mille, ce qui n'était pas difficile avec Ella, qui était le genre de femme qui aimait toute sorte d'activités. Alors qu'elles avancèrent jusqu'à l'entrée afin de régler leur prochaine expédition, Ella leva la tête, de façon à analyser les obstacles. « Tu en as déjà fait ? » demanda-t-elle à son amie, afin de savoir si elle allait être novice comme elle.

Elle avait toujours fait passé sa vie de maman avant sa vie de femme, du plus loin que Violet la connaissait. Et cette sortie entre filles, elle n'était pas sans but. Violet s'était donné pour mission d'aider son amie à retrouver son côté femme à part unique, et non seulement de se considérer comme une maman d'un adolescent en phase d'exploration. Noah, son fils, était grand maintenant. Il pouvait se gérer seul, vivre quelques heures sans que sa mère soit près de lui à se faire du sang pour son garçon qui, Violet le savait bien, resterait toujours son petit bébé. Et même, elle ne pouvait qu'imaginer que ce Noah aimait bien les moments d'escapades entre sa mère et la commerçante, lui donnant la liberté de faire ce dont il avait envie, comme les adolescents de son âge aimaient si bien. N'ayant pas d'enfants, il était difficile pour Violet de juger la situation dans laquelle son amie se trouvait, elle n'avait pas encore connu les déchirements de la maternité, cependant, en tant que femme, elle pouvait bien voir qu'Ella s'oubliait, au travers des joies et des difficultés d'être parents. Violet ne savait pas tout de ce qui se passait dans la vie de la brune, elle avait été évasive sur le sujet et peut-être que leur journée d'aujourd'hui la mènerait à se confier à l'Américaine, cependant, il était clair que quelque chose la tracassait. Et, donc, Violet s'était donnée pour but ultime de lui organiser le summum des journées en plein air et alléger son quotidien déjà trop chargé, ne serait-ce que quelques heures. Et elle avait tenue à garder le secret, limite si elle ne lui avait pas bandé les yeux, jusqu'à ce que sa voiture se gare dans le stationnement d'une forêt à quelques kilomètres de Bowen, une forêt qui cachait, derrière elles, des parcours sur des kilomètres et des kilomètres d'accrobranche. Arrivée à bon port, Violet demanda, en guise d'indice, à son amie si elle était déjà montée dans un arbre, ce à quoi elle répondit à la positive, ajoutant sa pointe d'humour à sa réflexion. Violet se joint au rire d'Ella. Par chance, ici, ils font signer des décharges si ce genre de choses arrivent. Impossible que ces accidents soient de leur responsabilité, ces compagnies prenaient toutes les précautions nécessaires. J'y compte bien !, lança l'Américaine quand sa compagne du jour répondit à sa question sur le ton d'un défi à relever. Elle aurait pu choisir quelque chose de plus relaxant, comme escapade entre filles, mais Violet avait voulu faire dans l'originalité. Et, surtout, apporter un peu de légèreté dans la vie de son amie. Les sorties au spa, c'était bien, oui, mais elles forçaient les gens à se confier, vu la proximité, alors qu'ici, les deux étaient libres de s'amuser, de penser à autre chose que leurs vies prenantes. Tu me rassures, j'suis tombée dans tes goût, lâcha la brune en verrouillant sa bagnole, la contournant pour faire face à Ella, ébahie. Violet secoua la tête en souriant. J'ai fait bien des choses, mais pas ça. Ce sera notre baptême à toutes les deux, décréta la surfeuse. Allez, viens, j'ai trop envie de te voir enfiler le harnais de sécurité !, gloussa-t-elle, en alimentant les plaisanteries sur la maladresse d'Ella.

Ce qu'elle aimait avec Violet, c'était retrouver un semblant de vie de femme. Avec elle, elle n'avait pas besoin de parler enfant, boulot, école et autre tracas de mère. Même si évidemment, elle attendait le jour où Violet lui annoncera qu'elle aussi allait connaître les joies de la maternité, si tant est que la jeune commerçante décidait un jour d'avoir un enfant. Après tout, nous étions au 21ème siècle et il était désormais tout à fait acceptable qu'une femme décide de ne pas avoir d'enfants. Mais chaque chose en son temps. Au moins, Ella redevenait brièvement une jeune femme, prête à rire, à plaisanter, quand elle était en compagnie de son amie et pour cela, elle lui était redevable, même si elle lisait parfois dans les yeux de Violet le fait qu'Ella s'oubliait parfois. Tout le temps, même. Elle avait appris à vivre pour un autre qu'elle, et elle savait que cela lui retomberait dessus le jour où Noah quitterait la maison. Là, elle se retrouvera seule, célibataire désarmée. Ô joie. Heureusement, elle n'eut pas le temps de s'emparer de telles pensées puisque les deux jeunes femmes arrivèrent sur le lieu surprise. Quand Violet lui demanda si elle était déjà montée dans un arbre, Ella lui fit part d'une anecdote qui se terminait par un bras dans le plâtre. Elle se mit alors à rire en entendant les paroles de son amie : « Ok, ils se déchargeront, mais si je termine avec un bras dans le plâtre, prépare-toi à ce que je t'appelle tous les jours pour te demander de l'aide. » Elle rit encore de bon cœur, plaisantant évidemment. Ella n'irait pas jusque là. Mais elle comptait bien ne pas se démonter face au premier obstacle difficile. Violet était de la même trempe, les sorties tranquilles, ce n'était pas pour elles, même si elles ne disaient pas non à une journée spa. Mais ce genre de sorties, c'était surtout quand elles avaient les batteries à plat. Ella esquissa un sourire quand Violet lui assura qu'elle était dans les goûts de la brune. « En même temps, nous ne sommes pas difficiles comme femmes. » Et ça, c'était bien la vérité. Elles se contentaient d'activités simples et c'était pour cela qu'elles étaient le genre de femmes que l'on pouvait amener partout. Elles croquaient la vie à pleines dents et ne prenaient pas peur face à la nouveauté. Nouveauté pour Violet aussi, qui n'avait jamais fait d'accrobranche. « Tant mieux alors, on se soutiendra ! » répondit Ella en souriant. Puis elle suivit la jeune femme, afin qu'elles aillent récupérer leur matériel. Dont le harnais de sécurité évoqué par la jeune Cox. « Je sens encore de la moquerie dans ta voix, ma chère. » répondit-elle en riant. Mais quand Ella tourna la tête et vit leur « professeur » du jour, qui était un très bel homme, grand, brun, musclé, la jeune femme reprit, le regard complice et le ton malicieux : « Pour lui, je crois que je vais faire exprès de le mettre à l'envers, ce harnais de sécurité. » C'était ça aussi qui était bon : parler hommes ! Même si Violet était en couple, ou en pseudo-couple... à vrai dire Ella ne savait pas où elle en était actuellement. Et elle comptait bien tâter le terrain lors de cette sortie.

Elle avait peu d'amies, Violet. Elle pouvait les compter sur les doigts d'une main, même. Et Ella en faisait partie. Elles se voyaient peu, c'est vrai, chacune avait son lot de complications à supporter au quotidien, mais ces moments-là, ces escapades que toutes les deux, Violet les chérissait. Elles faisaient oublier à la surfeuse tout les déboires de sa vie amoureuse. Parce qu'ici, il n'y avait ni garçon, ni enfant, ni travail. Elles et elles seules, deux jeunes femmes, début trentaine, amoureuses de la légèreté qu'elles s'apportaient l'une l'autre. Légèreté qui commençait, aujourd'hui, par des rires moqueurs en ramenant des histoires du passé, plaisanteries qui faisaient bien rire la commerçante. J'suis prête, décréta-t-elle en souriant alors que son amie la menaçait de l'appeler à ses petits soins si, avec sa malchance légendaire, elle venait à se briser quelque chose. Je m'occuperai tellement bien de toi que t'auras presque envie de te blesser volontairement pour avoir le chance de goûter à ma soupe spéciale de malade. Dernier gloussement avant de lui tirer la langue et de souligner leur excitation face à l'activité surprise que la brune leur avait réservé. Une chance qu'on s'a, tout de même, pour faire ce genre de trucs. J'vois pas avec qui d'autre que toi je me lancerais à l'aventure comme ça. C'était sincère, elle parlait avec son coeur Violet, Ella était importante avec ses yeux. Et, rappelons-le, elle n'avait pas beaucoup d'amies. Pas qu'elle en avait besoin, celles qu'elles avaient étaient suffisante, Ella et sa folie était suffisante. Dans son cercle, on pouvait compter Terrence, aussi, mais lui et sa jambe blessée ne leur permettait pas ce genre de choses. Ils avaient du mal à retourner à l'eau, leur plus grande passion commune, tous les deux, sa jambe handicapée l'ayant terrifié de toutes ces choses qu'il avait un jour aimées, même leurs ébats lui étaient parfois douloureux. Violet tâcha de laisser cette vision disparaitre de son esprit, laissant le mirage de Terrence s'évanouir pour laisser place à leur journée sans soucis. J'y compte bien ! Elles sortirent de la voiture pour s'avancer vers leur guide que Violet n'avait pas encore remarqué. Ce fut le commentaire de son amie qui lui fit lever les yeux vers l'homme et ne put s'empêcher de rire, frappant doucement du coude Ella. Fermes la bouche, tu baves Grimes, plaisanta-t-elle avant de lui sourire. Ça aussi, c'est cadeau. C'était complètement faux. Mais ça l'amusait. Il est pas mal, j'en conviens, finit-elle par avouer. Bien qu'elle n'ait que Terrence en tête depuis la dernière année, elle pouvait tout de même reconnaître qu'elles étaient tombées sur tout un homme. Allez, viens, sors-moi ton plus beau sourire, on part à la drague. Violet attrapa son amie par la main pour se diriger vers leur instructeur qui ne savait pas encore dans quelle folie il avait consenti en acceptant de former ces deux trentenaires.

Des moments comme ceux-là étaient bien trop rares, mais ils avaient le mérite de les faire s'échapper de leur quotidien, de cette routine installée inconsciemment. Violet, avec ses idées qu'elle-seule avaient en tête, rappelait à Ella qu'elle était une jeune trentenaire, et pas qu'une mère d'un adolescent, qui courait sans cesse entre son boulot et les aventures de son fils. Pour cela, Ella lui était énormément redevable. C'était sa bouffée d'air frais. S'amusant d'anciens souvenirs et des blessures sans gravité qu'elle avait pu connaître en suivant ses frères, Ella menaça Violet de l'appeler sans cesse si elle venait à se blesser aujourd'hui. Mais son amie eut une réponse à la hauteur du délire d'Ella, qui éclata de rire au passage. « Ta soupe spéciale ? Raison de plus, alors. Tu connais mon amour pour la soupe. » Peu importe la saison, Ella et sa soupe, c'était une grande histoire. Une histoire bien souvent remise en question par Noah, d'ailleurs. Puis Violet mit en avant la chance qu'elles avaient de s'avoir. Elles s'entendaient tellement bien, avaient une telle confiance l'une en l'autre qu'elles étaient les meilleures alliées pour ce genre d'activité. Le sourire d'Ella montra toute l'affection qu'elle avait à l'égard de son amie. « Tu as complètement raison. Tu es la meilleure pour m'accompagner dans tout ça. » Sinon, elle ne serait pas là, prête à monter dans les arbres. Il y avait Mali, aussi, qui poussait Ella dans de telles activités, mais elle avait une toute autre relation avec le grand brun. Descendant de la voiture, les deux femmes s’avancèrent jusqu'à leur instructeur. Et quel instructeur ! Le physique plus qu'avantageux de l'homme avait sauté aux yeux d'Ella, contrairement à Violet. Ce ne fut qu'en entendant son amie que Violet daigna poser son regard sur lui. Et évidemment, Ella se récolta un coup de coude amical, riant de bon cœur quand Cox lui demanda de fermer la bouche. « Grillée. » répondit-elle dans un sourire amusé. C'était cadeau, disait-elle. « La soupe... L'homme, le vrai... Tu peux me proposer tout ce que tu veux comme activité, je te suis sans hésiter. » ajouta-t-elle, malicieuse. Mais enfin, Violet avoua que l'homme était pas mal. « C'est un Apollon, tu veux dire ! » Pas mal, pas mal. C'était bien la phrase de la femme amoureuse, ça ! Violet l'attrapa par la main, lui demandant de sortir son plus beau sourire. Ella répondit aussitôt : « Attends, j'essaye de réveiller tout mon sex-appeal. Ça fait bien longtemps qu'il est mis de côté. » Elle rit de nouveau, même si pour le coup, elle disait la vérité. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas cherché à charmer un homme. Ella s'était laissée porter par sa condition de mère. Mais maintenant que Noah avait grandi, qu'il devenait un jeune homme, Ella pensait à l'après. A ce moment où elle se retrouverait seule dans sa  maisonnette. Une fois devant le fameux Apollon, Ella avait ce large sourire vissé sur les lèvres, même si on voyait dans son regard une lueur plus amusée que charmeuse. Elles écoutèrent avec attention les consignes et malgré quelques perches lancées par la brune, elles firent chou blanc, Ella suivant l'homme des yeux quand il s'éloigna d'elles après avoir préparé leur matériel, vérifié le harnais de sécurité. « Je crois qu'on a perdu la main. » s'exclama Ella en riant. « Ou alors c'était l'alliance à son doigt qui faisait tout. » La brune haussa les épaules, riant encore, avant de se diriger vers le début de parcours. Elle montra le premier obstacle à Violet : « A toi l'honneur, très chère. » Elle ne s'attendait quand même pas à ce qu'Ella commence, voyons ?!

Ella était indomptable, elle avait réponse à tout. C'était sans doute ses talents de mère qui faisait d'elle si douée avec les répliques, elle qui n'en manquait pas une pour inciter la brune à être à ses petits soins. T'as gagné, Grimes, fit Violet en riant, s'avouant vaincue, tu l'auras, ta soupe de malade. Bien évidemment qu'elle connaissait sa faiblesse pour les soupes, Violet. Il y avait bien seulement Ella pour en raffoler toute l'année. Lorsqu'elle habitait encore à New York, Violet en était aussi fanatique que son amie. Mais son expropriation dans le pays des kangourous et sa chaleur constante avait fait perdre un peu de cet amour à la surfeuse, chaleur bien trop étouffante pour savourer ces repas chauds. Mis à part ce désaccord, les deux brunes n'avaient pas de différends. Elles étaient les meilleures partenaires, surtout pour le genre d'activité que leur réservait Violet. Une balade à la cime des arbres, loin des tracas de Bowen, loin de son rôle de maman qui avait étouffé la jeune mère bien trop longtemps, elle qui se résignait à ce rôle en oubliant qu'avant ça, elle était aussi une jeune femme début trentaine et que sa vie ne faisait, en fait, que commencer réellement. Je l'espère bien !, lança Violet en souriant. Elle s'était donnée pour mission de sortir Ella de ses habitudes, de lui faire retrouver sa jeunesse qui n'était pas encore perdue. Et, avec du recule, si avoir un enfant si jeune avait été difficile pour Ella à l'époque, de voir toutes ces copines prendre des chemins différents alors qu'elle avait un petit dans les bras, il n'en était pas moins un avantage aujourd'hui. Noah était grand à présent, sans nécessairement avoir besoin de sa maman constamment pour le materner. Alors que tous les trentenaires de Bowen commençaient à penser aux bébés, aux couches et toute la fatigue en moins, Ella, elle, n'avait plus à se soucier de ce genre de choses. À moins qu'elle ait dans l'idée de relancer la machine ?
elles sortirent de la voiture et c'est à cet instant que les yeux d'Ella croisèrent ceux de leur instructeur, courant électrique qui venait de la frapper et dont Violet pu sentir. Amusée, elle se moqua gentiment de la brune. Attention, me dis pas des turcs comme ça, Ella, j'vais finir par te croire et te traîner dans des trucs encore plus dangereux que de l'accrobranche. Nouveau rire avant qu'elle ne décrète que l'homme n'était, en réalité, vraiment pas mal. Apollon, si ça peut te faire plaisir, répéta Violet en roulant les yeux. Mais la question est, qu'est-ce qu'il a sous ce t-shirt ?, ajouta-t-elle, le regard taquin. Tu dis plutôt une rangée de quatre ou de six ? On parlait d'abdos, évidemment. Et deux filles qui n'en avaient pas vu depuis quelque temps déjà. Si Violet était amoureuse depuis la dernière année, les derniers mois n'avaient pas été fructueux de ce côté, elle et Terrence toujours éloignés, jamais complètement paisibles. Trêve de plaisanteries, Violet tira Ella par la main qui sortait la carte de son sex-appeal poussiéreux. Oh, Ella, arrête ! T'es la plus belle femme de Bowen. Et ce n'était pas un mensonge, Violet le pensait. Mais devant l'instructeur, rien ne fonctionnait. Ni leurs sourires, ni leurs regards séduisants, ni leurs pick-up lines, à croire, oui, qu'elles avaient réellement perdu la main. Quand il eut terminé ses instructions, il se retira, laissa les deux jeunes femmes seules avec leur harnais et leur déception. Violet accorda une mine boudeuse à son amie. Il est aveugle, plaisanta-t-elle avant d'ajouter dans un rire : Ou alors il est gay ! Impossible de ne pas craquer pour le sourire d'Ella. Elles se dirigèrent donc, pour noyer leur peine, devant le premier parcours. Ou, plutôt, tu veux rire de moi si je me plante ! Violet attacha le harnais comme on lui avait appris, puis s'élança dans les airs. Quand elle eut un peu d'avance sur son amie, elle se permit de jeter un oeil à ce qu'elle faisait. Bah aller Grimes ! T'as peur de quoi ?

Ce n'était pas Ella qui allait refuser que l'on prenne soin d'elle ! Alors quand Violet s'avoua vaincue, prête à lui faire sa soupe de malade, la brune lâcha une exclamation de victoire, accompagné d'un bras dressé fièrement. Puis ce fut un rire qui la secoua. « Je n'abdiquerai jamais devant une soupe. » Son fils, ses parents, ses frères ou même Violet la regardaient toujours d'un œil amusé quand Ella sortait sa soupe. Chacun ses défauts, dirons-nous. « Remarque, je ne suis pas difficile comme amie. Je ne suis pas là à demander des recettes hyper compliquées. » Ah ça non, elle n'était pas difficile, Ella. Elle se contentait de tout ce qu'on pouvait lui offrir. Elle n'avait pas besoin qu'on lui sorte monts et merveilles. La présence de ceux qu'elle aimait était ce qui lui importait le plus. Le reste n'était que futilité. Violet partageait le même état d'esprit. Il ne leur fallait pas grand chose pour qu'elles s'amusent toutes les deux. Et c'était bien pour cela que la jeune mère affectionnait chaque sortie avec son amie. Parce que c'était toujours simple, agréable et libérateur. Chaque moment passé ensemble les éloignait de leur quotidien pas toujours rose. Auprès d'elle, Ella réapprenait à être une femme dans la fleur de l'âge, et non pas la mère qui avait pris le dessus sur son statut de jeune trentenaire.  D'ailleurs, quand elles sortirent de la voiture et que l'instructeur du jour vint les accueillir, Ella redevint subitement une femme, une vraie, qui pouvait poser son regard sur l'Homme, cet être qu'elle fuyait tant depuis trop d'années. Evidemment, pas discrète du tout, Ella attira le regard moqueur de son amie. Il n'en fallait pas plus pour qu'elle en fasse des caisses, évoquant toutes les activités qu'elles pourraient faire s'il y avait de tels hommes dans le coin.  « Mais tu peux me croire, Cox. Tu peux me croire ! » répondit-elle, mi-amusée, mi-sérieuse. Au fond, Ella n'avait pas peur des activités dites à sensation. Et clairement, elle laissait la porte ouverte à des activités plus grisantes. Reportant son regard sur leur Apollon, Ella regarda rapidement son amie en entendant sa question. « Quatre ou six quoi ? » Elle mit du temps avant de comprendre où elle voulait en venir, lâchant un « Ahhhh ! » quand elle sut de quoi elle parlait. Ella observa le jeune homme, détaillant sa silhouette, les sourcils froncés et les yeux plissés comme si elle était en proie à une grande réflexion. « Hmmmm, d'après mon étude et mon regard avisé sur les muscles saillants de ses bras, j'ose avancer le fait que ce cher monsieur a probablement une belle rangée de six. » Elle regarda son amie en hochant vivement la tête avant d'éclater de rire. Elles étaient décidément irrattrapables. Prise dans cette folie, Ella continua son manège en évoquant son sex-appeal disparu depuis tant de temps. Elle leva les yeux au ciel, absolument pas convaincue par les mots de son amie : « Ne dis pas n'importe quoi ! » Violet était mille fois plus belle, plus féminine qu'Ella, par exemple. Elle ne le montrait pas, Ella, mais sa confiance en elle avait pris la poudre d'escampette. Elle avait du mal à jongler avec sa féminité, à l'assumer. Elle avait du mal à se mettre en valeur alors qu'elle ne supportait pas son corps qui n'avait jamais retrouvé sa forme avant la grossesse.  Et surtout elle se complaisait dans les tenues décontractées et les coiffures faites à la va-vite. Du coup, toutes ces manières qu'elle faisait pour faire croire qu'elle charmait étaient pleinement surjouées. Elle ne savait même plus comment s'y prendre pour attirer le regard, pour montrer à un homme qu'il lui plaisait. Il suffisait de voir celui autour de qui elle tournait depuis près de six ans...Mais là, c'était l'instructeur qui était la proie de leurs sourires, de leurs battements de cils qui relevaient davantage de la plaisanterie. Et ce fut un échec monumental... Il repartit en laissant les deux jeunes femmes de côté, dont le rire était leur principale consolation. « On va se rassurer en disant qu'il n'était pas sensible au charme féminin, oui. » répondit-elle en riant. Mais trève de plaisanterie, il était temps d'affronter le parcours. Ella laissa Violet passer en première. Par politesse. Ou pour se moquer d'elle si elle se loupait, en effet. Gardant un air angélique, elle répondit à son amie : « Non voyooooons, ce n'est pas du tout mon genre. Du touuuuut. » Elle adressa un clin d'oeil complice à Violet, avant de l'observer grimper avec agilité. D'abord hésitante, elle prit rapidement ses marques et se déplaça légèrement sous l'oeil fasciné d'Ella. Rappelée à l'ordre, la jeune mère hocha la tête : « J'arrive ! Je ne compte pas me dégonfler. » A son tour, elle attacha son harnais et grimpa sur le premier obstacle, sur lequel il fallait marcher, telle une funambule. Posant son pied doucement, elle chercha son équilibre avant d'avancer comme il le fallait. Une fois plus à l'aise, elle s'autorisa à avancer plus vite jusqu'à arriver sur la plate-forme où elle rejoignit Violet. « C'est trop bien ! » lâcha-t-elle, plus que joyeuse. Et ce fut ainsi que les obstacles s'enchaînèrent, parfois facilement, parfois plus difficilement. Le parcours se termina par une tyrolienne, où Ella prit énormément de plaisir, se sentant comme un oiseau dans le ciel, libre et vivante. Que c'était bon. Et quand elles retournèrent à terre, la brune se jeta dans les bras de son amie sous l'euphorie du moment, sous la joie d'avoir passé un super moment. « Merci, Violet. » Elle lui était reconnaissante, reconnaissante d'avoir eu une idée si formidable. Se reculant un peu, elle regarda son amie en souriant et en montrant le petit snack qu'il y avait à quelques mètres : « On va boire un coup pour se remettre de ces émotions ? » Et c'était aussi l'occasion de discuter. Si elles plaisantaient depuis le début, il était temps de faire un point sur la vie de sa chère amie...

Spoiler:

Elle avait toujours ravalé sa peine, Violet. Pensé au bonheur des autres avant le sien, fait passer ses proches avant ses propres besoins. Et elle ne s'en était jamais plainte. C'était qui elle était, Violet. Avenante, bienveillante, évidemment qu'elle serait aux petits soins de son amie s'il lui arrivait un truc, sa faute ou pas. Mais ça, la commerçante était convaincue qu'Ella le savait bien, qu'elle connaissait assez bien son amie pour savoir qu'elle serait la première à débarquer chez elle, soupe et fleurs en main, pour lui remonter le moral. Ella et Violet, elles se connaissaient bien. Et ça n'avait rien à voir avec sa relation passée avec Arthur. Elles, elles avaient eu ce coup de coeur amical, le genre de coups de foudre qui n'arrive qu'une fois dans une vie. Et c'était avec elle que Violet l'avait eu. C'est plutôt moi la difficile d'entre nous deux, répondit-elle à la blague, J'ai pas su garder ton frère, alors que c'est un Grimes et qu'il a hérité des gènes exceptionnels de la famille ! Ce n'était pas du tout ça, pour dire vrai, c'était même plus compliqué. Arthur et elle, ça n'avait pas fonctionné, oui, mais ça n'avait rien à voir avec les gênes de sa famille, c'était plutôt leur manque de compatibilité amoureux. Ils étaient amis, sans plus, ils n'auraient pas pu faire leur vie ensemble. Et c'était mieux ainsi. Pour lui, pour elle. Puis, Violet avait fini par tomber sous le charme de Terrence, lentement, mais sûrement, elle avait fini par comprendre qu'au fond, l'homme que son coeur avait choisi, c'était lui. Et même si son coeur ne battait que pour lui, pour l'instant, il y avait un autre homme qui monopolisait son attention. Un homme dont la belle brune avait dans la mire. Plaisantant sur son corps, Violet insinua ce que son t-shirt pouvait bien caché, croyant être assez claire pour son amie. Ça n'avait pas été le cas, Ella qui fronçait les sourcils en répétant après elle quatre ou six. Violet la regarda l'air taquin, on pouvait lire dans ses yeux qu'elle parlait du corps de celui qu'elles avaient décrété d'Apollon. Tu m'as fait peur, Grimes !, blagua-t-elle avant d'hocher la tête en acquiescent son étude analytique très scientifique. J'crois bien que ton étude me semble juste, mais faudrait vérifier. Pas cap' de lui demander de lever son t-shirt ! Elle ne le ferait pas, Ella. Du moins, c'est ce que Violet pensait. Elle la défiait du regard, joueuse. Aller, Grimes ! Sinon, c'est moi qui auras le plaisir d'y aller et de mater son corps d'Apollon. Mais, au contraire, Elle évoqua son manque de sex appeal et les toiles d'araignées qui s'étaient logés sur ses organes féminins depuis le temps qu'elle n'avait laissé personne s'y aventurer. Ella était, en effet, la plus belle femme de la ville. Il fallait être fou pour en dire le contraire. Violet croisa les bras sur sa poitrine. Tu veux rire ? Elle secoua la tête fortement. Arrête, les mecs sont tous à tes pieds. T'es juste trop absorbée par ta vie de célibataire pour le remarquer. Ce n'était pas un reproche ni une insulte. Elle tentait de lui faire ouvrir les yeux, que son amie comprenne qu'en dehors de son rôle de maman elle était bel et bien une jeune femme terriblement attirante que les mecs se plaisaient à regarder. Et si, seulement, elle s'ouvrait les yeux, elle le remarquerait, elle aussi. S'il n'est pas sensible au charme féminin comme on le dit, t'as de la chance, je t'exempts de ton défi. Vaut mieux éviter un râteau. Si t'avais été un mec, t'aurais remporté le gros-lot, crois-moi., finit-elle par conclure le débat sur les abdos de l'instructeur avant que la brune ne lui demande de passer la première. M'ouais, c'est ça. Si je me brise le bras, j'espère que j'aurai droit, moi aussi, à une soupe de malade !, lança Violet en contournant son amie pour attacher son mousqueton sur les prises, tel qu'enseigné par l'instructeur aux six abdominaux.
Après les émotions fortes, les rires et les sourires vécus à la cime des arbres en bonne compagnie, les deux amies redescendirent sur la terre ferme. Ella trouva les bras de Violet, serrant la surfeuse dans ses bras, glissa au creux de son oreille un remerciement que la commerçante sentit venir de loin. Elle lui rendit son accolade. C'est rien, Ella. Même si elle savait, au fond, que ce n'était pas rien. Que ce genre de choses, elle ne se le permettait jamais. Avec plaisir. Un verre, c'était l'idée parfaite pour terminer la journée sur des confidences, confidences qu'elles n'avaient pas eu la chance de se faire dans les airs. Elles traversèrent la route jusqu'au snack où elles s'installèrent au bar, tout de suite après avoir été accueillies par le serveur. Une fois assise, Violet posa un doux regard sur Ella, repensant aux plaisanteries qu'elles avaient faites toute la journée. Au-delà des blagues, Violet se questionnait sur le bonheur de son amie, bonheur au-delà de son fils. Dis, ça ne te manque pas de sortir avec des hommes, de faire des rencontres ?

En entendant Violet se qualifier de difficile, Ella posa un regard interrogateur sur la brune. S'il y en avait bien une qui ne l'était pas, c'était bien Violet ! Ella avait de suite accroché avec cette femme qui avait le cœur sur la main. C'était peut-être pour cela qu'elles s'entendaient si bien. Elles pouvaient se décarcasser pour les autres et cherchaient toujours du positif, même dans la plus sombre situation. Mais quand son amie justifia ses paroles en évoquant Arthur et leur rupture, Ella s'exclama, rassurée de voir que son amie ne se dévalorisait pas vraiment. L'histoire entre son frère et Violet n'avait pas fonctionné. C'était la vie, disait-on. Taquine, Ella répliqua : « Non mais Arthur, c'est le dernier de la famille. Tous les bons gênes, c'est l'aîné et moi qui avons tout récolté ! » Si son frère l'entendait, il serait sûrement là à râler. Pourtant, Arthur était le plus calme, le plus réservé de la famille. Celui qui avait causé le moins de soucis. Ella aurait voulu que cela fonctionne entre les deux, par envie de voir Violet faire pleinement partie de la famille. Mais leurs cœurs avaient décidé de n'en faire que des amis. Et au fond, cela n'avait rien changé à la place de Violet. Elle faisait partie de la famille, malgré tout. Mais soit, Arthur n'était pas le sujet principal. Il y avait cet Apollon pas très loin, pour lequel les deux femmes débattaient sur ses rangées d'abdos. Ella avait mis du temps à comprendre où Violet voulait en venir, se défendant automatiquement : « Hey, pour ma défense, ça fait longtemps que je n'en ai pas vu, des rangées d'abdominaux. Il faut du temps avant que mon cerveau réagisse. » La jeune femme éclata de rire avant d'exposer son étude scientifique... qui aboutit aussitôt sur un défi. Quoi quoi quoi ? Elle la mettait réellement au défi d'aller vérifier les abdos de l'instructeur ? Ella, d'abord surprise, répondit aussitôt, en secouant vigoureusement la tête : « Mais si, je suis cap' ! » Violet connaissait l'esprit de compétition de Grimes et son côté mauvais joueur. Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. « Faut juste que je trouve le bon moment ! »  Et le courage... Surtout pour elle dont les charmes féminins étaient aussi poussiéreux qu'une armoire du 18ème siècle ! Avec les années, elle avait complètement perdu confiance en elle. Violet était la première à essayer de lui en faire part. Ella leva les yeux au ciel quand son amie affirma qu'elle avait toute une rangée de mecs à ses pieds, que c'était uniquement son célibat qui l'aveuglait. « C'est parce que je l'aime, ma vie de célibataire. » Elle se fichait de cette rangée de mecs. Elle ne voulait pas d'un coup d'un soir. Elle voulait une histoire, une belle histoire, bien réelle. Au fond, elle l'avait déjà, sa belle histoire. Il fallait juste qu'elle ouvre les yeux sur l'homme qui était déjà auprès d'elle. Elle adressa un sourire à son amie, haussant les épaules avant de reporter son attention sur l'instructeur auprès de qui elles firent chou blanc. Violet l'exempta de son défi, sous prétexte que l'instructeur n'était pas sensible au charme féminin, mais cela n'arrêta pas Ella qui répliqua, en riant : « Je veux quand même avoir ma réponse. »  Mais d'abord, c'était l'accrobranche.Violet passa la première en ruminant sur sa soupe de malade, si elle venait à se casser le bras. « Tu l'auras, ta soupe de malade. Je te ferai même la mousse au chocolat qui soigne toutes les douleurs. » Elle la faisait souvent pour Noah, quand il était petit. C'était bien connu, le chocolat soignait tous les maux. Très vite, Ella emboîta le pas de son amie. Et ensemble, elles affrontèrent les divers obstacles, dans les rires, la joie et la bonne humeur. De retour sur la terre ferme et portée par son euphorie, Ella serra son amie dans ses bras en la remerciant chaleureusement. Cela semblait exagérée comme réaction, mais c'était simplement une jeune femme qui réapprenait à penser à elle et qui tenait à remercier son amie pour cet électrochoc. Un électrochoc qui allait sûrement subsister par la suite. Alors qu'elles décidèrent d'aller prendre un verre, en se rendant jusqu'au snack, Ella posa son regard au loin et demanda subitement à son amie : « Attends-moi ici, j'en ai pour trente secondes... » Sans en dire davantage, Ella trottina jusqu'à l'instructeur. On ne sut vraiment ce qu'elle dit, mais on vit le visage de l'instructeur se teinter de surprise, de perplexité avant que ce dernier n'éclate de rire et soulève son T-shirt. La brune joignit son rire au sien, le remerciant avant de rejoindre Violet, toujours en trottinant. Victorieuse, elle lança : « Contre toute attente, c'est quatre, ma chère, quatre ! » Leurs rires vinrent clore le défi de l'instructeur, relevé haut la main par une jeune femme qui savait faire preuve de bagout quand il le fallait. Elle était décidément irrattrapable. Elles prirent enfin place au bar, face-à-face. Ella perçut le regard doux de Violet, sentant que les plaisanteries allaient laisser leur place à un ton beaucoup plus sérieux. Pas manqué. La jeune mère rit légèrement avant de demander : « Tu veux à tout prix me caser ?! » Elle haussa les épaules, avant de répondre plus sérieusement : « Pour être honnête avec toi, ça ne me manque pas tant que ça. Je pense que j'ai trop peur d'être déçue ou de m'engager dans une histoire à tâtons, sans savoir si ça va fonctionner. Je ne peux pas me permettre cela alors qu'il y a mon fils au milieu. Je ne peux pas prendre le risque de laisser entrer n'importe qui. » N'importe qui, qui les laisserait croire en la possibilité d'avoir une vraie famille. Jouant nerveusement avec la carte du bar, elle ajouta : « Ou alors, je réagis comme ça, parce que j'ai peut-être laissé passer ma chance avec l'homme parfait pour moi... » Là, c'était une bien belle confidence qu'elle lui faisait.

Ce n'était pas le genre de la commerçante de se dévaloriser. Non pas qu'elle avait un excès de confiance en elle, un trop plein de fierté. Po je tant, rares étaient les fois où Violet se laissait dépiter par la vie, toujours à l'aube du positivisme, toujours à chercher le bien dans une situation plutôt que de se plaindre des problèmes. En effet, les fois où on l'entendait se plaindre se comptaient sur les doigts d'une main et, par pur malheur, lorsque cela se produisait, c'était bien parce qu'elle en avait trop sur les épaules, la surfeuse, qu'elle n'était plus en mesure de tout combattre par son sourire contagieux. Et même dépitée par l'amour, même abattue par les malchances qui s'étaient effondrées sur sa boutique, même fatiguée de devoir se battre pour le bonheur, Violet ne s'était pas plainte une seule seconde de sa relation complexe avec Terrence. Elle en aurait eu matière et peut-être que ça lui aurait fait un bien fou de se confier, mais fidèle à elle-même, ou peut-être trop têtue pour avouer avoir besoin de conseil ou d'une oreille attentive, elle s'était tue. Exactement comme lorsque son histoire avec Arthur s'était terminée, quand ils avaient décidé de mettre fin à leur relation qui résultait plus de l'amitié que de l'amour. Et cette histoire, avec Arthur, elle la remit sur le tapis, la brune, non pas par déception, mais bien à la blague. Parce qu'il n'y avait pas de regrets, entre eux, l'amitié leur allait bien mieux. Ça va l'égo ?, demanda-t-elle en riant à Ella qui s'accordait toute la récolte des bons gènes de sa famille. Ils étaient différents, Arthur et elle, c'était évident, Violet ne pouvait pas le nier. Mais telle n'était pas la question. Et pour éviter de s'attarder sur le sujet de son ex, qui pourrait peut-être les mener vers un autre ex-pas-complètement-ex, ce qu'elle souhaitait éviter, pour le moment du moins, Violet se concentra sur l'apollon de service, celui qui leur servait d'instructeur en ce début d'activité. Lui et son corps qui semblait faire rêver son amie. Ella, franchement !, lui asséna la brune en secouant la tête, ne viens pas me dire que t'as pas maté durant tes années de célibat. Elle la regardait, désapprobatrice. De la porno, des danseurs, des films où l'acteur était mignon, rien de tout ça pour la jeune maman ? Même sans toucher, il y avait matière à regarder. Alors là, tu me déçois réellement !, répondit-elle, toujours en secouant la tête. Il faut vraiment que je te sorte plus souvent, sinon tu vas réellement commencer à faire de l'amnésie sur ce sujet. C'était des blagues, mais il y avait un fond de vérité, tout de même, dans cette histoire. Mais la brune affirma à son amie qu'elle trouverait le courage d'aller vérifier ce qui se cachait sous le t-shirt de l'homme de rêve. Là je retrouve la fille que j'ai toujours connu, dit-elle avec un clin d'oeil avant d'ajouter : Il n'y a rien contre le célibat, vraiment, confia Violet qui elle aussi se trouvait dans cette situation, par défaut. Mais on sait toutes les deux que, dans ton cas, y'a pas que ça. Ella ne s'était jamais donné la chance de le briser, ce célibat. C'était plutôt ça qui peinait Violet. Ella était la plus belle femme qu'elle connaissait. Et la plus aimable. Et ça tuait la commerçante de se dire qu'on sacrifiait une perle comme elle à défaut de ses responsabilités. Violet laissa respirer son amie, arrêtant de s'acharner sur son cas alors qu'elles allaient grimper dans les arbres, mais elle se jura de creuser encore plus loin lorsqu'elles auraient terminées. Cependant, alors que leur course dans les airs se termina sur un parcours côté difficile et qu'elles étaient assez fières de leur performance, Ella ne laissa pas le temps à son amie de revenir au galop, elle s'élança vers le moniteur, déterminée à trouver réponse à leur débat. Et elle revient vers la surfeuse, sourire triomphant, avant de mêler leurs rires ensemble dans un délire de gamines.
La discussion devenait plus sérieuse alors qu'elles prirent place au bar. C'était aussi ça, leur relation. Après le plaisir venaient les conversations qui venaient du coeur, les conseils et aussi les remises à sa place. Ella connaissait Violet. Elle savait qu'elle adorait son fils, Noah, qu'elle le considérait comme son propre neveu. Mais il n'était pas la seule sphère de la vie de la jeune mère. Il était grand, aujourd'hui. Et si avant elle comprenait la restriction de son amie, aujourd'hui elle voyait en elle bien plus qu'une maman d'un jeune garçon. Violet secoua la tête à la première question de la serveuse. Non, ce n'est pas du tout ça. Elle haussa les épaules. C'est que l'amour c'est beau, tu sais, ça donne des ailes. Et je suis convaincu que tu pourrais vivre une belle histoire avec quelqu'un. J'ai rien contre le célibat, tu sais bien. Après Arthur, Violet ne s'était pas mise en couple. Elle avait erré, seule, jusqu'à tomber sur Terrence. Mais tu sais, Ella, si tu ne te laisses pas la chance de rencontrer des gens, tu ne pourras jamais laisser entrer dans ta vie la bonne personne. C'est en s'ouvrant aux rencontres qu'on rencontrait la personne faite pour soi. Et ça ne veut pas dire de le présenter à Noah dès la première soirée. En fait, ça ne veut même pas dire qu'il y aura une seconde soirée ! Mais Ella sembla supposer qu'il y avait déjà un homme dans sa vie, un qu'elle avait manqué de près. Comment ça, manqué ta chance ?

« Mon ego va très bien, merci. » répondit-elle en riant, même si Ella était la première à mettre Arthur sur un piedestal. C'était son petit frère, celui dont elle était la plus proche. Et elle aurait tant aimé voir cette histoire entre Violet et Arthur fonctionner. Mais l'amour, ça ne se commandait pas. C'était d'ailleurs un fait que la jeune mère ne pouvait pas contredire, elle qui se complaisait dans son célibat persistant, qui passait au-dessus de toutes ces questions sur sa vie sentimentale. La brune haussa nonchalamment les épaules en entendant le ton désapprobateur de son amie, répondant simplement : « Bah si... j'ai quand même maté. Un peu. » Elle avait quand même des yeux dont elle savait se servir. Mais c'était un plaisir éphémère, qui ne menait sur rien de concret. Même quand elle croisait un homme qui lui plaisait, Ella se défilait. Violet avait raison, elle finirait peut-être par faire de l'amnésie sur le sujet. « Pour l'instant, je sais encore comment le corps d'un homme est constitué. Je ne suis pas encore un cas désespéré. » répondit-elle en blaguant. Mais elle oubliait presque ce qu'un baiser, une caresse sur sa peau pouvaient avoir comme effet sur elle. Elle en avait oublié les papillons dans le ventre et les frissons délicieux. Ce n'était pas un combat contre le célibat, comme lui rappela Violet. Ella savait ce qu'elle voulait dire : Violet ne lui reprochait pas son célibat, elle lui reprochait simplement de s'oublier. Et elle avait raison. Ella criait sur tous les toits à quel point elle aimait être seule, mais en réalité, elle avait juste la trouille. Elle avait peur de s'abandonner à un homme. Elle avait peur de se briser le cœur. Elle avait peur d'avouer tout cela à voix haute. Alors elle préférait dire que son célibat était un choix, même si Violet était bien l'une de celles qui ne croyait absolument pas en ces mots. Heureusement, il était temps de grimper dans les arbres. Ella croyait mettre fin à ce sujet-là. Mais ce ne fut que temporaire. Quand elles terminèrent leur parcours et qu'Ella mena à bout ce défi avec l'instructeur, riant comme une gamine, les deux jeunes femmes s'installèrent à une table près du petit bar. De nouveau, la discussion revint sur les rencontres amoureuses, bien plus sérieusement cette fois-ci. Violet attaqua avec ses arguments qu'Ella ne pouvait absolument pas réfuter. Oui, l'amour, c'était beau... Oui, il fallait qu'elle fasse des rencontres avant d'avoir la flamme. Oui elle avait le droit aux rencards d'une soirée. Elle avait la liberté de ne pas revoir un homme si elle le souhaitait. « Je sais... » souffla-t-elle, la mine dépitée. Oui, elle savait tout cela. Mais elle n'en voulait pas. Elle ne voulait pas de ces rencards, tout simplement parce qu'elle avait son idéal pas très loin d'elle. C'était cela qui était douloureux. Alors qu'elle avait lâché à demi-mots qu'il y avait bien quelqu'un qui l'intéressait, Violet rebondit aussitôt sur ses mots. Soufflant légèrement, la brune répondit, en esquissant un léger sourire : « C'est Mali... » Rien que d'en parler, la brune avait le regard pétillant. Violet avait déjà entendu parler de cet homme qu'elle avait toujours présenté comme un simple ami. « Quand on s'est rencontrés, lui et moi, il y a directement eu une vraie complicité, une véritable alchimie. J'avais l'impression que tout était simple avec lui. Mais ce n'était pas le bon moment, pour lui comme pour moi. Depuis, je suis casée dans la friendzone sans réussir à m'en départir et avec l'amère sensation d'avoir raté quelque chose. Et je ne sais pas quoi faire... » Patience, Ella. Juste un peu de patience. Bientôt, cette amère sensation disparaîtrait.

Spoiler:

Ce n'était pas à défaut de ne pas avoir essayé. Avec Arthur, ils avaient tout donné jusqu'à réaliser que, parfois, l'amour n'est pas suffisant. Ils s'aimaient, mais ils ne s'aimaient pas de la bonne façon, pas comme les amoureux devraient s'aimer. Ils s'aimaient plus comme des amis. Des amis sont les besoins sexuels étaient aiguisés, certes, puisqu'ils avaient entretenu leur relation intime quelques mois après leur séparation, mais pas comme des amants. Ce qui lui fit le plus de peine, dans cette histoire, c'était d'avoir perdu la famille qu'elle s'était trouvée, à Bowen. Parce que loin de sa propre famille, et, qui plus est, en mauvais terme avec ses parents, Violet s'était vite sentie seule lorsqu'il était question de fêtes traditionnellement familiales. Noël, thanksgiving, son anniversaire, même. Et les Grimes l'avaient accueilli, comme un membre à part entière de leur famille. Ella, qu'elle avait considérée comme sa propre soeur durant cette période, encore aujourd'hui, il fallait dire, et Noah, pour qui elle aurait tout donné, comme une tante le ferait pour son neveu. Heureusement, cet échec amoureux n'avait rien changé de la relation entre Ella et Violet. Et il fallait possiblement remercier Arthur pour ça, parce qu'ils avaient tenu, tous les deux, à ce qu'ils restent en bon terme. Si elles avaient effleuré la romance qu'il y avait déjà eu entre Arthur et Violet, les deux filles reviennent rapidement sur le sujet d'Ella qui, depuis trop d'années, se refusait à sortir, rencontrer, draguer, flirter. Et qui allait terminer vieille fille entourée de chats si elle ne se bougeait pas. Violet lui demanda s’il lui arrivait de maté, à la blague, de peur qu'elle oublie ce que le corps masculin était. Mais derrière les blagues, il y avait toujours un fond de vérité, une petite crainte qu'à force de s'être oublié durant trop d'années, que la main soit perdue ou que la peur s'installe. Un peu comme lorsque l'on subissait un accident de voiture et que la peur de conduire à nouveau s'installait. Violet était là pour aider Ella à reprendre le volant le plus vite possible, pour l'aider à ne pas entretenir de traumatisme. Encore heureux, souffla la brune comme une délivrance à la blague de son amie. Violet feinta de s'essuyer le front, comme si elle avait eu réellement chaud, peur de la réponse d'Ella. Peut-être que Violet était trop franche, trop directe, peut-être qu'elle aurait dû porter des gants blancs, peser ses mots. Mais, ce n'était pas elle. Elle était honnête. Elle était vraie. Et Ella vivait dans le déni depuis trop longtemps pour que la brune la laisse croire encore que la façon dont elle s'occupait d'elle était suffisante. Ella lui mentionna alors qu'elle avait peut-être simplement manqué sa chance et cette phrase piqua la curiosité de la commerçante, qui tenta de creuser sur le sujet. Mali. Les yeux d'Ella semblèrent s'illuminer, son teint semblait revivre. Mali, son ami. Mali, son proprio. Mali?, répéta Violet pour s'assurer qu'elles parlaient bien du même Mali. En même temps, des Mali, il n'y en avait pas des milliers à Bowen. Encore moins des Mali qu'elle pouvait bien connaître. Et pourquoi pas le lui dire, tout simplement?, demanda Violet naïvement. Elle savait ce que c'était, de devoir annoncer sa flamme à un mec qui ne ressentait peut-être pas la même chose qu'elle, elle l'avait fait, deux fois plutôt qu'une, avec Terrence. Mais elle avait aussi préféré vivre avec la sensation d'avoir tout dit que de le côtoyer avec le sentiment de se mentir à elle-même toute sa vie.