Twinkle Twinkle Little Star [ft. Fauve]

On m'a toujours dit qu'il fallait se perdre dans la ville pour parvenir à s'y repérer. Ça fait maintenant trois mois, peut-être même un peu plus que j'ai posé mes valises en Australie. Je ne dis pas que je connais Bowen comme ma poche, il y a toujours certains mystères et endroits prohibés où je ne suis pas encore allé mais ça viendra avec le temps, je ne m'en fais pas à ce sujet-là mais pour le moment, c'est du côté des maisons de la ville que j'ai décidé de prendre mon chemin; simple curiosité en plus de voir l'architecture "typique" de ce continent. Je commence par la première rue qui mène ensuite aux différents quartiers, me faisant faire des détours pas possible juste dans le but de visualiser les maisons et peut-être même certains noms jusqu'à me plonger dans une allée qui semble contenir non pas les plus belles demeures mais celles qui s'y en rapprocheraient le plus. Des hochements de tête pour approuver certaines battisses, une petite moue pour celles qui en valent moins le coup, je poursuis mon chemin jusqu'à ce qu'un son vienne à mes oreilles. Un violon. Un instrument qui sait adoucir mon âme. Un visage qui réapparaît sans que je ne le veuille. Albane. Mon pas s'accélère jusqu'à la maison du musicien ou de la musicienne, m'imaginant qu'Albane aurait fini elle aussi par larguer l'ancre mais bien que mon envie me joue parfois des tours, je suis bien conscient que ce n'est pas la violoniste qui apparaîtra devant moi d'ici 100 mètres. A pas de loup, je me dirige vers ce qui semble être le salon, regardant par la fenêtre si l'ombre d'un ou une mélomane est dans le coin et c'est là que je la vois. Un petit sourire aux lèvres, presque charmé par les notes jouées, je viens m'accouder à cette même fenêtre tout en l'écoutant. Mine rêveuse, je ferme doucement les paupières pour me plonger dans son univers -un poil différent de celui de la douce puis finis par croiser son regard dans le miroir qu'elle semble fixer à son tour. Je me redresse, me racle la gorge avant de poser mon regard sur son sol et de le relever. "Oh, well... I'm sorry. It's just that... You were playing and I needed to come." Une moue presque gênée par la situation. Il n'y a rien de mal, c'est comme si j'assistais à un concert mais mon "entrée" presque -trop- intrusive pourrait rapidement la mettre mal à l'aise à base de lacrymogène ou de taser à cause de la frayeur, allez savoir. "I'm gonna leave if you want to." lui dis-je, accent américain qui ne partira pas de sitôt. "Or can I stay a little bit longer?" tentais-je, histoire de profiter quelques minutes de plus.

Toutes fenêtres ouvertes pour laisser l'air frais purifier la maison, Fauve avait fait un peu de rangement et s'était attelée à quelques décorations faites main, histoire de remplir son après-midi de libre. Elle aimait traîner à la maison, dans son petit nid cosy - même s'il était plutôt grand, en fait -, se balader pieds nus et portant des vêtements amples et légers comme une plume. Un pantalon large de type sarouel, un chemisier du même type, collant parfaitement à l'ambiance de la demeure. Du Fauve tout craché. La slovène avait finit par sortir son violon, dont elle aimait faire résonner les notes de temps en temps, s'octroyant le temps de se perdre dans son monde à elle, au rythme de la musique douce et enveloppante. Elle avait commencé dans le jardin, caressant l'instrument de ses doigts fins, avant de se lever et de danser en rythme, son pas léger sur l'herbe nue. Finalement, elle avait poursuivi sa course jusqu'à l'intérieur du grand salon, se laissant porter là où son corps et son esprit souhaitaient l'emmener. Ce ne fut qu'en croisant une paire d'yeux dans le miroir qu'une fausse note jaillit, sous le sursaut de la brune, qui se tourna vers la fenêtre une fois qu'elle eut compris d'où provenait ce reflet dans la glace. Un jeune homme était accoudé là, et sembla aussi surpris qu'elle, avant de s'excuser, embarrassé. Fauve resta interdite quelques secondes devant cette situation bizarre avant de se reprendre soudainement. « You... needed ? » répéta la brune d'un air interrogateur, son violon toujours calé sur son épaule et son archet en main, suspendu en l'air. Ses iris émeraude étaient fixés sur l'homme, toujours assez incertaine de ce qu'elle devait penser de cette situation. Et intriguée par la manière dont l'inconnu à sa fenêtre avait justifié sa présence. Il ne lui parut cependant pas si confus que ça quand il eut la témérité de demander s'il pouvait rester encore un peu. Fauve hésita, encore un peu déconcertée. « Well... You're kind of looking like a stalker right now and I don't know anything about you, nice stranger at my window. » objecta la slovène, mais une étincelle amusée et curieuse était venue allumer ses yeux verts et ses traits s'étaient quelque peu détendus, prenant une note humoristique. Bien que surprise, Fauve n'était pas la personne la plus méfiante qui soit et cette situation aussi cocasse qu'inattendue l'amusait un peu.

"You... Needed?" Vu comme ça, c'est vrai que j'aurais pu employer un autre langage mais oui, c'est tout comme une obsession. Les bons musiciens, j'aime les traquer, j'aime les entendre quitte à briser leur intimité. Pour ceux qui n'ont que les bases, je sens mes dents se serrer à chaque fausse note que j'entends et Dieu sait -ou peu importe qui d'ailleurs- qu'il y en a énormément, surtout les guitaristes avec leur Wonderwall complètement bâclée, juste réaliser pour choper des filles au tour d'un feu de camp. Un sourire pincé, un regard légèrement embarrassé, la dernière fois que je me suis pointé durant un show d'une personne, il s'est avéré que cette dernière fut l'amour de ma vie, le seul pour être précis. "Well, Elijah, I'm 30, trader, pianist during my free time and I think that's about all I have to say dear stranger." Je le regarde. Elle en sait déjà plus sur moi je suppose mais qui lui dit que je ne suis pas là pour lui faire du mal? Je n'ai pas eu de contrat sur sa personne, ça ne risque donc pas d'arriver. "Keep playing please." lui demandais-je d'un air presque suppliant. Qui l'aurait cru? "I just have some free time then I'll leave, don't worry." Je tente de la rassurer comme je peux. "Make like a blind test, I'd like to play in a different way." Mes yeux s'agrandissent, une âme d'enfant ressurgie de nulle part.

music

La jeune femme ne put s’empêcher d’esquisser un sourire quand cet étrange personnage venu l’écouter de façon peu discrète, lui offrit un bref résumé de sa personne, d’une traite. Elle restait troublée par ce dénommé Elijah, venu envahir en quelque sorte son espace personnel. Mais les gens aux comportements décalés avaient tendance à l’intéresser, psychologue dans l’âme qu’elle était. « Good to know. I guess. » répliqua la slovène avec un petit hochement de tête, avant de braquer à nouveau ses iris verts sur le jeune homme. « I’m Fauve. I’m twenty-seven and I play the violin when I feel like it, as you can see. » ajouta la brune histoire de se présenter à son tour. Elle n’allait peut-être pas commencer à lui donner les détails de son existence de suite, quand même. Mais au moins, ils étaient un peu moins des inconnus après ces courtes présentations. Elijah lui demanda ensuite de continuer à jouer, de manière plus désespérée qu’impérative. Après une courte réflexion, la jeune femme haussa les épaules et accepta avec un hochement de tête agrémenté d’un sourire affable. « Why not. » Elle hésita à lui proposer d’entrer, mais vu qu’il se tenait à sa fenêtre depuis moins de trois minutes et que cette arrivée dans sa bulle personnelle manquait un peu de bienséance, elle garda sa proposition pour elle, pour l’instant. Rien ne lui indiquait qu’elle ne pouvait pas lui faire confiance, mais elle préférait s’en assurer ou au moins laisser passer quelques minutes, histoire d’avoir la conscience tranquille d’une femme qui reste sur la prudence. Et puis, en-dehors de ça, il y avait quelque chose de poétique dans ce tableau où il était accoudé à la fenêtre, elle jouant des notes pour lui. « But I’m not sure we have the same music library. » le prévint Fauve, avant d’obtempérer, replaçant l’archet contre les cordes, et entamant une version instrumentale de It ain’t me.

Présentations faites, nous pouvions enfin passer à la suite. De la musique. C'est tout ce que je voulais entendre. Je ne voulais pas me forcer à entrer dans une conversation quelconque. Je ne voulais que le son mélancolique du violon pour me laisser un peu de répit afin de rêver un peu. Un air joué, elle m'avait prévenu, je ne le reconnaissais pas. Je secoue négativement la tête, fronçant légèrement les sourcils. "Don't know. What was it?" lui demandais-je, posant mon regard sur elle, attendant sa réponse ainsi que la prochaine mélodie jouée. Je crois que peu m'importe réellement ce petit quizz, je pouvais rester des heures ici quitte à m'endormir au pied de sa fenêtre. "Is it the only instrument you can play?" lui demandais-je. Un duo violon/piano si elle en avait faisait toujours plaisir à entendre et à jouer. Une certaine complicité pouvait rapidement naître et même si cette relation n'était que "musicale", cela ne me dérangeait point. De bons musiciens, une bonne entente, que demande de plus le peuple? "Do you play in a band?" Une autre question. Une simple question.

Sans beaucoup de surprise, Elijah fronça les sourcils en admettant ne pas connaître la mélodie. La slovène jouait un peu de tout, à vrai dire, du classique de chez classique à des choses plus actuelles, des reprises. « It was it ain't me from Kygo and Selena Gomez. But I can play whatever you want. » répondit Fauve avec un sourire doux. Si ça pouvait lui faire plaisir. Le garçon semblait réellement transporté par les notes, pas vraiment ému mais plutôt apaisé. C'était le pouvoir de la musique. Les effets qu'elle pouvait avoir étaient nombreux, et parfois assez ahurissants. Si l'écouter jouer pouvait faire du bien à Elijah, de quelque manière que ce soit, elle jouerait pour lui avec plaisir. D'autant plus qu'il était musicien lui aussi, il devait s'y connaître et apprécier la mélodie d'une façon que seule une oreille musicale pouvait comprendre entièrement. « Yes, I learned when I was a teenager. » expliqua la jeune femme en relâchant les bras. Un rire léger s'envola dans l'air quand il lui demanda si elle jouait dans un groupe. Ça ne lui avait jamais traversé l'esprit. Sans doute parce qu'elle n'avait tout simplement pas le temps, même lorsqu'elle était ado. Fauve s'était intéressée à toutes sortes d'activités différentes, elle restait encore une grande touche-à-tout aujourd'hui. Mais entre son cabinet, sa boîte de nuit, le temps qu'elle passait à tester des plats de cuisine, à faire les friperies, à faire son yoga, à lire des poèmes dans un hamac ou dans un bain, à décorer et nettoyer la maison et à parcourir des tutos pour fabriquer de la déco elle-même... Oui, elle n'avait pas vraiment le temps pour ça. « No, I don't. » répondit-elle en secouant négativement la tête. « Would you like me to play another song ? » demanda-t-elle ensuite. Elle pouvait voir le regard que le jeune homme portait sur son violon, et l'expression qui envahissait ses traits lorsqu'elle jouait.