we were strangers in the night (eve)

Tu avais été embauché il y a quelques semaines au Tea’Rese. Ça tombait plutôt bien, parce que tu adorais cet endroit. C’est d’ailleurs là où tu avais donné rendez-vous avec la belle costumière pour la première fois. C’était chaleureux, et adorable et c’est surement pour ça que tu t’y sentais comme chez toi. Et tu avais eu besoin d’un petit boulot. Enfin pas forcément besoin, mais tu voulais participer à la vie à l’appartement avec ta tante et ton neveu. C’était important pour toi. Et puis tu pourrai te faire un peu d’argent de poche, c’est un petit plus. Alors tu étais parti voir Eve, la gérante, pour savoir si elle cherchait du personnel. Ironiquement, elle s’appelle aussi Eve, comme la fille pour qui tu en pinces. En effet, elle cherchait un serveur à mi-temps et c’était parfait pour toi ! Comme ça, tu pourrais continuer sans te prendre la tête tes études et elles sont pas prêtes de se terminer. Aujourd’hui, il n’y avait pas beaucoup de monde. Il faisait chaud en ce moment, alors les terrasses de café étaient vides. Quelques personnes s’étaient regroupées à l’intérieur pour profiter de la climatisation, mais on ne va pas se le cacher, tu t’ennuyais à mourir. Tu étais derrière le comptoir, les bras croisé, à attendre que le temps passe. Mais lorsque la patronne entrait dans la salle et que tu étais posé nonchalamment, tu essayais de te tenir droit et les mains dans le dos. Mais vu que tu étais très maladroit, tu manquais de tomber. « Je… y’a rien à faire c’est pour ça que j’suis là » dis-tu à ta boss en te grattant la nuque, timidement. Ouais, t’étais toujours aussi réservé, même si tu connaissais bien la jeune femme à force de travailler chez elle. Elle devait surement te prendre pour un idiot des fois, mais tu faisais bien ton travail.

Quand elle avait recruté Riley, elle ignorait qu’ils étaient de la même famille. Il était juste ce jeune étudiant, insouciant, qui cherchait un petit job pour financer ses études. Il travaillait bien et Eve n’avait pas eu grand-chose à lui reprocher les premières semaines. C’était en parlant avec ses parents qu’elle apprit la vérité sur Riley. Ils étaient le fils de la cousine de son père. Un lien assez éloigné et pourtant ils étaient de la même famille. Quand le père d’Eve leur avait raconté l’histoire, la blonde avait été choquée. Enervée que son père avec ses grands principes chrétiens tournant le dos à sa propre famille. Mais voilà. Quelques semaines étaient passées et Eve ne lui avait toujours rien dit à Riley. En ce moment, à cause de la canicule, il y avait beaucoup moins de monde au Tea’Rese. Les personnes sortaient soit tôt le matin soit le soir, et le salon d’Eve fermait en fin d’après-midi. Seuls quelques insensibles à la chaleur venait acheter un café froid. Il n’y avait qu’elle et Riley aujourd’hui et la blonde se disait que c’était peut-être le jour. Elle sortait de la cousine retrouvant l’étudiant à moitié endormi. Elle riait à son excuse. « Y’a pas de soucis. On s’ennuie un peu en ce moment. » Elle n’était pas une patronne horrible Eve. « Est-ce que tu veux boire quelque chose ? » Demandait-elle, pendant qu’elle se versait un verre de thé froid maison. « Je dois te dire un truc. » Elle rougissait, mal à l’aise par rapport à ce qu’elle comptait lui dire. Elle lui proposait une table pour qu’ils soient plus à l’aise.

La canicule faisait qu’il y avait peu de monde dans le coffee shop. D’un côté, ça t’arrangeait, parce que t’avais pas à bosser d’arrache-pieds. Alors que tu étais derrière le comptoir, ta patronne arriva d’un coup ce qui te fit perdre tes moyens. Elle avait remarqué, et ça l’avait fait rire. t’as vraiment l’air d’un idiot des fois, tu te demandes comment les gens peuvent t’apprécier. « C’est vrai qu’il y a pas foule en ce moment » dis-tu en haussant les épaules, balayant la salle du regard. La jeune femme te proposa de boire quelque chose. Mais t’étais en service, alors tu savais pas si tu devais ou pas. C’était un test ? Bon, arrête de psychose là quand même. « Je dirais pas non à un thé glacé » répondis-tu d’une petite voix, comme si tu allais te faire engueuler parce que tu voulais boire quelque chose. Elle se servait son verre et puis elle te servait le tien. Lorsqu’elle t’avoua à avoir à te parler, tu commençais à paniquer d’un coup. Oh merde, est-ce que t’as fais une connerie ? Ok, hier t’as cassé un verre mais c’est pas une raison pour te virer non ? « J’ai fais une bêtise ? » demandas-tu un peu inquiet, à Eve. Vous vous dirigiez tous les deux vers une table et vous vous asseyiez l’un en face de l’autre. « Me virez pas, s’il vous plait » dis-tu d’un coup, alors que vous veniez juste de vous assoir. C’était spontané, même un peu trop surement, et ça t’avait toi-même surpris de dire ça. Mais t’étais inquiet, parce que la blonde semblait mal à l’aise, elle aussi. Si ce n’était pas ça, qu’est-ce qui pouvait la mettre aussi anxieuse ? C’était la grande question, et ce silence semblait durer une éternité.

Elle se demandait Eve si elle n’allait pas fermer le Tea’Rese le temps de la canicule parce que ce n’était pas vivable de bosser dans ces conditions. Il y avait la clim mais le désert de client se faisait ressentir. Elle encore avait de l’administration à faire, mais ses employés devaient s’ennuyer à mourir. C’était le cas de Riley qui dormait debout quand elle ouvrait la porte pour lui parler. Ça la faisait rire. Elle n’allait pas lui en vouloir pour ça, surtout qu’il n’y avait vraiment personne. « Ouai.. la canicule surement. » Disait-elle en grimaçant. Ça l’inquiétait quand même un peu ce manque de personne pour les affaires, mais pour le moment il n’y avait aucun problème de trésorerie. Elle avait d’autre problèmes et notamment parler avec Riley de leur lien de parenté. Elle optait pour l’option simple, du thé sur une table. Evidemment, elle lui en proposait. Eve acceptait qu’on se serve, tant qu’on abusait pas. Elle espérait que son salon soit un endroit convivial autant pour les clients que pour ceux qui y travaillait. Elle lui souriait, avant de prendre un verre et d’y verser un second thé froid qu’elle lui tendait. Elle lui balançait très rapidement qu’elle voulait lui parler. Il devint blanc et Eve s’en voulait presque. « Oh non non pas du tout ! » Elle aimerait le rassurer mais avant, elle devait lui dire ce qu’elle savait. Alors elle l’invitait à s’asseoir avant de rire à sa supplique. « Mais je ne veux pas te virer ! » Il était un très bon employé, souriant, amusant. Les clients l’adoraient. « Non en fait c’est un peu plus compliqué. » Disait-elle en se mordant la lèvre inférieure. « Est-ce qu’on t’as déjà parlé de John Hutcherson ? » Demandait-elle, dans l’espoir que sa mère ou sa tante aient un jour parlé de leur cousin.

Ca faisait pas longtemps que tu bossais au salon de thé, mais tu avais toujours aimé cet endroit, même en temps que client. Alors quand tu avais eu besoin d’argent, tu avais postulé là bas. Cela ne faisait que quelques semaines que tu étais alors dans l’entreprise, et c’était bien au début, avant la canicule, quand il y avait du monde à servir. Parce que là, c’était le désert total. Mais tant que tu étais payé, tu t’en fichais. Même si ça te faisait de la peine pour Eve de ne pas avoir de clients dans son super salon de thé. Lorsqu’elle te dit que c’était à cause de cette canicule, justement, qu’il n’y avait personne, tu haussais les épaules. Toi, tu venais tous les jours, qu’il neige ou qu’il fasse 40 degrés dehors. Mais tout le monde n’était pas comme toi. La jeune femme te proposa un truc à boire et tu acceptais gentiment. Elle te servais un verre que tu t’empressais de prendre et elle t’avoua avoir quelque chose à te dire. Paniqué, tu pensais tout de suite au fait qu’elle allait te virer. Peu de client, un serveur un peu maladroit, c’est pas bon pour les affaires. « Vous êtes sure ? » demandas-tu avant de t’assoir, lorsqu’elle te dit n’avoir rien à te reprocher. Ça la faisait même rire, à Eve. Vous vous asseyiez à table et elle te dit ne pas vouloir te virer. Tu lâchais un soupir de soulagement et tu commençais à boire ton verre de thé glacé. Elle te demanda ensuite si tu connaissais un certain John Hutcherson. Tu avais beau chercher dans ta tête, ce nom ne te disait rien. « C’est quelqu’un de votre famille ? » demandas-tu à la gérante en fronçant les sourcils. Tu savais que c’était son nom de famille, Hutcherson. « Ah si, j’ai déjà entendu ce nom une fois, par ma mère mais bon c’était aux Etats-Unis alors j’pense que ça a rien à voir » dis-tu en haussant les épaules. En effet, t’avais déjà surpris une conversation violente au téléphone et ta mère avait prononcé ce nom de famille. Tu n’avais même pas fais attention lorsqu’Eve s’était présenté avec son nom. « Pourquoi ? J’devrais le connaître ? » demandas-tu, intrigué à la blonde.

Il y avait des choses pas facile à expliquer. Et Eve ne savait pas trop comment expliquer à Riley à quel point son père avait été con de tourner le dos à ses cousins sous-prétexte qu’elles n’étaient pas assez chrétienne. Elle n’avait pas embauché Riley pour ça, elle n’était même pas au courant. C’était en parlant à son père qu’elle vit la peine se dessiner. Il regrettait un peu cette houleuse conversation, mais il ne voulait pas avoir tort. En fait son père était un hypocrite et elle était partie de chez elle, en expliquant qu’elle allait parler à Riley. Mais voilà, depuis qu’il était là, elle n’avait pas réussi à prendre le temps. Mais aujourd’hui, plus d’excuse il n’y avait personne. Son visage s’était décomposé et ça te faisait rire. Tu lui offrait un thé avant de l’inviter à s’asseoir. Eve avait besoin de savoir que ce que Riley savait. Mais vu son comportement, il n’avait l’air de ne rien savoir. Elle balançait le nom de son père qu’elle ne supportait pas en ce moment. « C’est mon père. » Elle se mordillait la lèvre. Il en avait entendu parlé et sur le coup cela énervait la blonde que son père se soit comporté de cette manière. Sa mère avait eu raison de s’énerver. Elle prit sa respiration. « Je l’ai appris récemment Riley. Mais ta mère et mon mère son cousin. » Elle avait lâché la bombe, aussi rapidement qu’on arrachait un pansement. « Ils se sont disputés et c’est pour ça que tu ne m’as jamais rencontré et vice versa. » Disait-elle un peu triste.

Tu étais un peu intrigué par ce que la jeune femme avait à te dire. Elle semblait mal à l’aise, un peu anxieuse à l’idée de te dire ce qui lui tenait à coeur. Alors que tu étais assis en face d’elle, elle avait commencé par te demander si tu connaissais un certain John Hutcherson. Au culot, tu lui avais demandé si c’était quelqu’un de sa famille. En effet, ils portaient le même nom de famille tous les deux. Elle te confirma alors que c’était son père. Et puis tu te souvenais avoir entendu une fois ta mère au téléphone, hurler et dire simplement « fous moi la paix Hutcherson, tu n’as pas d’ordre à me donner sur l’éducation de mon fils et sur notre religion ». T’avais pas demandé qui c’était, parce que tu savais que tu aurai eu droit à un énième revers dans ta tronche, alors tu avais simplement oublié cette conversation que ta maman avait eu avec cet inconnu. Mais lorsque la gérante du salon de thé t’expliqua que ce fameux John et ta mère étiez cousins, ton regard changea. « Pardon ? » dis-tu en posant ton verre. Tu serrai les poings, en dessous de la table, comme si la colère montait doucement en toi. « Vous… enfin tu… tu m’as engagé pour ça ? » demandas-tu en fronçant les sourcils. C’est honteux, si c’est le cas. Tu es la pauvre brebis égaré dont son père n’a pas voulu s’occuper. Après, il ne savait peut-être pas que tu vivais dans un enfer sur terre. « Est-ce que ton père était au courant que ma mère me battait à longueur de journée ? » ajoutas-tu, la colère commençait à monter de plus en plus. En fait, tu te disais que tout le monde avait abandonné lorsque tu étais enfant. Que personne n’avait voulu t’aider à sortir de là et que personne n’avait eu envie de voler à ton secours. Ta tante en premier lieu, mais tu te rattrapais maintenant. Tes grands-parents, qui n’avaient pas voulu se mêler des affaires de leur filles ensuite. Mais ce que tu ne savais pas, c’est que tu avais déjà de la famille à Bowen, et que cette famille te connaissait. Mais ce que tu te demandais vraiment, c’est comment on a pu te laisser souffrir là bas alors que les gens étaient au courant de la situation ?

Elle avait mal Eve. Mal pour Riley qui avait vécu des choses horribles. Mal pour la lâcheté de son père. Déjà qu’elle doutait de sa sincérité, cette fois-ci c’était l’élément de trop. Il avait consciencieusement laissé un enfant sans défense entre les mains d’une femme violente. Et elle pendant ce temps-là, vivait une vie paisible de la parfaite chrétienne. Jamais elle ne s’était énervée contre son père, mais cette fois-ci c’était le mensonge de trop. Mais elle n’avait pas le droit d’y penser ce soir. Elle devait la vérité à Riley, lui avouer qu’ils appartenaient à la même famille. Elle l’appréciait ce jeune homme, bien avant qu’elle apprenne la vérité. Elle n’y allait pas par quatre chemins. Elle demandait d’abord s’il connaissait son père. C’était un peu le point de départ de cette histoire. Si son père s’était tu, jamais elle n’aurait connu son cousin. Si son père avait décidé d’être un vrai chrétien, Riley aurait peut-être été sauvé de cette femme. Elle baissait les yeux devant la réaction du jeune adulte. Il avait ce visage angélique mais la colère déformait son visage et Eve sentait son cœur se serrer. Elle relevait aussitôt la tête quand il insinuait qu’elle l’avait embauché pour ça. « Non pas du tout ! C’est parce que je t’ai embauché que j’ai su, mais pas avant. » C’était la vérité. Sans cette embauche, son père aurait encore caché ce secret, cette honte. Elle était contente qu’il ait abandonné ce vouvoiement, même si ce n’était pas le moment de se réjouir. Puis il posait la question fatidique, celle qui brisait le cœur de la blonde. « Oui. » Répondait-elle la voix brisée. Elle se levait s’écartant un peu du jeune adulte qui commençait à s’énerver. « C’est un lâche et un con. » Lâchait-elle. C’était la première fois qu’elle parlait de son père comme ça. C’était la première fois qu’elle éprouvait autant de haine et de déception envers lui.

Tu te sentais perdu, seul. Toutes ces années de torture, les gens savaient que tu étais entrain de subir les pires violences. Quelles soient physiques mais aussi psychologiques. Parce que tu as toujours entendu de ta mère que tu n’étais qu’un bon à rien et que tu n’arriverai jamais à rien faire dans la vie. Et maintenant, tu n’avais qu’une envie, c’était décrocher ton diplôme pour lui jeter à la gueule. Mais les révélations d’Eve étaient encore pire. Encore, ta tante avait essayé de te récupérer, mais elle était trop jeune pour subvenir à tes besoins et elle avait subi son lot de traumatisme avant de te récupérer. Tes grands-parents tu ne les avais jamais vu, ou du moins tu ne t’en souviens pas, parce qu’ils avaient abandonnés. Et tu leur en voulais énormément, d’ailleurs. Mais savoir que tu avais un « oncle » qui était déjà en Australie et surtout qui savait tout. Et tu venais de l’apprendre. 21 ans plus tard. Alors tu demandais à la blonde si c’est pour ça qu’elle t’avait embauché, et si c’était le cas, tu démissionnerai directement. « Et quoi ? T’as dis mon nom de famille et puis il s’est dit : tiens, j’ai une cousine qui battait son fils à New-York qui s’appelait pareil ? » dis-tu sous le coup de la colère. Tu n’étais plus le parfait employé modèle et timide. Tu avais changé d’humeur. Tu étais énervé, en colère. Elle s’était levé de la table où vous étiez assis, et toi tu posais les poings sur la table. Non, tu n’allais pas te lâcher sur elle, mais tu essayais de canaliser cette colère. « C’est pas un lâche, ni un con » dis-tu avec un rire nerveux. Tu levais tes manches qui étaient déjà un peu retroussé, tu enlevais ton tablier et tu ouvrais ta chemise pour lui montrer les marques qui étaient encore sur ton corps, des cicatrices indélébiles que tu aurais toute ta vie. « Ça, c’est une trace de cigarette parce que j’suis pas allé chercher sa bouteille de whisky en rentrant du lycée » commenças-tu en pointant une de tes cicatrices. « Ça, c’est la lame du couteau quand j’écoutais la musique trop fort dans ma chambre pour me calmer » ajoutas-tu en montrant une cicatrice sur tes abdos. Puis tu te rhabillais, tu n’allais pas tout lui montrer non plus, mais tu voulais lui montrer à quel point c’était grave. « C’est pire qu’un lâche, c’est de la non-assistance à personne en danger. J’était qu’un enfant, merde ! Tout le monde m’a laissé chez cette folle et personne ne m’a aidé à en sortir jusqu’à ce que je le fasse, à mes 19 ans, parce que j’en pouvais plus » dis-tu alors que les larmes commençaient à monter à tes yeux. C’était un sentiment douloureux qui remontait en toi, et même si tu n’avais plus de contact avec ta génitrice, tu le ressentais tous les jours lorsque tu te regardais dans un miroir.

Elle avait mal Eve. Egoïstement, elle avait mal pour elle et de sa famille hypocrite. Mais dans le fond, elle avait mal pour Riley. Il avait l’air perdu, énervé, au bord de l’évanouissement. Et tout était légitime au final. S’il voulait il avait le droit de casser son salon, il avait le droit de crier sur Eve. Tout le monde l’avait abandonné, tout le monde l’avait laissé à cette ignoble femme. La blonde allait vraiment avoir du mal à pardonner à son père cette fois-ci. Pourtant, le pardon était une des premières vertus chez les chrétiens, mais là c’était trop. Beaucoup trop. L’histoire de Riley n’était qu’une goutte de plus dans le merdier chrétien. Il n’était qu’une victime du paraître. Et ça donnait à Eve l’envie de vomir. Non, il n’avait pas dit les choses comme ça son père. Elle l’avait vu sur son visage la culpabilité. Son père regrettait mais il était trop tard. Eve était bien déterminée à ne pas lui trouver des excuses et à ne pas le défendre. Il n’y avait qu’une victime ici, et elle se tenait en face d’elle. L’étudiant était le seul qui avait le droit d’hurler sa peine et sa rage. « Pas vraiment… » Répondait-elle timidement, honteusement, baissant son regard. Elle préférait se lever Eve. Elle sentait les larmes arriver, mais elle n’avait pas le droit, pas devant lui. Elle le détestait son père, parce qu’elle était celle qui disait la vérité au jeune homme et celle qui encaissait la haine, alors qu’elle n’était qu’une enfant à l’époque. Elle ignorait tout. Son père était un lâche et un con. Non ? Elle relevait la tête surprise de la réponse de son jeune employé. Puis elle le vit sur son corps, les marques de son passé. Des traces indélébiles qui pour toujours frapperait à chaque fois Riley. Le cœur de la blonde se contractait tellement à cette vision. Et tous les doutes lui revenaient en pleine face. Comment un Dieu si aimant pouvait laisser ces choses arriver ? Comment un homme aussi mignon pouvait avoir vécu tout ça. Elle ne détachait pas son regard de son torse, de cette cicatrice ronde, de ce coup de couteau. Et sans pouvoir le contrôler, elle sentait des larmes couler. Parce qu’elle venait de l’apprendre, mais Riley était presque son cousin. Riley était cet étudiant perdu qui était venu avec sa timidité demander un travail. Riley était l’homme qui dormait à moitié sur le comptoir tout à l’heure. Peut-être qu’il la pousserait, ou la bousculerait, ou même la frapperait, mais peu importe. Elle s’approchait de lui et l’enserrait de ses bras. « Je suis désolée, je sais ce n’est pas suffisant. Mais je le suis. » Il n’y avait pas d’autres mots à dire, pas d’autres choses à faire. Le mal était fait. « Tu peux me détester si tu veux, m’insulter, partir, je t’en voudrais pas. Tu fais ce que tu veux Riley. » Elle ne voulait pas qu’il parte, mais c’était son choix à lui. « Mais si tu restes, je peux t’expliquer pourquoi je t’ai embauché, et pourquoi je t’aime bien. » Elle se détachait de lui avec un sourire timide.

Décontenancé, en colère, c’était pas facile pour toi. Savoir que tous les membres de ta famille t’avait abandonné, et n’avait jamais donné de signe de vie, ça te rendait totalement furieux. D’une façon un peu déplacé, tu avais demandé comment Eve avait apprit votre lien de parenté. Et ton rire nerveux se faisait sentir dans toute la pièce. Heureusement que personne n’était présent dans le café, c’était surement le moment de baisser les affichettes et de dire que c’était fermé. Parce que la suite n’allait pas être belle à voir. Elle était honteuse, l’australienne, tu le voyais et tu le ressentais. « Je veux savoir comment il te l’a dit » demandas-tu à la jeune femme en levant ton regard noir de haine vers ses yeux. Puis instinctivement, tu t’étais levé, après elle, en défaisant ton tablier et en déboutonnant ta chemise. Tu lui montrais toutes tes marques de haine, tout ce que ta mère t’avait fait subir. Il n’y avait pas que ta mère qui avait marqué ton corps, mais toi aussi tu l’avais fais. T’avais envie de mourir, sous les insultes de ta génitrices. T’avais eu envie d’en finir avec tous ces gestes horribles. Alors avec de l’énervement dans la voix, tu lui avais montré quelques unes des cicatrices, justifiant ces dernières. « Et puis celle là, c’est quand moi j’ai décidé d’en finir. Alors tu comprends pourquoi j’suis en colère ? » dis-tu en haussant encore plus la voix, montrant tes cicatrices de rasoir au poignet. Les larmes montaient, elles venaient petit à petit. Et tu avais beau les retenir, elles commençaient à perler sur tes joues. C’était très dur de parler de ces violences, encore fraîches dans ton cerveau. Puis quand la blonde vint l’étreindre, t’éclatais en sanglot, pleurant à chaudes larmes. La jeune femme s’excusait, elle s’excusait pour toute sa famille, et elle savait que ce n’était pas assez pour toi. Alors tu plaçais tes bras autour d’elle, serrant son étreinte. « J’ai juste… j’ai juste eu si peur, toute ma vie » commenças-tu à dire tout en pleurant. « Et savoir que des gens le savait, ça me tue » ajoutas-tu avec une voix totalement brisée. Non, tu ne voulais pas partir, t’avais trouvé un nouveau cocon ici. Tu t’entendais bien avec la clientèle, même avec la patronne. Ta vie était tellement plus belle depuis deux ans et là, tout dégringolait d’un seul coup. Puis tu riais, nerveusement, en t’éloignant d’elle et en essuyant tes larmes. « Oui, ça j’veux savoir aussi » dis-tu toujours en riant doucement, essuyant ta joue avec ta main droite.

Quand le père d’Eve l’avait annoncé, elle avait eu envie de vomir la blonde. Ses frères avaient pris la défense du père, comme s’il avait la parole sainte. La mère, elle disait qu’elle avait prié pour ce garçon. Quelle hypocrisie avait pensé Eve, s’énervant pour la première fois contre sa famille. Il n’avait pas besoin de savoir Riley, que son père était un peu rongé par la culpabilité, qu’il s’en voulait de ne rien avoir fait. Mais d’un autre côté, il proclamait qu’il avait essayé d’aider sa cousine, de la convertir dans l’amour et la foi. Ça n’avait pas marché. Non, elle ne voulait pas lui dire, pour ne pas faire passer son père pour le gentil. Mais, c’était lui qui dictait les règles, après tout c’était sa vie. « Il est devenu blanc, comme s’il regrettait de n’avoir rien fait. » Disait-elle la voix brisée. Elle sentait sa gorge complètement nouée. Riley avait sur son corps ce qu’il y avait de pire dans l’humanité. Il n’était qu’un garçon effrayé, un garçon qui se construisait un peu plus chaque jour. Et Eve s’en voulait de lui avoir coupé les ailes de manière si abrupte. Elle n’était pas proche de ses frères, ils étaient bien trop différents d’elle, bien trop moralisateur. Riley ressemblait à ce petit garçon qu’elle aurait pu couver comme un petit frère. Il les montrait ses cicatrices, ces marques difformes qui racontaient toute une histoire d’horreur. Des marques infligées par la tortionnaire mais également par la victime. Elle n’en pouvait plus de cette violence, elle s’approchait du jeune homme, alors qu’il tremblait en essayant de reboutonner sa chemise. Elle n’hésitait qu’un instant avant de le serrer dans ses bras. Il s’effondra, et ça faisait mal à Eve. Mais elle serait là, même si au final ils ne se connaissaient à peine. Comme une grande sœur ou une maman, elle caressa sa tête. « C’est fini ! C’est fini. T’es en sécurité ici. » Il n’y avait rien d’autre à dire. Aujourd’hui Riley venait de prendre une place dans la vie d’Eve et elle aura l’importance qu’il voudra lui donner. Sauf qu’elle ne savait pas quoi dire sur les témoins silencieux. Alors elle restait silencieuse, continuait à le serrer fort, il n’était pas seul, en tout cas pas aujourd’hui. Doucement il se détachait d’elle, et Eve lui souriait, d’un sourire bienveillant. Elle prenait délicatement son bras pour l’inviter à se rassoir et retournait rapidement chercher une carafe de thé glacée. Une fois assise, elle servait les deux verres. « Tu es adorable. Les clients t’adorent parce que tu inspires confiance. Puis tu me fais rire, rien que tout à l’heure quand tu dormais à moitié. » Disait-elle en riant un peu. « C’est qui tu es celui que j’ai devant moi, gentil, poli, courageux. Parfois maladroit et un peu bougon. » Elle ne connaissait pas plus de chose sur lui, mais c’était ce qu’elle avait ressenti. Puis une fois qu’elle avait su qu’ils étaient de la même famille, elle l’avait un peu plus observé.

Tes paroles et tes gestes plongeaient dans l’ironie. Il était désolé de t’avoir laissé là ? Ah bon ? Comme c’est étrange ! « Heureusement qu’il regrette ! Tout humain normalement constitué devrait regretter » dis-tu en laissant échapper un rire nerveux, surplombant tes larmes qui étaient entrain de monter. C’était tellement déchirant de savoir que plusieurs personnes auraient pu te sortir de là, ou juste le signaler aux services sociaux pour que tu t’en ailles. Mais ils avaient tous été lâches, sans aucun doute. Et tu trouvais ça misérable, c’est pour ça que tu t’étais emporté si rapidement. La jeune femme s’était doucement approché de toi, et finalement elle te prit dans ses bras. Au début, tu n’arrivais pas à l’étreindre. Trop occupé à gérer tes émotions et surtout ta colère. Mais au contact de ses mains dans ton dos, qui te serraient légèrement, tu éclatais en sanglot et tu la serras à ton tour. Les larmes dégringolaient, comme le jour où tu avais fais arrêté ta mère, ce fameux jour où tu avais décidé de changer de vie, à seulement 19 ans. T’aurais pu le faire avant, mais tu avais un sentiment de culpabilité qui t’habitais. Peut-être qu’elle était comme ça juste à cause de toi ? Alors pourquoi la faire arrêter si c’est ta faute ? Mais ce jour là, tu en avais décidé autrement. Tu devais reprendre ta vie en main. Mais jamais tu n’aurais pensé qu’on t’envoi chez ta tante, à des milliers de kilomètres, en Australie. Elle te consolait, la gérante du salon, en te disant que tout irait bien et que tu étais en sécurité ici. Tu savais que tu étais entre de bonnes mains, que ce soit celles de J.J. ou bien celles d’Eve, tu l’avais compris. « Je revis tellement ces jours toutes les nuits, c’est encore si réel pour moi même si ça fait deux ans que je suis ici » dis-tu dans un souffle, alors que les sanglots commençaient à disparaître. Eve t’aidait à t’assoir, après avoir desserrer votre étreinte. Pendant l’espace d’une minute, la blonde disparaissait pour aller chercher un pichet de thé glacé et elle te servait ton verre. Et c’est là qu’elle t’expliqua pourquoi tu avais été engagé au Tea’Rese, et surtout pourquoi tu étais resté malgré le fait qu’elle soit au courant de tout. Ca te faisait sourire d’entendre des paroles aussi gentilles. Tu attrapais ton verre pour boire quelques gorgées, la main encore tremblante d’énervement. « Merci, Eve. Vraiment » dis-tu en esquissant un sourire alors que tes joues étaient encore perlées de larmes qui coulaient silencieusement sur tes joues.

Elle avait mal pour lui et il avait toutes les raisons de s’énerver. Eve ne pensait pas qu’il allait autant craquer, et c’était à ce moment-là qu’Eve se rendrait compte du poids et de la difficulté qu’avait porté ce jeune homme. Elle li laissait le dernier mot, parce qu’il avait raison. Son père devait regretter. La blonde ne lui expliquait pas la haine qu’elle avait déversé sur lui quand elle avait appris la vérité. Tout ce qui importait pour Eve pour le moment était Riley et ces larmes dangereuses qui commençaient à couler. Alors elle ne réfléchissait pas Eve et la prit dans ses bras, jusqu’à ce qu’il se calme. Elle le faisait à son petit frère il y a quelques années. Il était réticent et en même ça se comprenait. Il ne la connaissait à peine et ce n’était pas en lui avouant qu’elle était sa cousine éloignée que ça allait les rapprocher. Sauf qu’elle sentait les larmes et elle commençait à caresser ses cheveux, essayer de lui rappeler qu’à présent il était en sécurité. Eve voulait qu’il comprenne qu’à présent il pouvait compter sur elle. Il y a quelques semaines elle ignorait son existence mais maintenant elle ferait tout pour le garder. Ce n’était pas par pitié qu’elle faisait ça, mais elle s’était attaché à lui dès qu’il avait mis les pieds dans son salon de thé. Il était brisé, brisé par cette vie. Il était trop jeune pour ça. Il pleurait, expliquant ce qu’il avait vécu et voir ses cicatrices avaient été durs. « C’est fini Riley. » Lui répondait-elle en le regardant dans les yeux. Elle chassait de ses pouces ses larmes. « Tu es en sécurité dans cette ville et ici. » Elle l’aidait à se rasseoir. Il avait une image de lui biaisé, une image de haine qu’on lui avait imposé toute son enfance. Elle voulait lui offrir une vision plus nouvelle, lui. Il méritait de savoir ce qu’Eve ressentait ne le voyant. Alors elle lui expliquait et il semblait touché. Elle prit une gorgée de son thé. « Si tu veux, je suis là. Je sais que c’est bizarre parce que ça sort de nulle part, mais je suis là. » Il serait toujours le bienvenue dans sa boutique et dans sa vie.

La colère prédominait. T’avais ce sentiment d’abandon qui était revenu assez rapidement. Pourtant, il t’avait quitté il y a deux ans, lorsque tu étais arrivé chez ta tante. C’était surement dû au fait que tu venais d’apprendre que tu avais une nouvelle famille. Enfin nouvelle, non, parce qu’elle savait que tu étais là, elle savait ce que tu endurais. C’était le pire. Eve avait craché le morceau. On t’avait caché tellement de choses que là c’était la goutte d’eau qui débordait du vase. Tu avais été pris de furie, mais surtout de tristesse. Et ça, la jeune femme l’avait remarqué. C’est pour ça qu’elle t’avait pris dans ses bras, après que tu lui ai montré toutes tes cicatrices, celles qui font encore mal aujourd’hui. Celles qui montraient que tu étais l’enfant non-désiré de la famille Newton-John. Tes larmes avaient vite pris le dessus sur la colère, et dans ses bras, tu t’étais effondré en larmes. Elle faisait tout pour te rassurer, pour te montrer qu’elle n’était pas comme le reste des Hutcherson, qui eux, t’avaient lâchement abandonné. Tes yeux dans les siens, elle chassait les larmes qui perlaient sur tes jours. « Je… je sais » dis-tu en guise de réponse lorsqu’elle te dit que tu étais en sécurité ici. « C’est juste que… les souvenirs sont encore douloureux. On efface pas 19 ans de vie si facilement » dis-tu en haussant les épaules. La gérante du salon t’aida à t’assoir, et elle te servait encore un peu de thé glacé dans ton verre. Avec ta manche, tu balayais le reste de tes larmes, sentant que cette tristesse commençait à se dissiper petit à petit. Après qu’elle t’es expliqué pourquoi elle t’avais engagé et surtout pourquoi elle t’avait gardé après avoir apprit la vérité, tu souris en la remerciant. Elle avait fait plus de choses que la plupart des gens que tu connaissais. « Je… j’sais pas comment te remercier… » dis-tu en mimant un sourire. Puis, une idée te vint à l’esprit. Enfin une interrogation surtout. « Dis, tu connais ma tante alors ? Enfin j’veux dire, c’est la cousine de ton père, non ? » demandas-tu en prenant quelques gorgées de ton thé glacé. Tu avais légèrement hurlé précédemment, alors ta gorge était un peu sèche.