Love me feat Ciàn

Dire que depuis quatre jours, dire qu'Ariane était une véritable épave était loin du compte. Elle se nourrissait de glace et de thé depuis qu'elle avait vu Ciàn. Des valises digne du sportif sous les yeux, elle s'était plusieurs fois laissée noyer par son chagrin qui semblait ne jamais s'arrêter. La jeune femme en avait tout oublié sauf le rendez-vous auprès du gynécologue qui avait été un véritable calvaire. Aucune réponse et encore plus de questions. Des jumeaux... Elle avait presque envie de débarquer chez Ciàn pour lui agiter les clichés de l'échographie sous le nez en lui demandant des explications. Mais, Ariane était bien trop honteuse. D'être partie comme une voleuse, d'avoir lâché la bombe sans se soucier de comment le viticulteur l'avait pris et de son silence radio depuis ce moment.

En vérité, elle n'avait répondu à personne depuis cette date. La jeune femme était bien sortie la veille au bar du coin pour boire un coca et parler un peu avec Leewana mais rien de bien fameux. Alors, les traits tirés, la mine affreuse et les cheveux gras, elle regardait la télévision allongée sur son clic clac. Puis, mue par une envie soudaine, elle s'était finalement décidée à ranger un peu, aérer et se laver. Ariane passa une bonne demi heure dans la douche avant de sortir et de s'enrouler dans une grande serviette qui... Commençait à ne plus tellement couvrir tout. Elle poussa un profond soupire avant de s'asseoir sur le matelas et de regarder les photos. Elle commençait à éprouver un amour incroyable pour ces petits êtres.

Ariane sourit doucement en rangeant les clichés. Elle se releva difficilement en entendant la sonnette, oubliant totalement sa tenue. Une serviette qui ne couvrait que ce qu'il fallait et une autre dans les cheveux. Elle ouvrit la porte et resta muette devant la personne qui se tenait là. Lui. LUI. « Ciàn... » Elle ne savait ni quoi dire ni comment réagir et cette fois, elle ne pouvait pas fuir.

L'annonce tournait en boucle dans sa tête, incessamment, jusqu'à l'épuisement. Si Ariane avait parlé de ses valises lors de leur rencontre, c'était encore pire aujourd'hui. En journée, il arrivait à fatiguer le corps et à s'occuper l'esprit. Mais le soir, quand le silence retombait sur le domaine et qu'il se retrouvait confronté à sa solitude, il se laissait hanter par toutes ces questions, ces craintes, ces doutes. C'était un mélange d'émotions qui l'envahissait. Il y avait la peur, évidemment, de ne pas être à la hauteur, la peur de l'avenir. Il y avait la colère, envers Ariane, qui ne lui avait laissé aucune chance de s'expliquer. Et étrangement, il y avait aussi ce sentiment, là, au creux de l'estomac qui le faisait rêver, qui lui donnait envie de croire que cette fois, il pourrait assurer : l'espoir. L'espoir d'avoir sa propre famille, d'être un père présent, d'être un soutien, l'une des fondations du foyer. L'espoir d'élever un petit être. De le présenter à Maddie et tous ensemble, d'être ce qui s'apparentait enfin à une vraie famille. Mais il y avait plein de facteurs qui entraient en jeu et sa relation avec Ariane en était l'un des principaux. Il ne l'avait pas suivi après cette rencontre dans les rues de Bowen. Il avait laissé 4 jours s'écouler. 4 jours sans la moindre nouvelle d'elle, sans qu'elle n'essaye de le contacter. 4 jours durant lesquels il lui laissa du répit, mais aujourd'hui, Ciàn en avait marre de tourner comme un lion en cage. C'était à lui d'y aller. Par un pur concours de circonstances – le propriétaire de l'appartement où vivait Ariane était un ami d'enfance – il avait pu avoir l'adresse de la jeune femme. Il aurait pu lui envoyer un message, lui demander de la voir, mais il craignait d'être sans réponse. Il craignait qu'elle fuie, alors qu'elle lui devait des réponses, des explications. Il était en droit de les avoir. Il se trouva alors, là, comme un con devant sa porte, à finalement paniquer en se demandant s'il agissait de la bonne manière. De toute manière, il ne pouvait plus faire marche arrière. Il ne le voulait pas. Alors, il sonna. La porte s'ouvrit, quelques secondes plus tard, sur Ariane. Ariane en petite serviette, avec sa tête de déterrée à la hauteur de la sienne. Il avait beau lui en vouloir, la voir ainsi le malmenait totalement. « Je... » commença-t-il à dire, un peu destabilisé. Il s'éclaircit la voix pour se redonner de la contenance. « … je suis venu te ramener ça. » enchaîna-t-il en montrant les sacs qu'elle avait laissé. Dans son autre main se trouvait le doudou qu'il montra à son tour. « Et je crois qu'il faudrait que l'on parle, toi et moi. » Il fit un petit signe de la tête vers l'appartement. « Tu me laisses entrer ? »

Entre la fatigue et le chagrin, son cerveau avait presque l'impression d'halluciner de voir Ciàn devant sa porte tenant les sacs dans une main et le doudou de l'autre. Elle resta quelques secondes visiblement perdue avant d'entendre la voix de l'homme. Ariane ne se demandait même pas comment il avait pu savoir où elle vivait mais, quelque part, elle était vraiment soulagée de le voir là. Au moins, il ne la rejetait pas totalement. Pour l'instant. murmura une voix dans sa tête. La blonde la chassa bien vite et prit le paquet avant de lâcher la porte et de l'inviter à entrer d'un geste de la main.

Elle s'avança dans la petite pièce et attrapa dans le sac une petite robe qu'elle avait acheté la dernière fois. Ariane retira la serviette rapidement pour enfiler une culotte et le vêtement, ne prenant même pas la peine de tourner le dos à Ciàn. Il l'avait vu bien des fois dans le plus simple appareil. Ariane se redressa finalement et le regarda comme pour bien réaliser que son amant se trouvait devant elle, le doudou à la main. « Je suis désolée d'avoir fuis. Je n'aurais pas pu supporté que tu me jettes. »

La jeune femme haussa les épaules et invita l'homme à s'asseoir sur le canapé. Elle s'y installa aussi, tirant sur la robe pour couvrir un peu ses cuisses par habitude. « Je suis désolée aussi de bousiller ta vie. Tu as le choix, bien sûr, mais je suis venue parce que je sais que tu seras un père formidable et que, quand je panique, tu es la seule personne capable de m'aider. » Ariane fixait le sol jusque là. Elle leva ses yeux vert sur Ciàn. On pouvait y lire un océan de tristesse et un amour infini pour lui, pour les bébés. On pouvait aussi voir toute la tristesse et la peur profonde qui mordait son coeur. L'espoir également, qu'il l'aide, la rassure et surtout qu'il ne lui en veuille pas trop. Mais, Ariane ne se faisait guère d'illusion.

Il aurait pu attendre, Ciàn. Attendre un geste de sa part, un message, mais il avait l'étrange impression que, cette fois, c'était à lui de prendre les choses en main. Elle lui devait des réponses, des explications et il se devait de faire le premier pas pour les obtenir. Alors, il était venu, agacé de tourner en rond chez lui. Quand la porte s'ouvrit sur elle, il prétexta d'abord devoir lui rendre ses sacs. Mais elle se doutait bien qu'il n'y avait pas que cela. Alors, il entra dans l'appartement, ses yeux noirs observant la si petite pièce. Depuis quand vivait-elle ici ? Comptait-elle élever l'enfant là ? Il se tourna vers Ariane qui attrapa une robe dans les sacs qu'il venait d'amener, sans déshabillant sans aucune gêne devant lui. Ils avaient clairement passé cette étape. Il aurait pu détourner le regard, Ciàn. Mais brièvement, ses yeux se posèrent vers son ventre, son ventre légèrement rebondi. Son ventre où se trouvait le fruit de leur relation. Elle fut la première à rompre le silence. Ses excuses, il voulait les accepter, mais la phrase qu'elle ajouta juste après appuya là où ça faisait mal. « Que je te te jette ? Tu penses peut-être mieux savoir ce qu'il se passe dans ma tête ? » répliqua-t-il plus froidement qu'il ne le voulait. « Tu ne m'as même pas laissé la moindre chance de m'exprimer ! » C'était comme s'il était noté sur son front 'attention, ce lâche prendra peur et t'abandonnera'. Il n'était plus le gamin de 17 ans qui avait pris peur face à une telle situation. Il était en colère, Ciàn, et l'émotion se voyait pleinement sur son visage complètement fermé. Il s'installa néanmoins à ses côtés quand elle l'invita à venir sur le canapé. Il la laissa reprendre la parole, se retenant de secouer la tête, dépité, alors qu'il entendait sa première phrase. Bousiller sa vie. Cela faisait déjà écho à leur première rencontre quand elle lui disait qu'elle n'avait pas fait exprès de tomber enceinte. Il préféra la laisser parler, se radoucissant un peu – un tout tout tout petit peu – alors qu'elle disait qu'il serait un père formidable et qu'il était l'un des rares à savoir l'apaiser quand elle paniquait. Il daigna croiser son regard et l'émotion qu'il put y lire fut le coup de grâce. Il lâcha un long soupir et répondit : « Je ne comprends pas quand tu dis que tu viens bousiller ma vie. J'ai l'impression que tu te remets toute la faute sur toi. Mais ce bébé, on l'a fait à deux. Y a eu un souci de pilule, mais en vrai, j'aurai pu très bien me protéger. » Au fond, ils étaient tous les deux fautifs. « J'aurais juste préféré que tu me le dises avant. On s'est quand même vus à Roland-Garros, Ariane, merde ! Là, j'ai juste l'impression que tu me l'as caché volontairement... » Et pour ça, il lui en voulait. Tout comme il lui en voulait de la manière dont elle le lui avait dit. Il laissa un silence s'installer de longues secondes avant de demander : « Dès le début, tu savais que tu allais le garder ? » Leur relation n'était pas des plus stables. Mais il avait besoin de savoir. Il essayait de comprendre pourquoi elle avait attendu tant de temps avant de le dire. Craignait-elle qu'il lui demande d'avorter ? Même s'ils avaient eu le choix de le garder ou non, Ciàn savait pertinemment de quel côté aurait penché la balance...

Elle avait bien vu la colère dans les yeux de Ciàn et comment pouvait-elle lui en vouloir ? Ariane se sentait déjà assez mal comme ça mais son esprit lui ordonnait de laisser le beau tennisman ressentir ce sentiment envers elle. Déjà parce qu'elle avait lâchement fuis la dernière fois et aussi parce que c'était à elle de faire attention, à la base. À elle de gérer la contraception, sinon, ils auraient faits autrement. Alors, elle frissonna en l'entendant mais, elle ne répondit pas, préférant baisser les yeux, passablement honteuse. Pire qu'une gamine prise en faute par ses parents.

Cependant, elle tenta d'expliquer vainement le pourquoi de sa venue. Ce qui fut si vite balayé par Ciàn qu'elle en ouvrit grand les yeux. Tiens, il avait raison. Pourquoi ne s'en était-elle rendue compte que si tard ? C'était tellement le bordel dans la tête d'Ariane qu'elle n'avait même pas songé à faire le calcul. Étant donné que l'homme en face d'elle était son seul amant, elle ne s'était posé aucune question. Alors, elle réfléchit un moment, cherchant ses mots avant de reprendre la parole d'une voix étrangement assurée. « Je ne pouvais pas t'en parler à Roland Garros, parce que je n'étais pas au courant moi-même. Je n'ai eu qu'un manque de règle après notre séjour à Paris. Attends, je te montre. »

Ariane attrapa son téléphone sur la table du salon et lança son application de suivi menstruel pour lui montrer la date de ses dernières règles et la date de celles qui auraient du tomber depuis maintenant deux semaines et demi. Elle soupira un peu avant de reprendre. « Je ne peux donc plus avorter et je dois avouer que quand on m'a annoncé ça, j'ai totalement paniqué. Ils m'ont dit que j'avais du faire un petit dénis de grossesse. Que j'aurais pu m'en rendre compte que à l'accouchement... Tu ne penses tout de même pas que je n'allais pas te poser la question pour savoir si ou non, on allait le garder ?! Je m'en veux parce que ça ne nous laisse pas le choix, ni à toi ni à moi. Je crois que j'ai ramené le compte rendu si tu veux voir par toi-même. »

Il aurait aimé ressentir autre chose que de la colère. Mais il allait falloir du temps. Du temps pour digérer la façon dont elle lui avait fait l'annonce. Du temps pour digérer la nouvelle. Du temps pour digérer tout ce qui lui arrivait dernièrement. Il tenait bon, Ciàn, l'esprit sans cesse occupé à chercher maintes et maintes solutions. Mais pour combien de temps encore ? En revanche, s'il y avait une chose qu'il n'acceptait pas, c'était bien qu'elle se remette la faute dessus. Il aurait pu se protéger, lui aussi. La contraception, c'était l'affaire de deux personnes, ce n'était pas qu'à remettre uniquement sur les épaules féminines. Par contre, ce qu'il ne comprenait pas, c'était la raison pour laquelle elle lui annonçait cela, maintenant, après 4 mois de grossesse. Ils n'avaient plus la possibilité de l'avortement. Il espérait juste qu'elle ne lui ait pas fait ce bébé dans le dos. C'était horrible de penser cela, mais il ne pouvait empêcher cette idée de s'immiscer dans son esprit. Ariane balaya rapidement les doutes, lui clamant haut et fort qu'elle n'était pas au courant, elle aussi. Qu'elle avait fait un déni de grossesse, application de règles à l'appui à laquelle Ciàn ne prêta qu'un œil distrait. La main sur son poignet, il repoussa légèrement le téléphone, secouant la tête : « Ok, je te crois. » Elle reprit la parole, lui demandant vraiment si elle avait été capable de ne pas lui en parler, de ne pas lui laisser le choix. « Je n'en sais rien, Ariane. On n'a jamais parlé de ça, de projet de vie. Evidemment que j'ai eu le doute quand tu m'as dit ça. » Ils n'étaient pas un couple, cela changeait toute la donne. Mais elle avait mis le doigt sur un fait : elle aussi n'avait pas le choix. Elle marquait un point. Un point qui lui permettait de se radoucir. Il secoua la tête quand elle lui demanda s'il voulait voir le compte-rendu : « C'est du blabla médical, je ne suis pas sûr de tout comprendre. » Il jeta un œil vers son ventre et demanda : « Il va bien ? » Elle avait déjà dû passer une échographie. Il voulait savoir ce qui avait été dit. Il releva ensuite ses yeux noirs vers elle et reprit : « Et toi, tu le vis comment ? »

Les mains tremblantes, elle lui avait montré son téléphone et la super appli qui d'ailleurs, la spammait de notifications tous les quatre matins, un enfer. La jeune femme leva les yeux vers le visage de Ciàn quand il repoussa le smartphone, respirant à nouveau lorsqu'il lui révéla qu'il la croyait. Ouf. C'était vrai qu'avec un peu de recule et en se mettant à sa place, il était normal de penser tout ça et même si Ariane était blessée par ces doutes, elle les trouvait malgré tout, légitimes. La blonde finit rapidement sa tirade avant de tenter de retrouver une respiration normale. Peine perdue, franchement. Elle était beaucoup trop stressée.

« J'ai toujours cru que tu ne voudrais pas. Que ça te convenait de juste se retrouver avant de s'éloigner. J'ai toujours pensé que tu voulais garder ta liberté et ne pas te retrouver avec un boulet au pied. » Elle haussa les épaules en posant son téléphone dans un coin avant de dessiner des arabesques sur la main de Ciàn, vieille habitude lorsqu'il se trouvait à côté d'elle. Ariane le regarda un peu, amusée malgré le moment, de se rendre compte que pour une fois, elle gérait un peu plus que lui. Elle serra sa main avant de se tortiller pour attraper le compte rendu de son rendez-vous.

« Attends, regarde. » Ariane fouilla le dossier avant de tendre le cliché où on voyait les deux pois chiches qui grossissaient dans son ventre. Elle désigna les deux têtes avant de reprendre la parole. « Tu vois ? Ils se développent bien... Tous les deux. » Elle avala sa salive, guettant la réaction de son amant. Pour le coup, ce n'était pas la même façon que l'autre jour. Mais, elle se sentait nettement plus rassurée et elle acceptait de plus en plus l'avenir qui se profilait devant elle.

« Moi, je crève de peur. Mais, en vrai... Ils représentent tout ce que je ressens pour toi. Alors, j'ai envie de prendre soin d'eux. Idéalement avec toi, mais, seule si nécessaire. » Elle sourit un peu, attrapant la main de Ciàn pour la passer un peu sur son ventre avec douceur. Ils ne bougeaient pas, à ce stade mais, ils étaient déjà là donc... « Tu sais, je comprends ta colère, à ta place, je pense que j'aurais tout retourné. Merci d'être mâture pour nous deux. » Ariane effleura la joue de l'homme du bout des doigts, des larmes coulant ENCORE sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Les hormones, une VRAIE plaie.

C'était beaucoup d'informations qui lui tombaient dessus, ces derniers temps. Et l'annonce de la grossesse – à quatre mois – c'était le coup de grâce ! Alors, il était évident qu'il s'était posé des questions sur les intentions d'Ariane, sur la raison pour laquelle elle avait attendu tant de temps pour l'annoncer. La raison était toute simple : elle aussi ne le savait pas. Peut-être n'était-ce pas si mal de ne pas avoir le choix, finalement ?! Ils n'avaient jamais parlé de projet de vie. Il écouta attentivement Ariane. « Disons simplement que je n'ai jamais pris le temps de savoir ce que je voulais vraiment. » Alors oui, ça lui convenait de se retrouver pour mieux se séparer. Il s'était toujours dit qu'il n'avait pas le droit d'avoir sa famille. Et pourtant, dernièrement tout se faisait pour qu'il ait, justement, sa famille.

Seulement, il ne s'attendait pas vraiment à ce que sa famille devienne subitement aussi fournie. Ariane attrapa le compte-rendu, montrant l'échographie qui n'était qu'un amas de tâches blanches, grises et noires. La blonde mit le doigt sur deux espèces de tâches, lui affirmant qu'ils grandissaient bien. ILS. Ciàn redressa subitement la tête et regarda Ariane, bégayant : « T... tous les... deux ? » Ses yeux s'étaient écarquillés et soudainement, l'angoisse s'empara de lui. « Tu es enceinte de jumeaux ? » Lui qui parlait de coup de grâce juste avant, là, c'était la cerise sur le gâteau, le pompom sur la Garonne. Il se frotta la visage, démuni et regarda de nouveau l'échographie, tentant de reprendre contenance, encaissant une nouvelle fois. Une fois de plus. « Donc... ils vont bien ? » Oui, il mettait clairement son cerveau sur pause, sûrement pour se protéger d'une panique ambiante. D'une panique dont Ariane n'avait pas besoin. Elle était morte de peur, lui confiait-elle. Et à côté, elle avait cette envie de protéger ces deux bébés. Elle le ferait seule si besoin. Il la laissa prendre sa main qu'elle posa sur son ventre, comme pour créer un lien entre lui et ses progénitures. Il était ému, relevant la tête vers Ariane qui le remercia d'être mature pour eux deux. « J'ai l'air calme, là, mais à l'intérieur, c'est la tempête. Ça fait beaucoup de choses à apprendre... » Autant être honnête, mais il reprit aussitôt : « Mais je serai là, Ariane. Je ne compte pas te laisser vivre ça toute seule. Il en est hors de question. » Il essuya les larmes sur sa joue avec son pouce. « Je ne sais pas ce que ça donnera pour nous deux, mais je veux que tu saches que je suis ton équipier, ton soutien. On les a fait à deux, ces bébés. » Il avait la trouille, oui, mais c'était encré en lui : il assumait pleinement sa place. Il regarda l'appartement, le si petit appartement. « Tu ne comptes pas rester là ? »

La blonde avait vraiment peur de la réponse de Ciàn concernant leur potentiel futur nous. et si il refusait totalement ? Si, pour lui, il n'existait pas de nous ? Elle avait retenu son souffle jusqu'à entendre les paroles de l'homme et d'enfin se remettre à respirer. Dieu qu'elle était idiote, à avoir si peur de tout, enfin, tout. Surtout concernant sa vie sentimentale. Elle aurait été capable de se battre contre un connard qui lui avait mal parlé mais alors par contre, assumer le regard si troublant de l'ancien sportif après tout ce qu'ils avaient vécus, c'était compliqué. Elle était toujours aussi partagée entre la joie totale et son amour pour lui, mais cette peur de ne pas être à sa place, de s'être faite des idées. « Et maintenant, j'ai l'impression de te mettre le couteau sous la gorge. » Qu'elle souffla presque en un murmure à peine audible.

Mais la suite n'était guère mieux. Il fallait maintenant asséner l'ulti. Le fait qu'ils étaient deux dans un si petit corps que le sien. Elle sourit tendrement à Ciàn, se rappelant de sa réaction chez le gynécologue qui avait franchement été comme la sienne. Ariane hocha la tête avant de reprendre la parole avec douceur. « Ça, je crois que c'est ta marque, parce qu'il n'y a aucun antécédent dans ma famille. Mais, ils vont très bien et depuis que je t'ai avoué, ils commencent à prendre leur place. Je ne rentre plus dans mes vêtements, c'est un enfer ! »

Elle osa un petit trait d'humour avant de faire toucher son ventre à un Ciàn qui semblait ému. Ça touchait plus que de raison la jolie blonde qui s'était encore remise à pleurer. À ce rythme, elle allait finir desséchée comme un pruneau d’Agen. Elle appuya un peu son visage contre la main rassurante de l'homme avant de papillonner des yeux. « Tu seras un père formidable. Encore meilleur que ce que je pensais. Et crois-moi que j'avais mis la barre haute ! » Malgré tout, Ariane se sentait mieux, vraiment rassurée de savoir que l'homme allait être à ses côtés. C'était comme si elle ressortait la tête de l'eau après des heures d’apnée. « Ben... J'ai pas trouvé mieux. Et Poppy va venir vivre avec moi. » Elle embrassa l'appartement du regard, haussant les épaules avant de rajouter. « Au moins, je ne peux pas mettre mon bazar partout ! Pourquoi ? Tu veux me kidnapper pour aller à Paris ? »

Quand il entendit son murmure, il tourna la tête et fronça légèrement les sourcils. « Bah... non, tu ne me mets pas le couteau sous la gorge. C'est que ça devait se passer comme ça... » Cela ne servait plus à rien de tergiverser : le bébé était là. Enfin... les bébés. Déjà qu'il paniquait, là, c'était double dose ! Et ça, ça venait de lui. « Merci la grand-mère... » Il y avait déjà eu des jumeaux du côté de sa grand-mère paternelle, qui avait une sœur jumelle. L'occasion ne s'était pour l'instant pas encore représenté et avec son frère et sa sœur, ils s'amusaient à parier sur qui cela pourrait tomber. Etrangement, personne n'avait misé sur Ciàn ! Il sortit de ses pensées et hocha doucement la tête quand elle affirma qu'ils allaient tous bien. Ils prenaient leur place. « C'est pour ça, le changement de garde-robe ! » dit-il en montrant les sacs qu'il avait ramené pour elle. Et ce n'était pas fini !

La main sur le ventre d'Ariane, l'autre essayant de sécher les larmes qui coulaient sur la joue de la blonde, Ciàn esquissa un sourire ému quand elle lui souffla qu'il serait un père formidable. Il s'était loupé la première fois, il ne voulait pas refaire la même erreur. Le défi allait surtout d'être un père pour une jeune adulte de 21 ans et le père de deux bébés. Cela allait être des réalités complètement différentes. « On verra si tu diras la même chose quand j'oublierai de lancer la machine de bodys ou que j'oublierai de les amener à leurs cours de sport ! Là, tu reverras tes exigences à la hausse. » Il tentait l'humour, lui aussi, sûrement pour dissimuler toutes ses craintes. « Tu seras une super maman aussi, tu le sais ? » Autant le rappeler. Puis il regarda l'appartement, le si petit appartement qu'elle allait partager avec Poppy. « Poppy ? Ta pote ? » Il en avait déjà entendu parler. Elle était aussi venue à Bowen ? Il secoua la tête à sa question, léger sourire sur les lèvres : « Non, pas de kidnapping pour Paris. » Il marqua une pause et reprit : « Peut-être que tu pourrais venir au domaine ? Y a suffisamment de place, tu sais. Enfin si tu souhaites... Maintenant, ou plus tard... la proposition est lancée. » Oui, il y avait suffisamment de place. De place pour élever deux enfants, de place pour ne pas se marcher dessus... parce qu'ils allaient devoir apprendre à vivre ensemble, et ça, ce n'était pas gagné !

Il n'avait pas tord, l'ancien tennisman. Mais, ça n'empêchait pas Ariane de se dire que si les petits pois chiches dans son ventre n'avaient pas été là, tout ceci ne se serait jamais fait. Et si c'était par dépit ? Honnêtement, elle n'était pas sur de pouvoir le supporter. Mais, la blonde se força à penser à autre chose et en l'occurrence, à la gémellité qui grandissait dans son ventre. Elle rit un peu en se disant que finalement, ça sautait bien une génération, ce genre de chose. « Franchement, tu as énormément de qualités, je ne sais pas pourquoi il a fallut que ce soit ça qui ressorte. » Ariane haussa les épaules avant de finalement hocher la tête avec un sourire doux-amer aux lèvres. « Il va falloir que tu m'emmènes souvent faire les boutiques. Sinon, je vais devoir me balader à poil... » Non pas qu'elle était spécialement pudique mais tout de même !

Elle sentait la chaleur de la main de Ciàn sur son ventre et étrangement, ça la rassurait énormément. Comme si c'était la seule chose qui comptait vraiment, au final. La blonde leva les yeux au ciel avant de lui pincer gentiment le nez pour le punir. « Si ça arrive, je te jure que tu n'oublieras qu'une fois ! » C'était totalement faux, elle se contenterait de pester avant de bouder quelques minutes puis sans doute de le faire marcher un peu. Ariane l'observa un peu, le remerciant de ses simples paroles d'un regard qui voulait tout dire. Finalement, elle vivrait peut-être après l'accouchement.

« Oui, Poppy la développeuse je-sais-pas-quoi ! Elle est ici aussi. Pour le moment, elle vit chez son ex mais ça lui pèse. Alors, je lui ai dis qu'elle pouvait venir ici. » Elle haussa les épaules, avoir la rousse à ses côtés lui faisait beaucoup de bien. Et si aujourd'hui, elle arrivait à parler avec Ciàn sans avoir peur ou envie de fuir, c'était grâce à elle. Ariane l'écouta un peu, fronçant les sourcils avant d'ouvrir la bouche comme un o, surprise. Elle papillonna des yeux un peu avant de sourire, sincèrement touchée et emballée par la proposition. « OH, je vois ! Tu veux me foutre dans la chambre opposée à la tienne pour être tranquille, avoue ! » Elle rit un peu avant de lui caresser les lèvres du bout de l'index. « Ça me ferait énormément plaisir, vraiment. Tu es sûr que ça ne te gênerait pas ? Je te laisse le délai de réflexion ! Je vais accueillir Poppy ici, voir si elle va bien et ensuite, si tu es toujours d'accord, je viendrais vivre chez toi. » Elle avait une petite appréhension, se disant que si quelque chose n'allait pas, Ariane ne saurait pas où échouer mais, à choisir, tenter l'aventure avec lui était sans doute ce qui lui tenait le plus à coeur. Pourquoi pas, après tout. Ce serait... Volcanique au moins !

« Parce que j'aime pas faire les choses comme tout le monde ? » répondit-il, avec un rire qui sonnait peut-être un peu jaune. Mais en effet, il avait fallu que son seul héritage génétique soit cette gémellité que toute sa famille redoutait. C'était lui qui avait tiré le gros lot. En même pas cinq mois, Ciàn sera l'heureux papa de trois enfants. Y avait de quoi stresser un peu ! Heureusement, c'était Ariane qu'il avait à ses côtés. Ariane et son humour, Ariane et sa facilité à rendre tout plus simple. Il secoua la tête quand elle parla de se balader à poil, un léger sourire s'affichant sur ses lèvres : « On ira faire toutes les boutiques que tu veux ! » Même s'il détestait ça ! La main sur son ventre légèrement rebondi, Ciàn se laissa porter par le moment, se projetant un instant dans le futur, parlant des machines à faire avec les vêtements de bébés, de leurs cours de sport. Il sentit l'émotion l'envahir en imaginant que dans quelques mois, deux petits bébés viendront bouleverser sa vie. Il avait des craintes, oui, des doutes aussi. Mais quand il voyait comment il agissait avec Maddie, à quel point il aimait sa fille, il se disait qu'il avait encore plein d'amour à revendre. Oui, il avait le cœur malade, mais le cœur débordant d'émotions. Il sortit de ses pensées en apprenant que Poppy, l'amie de la blonde, était aussi à Bowen. Décidément, tout le monde se retrouvait dans cette ville ! « Elle vit chez son ex ? Pas étonnant qu'elle le vive mal... » dit-il en riant. C'était le plus mauvais bail possible. Mais si Poppy venait ici, cela laisserait encore moins de place à Ariane et aux bébés. La proposition de Ciàn était donc la bienvenue. Cela sembla surprendre Ariane. Croyait-elle qu'il la laisserait ici, dans ce tout petit appartement, avec deux bébés qui prendraient beaucoup de place ? Il la regarda, un peu dépité par sa blague face à une proposition si sérieuse, mais il rentra dans son jeu : « Estime-toi heureuse, y a plusieurs bâtiments au domaine. Je pourrai t'installer à l'opposé. » Mais non, s'il espérait l'aider, la soutenir, garder les bébés, il fallait qu'elle soit pas très loin. Il écouta attentivement ses mots, comprenant aussi qu'elle avait elle aussi des projets vis-à-vis de Poppy. Aussi il répondit : « Si tu veux, on fait comme ça, mais moi, je ne compte pas revenir sur ma proposition. La maison est grande, si jamais ça peut te rassurer. Et en journée, je suis souvent dehors. » Il était là, le plus grand défi : apprendre à vivre ensemble. Ils avaient l'habitude de se côtoyer quelques jours, mais là, c'était pour des semaines, des mois. Des années ? Ils avaient tout à apprendre l'un de l'autre. « Tu te verrais élever les petits ici ?  A moins que... tu envisageais de retourner à chez toi ? » Il posa ses yeux sombres sur elle, un peu déstabilisé par cette idée qui s'immisçait. Peut-être qu'elle était simplement venue ici pour lui annoncer la grossesse avant de retourner chez elle ? Et c'était dingue, mais il ne s'imaginait pas vraiment la laisser partir. Les laisser partir.

Oh, ça oui, Ciàn ne faisait rien comme tout le monde. Mais, ça faisait parti de lui et Ariane aimait bien. Il avait énormément de qualités, la journaliste avait appris à connaître aussi ses défauts et cela lui convenait. Mais, là, un autre univers s'ouvraient devant eux. Ils allaient être parents, ensemble, deux fois d'un coup. La blonde se promit de tout faire pour que ça fonctionne. Parce qu'il le méritait et parce qu'elle en avait diablement envie, de cette nouvelle relation. Elle sourit tendrement, charmée des réactions du tennisman malgré la situation compliquée. Elle n'aurait pas pu choisir meilleur père pour ses enfants, ça, Ariane en était persuadée. « Tu ne diras pas ça quand ce sera la dixième boutique, que tu auras pleins de paquets dans les mains et que je te demanderais ton avis sur la millième tenue ! » Elle rit, la blonde plaisantait mais cette perspective de vie de couple, de passer à quelque chose qu'elle n'aurait pas osé proposer mais qu'elle désirait vraiment.

« Si seulement son ex se rendait compte qu'il l'aimait encore aussi... Ce serait plus simple ! » Elle haussa les épaules, Ariane était inquiète pour Poppy. Avec ce qui se passait dans la vie de la rousse et ça, la journaliste était contente de pouvoir un peu veiller sur son amie pendant quelques jours, elle n'allait pas mentir. La proposition de Ciàn la toucha et malgré la plaisanterie, elle avait vraiment hâte de vivre avec lui. « Oh non ! Je veux une chambre à côté de la tienne pour pouvoir venir dans ton lit quand j'ai froid ! » Elle rougit un peu d'avoir dit ça mais, si ça ne tenait qu'à elle, Ariane serait prête à ne pas avoir sa propre pièce. Son côté raisonnable lui hurlait que ce serait plus simple, plus sûr aussi. On ne pouvait pas savoir ce que les hormones lui feraient et Ciàn ne méritait pas de tout subir, le pauvre. « Et comme ça, je pourrais prendre soin de toi. Je te trouve très fatigué. Même l'autre jour. Tu me montreras tes vignes ? Et ce que tu fais ? Je pourrais t'aider ! »

Et elle était repartie, la Ariane tourbillon qui voulait tout faire, tout voir, tout connaître. La journaliste se sentait beaucoup mieux depuis qu'ils avaient crever l'abcès. Rien n'était vraiment réglé mais, elle avait le soutien des personnes les plus chères à son coeur - sans compter la famille - et elle se disait que finalement, l'avenir serait plus simple que prévu. La question de Ciàn la fit réfléchir. Elle pencha la tête et le plus honnêtement du monde, elle lui répondit. « Je n'y ai jamais pensé. Je crois qu'il y a quelques temps, je t'aurais dis que je voudrais rentrer chez moi. Mais, maintenant, je me dis que c'est plutôt ici, avec toi, que nous serons le mieux. Si tu es d'accord ? Je trouverais bien un job ici, sinon je t'aiderais comme je pourrais. » Elle fit une petite moue adorable avant de déposer un léger baiser sur les lèvres de l'homme. « Je voulais te dire aussi, j'étais sincère l'autre jour. Tu es vraiment très important pour moi, Ciàn Gallagher. Et je pense que je n'aurais pas pu rêvé meilleur père, partenaire dans la vie. Je suis désolée d'être partie comme une idiote et de t'avoir blessé. J'espère que tu me pardonneras. »