mad world (amalya)

T’es accoudé au comptoir tel un habitué. Maintenant tu es un habitué, un vrai ! Avant tu n’étais que le type qui passe prendre un verre le soir, maintenant tu passes une partie de ta journée ici. Disons que tu voyages entre les endroits les plus louches et malfamés de Bowen pour trouver de quoi penser à autre chose. Enfin, là, ce n’est plus vraiment pour penser à autre chose, mais plutôt parce que t’es un peu devenu accro même si tu ne le diras pas ! Un véritable junkie qui n’a pas encore l’air d’en être un. Juste avant d’entrer tu as fumé une cigarette, tu pues la clope. Avant tu détestais sentir cette odeur, maintenant tu te dis que tu n’es plus à ça prêt. Tu es tellement au fond que bientôt tu toucheras le fond. Tu n’es pas là depuis très longtemps pourtant tu t’es déjà enfilé deux mojitos, et tu commences le troisième. Tu jètes des coups d’œil dans le bar, cherchant un peu de compagnie pour ne pas avoir l’air d’un alcoolique solitaire.

Encore une soirée où Amalya avait le blues. Cela en devenait de plus en plus fréquent ces derniers temps. Et qui disait soirée de blues disait soirée où l'on boit. Et pas un pettit cocktail non - quoique cela suffirait pour mettre Amalya à plat - mais plutôt une succession de verres et une bonne addition au final. C'était presque devenu une habitude. Il était loin le temps où la jeune femme avait promis à son médecin de ne plus faire d'écart. Ayant entendu parler d'un bar dans les quartier nord, c'était là qu'Amalya avait décidé d'aller exprimer son désespoir. Attablée juste à côté de l'entrée, un léger courant d'air faisait d'ailleurs voler les cheveux de la brune. Elle n'avait pas choisit sa table par hasard, elle était dans un coin de la salle, plutôt isolée mais juste en face de l'entrée de service. Ainsi, les serveurs ne la louperaient pas. Et au moins, personne ne viendrait la déranger. Enfin ça, c'était dans l'idéal seulement.

Tu continuais d’explorer la salle de ton regard. De temps à autre tu ravalais une gorgée de mojitos qui te rendait de plus en plus saoul. Mais tu marchais encore droit, tu disais des phrases qui avaient à peu près du sens. Et tu sentais également le regard rempli de pitié du barman sur toi. Même si maintenant il est habitué à te voir dans cet état-là, il t’a plus souvent connu l’air joyeux et à aller draguer la première personne à ton goût venue. Finalement, tu repères dans un coin une demoiselle qui d’après toi à l’air aussi désespéré que le tien. Tu te lèves accompagné de ton verre et pars vers elle. Sans lui demander la permission tu t’assois et dis un simple « salut. » d’habitude tu as de meilleures phrases d’introduction, mais quand tu es dans un état pareil, tu vas au plus simple.

La brune tournait sa paille dans son cocktail, complètement absente. Elle eut presque du mal à réaliser que quelqu'un s'était assis à sa table et qu'elle n'était plus seule. L'inconnu semblait aussi perdu qu'elle. Ne lâchant pas sa paille, elle releva les yeux avant d'entendre un petit salut. Pas très original, mais elle n'avait pas mieux pour lui répondre. « Salut. » Chopant un serveur à la volée, elle lui commanda un autre verre. Le sien n'était pas encore vide mais il valait mieux être prévoyante. Elle daigna enfin lever la tête, rompant le silence qui commençait à devenir lourd. « Toi aussi tu déprimes ce soir ? » Tout de suite le tutoiement, entre compagnons de désespoir, on devait se soutenir, non ?