Show me how you want it to be (pv Noah Rutkowski)

Dans les derniers moments difficiles de ma vie, l'on a toujours tenté de me consoler en m'assurant que les vents tournaient. Personnellement, je m'étais un peu complu à estimer qu'il existe une sorte d'équilibre entre chaque être, chaque âme. Une part de bonheur et de malheur qui s'obtient selon ses actions. Et que si pendant une période il nous arrive que des malheurs, au bout d'un moment, il faudrait bien qu'on récupère du bonheur, question de retrouver un certain équilibre. C'était peut-être une vision utopique de notre univers, mais cela m'avait permis d'avancer, ce qui était sans doute l'essentiel en bout de ligne.

En tout cas, cette dernière semaine, je pouvais sincèrement déclarer que j'étais heureux. Une petite routine s'était installée dans ma vie et elle ne me déplaisait aucunement. Depuis que j'avais retrouvé Haley ivre dans le couloir et que nous avions passé la nuit puis la journée ensemble, il s'était avéré que toutes les nuits étaient décrétées comme passées en sa compagnie. Ce que j'affectionnais sans doute plus que de raison. J'avais toujours cru que Haley était le genre de personne à me taper dans l’œil mais avec laquelle je n'ai strictement aucune chance. Le genre de personne qui appartient à une autre ligue, un autre monde, et que lorsqu'elle est une véritable étoile, je suis qu'un vulgaire ver de terre qui la contemple. Pourtant, nous avions fait l'amour ensemble, et plus je passais du temps avec elle, plus j'avais le sentiment de mériter sa compagnie. Et plus j'aspirais à la garder à mes côtés. Je vivais une sorte d'idylle.

Je n'avais pas encore obtenu le feu vert de la part de mon docteur pour reprendre le travail, ainsi, je vaquais à mes ordinaires occupations la journée et une fois la nuit tombée, Haley se glissait dans mon appartement pour que l'on passe la nuit ensemble. Je savourais sa présence dans mon lit, sa compagnie nocturne. J'avais l'impression de détenir quelque chose de vraiment précieux, et aussi sain. Elle n'avait pas envoyé balader d'un revers sa vie, aucun de nous deux ne l'avait fait. Nous nous faisions de la place l'un pour l'autre, sans cracher sur ce que nous avions bâti ou notre vie avant cette tournure dans notre relation. Nous prenions toujours le petit-déjeuner ensemble le matin et elle s'en allait à l'université. D'une certaine façon, elle m'accordait quasiment une demi-journée à chaque fois, ce dont je me voyais très chanceux.

Aujourd'hui, cependant, il y avait un petit nuage au-dessus de nous pendant le repas du matin. En me réveillant, j'avais bien vite réalisé que nous avions le fameux repas de famille qui nous attendait et je pense que ça nous tracassait autant l'un que l'autre, bien que pour des raisons différentes. Haley était nerveuse à l'idée de rencontrer ma famille, et j'étais nerveux à l'idée que la jeune femme que j'affectionnais tout particulièrement rencontre mes proches dont je n'étais pas du tout sûr du comportement à l'égard de l'étudiante. Je savais qu'ils étaient gentils et respectueux, mais je me méfiais toujours d'eux en règle générale. Un peu comme un adolescent mal assuré, je sentais que ça allait finir en embarras. Haley s'était levée avant moi et avait filé dans son appartement pour se préparer pour l'université. J'allais de mon côté me préparer doucement pour la journée une fois que j'entendis la porte de mon appartement se refermer. Bien vite, je reçus presque l'ordre par miaulements incessants de nourrir Rosie qui s'avérait posséder un appétit monstre. Je filais ensuite sous la douche après avoir préparé le café. Lorsque je revenais dans la cuisine, l'américaine était de retour, me tendant un paquet. J'ouvrais précautionneusement la boîte, pas encore totalement réveillé, écoutant mon interlocutrice me décrire l'objet et ses nombreuses facultés. Je levais les yeux lorsqu'elle annonça que c'était un homme de sa tribu qui avait confectionné ce bracelet et qu'il devrait pouvoir m'aider. M'aider ? Est-ce qu'on me connaissait là-bas ? Est-ce que Haley avait parlé de moi aux siens ? L'idée me surprenait autant qu'elle me rendait heureux. De plus, aux nombreux bienfaits de la pierre ornant le bijou, je me demandais si sa tribu ne connaissait pas toutes mes faiblesses, ce qui me rendait un peu mal à l'aise, bien que j'étais aussi vraiment touché par ce geste de la part de la jeune femme. Je restais une bonne minute silencieux, tentant d'assimiler tout ce que l'étudiante m'avait énoncé. « C'est le moins qu'on puisse dire... » finis-je par articuler, faisant écho au fait que ce soit une belle pierre. « Mais... C'est vraiment pour moi ? » Je savais que Haley avait parlé de me rendre la pareille lorsque je lui avais offert le bracelet. Mais je ne pensais pas que ce serait de manière si majestueuse. D'autre part, je m'étais convaincu que si elle m'offrait quelque chose, elle le ferait pour une fête ou quelque chose du genre. Je restais prodigieusement bouche bée, agréablement surpris, et encore, l'expression demeurait faible. « C'est vraiment... » Mon regard passait du présent à Haley. Je m'attendais presque à me réveiller dans mon lit. « Wow. » J'osais toucher pour la première fois le bracelet. J'agissais un peu comme s'il s'agissait d'un objet coûtant beaucoup plus cher que ma propre valeur, que ce que je posséderais un jour dans mon existence. Je finis par sourire doucement, puis approcher délicatement Haley de ma personne pour déposer un baiser sur ses lèvres. Elle me rendait tellement heureux, que souvent, j'en nageais presque dans la confusion. « Tu as bien dormi ? » demandais-je en me distançant légèrement de ses lèvres. Malgré tout, je n'oubliais jamais de m'assurer qu'elle aille bien.

J'attirais Haley vers ma personne afin de l'embrasser. J'étais sincèrement reconnaissant du présent qu'elle venait de me faire, bien que je ne me jugeais pas le mériter. Je la sentais glisser le bijou à mon bracelet alors que je lui dérobais un nouveau baiser, lui demandant si elle avait bien dormi. Elle m'assurait que ça avait été le cas, comme les nuits précédentes. Je devais l'avouer, je dormais aussi beaucoup mieux lorsque je partageais mon lit avec la jeune femme. Elle m'apaisait, me rendait bien plus heureux. Avoir sa compagnie adoucissait mes journées et les rendait plus lumineuses. Je trouverais cela certainement difficile lorsqu'on devrait à nouveau passer des nuits séparées.

Je laissais l'étudiante se distancer afin de me montrer le bouquet de fleurs qu'elle s'était procurée en l'occasion du repas auquel nous étions invités. Je souris doucement, hochant la tête à l'affirmative bien que j'en avais honnêtement aucune idée. Ce n'était pas mes trucs, les attentions de ce genre. J'étais sans doute élevé un peu comme un sauvage pour ça. Après, il fallait dire que si j'étais invité quelque part, c'était uniquement dans ma famille. Je n'avais jamais eu à manger chez mes ex ou autres. « Sans doute » articulais-je ainsi, finissant ma tasse de café.

L'heure de l'invitation approchant, nous quittâmes l'appartement afin d'entrer dans mon véhicule. Je conduisis vers la maison de mon enfance et prenant la route bordant les plages, j'entendis Haley m'interroger sur les sujets à éviter, ou le moindre conseil pour ne pas faire de faux pas. Encore une fois, j'avais le sentiment d'être plutôt inutile. « Mh, oui, je te dirais d'éviter tout ça. » Je tournais à un croisement. La religion, la politique, ça n'apportait jamais rien de bon. « Je pense qu'elles seront plus intéressées par toi que par ce qui arrive au monde » déclarais-je, un peu dépité. J'avais toujours trouvé cette focalisation sur les autres plutôt inutile. Je perçus le téléphone portable de mon interlocutrice vibrer et celle-ci m'annonça, un large sourire bordant ses lèvres, que sa tribu avait obtenu gain de cause et qu'ils faisaient désormais la fête. Je lui rendais son sourire, répliquant derechef : « C'est génial ça ! On pourra fêter ça aussi, si tu veux ! » Un éclair malin apparut dans mon regard. « Si l'on survit à ce repas. » Je me stoppais à un feu rouge, inspirant profondément. « Tu pourrais parler de ça, au repas. De ce conflit. C'est un peu de la politique, je sais, mais je pense que ça les intéresserait. » Je repris la route, et nous finîmes par arriver devant la résidence de mes parents. « Prête ? » interrogeais-je tout en me garant. Une fois le véhicule à l'arrêt, je me penchais vers elle pour l'embrasser sur sa joue. Autant dire que je n'étais pas forcément pressé d'entrer dans cette maison.

Nous étions à présent garés devant le lieu de résidence de mes parents. Durant le trajet, nous avions parlé de comment ce repas devrait se passer, et Haley m'avait avoué que sa tribu avait obtenu gain de cause pour préserver l'eau de ses terres. Cette nouvelle m'enthousiasmait, si bien que je proposais à la jeune femme de célébrer cela également. Alors que j'enclenchais le frein à main, je m'orientais vers l'étudiante afin de déposer un baiser sur sa joue. Je n'étais pas vraiment impatient à l'idée de faire suite à cette invitation, mais une partie de moi reconnaissait qu'il fallait tout de même le faire. Je ne voulais pas agir comme un garçonnet capricieux ou asocial. Je souris doucement lorsque Haley tourna la tête de manière à ce que mes lèvres effleurent les siennes, puis se mouvent afin de former un baiser de plus en plus passionné. Elle se distança au moment le plus opportun vu la vitesse à laquelle la température avait tendance à monter dans le véhicule. Je l'entendis m'annoncer qu'elle était désormais prête, surtout qu'il faudrait attendre la fin du repas avant de se livrer à de nouvelles marques d'affection. « Je vais penser à toute la liberté que nous aurons une fois de retour à l'appartement » lui avouais-je, l'air malin. L'avantage, c'est qu'en plus le week-end commençait, ainsi, Haley n'avait pas nécessairement l'obligation de se rendre à l'université aujourd'hui. Je détachais ma ceinture de sécurité avant que mes doigts ne se retrouvent entremêlés à ceux de la jeune femme. Je lui consacrais toute mon attention lorsqu'elle me déclarait d'un ton sérieux qu'elle voulait me dire quelque chose. Sur le coup, je redoutais facilement le pire et mon rythme cardiaque s'accéléra. Je plongeais mon regard dans le sien, attendant la chute du couperet. Je voulais que tu saches que...J'aimerais être celle qui répare ton cœur et qui en prend soin... Je clignais des yeux, surpris par ses propos. Je ne m'attendais certainement pas à une telle déclaration. J'adorais Haley, la question ne se posait pas. Elle détenait une très haute place dans mon estime et j'avais énormément d'affection pour elle. Mais ce qu'elle me confiait en ce moment précis dépassait tout le reste. Je finis par sourire tendrement. J'ignorais prodigieusement quoi lui répondre. Je me sentais profondément idiot. Je me disais qu'elle espérait sans doute une réponse, suite à une déclaration si belle. Cependant, j'étais incapable de trouver ce qui ferait justice à ce qu'elle venait de me livrer. Je finis par me pencher afin de l'embrasser à nouveau avec tendresse sur ses lippes, puis laisser filer entre mes lèvres : « J'aimerai être celui qui te prend soin de toi aussi. » Je déposais un baiser sur son front et ouvrais la portière de ma voiture. Je fus bien vite rejoint par Haley et je lui ouvrais la porte de la maison de mes parents pour l'inviter à entrer. « Ils doivent être à l'étage » annonçais-je en guidant Haley dans la maison aux nombreuses portes. Souvent, les gens qui connaissaient peu cette demeure s'y perdaient, se retrouvant dans le garage ou dans la buanderie par mégarde.

Je souris doucement à Haley lorsqu'elle me pria de ne pas l'abandonner, vu comment la maison de mes parents pouvait ressembler à un labyrinthe. Je lui indiquais que l'action devait sans doute se passer à l'étage et nous y allions courageusement. Bien vite, j'aperçus ma mère et ma sœur Ella qui s'avancèrent vers nous. J'ignorais qui il y aurait à ce repas, mais le moins de membres s'y trouverait, le mieux je me porterais je ne pus m'empêcher de penser. J'observais Haley offrir le bouquet de fleurs à ma mère avant de la saluer, et au sourire étirant les lippes de cette dernière, il n'y avait aucun doute que la jeune américaine venait de gagner des points. « C'est vraiment très gentil, Haley ! Il ne fallait pas ! » Ma mère se retournait, nous laissant avec Ella, en vue de trouver un vase pour abreuver les fleurs que venait de lui offrir Haley. « Ça sera très joli sur le meuble juste à côté de la table. Qu'est-ce que tu en penses ? » J'ignorais vraiment à qui ma mère parlait, et posais délicatement ma main dans le creux du dos de l'étudiante pour l'inciter à s'avancer un peu. Il y avait déjà de quoi faire un apéro sur la table basse du salon et vu le nombre de chaises y étant installés, je devinais que l'événement commençait ici. « Installe-toi Haley » articulais-je ainsi tendrement à l'adresse de la jeune Dickens. Je prenais place sur une chaise à ses côtés et en sentant le regard d'Ella insistant sur ma personne, je tentais de briser la glace : « Je pense avoir meilleure mine qu'à l'hôpital quand même, Ella. Inutile de me dévisager comme ça. » Je lui adressais un sourire narquois, ce à quoi elle rétorqua rapidement : « T'es pas nécessairement plus agréable à regarder pour autant. » Je souris doucement, percevant ma mère dans la cuisine avec le bouquet dans un vase. « Ne commencez pas vous deux. Toujours à se chercher des noises, depuis qu'Ella est née, c'est comme ça ! » indiqua-t-elle à Haley. « Qu'est-ce que tu en penses, Haley ? » Elle lui montra le bouquet, avant de l'installer sur le dit meuble. « Ella, si t'allais déconnecter tes sœurs de leurs écrans. » Ma mère lança un regard vif à ma cadette. Elle avait toujours le don de nous faire faire des choses sans vraiment nous le demander. Ella tourna les talons, le temps que ma mère questionna à nouveau : « Qu'est-ce que tu bois, Haley ? Toi, Noah, je sais déjà. » Elle posa une bière sur la table devant moi. « Maia et Zoey sont là. Anna est en compétition à Melbourne avec son club. » « C'est la sportive de la famille » informais-je Haley, un sourire aux lèvres. « C'est vrai que vous vous ressemblez pas. Maia c'est tout ce qui est arts. Anna c'est le sport. Zoey est toujours scotchée sur ses machines électroniques et Ella c'est sa science. » Ma mère s'assit à côté de Haley, puis interrogea : « Et sinon, comment allez-vous ? Quoi de neuf ? »