I will keep saving you.

Je la regardai avec tristesse dans les yeux. Elle aussi, était chagrinée. Les larmes lui montaient aux yeux alors qu’elle parlait de Hayden. Nul doute qu’elle l’appréciait énormément, qu’elle ne voulait que son bonheur. Mais ce bonheur ne serait pas à ses côtés, et c’était sans doute mieux de le réaliser maintenant. Ça ferait sans doute moins de dégâts, parce qu’il y avait moins d’attache. De ce que je comprenais, leur relation était toute récente, le véritable amour n’était peut-être même pas encore en jeu. Certes, c’était triste pour Hayden, mais au bout de la ligne, c’était pour son bien. « Pleure pas, Phoebs. Elle arrivera, cette personne. T’es une femme extraordinaire, t’es belle, t’es attentionnée, t’es gentille, t’es drôle … Et on s’ennuie pas avec toi, ça c’est certain ! » Dis-je avec un rire contagieux. Il était vrai que de mes deux journées passées avec Phoebe, je n’avais pas eu de repos. Non seulement elle était un moulin à paroles, mais elle me faisait traverser des montagnes russes d’émotions avec elle. Aujourd’hui, cela m’allait parfaitement. Ça me permettait de me changer les idées, de mettre ma peine d’amour de côté. « N’importe quel mec serait chanceux de t’avoir. Et si c’est pas Hayden, ce sera un autre. » Contre toute attente, la blonde me dit ensuite qu’elle devrait probablement partir, que je devrais me reposer. Elle se leva et se dirigea vers la porte. Je tassai la couverture que je laissai traîner sur le fauteuil et je marchai derrière elle. « Phoebe … » Dis-je. « Je … tu voudrais pas rester un peu encore ? J’ai pas envie d’être seul. Ça me fait du bien, qu'tu sois là. » Avouais-je, dans toute ma vulnérabilité. L’état dans lequel Phoebe m’avait trouvé n’était pas un état dans lequel je désirais me retrouver encore, mais qui sait ce que la lourde solitude me ferait encore …

Après lui avoir demandé de rester, Phoebe se tourna vers moi et avoua qu’elle espérait que je la retiendrais. Je souris. Une vraie fille, à vouloir quelque chose sans pour autant le demander. Je secouai la tête de gauche à droite, amusé mais aussi légèrement exaspéré. Mais c’était encore adorable, comme d’habitude venant d’elle. « Bien sûr … Tu me connais à peine et pourtant t’es là à passer du temps avec moi pour me réconforter. Si c’est pas de la gentillesse, ça. » Pour ce qui était de la beauté, les nombreuses fois où je m’étais perdu dans son regard depuis son arrivée le prouvaient. C’était sans parler de son corps, mais je tentais de me faire sage de ce côté-là pour m’éviter de m’emporter. Elle avait beau avoir déclaré ne plus aimer Hayden, elle était quand même en couple avec lui, alors je ne me sentais pas à l’aise de la considérer de cette façon. Elle me dit alors qu’elle me trouvait pas mal, moi aussi. Je souris. « C’est gentil. » Phoebe proposa alors une liste d’idées de ce que nous pourrions faire maintenant. Le film était clairement hors de question – nous ne serions pas capable de le terminer sans nous parler, sans nous regarder. Et puis, l’éclat de génie qu’elle eut concernant son ranch me parut assez intéressant. « Tu sais quoi … pourquoi pas ? Ça me fera du bien de prendre l’air, et puis j’ai bien hâte de voir ce terrain pour le ranch. J’serai le premier à le visiter ? » Demandais-je, même si je me doutais bien que Hayden avait dû le voir, malgré tout. J’allai finalement à ma chambre prendre mon sac et fourrer à l’intérieur le nécessaire pour notre escapade. Je passai à la cuisine et, sur le frigo, là où nous nous laissions des messages entre colocataires, j’écrivis au marqueur noir : GONE CAMPING – CONCHO. Je souris en me disant qu’ils allaient se demander ce que je foutais à camper. « Je suis prêt ! Besoin qu’on passe chez toi chercher tes affaires ? » Demandais-je. Après tout, si on allait vraiment camper, elle aurait besoin d’un peu plus que ça.

« C’est tout un honneur, alors ! » Répondis-je quand j’appris que je serais le premier à visiter son ranch. J’allai préparer tout ce qu’il me faudrait pour cette fin de journée et cette probable nuit en camping. En effet, si elle proposait de camper, ce n’était sans doute pas pour piquer une tente dans la terre pour à peine quelques heures. Je pensai donc à m’apporter des vêtements de rechange et quelque chose de plus chaud pour la nuit. Je me sentais comme un enfant, niveau excitation. Ça allait être drôle, comme petite escapade - même si ce n’était qu’aux limites de Bowen, et sur la propriété de Phoebe en plus. Je vivais dans ma torpeur depuis le départ d’Ally, et même si mes nombreux amis tentaient de me sortir de mon état léthargique, je retombais toujours forcément dedans, dès que je me retrouvais seul. C’était donc agréable de penser que je ne passerais pas la nuit avec comme seules compagnes mes pensées déprimantes. Quand je revins, fin prêt, Phoebe m’annonça devoir passer chez elle. Nous prendrions sa voiture. J’hochai la tête et nous quittâmes mon appartement, direction sa voiture. Mon cœur se serra en voyant la bagnole qu’elle avait – une coccinelle jaune. Exactement comme celle d’Ally. Celle qu’elle m’avait laissé conduire pour la première fois lorsque nous avions décidé de quitter Bowen pour une escapade improvisée. Cette même escapade durant laquelle nous étions réellement tombés amoureux l’un de l’autre. Et je m’apprêtais à débuter une toute nouvelle escapade improvisée, mais cette fois avec Phoebe. Le sentiment était étrange, pas forcément plaisant. Mais je ne voulais pas laisser une voiture à la con gâcher ce qui pouvait être une soirée plaisante, et qui me remonterait forcément le moral. « Non, non, elle est jolie. » Si ça se trouve, c’était celle d’Ally. Après tout, elle ne l’avait pas emmenée avec elle aux États-Unis. Peut-être que Phoebe l’avait achetée de quelqu’un. Je ne voulus pas y pense et, d’ailleurs, quand j’entrai dans celle-ci, je ne cherchai pas à trouver un quelconque indice familier. Je ne voulais pas que les douloureux souvenirs me submergent. Quand nous arrivâmes chez Phoebe, je la suivis, question de ne pas attendre seul dans la voiture pendant qu’elle se préparait – avec une fille, on ne sait jamais combien de temps ça prendra. Elle me demanda de prendre un peu d’alcool et de nourriture, alors je m’exécutai, prenant une bouteille de vin et une bouteille de scotch, délaissant avec dédain la tequila que je détestais. Après avoir refermé le frigo et tout mis dans un sac que j’avais trouvé, Phoebe ressortit de sa chambre, vêtue comme une vraie sportive. Je souris. Elle était jolie, là-dedans. « Oui, j’ai tout ce qu’il nous faut, t’inquiète pas ! » Et puis au pire, nous ne serions pas très loin de la civilisation. Mais je me plaisais à me dire qu’on serait quand même en retrait des autres. En solitaire, mais à deux. On repartit donc sur la route, jusqu’au terrain de son futur ranch. C’était grand, c’était beau, c’était encore tout à son état naturel. « Wow, ça fait du bien de voir un terrain encore naturel, sans trace du travail humain. » Je souris en regardant Phoebe. « Et tu vas tout gâcher en y construisant ton ranch, là. » Évidemment, je la taquinais. D’ailleurs, je la poussai tout légèrement pour lui faire comprendre que c’était une blague. Arrivés là où nous nous installerions, Phoebe me proposa d’aller se baigner, en commençant à se déshabiller. « Le contraire ne m’aurait pas dérangé … » Dis-je en lui faisant un clin d’œil faussement macho quand elle me dit qu’elle avait son maillot en dessous. « Moi j’dois me changer, alors j’vais trouver un arbre assez gros pour me cacher – ce qui sera difficile. » Je rigolai. « Pas le droit de regarder ! » Lui lançais-je alors que j’allai me changer derrière un buisson, me penchant pour être certain qu’elle ne me voit pas. Nous n’en étions pas encore là … Une fois changé, je revins vers Phoebe, en short de maillot de bain. Je laissai mes vêtements au sol, à côté de nos autres sacs. « Le dernier à l’eau doit préparer le repas de ce soir ! » Et je m’élançai vers le lac.

Je secouai la tête quand elle me dit que je me surestimais. « Mais tu pensais que je parlais de quoi ? De mon paquet ? » J’éclatai de rire. « Parce que sinon, j’vois pas en quoi me traiter de gros fait en sorte que j’me surestime. » Je ne le prenais pas mal, au contraire, cela m’amusa plus qu’autre chose. Je me rendis donc derrière le buisson qui me sembla assez haut pour me cacher un minimum, d’où je me cachai. C’était l’avantage d’un grand terrain sauvage de la sorte, je n’avais que de Phoebe de qui me cacher. J’étais assuré qu’il n’y aurait personne d’autre pour m’épier, à moins qu’il y ait de jeunes rebelles allumés par une pancarte propriété privée. Quand Phoebe me cria qu’elle me voyait, je me sortis tout juste la tête pour lui dire : « Ha-Ha-Ha. Crois-moi si tu me voyais réellement, tu n’dirais pas ça. » Lui criais-je. Une fois de retour à ses côtés, je la mis au défi de se rendre à l’eau avant moi. Bien que j’avais une longueur d’avance en raison de la surprise de Phoebe, cette dernière me rattrapa bien assez vite. Après tout, je n’avais jamais été un grand athlète. Ma perte de poids était davantage due aux nombreuses séances de musculation et le peu de cardio que je faisais à côté. La course à pieds n’avait jamais été ma tasse de thé. Une fois arrivé aux limites du lac, Phoebe se jeta dans celle-ci sans hésiter. Moi, j’m’arrêtai juste avant, la laissant tester la température de l’eau avant de me mouiller à mon tour. « Peur ? Non. Mais j’voulais voir à quel point tu souffrais avant ! » Je rigolai. Elle avait beau dire que l’eau était gelée, à en voir sa réaction, ça ne semblait pas si mal. Je me décidai donc à faire une bombe en direction d’elle, et elle se décala juste à temps. On s’arrosa pendant dix bonnes minutes, comme deux enfants, ou alors comme deux poissons dans l’eau. À un moment, la blonde disparut sous moi et me chatouilla les pieds, ce qui me fit rigoler et débattre des jambes – prenant bien soin de ne pas l’assommer au passage. Quand elle remonta à la surface, son visage était tout d’un coup bien plus près du mien. Nos corps s’effleuraient presque, nos jambes se frottaient l’une à l’autre à chaque battement de jambes. Le moment que ça me pris pour réaliser notre proximité, Phoebe se dirigeait déjà vers le quai pour sortir de l’eau. Elle retourna bien vite dans l’eau en faisant à son tour une bombe. « Hmmmm … t’es trop un poids plume, y’a pas eu assez d’éclaboussures. J’dirais euh … 6 sur 10. » Je me montrais sévère pour le plaisir, je le faisais exprès. Phoebe proposa finalement d’aller manger, alors je la suivis hors de l’eau. « T’as choisi de manger quoi finalement, madame la gagnante ? » Lui rappelais-je, même si au fond, nous savions tous les deux que les choix étaient limités. J’avais pris ce que j’avais pu trouver dans son frigo.

Je rigolai quand Phoebe m’arrosa, faussement insultée. Ou alors réellement insultée, mais ça ne sembla pas être le cas vu comment elle s’esclaffait. On sortit alors de l’eau et elle choisit de manger des sandwichs aux œufs et au jambon, avec des chips et autres friandises. « J’en connais une qui a fouillé dans notre sac de provisions … » Mentionnais-je, puisqu’elle venait de mentionner les ingrédients que j’avais. Du pain, des œufs, du jambon, et les bonbons et les croustilles que j’avais pu trouver. Après tout, aller camper et manger de la salade, ça ne faisait pas vraiment une belle équation, peu importe à quel point je désirais faire attention à mon alimentation. « Ok, j’vais commencer à préparer la bouffe en t’attendant ! » J’étais en train de répartir les œufs sur les tranches de pain quand je l’entendis crier. Je posai le sandwich à moitié terminé en me levant d’un bond, prêt à aller la retrouver, quand je la vis revenir en criant et en courant. J’accélérai le pas pour aller la rencontrer à mi-chemin. « Qu’est-ce qu’il y a ?? Qu’est-ce qui s’est passé ?! » M’inquiétais-je. Des fous, il y en avait partout, et si quelqu’un s’était caché pour lui faire peur ou pire, j’irais le retrouver. Cependant, la blonde me cria qu’il s’agissait de fourmis. Je la regardai un moment, surpris, avant d’éclater de rire. « T’es sérieuse ? Des fourmis ? VITE, IL FAUT APPELER L’ASIS ! » Criais-je à mon tour, l’imitant. On retourna nous asseoir, en riant de la réaction de Phoebe. « Bon allons, reprends tes esprits en mangeant un bon sandwich signé Concho. » Je faisais habituellement de la meilleure nourriture mais là, on faisait avec les moyens du bord. Quand nous eûmes terminé de manger, Phoebe me raconta une histoire de son enfance, du temps où elle voulait devenir danseuse … dans un bar. Je m’esclaffai. « Quoi ? T’avais de drôles d’ambitions quand t’étais petite ! » Enfin, il n’y avait rien de mal à danser dans les bars, mais on entendait rarement une gamine dire qu’elle en rêvait, quoi. Phoebe trouva la chanson sur son téléphone portable et me montra la chorégraphie qu’elle avait inventée à l’époque. Plutôt suggestive, comme danse. Je me calai un peu dans ma chaise en la regardant, un sourire aux lèvres, me disant qu’Hayden était plutôt chanceux, et qu’il était en train de la perdre sans même le savoir. Le pauvre. « Ouais … t’es quelque chose, c’est vrai. » Dis-je, en faisant exprès de ne pas parler au passé. Parce que Phoebe était encore bien unique, comme personne. Je n’avais jamais rencontré une fille comme elle. Elle vint se rasseoir comme si de rien était, comme si elle ne venait pas de me faire une sorte de strip-tease qui, bien sûr, ne m’avait pas laissé indifférent. Elle brisa bien vite cette ambiance lascive en me demandant d’aller chercher des bûches. « Euh, ouais. J’y vais ! » Je me levai et me rendis dans les bois, où je commençai à ramasser les plus grosses branches et les plus gros morceaux de bois que je pouvais trouver. Je tentais tant bien que mal de me raisonner, de me donner une douche froide mentale, en me disant que cette fille était en couple et que je ne pouvais pas m’imaginer des choses. Pas même quand elle dansait pour moi. Quand je revins, je sortis d’un buisson en imitant Phoebe tout à l’heure. « AAAHHHH DES FOURMIIIIIS » Je gambadai comme une gamine en courant, me moquant ouvertement d’elle. J’éclatai de rire quand je fus à ses côtés, et je déposai les bûches au sol.

Elle me poussa en me disant que je n’étais pas gêné. J’éclatai de rire tout en commençant moi aussi à me tirailler et me bagarrer avec elle, même si ça n’avait rien de méchant et que je n’y mettais aucunement toutes mes forces. « Quoi tu viens de t’en rendre compte ? » Répliquais-je alors qu’elle était en train de me chatouiller ou un truc dans le genre alors que j’étais replié sur elle dans une tentative de l’arrêter. On se laissa finalement aller, tous les deux, reprenant une distance raisonnable, signe de trêve. Phoebe alla alors se changer dans la tête. « Tu serais même pas capable d’atteindre ma tête, t’es trop mini. » Dis-je en lui rendant son clin d’œil, pour la narguer. De toute façon, je la respectais trop pour rentrer dans la tente et me rincer l’œil. Je respectais trop toutes les femmes en général pour agir de la sorte. Il fallait être assez dérangé pour penser autrement, d’ailleurs. Pendant que Phoebe se changeait, je décidai de sortir les allumettes du sac et de tenter d’allumer le feu. Je devais avouer que c’était la première fois que j’essayais, mais au bout de trois essais seulement, je réussis à enflammer les plus petites branches qui, bientôt, enflammèrent les plus grosses. « Gotcha. » Me dis-je pour moi-même alors que Phoebe ressortit de la tente, vêtue d’un jean serré et d’un coton ouaté. Je la regardai avec un sourire. « Je vais aller mettre quelque chose de plus chaud aussi. » Je m’éclipsai dans la tête, enfilant une paire de boxer, un pantalon de style jogging noir et un chandail gris. Je n’étais sans doute pas très fashion, mais on était ici pour camper, pas pour faire un défilé de mode. Je ressortis et retrouvai Phoebe assise près du feu. Je tirai ma chaise pliante tout près, profitant de la douce chaleur qui émanait des flammes. Je basculai ma tête vers l’arrière quand Phoebe me parla des étoiles. « C’est vrai qu’elles sont magnifiques. » Je souris distraitement, me perdant dans l’immensité du ciel. Bordel, ce qu’on était petits face à cet univers interminable. Phoebe se leva et alla s’étendre dans l’herbe, loin de la fumée du feu. Je terminai la guimauve que j’avais entamée et bus une gorgée de ma bière avant de me lever et d’aller la rejoindre, m’allongeant à ses côtés, nos corps se frôlant. « Non, j’regrette pas du tout. Tu m’fais vraiment du bien, Phoebe. » Elle m’aidait à oublier Ally, ou du moins à l’écarter suffisamment longtemps de mes pensées. Elle m’aidait à avoir le rire plus facile, le sourire plus léger. Je tournai la tête vers elle et la regardai, avant de soupirer légèrement et de reporter mon regard vers le ciel.

En glissant et déplaçant son corps sur l’herbe, Phoebe s’approcha de moi et vint déposer sa tête sur mon épaule. Je la regardai faire et, quand je ne vis que ses cheveux, je souris et retournai mon visage vers le ciel, amenant mon bras opposé derrière ma tête pour me faire d’appui. Nous restâmes ainsi, allongés ensemble, à contempler ce spectacle qui nous revenait nuit après nuit. « C’est réciproque. Tu tombes à point dans ma vie. » Qui sait ce qu’il serait advenu de ma relation avec Phoebe si elle avait fait son entrée dans mon monde alors que j’étais toujours en couple avec Ally ? Nous n’aurions pas été aussi proches l’un de l’autre, cela était évident. Notre relation était des plus ambigües, présentement, et si j’avais toujours eu une copine à mes côtés, j’aurais rapidement mis les freins avec Phoebe. Sauf que là, rien ne me retenait. Il n’y avait que sa relation avec Hayden qui semblait constamment nous rappeler à l’ordre. Une odeur de mouffette vint alors déranger notre moment. Je grimaçai en respirant l’odeur nauséabonde. « Viens, vite, faut aller se mettre à l’abri ! » Je ne savais pas à quel point les minces parois d’une tente allaient nous sauver, mais au moins, nous n’étions plus une menace pour l’animal sauvage et, même s’il passait tout près, peut-être serions-nous épargnés. « En reste ici et on ne ressort plus de la nuit ! » Dis-je en riant. Après tout, on ne savait pas quand elle quitterait les environs. Il valait mieux ne pas prendre de chance. Phoebe, voulant sans doute commencer dès maintenant à faire passer le temps, mis de la musique sur son téléphone. Je ne connaissais pas la chanson, mais je fis aller ma tête au rythme de la guitare. Quand elle me questionna sur mes plans pour les prochains jours, j’haussai les épaules. Habituellement, je planifiais mes journées de concert avec celles d’Ally. Maintenant, j’étais laissé à moi-même, et il me semblait avoir trop de temps à tuer. « Je vais retourner travailler, il est temps que je reprenne un peu les choses en main. » Pour le reste, je verrais en temps et lieu … « Et toi ? Tu vas bosser pas mal ici, sur ton ranch, j’imagine ? » Ça me donnerait quelque chose à faire, si jamais elle avait déjà besoin d’aide.

Je ne me souvenais effectivement pas avoir déjà parlé de mon job à Phoebe. Nous avions parlé d’un tas de trucs en très peu de temps, puisque cette journée n’était que notre deuxième rencontre, mais nous n’avions pas eu le temps de tout savoir de l’autre. Boulot y compris, enfin surtout de mon côté, puisque je savais évidemment que Phoebe ramassait son argent en étant mannequin et qu’elle allait avoir son ranch. Faut dire, la jeune femme parlait pas mal plus que moi, aussi, alors c’était normal que j’en sache davantage. « J’suis le fondateur de l’organisme Head Ahead, je sais pas si tu connais … » Je la regardai, puis je continuai : « C’est un centre pour les jeunes en difficulté, ils viennent y passer du temps. À la base les activités étaient axées sur la danse, ils venaient extérioriser leurs émotions en inventant des chorégraphies, en dansant sur des musiques qui leur parlaient … » Expliquais-je. « Mais maintenant, j’ai décidé d’aller plus loin encore, et avec l’aide d’autres personnes, des artistes, les jeunes peuvent toucher à toutes sortes de formes d’arts, maintenant. » J’étais plutôt fier de ce qu’était devenu mon centre. J’avais eu besoin de l’aide d’un tas de personnes pour me rendre jusqu’ici, Ally elle-même ayant joué une part plus que nécessaire dans le processus. Je lui devais beaucoup et pourtant, nos chemins s’étaient séparés. Phoebe m’expliqua alors ce qu’elle, elle comptait faire de ses prochaines journées. Quand elle parla du Texas, je ne pensai même pas au fait qu’elle pouvait attendre que je me propose. Le Texas, c’était à l’autre bout du monde. Ça ne m’effleura même pas l’esprit de l’y accompagner. « Wow, c’est chargé. Tu viens vraiment de me décrire tes plans de la prochaine semaine là ou plutôt du prochain mois ? » Relevais-je avec humour. Juste le fait d’aller au Texas lui prendrait certainement quelques jours, à moins de ne rester en sol américain que le temps d’aller chercher les meubles chez son père. Après notre discussion, Phoebe m’annonça qu’elle devait aller au petit coin. Avec le temps qui était passé, elle n’avait sans doute aucun risque de rencontrer l’animal sauvage de tout à l’heure. « Vingt minutes ?! Tu t’en vas chier, ou bien … ? » J’éclatai de rire. Si elle n’était pas de retour après cinq minutes j’allais déjà m’inquiéter. La jeune femme sortit alors de la tente et j’en profitai pour consulter messages sur mon téléphone portable. J’étais en train de lire un message de Lily-Anaëlle quand j’entendis des bruits autour de la tente. « Phoebe ? » Demandais-je d’abord, avant de réaliser que ça ressemblait davantage à un animal rôdant autour de nos provisions. Des grognements de gros animal. Et Phoebe qui était dehors. Alors que j’étais aux aguets, quelque chose rentra dans la tente rapidement. Je lâchai un cri avant de réaliser que ce n’était que Phoebe, qui se payait ma tête sans aucun scrupule. « Mais ça va paaaaaas !!!? » Criai-je. « Je pensais que c’était un ours, j’m’en allais te chercher dans la forêt !! » Je la regardai avec de gros yeux, avant d’éclater de rire.