you wanna rip my heart out, baby, be my guest (tahlia)

En sa qualité de nouveau célibataire – même si cela faisait plusieurs mois que c’était officialisé maintenant -, Elmo sortait souvent, souvent, (trop) souvent dans les différents lieux festifs de Bowen. C’était peut-être aussi son visa étudiant arrivant bientôt à échéance, qui lui trottait continuellement dans la tête, qui le poussait à aller se changer les idées autour d’un verre et devant les beaux yeux d’une femme différente à tous les soirs. Un peu des deux, sans doute. Un peu de Bella et un peu de visa, tout ça à laisser aux oubliettes. Ce soir Elmo avait pris la direction du Elm Street parce que son plus grand jeu sortait lorsqu’il faisait croire que ce bar était nommé en son nom – alors que n’importe quel natif de Bowen savait que c’était faux. L’italien était arrivé longtemps après l’ouverture du Elm Street. Il aimait bien s’inventer des histoires, ‘Mo, et si ça pouvait l’aider à se mettre une jolie dame dans la poche, alors il n’hésiterait pas à exagérer et à embellir les choses – sa propre personne y comprise. Assis avec des amis de l’université, le regard du barista se posa sur une femme installée au bar, une femme au regard envoûtant, une femme aux lèvres pulpeuses légèrement maquillées, une femme aux cheveux sombres et ondulés retombant dans son dos. Une femme qui lui fit rater un petit battement de cœur. Elle avait les yeux rivés sur son téléphone. C’était un miracle que personne ne l’ait encore abordée – la pauvre, elle était tombée sur le pire maintenant qu’Elmo attrapait son verre de bière et se levait pour aller l’aborder. Ses amis lui criaient qu’elle était hors de sa ligue et qu’il était un bébé face à elle mais il ne les écouta pas, s’accoudant sur le comptoir à côté de la brunette. « Hey. » Lâcha-t-il d’abord pour attirer son attention. Il lui sourit, désignant d’un bref coup de menton le téléphone de la jeune femme. « J’espère que c’est pas un rendez-vous BBT qui vient de te poser un lapin. Ça voudrait dire que les gens ghostent vraiment pour aucune raison, maintenant. » Ha ! Il était bien placé pour parler, il ghostait plutôt vite que son ombre, Elmo. Mais il voulait lui faire comprendre que s’ils avaient bowed down to each other, eux deux, lui ne l’aurait jamais laissée seule ici ce soir.

Ce soir, c'était soirée entre filles. Ou plutôt cela devait être soirée entre filles. Mais Tahlia avait été lâchement abandonnée par sa copine qui, visiblement, avait préféré avoir une discussion avec son petit ami avec qui elle s'était disputée plus tôt dans la soirée. Ah les hommes ! Ils étaient doués pour retourner la situation en leur faveur et attendrir avec leurs yeux de Chat Potté. Quoiqu'il en soit, Tahlia se retrouvait seule au comptoir de l'Elm Street, arrivant à la fin de son mojito, à échanger des textos avec son amie qui se confondait en excuses. La brune ne lui en tenait pas rigueur, cela allait être l'occasion de rentrer plus tôt et de se consacrer une soirée cocooning, masque sur le visage, pyjama confortable, à regarder The Notebook accompagnée de son pot de glace, telle une Bridget Jones des temps modernes – et qui probablement, attireraient les moqueries de Perry et Concho. Mais très vite, une voix masculine la tira de ses pensées. Ses yeux verts se posèrent sur le jeune homme qui venait de s'adresser à elle. Elle l'écouta analyser l'image qu'elle renvoyait avec un sourire en coin sur le bout des lèvres. Donc, elle passait pour la femme à qui on venait de mettre un lapin ? Génial. Toutefois, elle admira quand même le petit rebond qu'il fit pour retomber sur ses pattes quand il évoqua que, si lapin il y avait, c'était vraiment que l'on ghostait sans raison. « Tu vas me dire que toi, tu n'as jamais ghosté sans aucune raison ? » demanda-t-elle, amusée. Il avait l'air sûr de lui ce jeune (?) homme. « C'est peut-être le contraire, tu sais. C'est peut-être moi qui aies ghosté sans raison. » continua-t-elle sur sa lancée, armée de son regard mystérieux. Mais elle haussa les épaules, rétablissant la vérité. « Non, je me suis juste faite abandonner par une copine. On ne peut plus compter sur les amies. » Elle rangea son téléphone dans son sac, abandonnant les textos de cette fameuse amie et reposa ses yeux sur le brun. « Et toi, tu es venu tout seul ? » ...pour aborder les femmes plus âgées, se retint-elle de dire. Au fond, il risquait de lui faire un peu d'animation.

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love me
like you do

stardust

La question de la brunette visait en plein dans le mille. Elmo était généralement mauvais menteur, sauf lorsqu’il était en mode séduction. Là, il arrivait à inventer toutes sortes de trucs et ses réflexions, étonnamment, étaient rapides et efficaces. S’il avait pu utiliser ce talent-là à bon escient, à l’université par exemple, il aurait peut-être pu poursuivre ses études et ne pas décevoir tout le monde autour de lui. Bref, tout ça pour dire qu’à la question d’avoir déjà ghosté, il répondit : « Quand j’décide quelque chose, c’est parce que je le veux vraiment, alors j’me dégonfle pas. » Foutaises, Elmo était le paresseux par excellence qui se laissait si rapidement influencer par sa colocataire, par exemple. Quand Vega lui proposait une soirée pizza alors qu’il avait pourtant un rendez-vous prévu, il lui arrivait de ne plus jamais répondre à sa prétendante. Mais tournée comme ça, la phrase laissait savoir à la belle brune que s’il avait décidé de l’aborder, c’était parce qu’il la désirait. La jeune femme répliqua ensuite qu’il avait peut-être mal interprété l’événement et qu’en fait, c’est elle qui posait un lapin à quelqu’un. L’italien, un sourire en coin et un sourire haussé, soutint le regard mystérieux de la brunette. « T’es du genre cruelle, alors. » Il sourit, puis hocha la tête lorsqu’elle rétablit la vérité. « Outch. J’espère que c’était pas pour un gars. » Si elle avait eu une urgence, ça passait, mais si c’était pour passer la soirée avec son mec, elle avait des raisons d’être un peu frustrée – même si en vrai, là, Elmo avait l’impression qu’elle n’était pas trop dérangée par le revirement de situation. En tout cas, il l’espérait. Qu’elle range son téléphone pour mieux se concentrer sur la conversation, ça lui semblait bon signe. Il s’autorisa même à prendre place au tabouret à côté d’elle quand elle lui demanda s’il était venu seul. « Non, j’suis venu avec des potes. » Il désigna le petit groupe au fond de la place, en espérant que ses amis n’avaient pas tous l’air d’avoir quinze ans, eux aussi. Il ne s’aida pas en ajoutant :  « J’te proposerais bien de te joindre à nous, mais tu risques de les trouver immatures. » C’est surtout qu’il ne voulait son regard que pour lui.

Quand j’décide quelque chose, c’est parce que je le veux vraiment, alors j’me dégonfle pas. La brune arqua un sourcil, sceptique, et son sourire en coin montrait bien qu'elle n'y croyait pas beaucoup. Elle, de par son âge un peu avancé, avait connu les rencontres dans les bars, les dates impromptus, loin des applications de rencontre où il était tellement plus facile de ghoster. Parler pendant des jours et des jours, puis plus rien. Il n'y avait rien de plus frustrant. « Quel homme ! » dit-elle avec une pointe de malice, ses grands yeux verts le sondant pour voir si son assurance se fissurait quelque peu. En tout cas, il avait du répondant. Alors qu'elle avança un tout autre cas de figure, en disant que c'était peut-être elle qui avait ghosté,elle se vit affublée d'un cruelle qui la fit rire. « Peut-être un peu. » Faux. Elle était plutôt du genre à aller droit au but et à dire que cela ne lui convenait pas plutôt que de faire la morte. Elle rétablit néanmoins la vérité, avouant que son amie l'avait lâchement abandonnée. La réponse du brun la fit sourire alors qu'elle répondit : « C'est toujours à cause d'un gars. Enfin, on va dire que dans 8 cas sur 10, c'est pour une histoire d'hommes. » Parce qu'ils savaient faire avec elle. Même s'ils avaient le don pour les agacer, ils savaient aussi comment retourner la situation en leur faveur et les faire craquer de nouveau. Et l'inverse était tout aussi vrai. Quoiqu'il en soit, elle s'était retrouvée ici, seule au monde. Et même si elle pensait rentrer, il fallait avouer que ce jeune homme l'intriguait suffisamment pour ne pas qu'elle rentre de suite. Se faire aborder, c'était toujours flatteur, bien qu'elle ait quelque peu perdu les ficelles du charme et de la drague. Disons qu'elle était rouillée. Elle opta donc pour quelque chose d'assez banal en lui demandant si, lui, était venu seul. Elle tourna la tête et regarda vers la direction qu'il lui montrait, apercevant le fameux petit groupe de potes, dont les regards étaient rivés sur eux. Certains affichaient même des sourires de vainqueurs accomplis, ce qui amusa Tahlia. Mais ce fut la phrase du jeune homme qui l'amusa encore plus : « Ah je vois. Donc si je comprends bien, toi, à l'inverse, tu es plus mature qu'eux ? » Bien sûr qu'elle jouait avec lui. Bien sûr qu'elle voulait voir jusqu'où il pouvait aller, sachant pertinemment qu'il n'irait pas se tirer une balle dans le pied en disant qu'il était un gamin.

Au moins elle avait dit quel homme ! et pas quel garçon, quel gamin ! ou un truc du genre. Elle le considérait au moins comme un homme, et si mentalement ce n’était jamais le cas pour Elmo, ça ne l’était pas toujours physiquement non plus. Il avait peut-être un peu de poil de barbe mais il avait encore une face de bébé qui pourrait le trahir à tout moment, actuellement. Pas qu’il cherchait absolument à se faire paraître plus vieux, mais s’il sentait que son âge pourrait poser problème, il n’était pas contre l’idée de s’ajouter quelques années de plus au compteur pour que ça passe. Surtout lorsqu’on parlait d’une femme aussi belle que celle qui se trouvait devant lui, là. « T’as vu ça ! » Répliqua Elmo tout simplement, un sourire aux lèvres pour montrer qu’il était capable d’autodérision. Un peu trop, par moments. Il était bien conscient que la brunette se moquait de lui, qu’elle ne le croyait pas vraiment, mais tant pis. Il ne se laissa pas démonter pour autant. Il poursuivit la conversation, qualifiant la demoiselle de cruelle lorsqu’elle sous-entendit que ce pouvait être elle, aussi, qui avait ghosté son prétendant. « Ces pauvres hommes, ils doivent être nombreux à avoir attendu des heures durant, dans l’espoir que tu te pointes. » Attendre des heures, Elmo n’avait pas exagéré pour rien, il voulait lui faire comprendre qu’elle valait l’attente de plusieurs heures, même en vain. La jeune femme rétablit cependant la vérité en admettant que c’était son amie qui ne l’avait pas retrouvée au bar ce soir, à cause d’un gars. « C’est complexe, hein, les relations ? On aurait pu croire qu’après autant de siècles on aurait réussi à appliquer les solutions à tous les problèmes de couple, mais non. Les mêmes erreurs, toujours. » Elmo avait un peu lâché son rôle de séduction lors de cette réflexion, qu’il pensait véritablement. Avec Bella ça avait été tellement compliqué, des hauts et des bas, des montagnes russes d’émotions, et finalement toutes ces querelles avaient eu raison d’eux. Avec un pas de recul l’Italien avait réalisé à quel point ils avaient été ridicules dans leurs histoires de jalousie, mais il était trop tard. La brunette lui demanda s’il était seul, et le barista en profita pour s’asseoir. La conversation était bien lancée, il pouvait bien se le permettre. Si elle avait voulu le rembarrer, elle l’aurait déjà fait. « Ah, ouais, plus mature que moi, tu meurs. » Il essaya de soutenir son regard, avant de rire. « T’y as cru deux secondes ou même pas ? » Il fit un signe à ses amis qui voulait un peu dire arrêtez de nous regarder comme des débiles mais ce n’était peut-être pas très clair. Il reporta toute son attention vers la jeune femme et haussa les épaules. « C’est quoi le fun de vivre si on est trop matures, de toute façon ? »

Elle le taquinait, elle le provoquait. Mais là où il la surprenait, c'était avec ce répondant, ce tact, cette autodérision qu'il affichait et assumait. La fougue de la jeunesse, sûrement. Tahlia n'était pas non plus une mamie, mais elle se doutait que ce jeune homme était encore à quelques années de la trentaine. Il y avait ce bagout, cet élan, une certain passion qui émanait de lui et qui savait capter le regard de la brune. Elle aurait pu se détourner de lui ou juste s'amuser à le provoquer avant de le délaisser, mais il avait su attiser sa curiosité. Et elle voulait voir jusqu'où il pouvait aller, à ses risques et périls. Etrangement, elle appréciait la tournure de la conversation, ces sourires qui les ponctuaient et cette légèreté qui faisait tant de bien. « Des heures ? » répéta-t-elle, amusée. « Mais non, ils ne sont pas si nombreux. Je ne suis pas aussi tyrannique. Je tiens quand même à ménager tous ces pauvres hommes si lâchement ghostés. » répondit-elle en riant, comprenant néanmoins que tout cela relevait d'un compliment qui, au fond, bien au fond, faisait du bien à son estime de soi. Pour autant, elle rétablit rapidement la vérité en avouant que c'était son amie qui l'avait lâché, pour un homme. Mais cette fois, le jeune homme ne rebondit pas en lâchant une plaisanterie. Au contraire. Sa dernière réflexion était d'une profondeur qui parlait totalement à Tahlia. « Si complexes. » souffla-t-elle d'abord, gardant ses yeux posés sur lui. Il avait toute la vie devant lui, mais cette phrase laissait croire qu'il avait aussi eu son lot de déceptions. Qu'il avait aussi fait des erreurs. « Peut-être parce qu'il n'y a pas de solution ? Pas de guide du couple parfait ? » rebondit-elle avec un sourire. « Au fond, j'ose espérer que ces erreurs que l'on fait, même si ça fait mal, même si ça nous coûte une relation, nous poussent à grandir et à mûrir. Elles ne sont pas là pour rien. Je pense qu'elles nous poussent à se dépasser. » Encore plus quand l'être en face avait une place plus qu'importante dans une vie. Elle en avait fait des erreurs, aussi, Tahlia. Avec Carter. Encore plus avec Ciàran, qu'elle avait bêtement perdu. Mais elle avait appris de ses erreurs, elle avait appris de cette douleur qui minait encore son cœur et qui l'empêchait de se relancer, tête baissée, dans une relation. Mais, même si elle n'était pas prête à l'instant présent, elle croyait encore en l'amour, en ce qu'il pouvait apporter. Laissant le jeune homme s'installer à ses côtés, leurs regards s'arrêtèrent sur le fameux groupe de potes qui l'accompagnait. Des immatures, selon lui. Le taquinant sur sa propre maturité, la brune éclata de rire quand il retourna la situation en sa faveur, faisant encore preuve d'auto-dérision. « Oui, j'y ai cru.... trois secondes. » dit-elle, malicieuse, jetant à son tour un regard vers le groupe. Mais quand il reprit la parole, il eut les mots parfaits, ceux qui résonnaient tellement chez Tahlia. Elle n'était pas un exemple de maturité, elle aussi. Elle hocha la tête, son regard s'illuminant d'une lueur encore plus malicieuse quand elle reprit : « Là, qu'est-ce que tu me proposerais pour me montrer à quel point c'est fun de ne pas être trop mature ? » Il avait gagné. Il avait désormais toute son attention.

« S’il y en a qui attendent moins qu’une heure, en tout cas, ils ne sont pas très combattifs. » Avait répondu Elmo avec un léger sourire. « Ah alors t’es pas cruelle, t’es une sainte pour nous pauvres marins. » Rectifia-t-il sans trop le penser. Nan, dans ce regard-là dans lequel il s’était plongé depuis quelques minutes, il n’y avait rien de saint. Il y avait quelque chose de mystérieux, de profond, de presque noir, qui se cachait dans les yeux de la trentenaire. Pas qu’Elmo remarquait vraiment ce genre de choses, la noirceur des gens et tout. Mais il remarquait en tout cas qu’elle n’était pas la voix de la sagesse de ce bar. Quoique … à entendre leur conversation sur la complexité des relations, on aurait pu y croire. « Peut-être. Mais il reste que … y’a des gens qui ne font que les répéter, ces erreurs-là. Et qui s’en rendent toujours compte trop tard. » Lui-même avait tendance à ne pas se remettre en question, sur le coup, et ce n’était qu’avec du recul, quand il était trop tard pour l’admettre, qu’il voyait enfin la raison. Puis, Elmo avait sa fierté, alors rarement il s’en excusait après coup. Peut-être qu’un jour, il apprendrait. Auprès de la bonne personne. Pour l’instant il s’assit à côté de la brunette, plaisantant sur l’immaturité qui était si bien représentée par sa bande de joyeux lurons au fond du bar. « C’est déjà mieux que deux. » Secondes. Il rit en baissant les yeux, avant d’être agréablement surpris et captivé par la question de la jeune femme. Il la dévisagea un moment, cherchant sans doute à entrevoir jusqu’où elle serait prête à aller. Il fit mine de réfléchir, regardant autour d’eux, cherchant de l’inspiration à travers tous les objets et toutes les présences autour de lui. Ses yeux légèrement plissés, il se mordit tout doucement une lèvre avant d’esquisser un sourire amusé, reportant son regard vers la jeune femme. De ses paumes il tapa ses propres cuisses, tout juste au-dessus des genoux. « Ok, alors, si je devais t’entraîner avec moi pour toutes mes idées de folies, la soirée ressemblerait pas mal à ça : on se commanderait trop de shooters pour ce que peuvent contenir deux humains, on finirait en dansant sur les tables du bar avant de se faire mettre dehors. Ensuite, on irait au p’tit dépanneur du coin pour s’acheter des bonbons, tu sais ceux qu’on peut s’faire un sac personnalisé ? Et tant qu’à être là on achèterait des pétards ou des feux d’artifices, je sais pas lequel des deux risque le moins d’me faire flamber, on demanderait au commis sur place, au pire. On irait les faire exploser sur la plage et si ce sont des feux d’artifices alors on regardera notre spectacle en mangeant absolument tous les bonbons. C’est à ce stade-là que je risquerais de m’endormir la tête dans le sable, j’t’avertis, alors assure-toi au moment que j’suis du côté où j’peux respirer. » L’italien reprit enfin son souffle, et rigola légèrement, avant d’ajouter : « Mais ça se peut qu’entre-temps j’aie d’autres idées que ça parte dans un autre sens complètement. Ou dans tous les sens. » Un air de défi sur le visage, il inclina légèrement la tête sur le côté. « Qu’est-ce que tu en dis ? »

« Une sainte ! Enfin quelqu'un qui le reconnaît... » s'exclama-t-elle avec un sourire malicieux. Non, Tahlia n'avait rien d'une sainte et sans doute le jeune homme en face d'elle l'avait totalement compris. Elle avait fini par accepter sa part de noirceur, c'était à elle, cela la composait pleinement. Elle avait perdu tant d'énergie à se battre contre elle et quelques plumes au passage. En l'acceptant, elle avait appris à prendre du recul sur elle-même, sur ses actes et les erreurs qu'elle avait pu faire. Et cela l'avait énormément aidé à s'apaiser. Sur le plan sentimental, notamment. Les erreurs qu'elle avait faites l'avaient poussé à se dépasser, à se dire qu'elle n'était pas parfaite, qu'elle ne le serait jamais, qu'elle ne pourrait jamais donner l’entièreté de ce monde à l'être aimé. Elle avait appris à relativiser, à mûrir. Ce qui ne semblait pas le cas du brun qui, lui, parlait d'erreurs répétées encore et encore. « C'est ton cas ? » le taquina-t-elle, avant de reprendre : « A force de se prendre des murs, on finit par réfléchir à deux fois. Mais ça, ça vient avec le temps... et les tôles qu'on se prend en pleine figure. » Oui, il fallait les vivre, ces erreurs, pour que le cœur et le cerveau apprennent à les analyser. En tout cas, cela semblait être le seul moment de maturité de la soirée, puisque très vite, ils revinrent vers un sujet plus léger. Elle le mettait au défi, Tahlia. Elle voulait connaître son plan pour qu'ils s'évacuent un instant de leur quotidien, de leur tracas, de ces étiquettes qu'on apposait sur eux. Ce soir, elle voulait juste tout oublier, lâcher prise, s'amuser sans avoir à se dire c'est inconscient ou ce n'est pas de ton âge. Elle s'accouda sur le comptoir du bar, appuyant sa joue sur sa main, dans une posture qui lui montrait qu'il avait toute son attention. Et elle se laissa aller au récit qu'il présentait avec conviction. Alcool sans modération, sucreries et feux d'artifice étaient au rendez-vous. La brune gardait ses yeux verts sur lui, buvant ses paroles jusqu'à ce qu'il la mette, à son tour au défi. Qu'est-ce que tu en dis ? Un soupir s'échappa de ses lèvres rosées . « C'est con... » commença-t-elle par dire, avant qu'un sourire ne vienne s'afficher. « … j'aimais bien ce bar. » Elle lui lança un regard complice et interpella le barman. « Deux planches de tes meilleurs shooters, s'il te plaît. » Elle se tourna vers le brun et lui dit : « Par contre, après m'être assurée que tu dormes du bon côté dans le sable, si jamais je dois te réveiller, ça serait mieux que je t'appelle par ton prénom plutôt que par des hey insistants et des petites tapes sur la joue. » Elle rit de bon cœur et finit par ajouter :  « Moi, c'est Tahlia. Je suis O+ et allergique aux crustacés. On ne sait jamais, ça peut toujours servir comme info. » C'était surtout le signe que oui, ce soir, elle approuvait totalement le programme du soir .

L’italien se contenta de rire face au sourire malicieux de la jeune femme, qui n’était certainement pas une sainte, malgré ce qu’elle venait de laisser entendre. Si Elmo en avait douté jusque-là il en avait maintenant la confirmation. Elle avait quand même une part de sagesse et lui aussi peut-être, caché bien profond en lui. En tout cas à les entendre parler de vie sentimentale et d’erreurs répétées, on aurait pu croire à la rencontre de deux philosophes. Sauf que non. « Ouais, c’est mon cas. » Admit Elmo. Il parlait avec bien trop d’expérience pour pouvoir prétendre le contraire. « C’est ton cas ? » Répéta Elmo sur le même ton de taquinerie, ajoutant : « Tu t’es pris un tas de tôles et maintenant t’as compris comment les éviter ? » Il esquissa un sourire. Il aurait aimé en arriver là, Elmo. Mais ça viendrait avec le temps, qu’elle disait. Et les expériences amoureuses, aussi, sans doute. Pour cela il faudrait que l’italien s’ouvre à nouveau à cette possibilité. Depuis sa rupture d’avec Bella, il avait bien du mal à s’imaginer se relancer dans une relation sérieuse. Il avait peur de merder, encore une fois, et d’être blessé. Se prendre des tôles en pleine gueule ça n’avait franchement rien d’invitant. Une soirée un peu random avec cette belle inconnue lui semblait beaucoup plus palpitante. D’ailleurs il exposa à la jeune femme le plan qu’il aurait pour cette soirée d’immaturité. Après tout, elle avait demandé. À la grande - mais agréable - surprise d’Elmo, la brunette était partante. C’est ce qu’il devina de ses paroles, en tout cas, et de la commande de shooters qui suivit. « T’auras qu’à te déguiser pour tes prochaines visites. » Ni vue ni connue. Le barman s’affairait à préparer leurs planches de shooters pendant qu’eux faisaient enfin les présentations officielles. « Après, les petites tapes sur la joue, ça fonctionne à tout coup. » Mais s’il fallait qu’elle lui donne des petites tapes il préférait qu’elles soient ailleurs que sur sa joue, uhuh. « Enchanté Tahlia, O+ et allergique aux crustacés. Moi c’est Elmo, j’connais pas mon groupe sanguin et c’est bien dommage cette allergie, moi j’raffole des crustacés. » Heureusement, pour le plan des sacs à bonbons, il ne risquait pas d’avoir des p’tites langoustines en gélatine. Le barman posa les deux plateaux de shooters face à eux. L’italien le remercia d’un petit hochement de tête avant de s’emparer du premier petit verre, et de le lever vers Tahlia. « À l’immaturité ! »

Non, ils n'étaient pas des saints, tous les deux. Cela se voyait au travers de leurs regards, de leurs postures, de leurs mots. Même si pour le coup, le sujet de la vie sentimentale et des erreurs commises remettaient tout cela en doute. Sans même hésiter, le jeune homme avoua qu'il était du genre à répéter les erreurs. Tahlia acquiesça à son tour : « C'est mon cas, aussi. » Sa prochaine question la fit sourire. « J'apprends surtout à m'écouter pour savoir ce que je veux et ce que je ne veux plus. Mais je t'avoue que je ne suis pas à l'abri de me reprendre encore quelques tôles. » Pour l'instant, elle se sentait protégée parce qu'elle ne voulait plus d'histoires sentimentales, mais elle savait que son cœur finirait un jour par flancher. Mais peut-être qu'à cet instant, elle connaîtra ses attentes et s'investira dans sa relation comme il se devait. En attendant, elle était loin de retomber amoureuse, Tahlia, et cela l'arrangeait bien. Draguer, charmer, s'amuser, en revanche, c'était bien mieux. Et ce soir, elle avait l'esprit joueur. Elle avait envie de renouer avec la Tahlia casse-cou, un poil immature, qui s'amusait de peu. Quand le jeune homme exposa ses idées, la brune ne put que le suivre en un claquement de doigts. Très vite, elle commanda deux planches de shooters, prétextant qu'elle aimait bien ce bar et qu'il serait dommage pour elle de ne plus pouvoir y mettre un pied. A la solution du brun, elle souffla, amusée : « Ce ne sont pas les bars qui manquent ici, je trouverai une autre adresse. » Dans tous les cas, puisqu'il fallait trinquer, autant faire les présentations en bonnes et dues formes. La brune se mit à sourire quand il reprit ses mots. Elmo. « Enchantée, Elmo qui ne connaît pas son groupe sanguin mais qui adore les crustacés. » Son sourire resta sur les lèvres, se disant que la soirée risquait d'être amusant à souhait. Alors quand le barman leur amena les planches de shooters, ils saisirent chacun leur premier verre et le leva pour trinquer: « Aux idées de folies ! » Qui allaient, cela va sans dire, avec la douce immaturité prônée par Elmo.

Le plan fut plus ou moins respecté. Ils ne dansèrent pas forcément sur les tables, mais à un moment donné, ils retrouvèrent le groupe d'amis d'Elmo. Les verres s'enchaînèrent, l'alcool euphorisant, tant et si bien que les décibels des éclats de voix du groupe commencèrent à déranger. Et en effet, ils furent gentiment accompagnés jusqu'à la sortie par le gérant, qui eut pour simple réponse les éclats de rire des membres du groupe. Alors que les amis d'Elmo étaient prêts à continuer la soirée autre part, Tahlia retint le brun par le poignet, soufflant à son oreille : « Je comprendrai que tu veuilles continuer la soirée avec tes potes, mais... tu m'as parlé d'un feu d'artifice, non ? Je ne dis pas non à quelques étincelles de plus... » Son expression était toujours aussi amusée, à lui de voir de quel genre d'étincelles elle parlait.

Elmo hocha la tête avec un sourire quand la brunette lui avoua qu’elle n’était pas à l’abri de se reprendre, encore, quelques tôles en pleine gueule. Au moins elle savait un minimum ce qu’elle désirait dans sa vie. On ne pouvait en dire autant du barista, qui se laissait un peu porter par les vagues des autres sans jamais trop savoir laquelle était la sienne. Ni même s’il en avait une, vague à suivre. « Et c’est quoi, que tu veux ? » Demanda-t-il avec un sourire, démontrant tout son intérêt en se penchant juste un tout petit peu vers elle. Il aurait pu lui demander ce qu’elle ne voulait plus mais il avait eu un peu trop peur de tomber dans cette catégorie. Au moins en optant pour la version positive, il pourrait peut-être trouver le moyen de se classer un petit peu par-ci par-là dans ses désirs. En tout cas, pour la soirée planifiée, Elmo sembla avoir tapé dans le mille puisque la jeune femme était partante pour ses idées farfelues. Elle avait même pris de l’avance en commandant non pas une, mais deux planches de shooters variés. Une pour chaque. Ça voulait dire beaucoup trop de shooters. C’est exactement ce que ‘Mo avait demandé, non ? Eh merde. Tant qu’il terminait bien la soirée à dormir dans le sable et non pas à vomir dedans. « J’t’en refilerai, des adresses, y’en a maintenant des plus cools qu’ici de toute façon. » Faudrait pas que le proprio l’entende ! Après tout il disait ça mais il était un client assez régulier de la place. Les deux partners in crime de la soirée se présentèrent enfin l’un à l’autre. Tahlia, qu’elle s’appelait, cette fille au regard ensorceleur. Il s’y perdit d’ailleurs un peu, dans ses yeux puis dans son sourire, avant que les shots n’arrivent et qu’ils ne trinquent à ces idées folles. Et la grande dégringolade commença. Près d’une heure plus tard, ils avaient descendu bien plus que les shooters de cette planche, alimentés par les tournées que les amis d’Elmo payaient sans compter. Tahlia et Elmo faisait juste prendre, prendre, prendre, eux non plus ne comptaient pas vraiment, si bien que leur cerveau flottait sans doute dans l’alcool au moment où ils furent tous mis dehors. Trop bruyants, les autres clients se plaignaient. Les trouble-fêtes. Le groupe se dirigeait vers le prochain bar mais Tahlia arrêta Elmo par le poignet. Il se tourna vers elle, tous les deux figés sur le trottoir alors que le reste du groupe continuait le mouvement. Il sourit quand elle lui rappela les feux d’artifices. Elmo il n’était pas vraiment du genre à lire entre les lignes, pas assez futé pour ça. « Je choisis le feu d’artifice dix fois plus que de continuer la soirée avec mes amis. » Il la choisissait elle, aussi. Ten times over. Le duo entra dans le premier petit marché de quartier qu’il croisa et Elmo trouva rapidement des feux d’artifices. Il prit aussi quelques bonbons, de ceux qui explosent dans la bouche au contact de la langue. Il montra le tout à Tahlia. « Des étincelles dans les yeux et dans la bouche. » Lâcha-t-il fièrement, avant de se diriger vers la plage. C’était Gray’s Bay la plus proche. Le soleil était couché depuis un bon moment déjà. Il n’y avait plus grand monde ici. C’était l’idéal pour ce qu’Elmo s’apprêtait à faire, surtout que … « J’dois t’avouer que j’ai jamais allumé de feux d’artifices, alors … Ça se pourrait que je meurs. » Il rit tout en installant le matériel - il avait lu les instructions, en diagonal, alors qu’ils marchaient.