on doit encore parcourir la terre, on doit trouver cent mille sœurs et cent mille frères pour plus jamais être seul dans les cimetières. (fede)

on doit encore parcourir la terre, on doit trouver cent mille sœurs et cent mille frères pour plus jamais être seul dans les cimetières

Une brise joyeuse soufflait dans l'esprit de Charlie, alors qu'elle arrivait au bar où Fede et elle avaient convenu de se retrouver. Ca faisait vraiment un bail qu'elle n'avait pas passé du temps avec son pote. Il fallait croire qu'elle avait relancé leur lien parce que ces derniers temps, elle avait vraiment envie de s'entourer de ses amis, sa base, même ceux qu'elle avait moins eu l'occasion de voir. L'Italien avait pourtant été un ami très proche, ainsi que brièvement un amant, même si ça n'avait pas duré. L'époque où Charlie se jetait dans les bras de qui voulait bien la rattraper, voyant l'amour partout. Enfin, l'amour, c'était un grand mot. L'affection, plutôt. Mais, comme ils s'en était rendus compte rapidement à l'époque, l'affection était la fondation de la plupart de ses relations, et elle avait depuis décidé d'arrêter de confondre les deux. Même si ce n'était pas toujours facile. Trêve de souvenirs, la brunette fit de grands signes à Fede en le voyant arriver de l'autre côté de la rue, enthousiaste à l'idée de le revoir et de renouer. Ils avaient chacun été pris dans leurs tourbillons de vie, lui principalement parce qu'il avait trouvé la femme de sa vie, et avait construit un mariage et désormais une future famille. Charlie, à l'inverse, parce qu'elle s'était petit à petit posé des questions sur son potentiel relationnel, qu'elle avait cherché les choses ici et ailleurs, qu'elle s'était distraite – enfuie ? - avec son travail, ses activités, ses sorties, pour ne pas admettre qu'elle se sentait un peu seule. Pour finalement plus ou moins accepter qu'elle avait tout pour être heureuse, même si c'était un travail encore en cours. « Coucou toi ! » sourit Charlie en rejoignant son ami pour une grosse étreinte, comme si elle ne l'avait plus vu depuis dix ans, comme elle en avait un peu la sensation. « Pas trop fatigué d'être un adulte ? J'espère pas parce que ce soir, c'est vie d'ado et alcool fort bien dégueulasse ! » demanda-t-elle, ses iris bleus teintés de malice. Impossible de savoir si elle plaisantait ou non à propos de l'alcool.

Ça faisait un moment que tu n’avais pas passé une soirée avec Charlie. Après tout, vous aviez eu une brève histoire tous les deux. Après ton mariage, tu n’avais pas eu une minute pour toi. Notamment avec la grossesse de Leticia. Mais tu avais quand même besoin de t’accorder une petite soirée hors de chez toi. Après avoir discuter avec ta femme, tu avais pris la route vers le bar-resto où la jeune Meers t’avait donné rendez-vous. Tu étais content de la voir, ça commençait à faire longtemps que tu n’avais pas vu sa bouille. C’était ton amie, et elle te manquait, on va pas se mentir. Tu la retrouvais rapidement, après être venu en moto jusqu’au point de rendez-vous. Même faire de la moto ça te faisait plaisir, et surtout ça te faisait du bien. Tu te sentais libre. Même si tu n’étais en aucun cas prisonnier dans ta propre vie. « Ciao, bella ! » dis-tu en répondant à son étreinte. Tu attrapais ensuite ton casque de moto pour la suivre à l’intérieur du restaurant pour commencer votre soirée tous les deux. « Oui, c’est fatiguant d’être un adulte mais bon j’suis très épanoui donc tout va bien » dis-tu avec un léger rire. « J’suis partant pour faire une soirée d’ado, boire n’importe quoi et m’empiffrer comme un goret » dis-tu avec un rire. Vous alliez donc à une table du restaurant pour vous installer et prendre les cartes en mains. « Tu m’engueules pas si je tiens plus autant l’alcool qu’avant, hein ? » demandas-tu à ton amie en te cachant un peu derrière ta carte.

Malgré le temps qui s’était écoulé, ainsi que les différents stades par lesquels leur relation était passée, il fallait croire que tout était toujours aussi simple entre Charlie et Fede. Ils s’engouffrèrent à l’intérieur après une accolade pleine de chaleur, contents de se retrouver, en tant que vieux amis. « J’espère bien, si t’étais crevé et pas heureux ce serait un lose-lose comme situation. » acquiesça la jeune Australienne avec ce semblant de sérieux derrière lequel il fallait chercher l’humour. « Tout ce que je voulais entendre ! T’as pas oublié comment m’parler, p’tit goret. » se réjouit-elle alors qu’ils s’installaient, son regard pétillant d’énergie malicieuse et de complicité. « Non, mais je serais très très déçue ! » s’exclama Charlie en mimant une moue déconfite, forçant les traits de son visage en un air sévère qui ne donnait pas du tout le résultat escompté – ses joues enfantines étaient bien trop rieuses pour ça. « Non mais en vrai, je fais la maligne mais on peut y aller mollo. Tu veux quoi, plutôt bière ou vin ? » demanda-t-elle en parcourant la carte, même si elle s’attardait surtout sur les plats, qui parlaient déjà à son estomac et captaient toute son attention.

Unir vin et lecture c’était une passion pour Reyansh, peu importe où. Parfois il s’installait à même le Beyond Words & Wine, quand c’était fermé, dans le silence et la paix. Parfois c’était sur le toit de The Bowery, le vent chatouillant ses cheveux et les pages de son livre. Et puis finalement, d’autres fois, il venait carrément s’installer dans un restaurant, être solitaire et silencieux parmi le brouhaha ambiant, livre à la main. On le regardait souvent avec un sourcil haussé, des points d’interrogation dans les yeux. Reyansh ne le remarquait même pas, il dégustait son vin et son livre au même rythme, en faisant durer le plaisir, sans jamais relever la tête des mots imprimés. Des bribes de conversation arrivaient cependant à se faufiler jusqu’à ses oreilles, de temps en temps. S’il se laissait rarement déconcentrer par les discussions de ses voisins de table, il lui arrivait de décrocher de son roman, gardant tout de même un air imperturbable, se délectant d’anecdotes environnantes. Ce n’était jamais pour faire sa commère, Reyansh n’était pas comme ça. C’était pour apprécier, lui aussi, le récit des autres. Il n’y avait pas que la lecture pour faire voyager. Les expériences des autres aussi. Il n’intervenait pratiquement jamais puisque dans ces récits-là il n’était pas invité, sauf cette fois, ce soir, puisqu’il était question de bière ou de vin. Il releva la tête et regarda ses deux voisins. « Si je peux me permettre … » Il prit la bouteille qu’il était en train de boire. « Si vous optez pour le vin je vous conseille vivement celui-là, je viens de le découvrir et il est excellent. Promis, c’est pas moi le vigneron. Je veux juste répandre la bonne nouvelle. » Dit-il avec un sourire.

La relation avait évolué entre vous. Passant de cliente à potes à couple à amis finalement, vous aviez trouvé un juste équilibre. Charlie était ce petit rayon de soleil dont tu avais besoin dans ta vie. Votre histoire a été brève, n’a duré que quelques semaines et c’est pas plus mal puisque vous êtes plus des amis qu’autres chose. « Exactement » dis-tu avec un sourire. « C ‘est toi le p’tit goret, ouais ! » ajoutas-tu en riant. Vous étiez à table tous les deux, prêt à commander mais vous ne saviez pas encore quoi prendre. Tu n’avais pas fait de soirée depuis un moment, peut-être depuis cette soirée avec Perry où tu lui avais tatoué les fesses. Et tu t’en souviens de cette soirée. Surtout le lendemain qui avait été bien compliqué. « Bon ça m’va ! J’partirai bien sur du vin » proposas-tu à ton amie. Un jeune homme se tournait vers vous pour vous montrer la bouteille qu’il était entrain de boire et il n’en faisait que des compliments. « Merci du conseil ! » dis-tu avec un sourire à cet homme. Puis tu jetais un oeil vers ton amie. « On prend ça ? » proposas-tu à la jeune femme.