Playing for you (Ella + Sasha)

Aujourd’hui, tu es de jury de présentation des élèves en restauration d’œuvres d’art. Ce n’est pas ta matière de prédilection mais tes collègues t’assurent qu’il fallait une personne extérieure à la matière qui soit plus neutre sur le sujet afin de mieux évaluer le travail. C’est un nouveau défi, tu as donc accepté étant heureuse de découvrir toutes les capacités de tes élèves. Ceux-ci sont plus ou moins doués mais tous ont été très appliqués pendant cet exercice, tu es assez fière d’eux. Cependant, une soutenance en particulier retient ton attention. C’est celle d’un élève qui explique ses recherches et ses manipulations sur un jouet qui aurait pu appartenir à une petite fille. Cet objet ressemble fortement à une poupée que ta nièce avait. Tes yeux se sont remplis de quelques larmes, tu ne peux t’empêcher de penser à elle. Elle te manque, elle était ton petit rayon de soleil. Tu aurais tellement voulu la prendre dans tes bras, la retrouver ce soir, t’amuser avec elle et ton frère, et pourquoi pas, lui offrir une nouvelle petite poupée.

A la fin de la journée, tu rentres chez toi et tu décides de te poser dans ton lit en mettant de la musique. Mais il est impossible pour toi de ne pas repenser à la présentation de cet élève, et surtout à ta nièce. Tu espères qu’elle aille bien, où qu’elle soit. Tu n’es pas croyante, tu n’as jamais vraiment prié un dieu et pourtant, il t’est impossible d’imaginer qu’après la mort, il n'y ait plus rien, surtout après sa mort. Elle doit être au paradis des enfants, un sorte de lieu à la Peter Pan, c’est ce que tu préfères imaginer. Tu regardes l’heure sur ton téléphone, il n’est pas si tard que ça. Tu décides donc de prendre tes affaires, de quitter ta colocation et entamer une marche en direction du cimetière. Tu aurais certes pu prendre la voiture mais marcher te permet de réfléchir, de te détendre et de prendre du temps.

Cela fait longtemps que tu n’as pas vu ta nièce, enfin, l’endroit où elle repose. Tu y vas rarement seule, d’habitude tu es en compagnie de ton cousin ou de tes parents. Il est rare que ton frère, Thomas, et ta meilleure amie se déplacent avec toi. Tu ne sais pas s’ils viennent se recueillir de temps en temps. Tu supposes qu’ils y viennent régulièrement. Mais cela restera qu’une hypothèse, il est encore difficile de leur parler de l’accident. Et tu peux les comprendre, mais tu aimerais pouvoir échanger un peu avec eux à ce sujet.  Tu arrives au niveau de son corps. Tu décides de t’asseoir près d’elle. Tu regardes les dates de naissance et de mort. Quelques larmes coulent sur tes joues.. Si jeune.. Elle ne méritait pas ça, elle avait toute la vie devant elle, c’était vraiment un rayon de soleil pour toi. Tu ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé et pourquoi. Tes yeux se posent sur l’environnement autour de sa tombe. Tu vois qu’elle a une belle vue sur l’océan, cela te donne un petit sourire. Tu décides par la suite de concentrer tes pensées sur elle, tu lui souhaites d’être heureuse là où elle est et tu lui promets d’être la meilleure pour elle. Lorsque tu émets ceci, des notes de guitare se font entendre. Elles sont douces, belles et mélancoliques. Elles ne sont, certes, pas adressées à ta nièce mais paradoxalement tu trouves qu’elles accompagnent parfaitement tes pensées. Après avoir discuté un peu avec l’enfant, tu décides de voir qui est le musicien. Tu découvres un homme plus vieux que toi. Tu t’approches doucement, pour ne pas le perturber, et tu te laisses bercer par sa musique. Tu jettes de temps en temps un regard à l’emplacement de ta nièce. Tu lui dédies ce moment. Une fois qu’il ait fini de jouer, les émotions sont si fortes que tu trouves facilement le courage d’aller lui parler. « M-m-merci pour ce moment.. C’était si doux… » tu t’arrêtes un petit moment pour reprendre ta respiration et regarder le nom sur la tombe avant de continuer « J-j-je suis sûre qu’il-il doit aussi vous remercier de là où il est. » Tu as certes encore bégayer, mais tu n’as pas peur du jugement, surtout pas pendant ce moment.

La musique jouée par l’homme en face de toi avait permis à tes larmes de couler, et ça t’avait, paradoxalement, fait du bien. C’était à la fois doux mais aussi pesant, c’est ce qu’il fallait pour évacuer les pensées que tu avais eu toute la journée suite à l’exposé de ton étudiant. Ta nièce ne quitte pas pour autant ta tête, elle te manque, tu aurais tellement voulu la voir courir, gambader de partout, rire aux éclats, etc.. Tu n’as pas pu t’empêcher de pleurer. Mais avant d’entamer la discussion avec le musicien, tu as pu essuyer tes larmes. Après l’avoir remercié pour ce moment, il semble assez confus. Tu comprends, c’est normal, c’est déstabilisant de rencontrer une personne dans un tel lieu, tu t’en veux de l’avoir perturbé, tes jambes se croisent automatiquement, ne sachant plus trop où te placer. Cependant, les deux chiens du brun se rapprochent et viennent montrer leur soutien. D’habitude, tu n’es pas une grande fan des chiens, ayant eu quelques soucis avec ton chat et le chien de ton colocataire. Mais, cette fois-ci, tu te laisses facilement approcher. Les animaux comprennent si facilement les humains.. Tu décroises tes jambes et leur adresse une légère caresse, sans peur. L’homme te demande si tu connais la musique qu’il a joué, tu tournes ta tête. Non, tu ne connaissais pas, tu n’as jamais vraiment écouté du metal. Tu sais reconnaître quelques groupes enfin les grands noms, mais cela s’arrête là. « N-n-non désolée… » réponds-tu, timidement et honteusement de ne pas connaître, par peur qu’il te trouve nulle en musique..  Cependant, il te tend sa bouteille d’alcool, comme une invitation à discuter, cela te rassure. A ton avis, il ne l’aurait pas fait si tu n’étais pas la bienvenue. Tu refuses poliment d’un signe de tête accompagné d’un sourire. Tu ne bois pas souvent, et surtout pas en dehors d’un cadre festif. Mais tu appréhendes que ce refus soit mal vu par ce dernier et que votre échange se passe mal par la suite. Après tout, tu ne le connais pas et tu ne sais pas comment il peut réagir.. Or, lorsqu’il te propose de jouer un morceau pour toi, tu te détends, tu te sens plus à l’aise, et tu penses que tu ne le déranges pas. Tu souris à ses paroles, elles te font du bien, tu es plus calme. « Merci pour votre proposition... » tu réfléchis quelques instants, oui, tu aimeras bien qu’il joue un morceau où tu peux rajouter ta voie par-dessus même si tu n’es pas la meilleure des chanteuses, tu ferais ça pour Ava. « Si cela vous dérange pas, Somewhere only we know de Keane… s’il vous plaît. » c’est une musique que tu aurais aimé lui fredonner, elle est donc parfaite pour lui dédier. Elle est douce et innocente, comme ta nièce.. « Ce n’est pas vraiment dans le même répertoire que vous jouiez, je comprendrais si vous refusez » rajoutes-tu pour qu’il ne se sente pas obliger de le faire. L’échange se déroule de mieux en mieux, et il t’avoue être aussi gêné. « Ne le soyez pas, désolée, c’est moi qui vous aie perturbé.. et à vrai dire je suis aussi gênée » lui avoues-tu honnêtement, tu sens qu c’est au fond une bonne personne et que tu peux librement lui dire ceci. Tu laisses sortir un petit rire lorsqu’il se moque de lui, et pour détendre l’atmosphère, tu enchaînes par : «Vous auriez pu dire, le chien est le meilleur ami de l’homme, encore plus cliché. », tu te souviens que c’était par le rire que ton ami Blue avait réussi  à décoincer la rencontre qui était aussi gênante pour toi, et tu fais donc de même, prenant sur son exemple.

La musique guérit les douleurs, c’est ce que tu penses en ce moment, lors de ta rencontre avec cet inconnu. Il jouait de la guitare, tu as été bercée, puis curieuse, et vous voilà entrain de discuter de musique dans un lieu qui n’est pas vraiment dédier à de tels moments. Quoique… c’est une manière pour vous deux d’exprimer votre ressenti, ce que vous avez sur le cœur. Tu ne sais pas qui était la personne défunte pour lui, cela serait trop indiscret de lui demander, mais tu sais que vous partagez la même peine à cet instant présent. Tu continues donc la discussion sur votre sujet, la musique en avouant que tu ne connaissais pas le groupe ni la chanson qu’il avait joué. Sa réponse suite à cela te fait lâcher un petit rire. C’est sûrement scandaleux, oui, tu n’as jamais eu un grande culture musicale, te consacrant plus à l’art plastique mais cela ne t’empêche pas à vouloir en apprendre plus. « Je serai alors curieuse d’entendre d’autres morceaux » lui réponds-tu. Cependant, l’homme te propose d’abord de choisir un morceau. Un morceau qui pourra bercer ton cœur peiné, et tu espères celui de ta nièce. Naturellement, tu as choisi Somewhere only we know de Keane que tu aurais aimé chanter avec elle aujourd’hui. L’homme ne semble pas le connaître, et tu commences à fredonner l’air comme il te le demande tant bien que mal. Tu n’as jamais été une grande chanteuse, préférant jouer du piano. Il se met alors à jouer cherchant les accords, s’excusant s’il rate quelques notes. Tu ne lui en voudrais jamais, c’est déjà, à tes yeux, très généreux qu’il te propose de jouer pour toi. Et puis, tu connais le travail d’artiste, quand on essaye de faire quelque chose qu’on ne connaît pas, ce n’est pas évident du tout. Tu lui souris quand il te dit qu’il se sent capable de jouer le morceau. « Merci beaucoup, ne vous inquiétez pas pour les fausses notes, je suis déjà tellement reconnaissante que vous m’avez proposé cela » lui réponds-tu pour le rassurer. Tu arrêtes de fredonner pour concentrer ton oreille sur sa musique, à lui. Comme la première, elle te berce, tu te sens envoûtée par les notes qui défilent. L’homme t’invite à chanter sur sa guitare.  Tu essayes, un peu timidement avant de lui avouer « Je ne suis pas réputée pour être chanteuse, désolée.. » mais la mélodie prend ton cœur et tu te laisses emporter, même si ta voix reste standard, loin d’être une cantatrice de renom. A travers la musique, vous créez une bulle, rien que pour vous deux, et vos deux proches défunts. Vous ne prêtez plus attention à l’environnement, et vous vous souciez encore moins de la présence possible de personnes. C’est votre moment, votre moment de deuil. À la fin, les larmes te montent naturellement aux yeux, et tu les laisses couler sur tes joues, avant de les essuyer avec un mouchoir que tu as trouvé dans ta poche. « D-d-d-ésolée » dis-tu à ton partenaire musical « M-m-merci beaucoup pour ce moment. »