deux verres dans les mains. un pour moi, un pour mon destin - vega

Minuit. La nuit. C'est le moment que je préfère. Je sais, ça ne m'a pas toujours réussi, mais j'me sens attiré par cette ambiance vrombissante. L'ivresse que me procure les verres ingurgités, les interactions sociales un peu en surface, la musique qui tambourine dans mes oreilles. J'pourrais jamais m'en lasser. J'suis sorti avec des potes ce soir là, et comme bien souvent, on a clairement des objectifs pas très catholiques en tête. L'idée, c'est d'se choper une petite nana, canon de préférence, et j'passer du bon temps en sa compagnie. J'me focalise pas sur les relations amoureuses. J'ai déjà donné dans ce domaine, l'échec a été plus que cuisant et il est hors de question qu'une autre fille ne détruire mon petit coeur. Alors j'préfère me protéger quitte à blesser les autres. Ce truc de connard là, cet espèce de rôle que j'endosse, c'est surtout lorsque j'ai bu. On est assis à une table, un énième verre entre les mains. On déconne, on balance des trucs un peu lourd et surtout, on mate les filles. A la recherche d'la bonne proie. Je sais, c'est pas génial comme comportement, mais en soit, j'fais de mal à personne. Finalement, mon regard se pose sur une jeune femme, plutôt très belle. Elle s'appelle Vega, j'crois. On a déjà fait quelques soirées en commun mais j'l'ai jamais approché. De toute façon, j'ai rien à perdre. Alors j'quittes mes potes, gonflé à bloc, sur de moi. De toute façon, je sais que mon physique avantageux finit toujours par payer.

J’ai l’impression d’être un petit peu une vieille ses derniers temps, à rester chez moi la plupart des soirs à regarder une série dans mon lit. Je mets toute mon énergie pour ouvrir mon café dont j’ai toujours pas trouvé le nom, que le soir je n’ai pas forcément l’envie de sortir. Mais en ce moment, depuis que je me suis pris la tête avec Elmo et que je l’évite à moitié, ne sachant plus trop quoi penser concernant notre amitié, je ressors un peu plus, histoire d’éviter de le croiser à l’appart’, même si je crois qu’il a la même stratégie et du coup il arrive qu’on soit aux mêmes soirées. Je me suis fait embarquer au Hendrix par des amis que je laisse le temps d’aller me chercher un verre au bar. En attendant qu’il arrive, je regarde un peu les gens autour de moi. Quelques têtes connues que j’ai déjà croisés à d’autres endroits, certaines dont je n’arrive plus à me souvenir le nom pour les avoir fréquentés à une époque lointaine en soirées. Bowen n’est pas très grand alors souvent en soirée, au moins moitié de la salle est connue. Quand je récupère mon verre dont je bois une gorgée pour être sûre qu’il ne se renverse pas le temps d’arriver jusqu’à la table, je vois un type s’avancer vers moi. Enfin, il pourrait aussi bien s’avancer vers le bar pour commander mais le verre qu’il a laissé sur sa table n’est pas vide donc ça serait plutôt étrange et son regard dans le mien me fait me dire que je n’ai pas tord. Je l’ai déjà croisé quelques fois, je lui ai jamais parlé mais je crois qu’il connaît bien quelqu’un du Monkey Squad parce qu’il était là plusieurs fois où j’y étais, je crois, il y a toujours un peu de monde à leurs concerts alors c’est difficile de repérer toutes les têtes. Du coup je reste là un instant, histoire de voir si j’ai raison ou si je peux retourner voir mes amis.

Généralement, quand j'ai une idée en tête, j'peux difficilement me l'enlever et j'me fous à fond pour parvenir à mon objectif. Et malheureusement, quand j'ai quelques coups d'alcool dans le pif, c'est encore pire. On traîne avec les potes, dans ce bar de nuit, l'ambiance est assez bonne, et notre sujet de prédilection c'est les nanas. C'est un peu mon talon d'Achille. J'peux pas résister à la beauté des femmes, mais que ce soit bien clair, ce n'est jamais pour m'engager. J'l'ai déjà fait une fois, on sait tous ce que ça a donné. J'évite d'y repenser à cette fille qui m'a détruit mon petit coeur d'Italien romantique. C'était avant ça. On peut pas leur faire confiance aux filles. Alors plutôt que d'me faire avoir une seconde fois, j'préfère que ce soit moi qui soit dans cette position. Du connard. Le pire dans tout ça, c'est que j'prends un certain plaisir à draguer, à tenter de charmer. Mais au fond, j'sais que c'est pas tout à fait moi. J'ferais pas le couplet sur le mec qu'a un carapace, mais dans l'idée, c'est clairement ça. Ce soir là, déjà bien attaqué par la bière, j'repère une fille qui m'plait bien. Elle a une belle énergie doublée d'un physique très avantageux. Alors j'quitte mes potes, laissant ma bière sur la table. J'me mets en mode "beau-gosse". Ce qui consiste à ne pas faire grand chose puisque j'ai une pleine confiance en mon physique. J'm'approche de la jeune femme. C'est Vega. J'la connais de nom parce qu'on s'est déjà retrouvé à des soirées. J'pars clairement en terrain connu. Enfin, que j'imagine. J'm'approche d'elle, un beau sourire accroché sur mes lèvres. "Hé, Vega c'est ça? On s'est déjà croisé à quelques soirées, mais j'ai pas eu l'occasion d'te parler, alors .. considérons que c'est le bon moment." J'suis bien plus grand qu'elle, j'la surplombe d'ma carrure musclée, censée l'impressionner.

Bon je m'étais pas plantée, il venait bien vers moi pour me parler. Si ça avait pas été le cas, je me serais sentie un peu conne d'avoir été à côté de la plaque. Il a l'air d'avoir confiance en lui, je sais pas vraiment ce qu'il me veut mais pour l'instant on peut pas dire qu'il ait une attitude que je peux lui reprocher, ni l'inverse, il est juste ok. Il connaît mon nom mais moi j'arrive pas à en mettre un sur son visage. « Salut…ouais c'est ça. Moi j'connais pas le tien. Tu veux me parler de quoi ? » Je lui demande d'un ton tranquille même si je trouve qu'il s'est un peu trop rapproché. C'est toujours comme ça, quand y'a du bruit les gens s'imaginent qu'ils peuvent envahir ton espace vital pour te parler, souvent c'est des mecs qui font ça. Qui ça étonne ? Je recule légèrement pour retrouver une distance raisonnable entre nous. S'il avance à nouveau je comprendrais dans quelle catégorie il est. Ouais quand il s'agit des mecs je peux être plutôt expéditive pour les mettre dans la catégorie poubelle. Faut dire qu'il n'y en a pas beaucoup à garder. A une époque j'étais plus souple mais maintenant je me dis que c'est plutôt à eux de faire des efforts pour pas être problématiques. Mon engueulade avec Elmo ça a été un peu l'apogée, la cristallisation de tout ça. Je sais pas où ça ira de ce côté là d'ailleurs mais je suis venue ici en partie pour pas y penser.

Certains auraient tendance à dire que j'déborde beaucoup trop d'assurance, mais j'suis pas tellement d'accord. J'ai juste ce qu'il faut. A quoi ça sert d'se rabaisser constamment et d'se mutiler à coup de "j'suis nul, j'suis moche". Ca sert à rien. La confiance, c'est important. Et j'suis pas le dernier dans ce domaine. La jeune femme que j'ai en face de moi, elle semble un peu sur ses gardes. J'ai l'impression qu'elle me jauge, histoire de voir si j'peux faire l'affaire. J'l'ai abordé, avec facilité. Parler aux semi-inconnues ça m'impressionne pas. J'ai juste remarquer qu'elle s'est un peu reculer, comme si elle voulait mettre une distance entre nous. J'l'écoute. Elle semble un peu froide. Ca m'arrête pas. Mon charme naturel finit toujours par payer. "J'm'appelle Orso, ça te dit rien?" Comme si j'étais le gars le plus connu de Bowen. La confiance, j'vous dis, LA CONFIANCE ! Elle me demande de quoi je veux lui parler. Baaah, j'en sais rien moi! J'veux juste faire connaissance. Draguer un peu. Elle me déroute un peu avec sa question. Généralement, les nanas que j'drague sont un peu plus ouverte que ça. Mais elle est vraiment belle cette Vega là. Elle m'plait bien, et quand j'ai une idée en tête, il est très difficile d'me la retirer. Je m'accoude au bar qui s'trouve juste à côté de nous. J'suis embrumé par l'alcool, alors j'ai pas forcément beaucoup de filtre. "On peut faire connaissance, et puis après tu vas me trouver super cool, et on va rentrer ensemble pour la nuit. Tu vois le genre?" J'souris, riant presque à ma connerie. Habituellement, j'aime être cash, ça m'évite de perdre du temps. Soit ça passe, soit ça casse. Et j'sais pas pourquoi, mais le mood de Vega, là, la distance qu'elle a mit, j'ai comme l'impression que ça va pas s'passer comme prévu. Cela dit, je n'ai absolument pas envie de faire dans la dentelle. La franchise, ça paye toujours. Si c'est pas elle, ça sera une autre. J'suis pas un sentimental, moi.

Il y a des soirs où je suis plus facilement approchable dirons nous. Mais souvent quand quelqu'un vient me parler, quand c'est un mec, je me méfie et je suis clairement pas la personne la plus ouverte du monde. En même temps moi je suis tranquille dans un bar pour passer une soirée entre amis, j'ai pas à être sympa avec des mecs random qui viennent me parler. Du coup le type en face de moi me dit son nom comme s'il était aussi connu que Barack Obama. Mec redescend d'un étage ! Je hausse les épaules en buvant une gorgée de mon verre. Orso ça me dit vaguement quelque chose mais pas de quoi beaucoup m'éclairer. Je lui demande donc ce qu'il me veut, pourquoi il se pointe devant moi comme ça. Je lève les yeux au ciel à sa réponse. S'il veut pas cacher ses intentions, je vais pas non plus cacher mon exaspération. « Ouais j'vois très bien le genre. Le genre que j'trouve pas cool justement. Tu vas devoir te trouver quelqu'un d'autre même si franchement vu ton ego j'souhaite à personne de finir la nuit avec toi. » Des types comme lui, suffit de mettre un coup de pied dans une boîte de nuit pour qu'il en tombe une ribambelle. Ils sont tellement prévisibles que je pourrais prédire ce qu'il va me dire. Et ils sont tout ce que je déteste, des types privilégiés qui pensent que le monde doit être à leurs pieds parce qu'ils ont jamais connu autre chose dans leur petit milieu sans problèmes. Ça me fait penser à ce que j'ai dit à Elmo mais ce Orso là, il m'a l'air bien pire qu'Elmo, jamais j'aurais pu le supporter comme meilleur ami lui. Comme expliquer la vie à des mecs c'est pas franchement ma passion première, je me barre avec mon verre pour retourner à ma table.

Aussi loin que j'me souvienne, ma mère m'a toujours répété que j'étais le plus beau (à égalité avec mon frère Fede.. bien évidemment.) J'sais pas si ça vient de là, cette confiance et cet égo surdimensionnés, mais en tout cas, ils ne me quittent jamais. Et ils ont aussi tendance à doubler (comme si c'était possible) quand je suis saoul. Alors, là, j'suis pas arraché, on est qu'au début de la soirée, mais l'alcool ingurgité me donne la sensation d'être invincible. J'ai repéré Vega, et j'y suis allé franco. De toute façon, j'ai rien à perdre. Elle semble un peu distance. Et sa réponse ne tarde pas à claquer. Wahou. Quelle caractère. Je dirais même qu'elle est désagréable. J'fronce un peu des sourcils. Elle a carrément levé les yeux au ciel. Bon, j'reconnais, j'ai été assez lourd dans mon approche mais c'est pas une raison bordel !  Ca aurait pu m'amuser en temps normal de me retrouver face à une personne un peu sur le défensive. Mais elle, j'sens bien que j'pourrais rien en retirer. Pas de la manière dont j'aimerais en tout cas. "Tout doux Vega. C'pas la peine de te mettre à mordre comme ça." Elle tourne les talons, et elle s'éloigne déjà. Purée, elle a pas l'temps de niaiser celle là. "Eh bah à la prochaine! C'était un plaisir d'avoir un échange aussi constructif avec toi!" que j'lui lance, ironiquement, assez fort pour qu'elle m'entende. Là, on pouvait très bien parler d'un coup d'épée dans l'eau. C'était un échec. Cuisant. Elle semblait avoir des idées très arrêtées. Sûrement tout aussi strictes que les miennes, mais à l'opposé. J'retournais à la table de mes potes, qui s'marraient bien d'me voir revenir un peu bredouille. J'reprenais mon verre. Et j'attrapais le regard de Vega, de loin, levant mon verre avec un sourire un peu provocateur. J'en avais pas fini, elle pouvait être sûr. Fallait juste que j'change de stratégie. Mais avec l'ivresse, pas sûr que ça s'arrange.

Je vois pas pourquoi je devrais être sympa avec un gars que je connais pas qui m’a clairement fait part de ses intentions. Je suis pas intéressée, il a rien à dire à ça et pourtant il retrouve quelque chose à dire. C’est fou comme je déteste les mecs comme lui. Avant je pouvais encore un peu les supporter, mais maintenant c’est vraiment impossible pour moi de me dire que ce sont pas juste des mecs à mettre à la poubelle sans regarder en arrière, il n’y a rien à en tirer. Et puis bon, j’ai autre chose à faire de ma vie que d’expliquer comment ça fonctionne de pas être un connard, il y a trop de boulot de toute façon, ça prendrait des heures de leur expliquer tout ce qui va pas dans leur comportement. « Tu te prends pour qui à me dire comment j’dois me comporter ? » Dès que j’ai une conversation dans ce genre là, j’hallucine que ce soit possible. On est encore dans un monde où les hommes disent aux femmes comment se comporter, comment répondre, comment ne pas leur dire non et ça me rend folle. Comme j’ai déjà assez perdu de temps comme ça, je m’en vais, je retourne vers ma table pour oublier ce gars franchement insupportable et problématique. Vu ce qu’il me lance, ça a l’air d’être aussi un gars qui veut toujours avoir le dernier mot, est-ce que ça m’étonne ? Non, c’est beaucoup trop prévisible vu tout le reste de sa magnifique personnalité exposé en trente secondes. Cet échange m’a rendu maussade pour le reste de la soirée, parce que je flippe un peu qu’il vienne me revoir quand je vais partir et que ça finisse mal, parce qu’en général des gars comme lui ça s’arrête pas avec un nom. alors je m’arrange avec mes amis pour qu’on fasse la route ensemble, pour me rassurer. A un moment je croise son regard à Orso là, il me sourit et me lève son verre, j’ai envie de vomir, qu’il disparaisse.

Très clairement, cette première approche était catastrophique. La belle Vega venait de mettre un gros coup de pied en plein dans mon ego. Si elle voulait pas de moi, tant pis pour elle. J'lui avais pas non plus mis un couteau sous la gorge. J'étais pas de ceux qui force, j'étais pas un prédateur. J'la gardais quand même dans un coin d'ma tête. L'ivresse m'embrouillait un peu la tête, et j'dois admettre que ma méthode d'approche était un peu cavalière. Mais ça marche comme ça. J'veux surtout pas y aller avec des sentiments. Ca sert à rien les sentiments. Ca m'intéresse pas de retenter l'expérience. Alors j'vois les femmes seulement sous leur angle "plaisir". C'est hyper réducteur, je sais. Mais c'est comme ça. Je hausse les épaules à sa question rhétorique. En vrai, elle me dit aussi quoi faire. On vient très clairement de deux planètes très lointaines, et à en voir la petite entrevue catastrophique que l'on vient d'avoir, on a réellement rien en commun. Elle tourne les talons, rejoignant sa table. J'en fais de même. J'manque pas cependant de lever mon verre à son attention, de loin, un p'tit sourire sur les lèvres. J'aime pas quand on me résiste. C'est certain. Mais tant pis. J'vais pas lui courir après. Elle en vaut pas la peine. Et j'pense qu'elle se dit la même chose de moi. Vega, elle est pas down. C'est pas grave. J'vais pas m'arrêter à ça. Si j'devais arrêter de vivre à chaque fois qu'une fille me repousse, j'serais mort depuis longtemps. On peut pas plaire à tout le monde. Alors la soirée, elle poursuit son cours. J'oublie Vega et ses beaux yeux et j'me re-concentre sur mon verre, mes potes et la bonne humeur revient. Ils se sont bien foutus d'ma gueule au passage, mais j'en ris avec eux. Les heures défilent, la nuit s'obscurcit à mesure que mon esprit plonge dans l'ivresse. Malgré cet échec, la soirée n'en reste pas moins réussie, j'sais plus si j'suis rentré avec une nana ou pas, mais ça n'a pas d'importance. Il y en aura d'autre. Tout un tas d'autres.

FIN