si t'as l'impression qu'personne te comprend c'est parce que personne te comprend - vega

Ce soir, c'était soirée tranquille chez un pote. Il avait prévu d'faire un truc un peu peinard, histoire de changer un peu. On avait un peu fait fort la veille, et à presque 30 ans, j'me remettais plus aussi bien des soirées trop arrosées qu'avant. J'm'étais un peu traîné toute la journée, mais j'avais réussi à retrouver de l'énergie au contact de l'eau d'la rivière, guidant un groupe d'amateur pour une descente de canyoning. J'avais la sensation d'avoir vraiment un boulot génial. J'm'en lassais pas. Même après trois ans. J'étais repassé à l'appartement que je partageais avec Arielle et Detlev. Histoire de prendre une douche, me poser un peu pour repartir de plus belle. Sur la route, j'avais pris un pack de bière à la supérette. J'comptais pas me mettre la tête à l'envers ce soir. J'avais cependant de quoi me rouler un ou deux joints pour pimenter un peu la soirée. Je pouvais difficilement effacer tous les vices à la fois. Mais la défonce légère d'un joint, c'était moins violent qu'une consommation abondante d'alcool. J'arrivais un peu en retard à la soirée, j'avais été accueilli par mon pote qui m'avait dit de faire comme chez lui. J'regardais un peu autour de moi, saluant la quinzaine de personnes qui se trouvaient là. J'connaissais la plupart, mais avant de démarrer les hostilités, il fallait que j'mette mes bières au frais. J'me dirigeais alors vers la cuisine et mon regard croisa celui de .. Vega. J'crois que j'ai eu un p'tit mouvement de recul, j'étais surpris d'la voir là. J'me remémorais notre échange assez .. tumultueux de la semaine précédente. Cependant, j'lui adressais un sourire, poli. "Oh salut toi." J'entrais dans la cuisine, la contournant histoire de pas entrer dans son espace vital. J'ouvrais le frigo et je commençais à fourrer les bières à l'intérieur, là où je pouvais encore trouver de la place. J'm'arrêtais et j'me retournais, plongeant mon regard dans le sien. "Vega, j'peux te dire un truc?" J'lui adressais un p'tit sourire en coin. J'aurais pu m'excuser tout de suite, mais non, c'était pas totalement mon genre. Même si je savais bien que mon comportement d'la dernière fois était tout sauf.. acceptable.

@Vega Clark

J’avais accepté de sortir parce qu’en ce moment je dis rarement non. La fatigue commence à se faire ressentir parce que même si j’aime bien faire la fête, j’ai pris l’habitude d’alterner avec des soirées plus tranquilles à base de série netflix et de lecture. En plus de ça la journée, soit je bosse à la bibliothèque, soit je bosse sur mon projet de café qui prend de plus en plus forme. Ça me fait vraiment plaisir, au moins un truc qui roule dans ma vie. Parce que les autres sphères, c’est pas vraiment ça. La famille, rien de nouveau sous le soleil, j’ai une entente cordiale avec ma mère à qui je rends visite de temps en temps et de brefs contacts avec mon père depuis que je lui ai demandé de l’aide pour Elmo. Justement, Elmo, la partie amitié, c’est un peu la cata. Même si c’est pas mon seul ami, on peut dire que notre engueulade ça a été pas mal un coup dur pour moi, parce que maintenant je sais plus où me situer, je sais plus quoi faire. On s’évite tous les deux, je le sais et je regarde un peu les petites annonces de coloc pour éventuellement déménager même si j’adore notre appart’ et qu’on vit ensemble depuis que j’ai quitté la maison de ma mère, ça me ferait bizarre d’aller vivre ailleurs sans lui, mais ça serait peut-être mieux. Sinon, il y a l’amour aussi, ça j’ai un peu tiré un trait dessus depuis un moment, à force d’enchaîner les histoires qui finissent mal, j’ai compris que j’ai dû être une partenaire horrible dans une autre vie pour avoir que des plans foireux. Voilà le petit état des lieux rapide et pas très joyeux de ma vie actuellement. Du coup je sors, ça aide un peu à oublier tout ça même si je fais gaffe à pas trop boire, j’ai toujours été la plus raisonnable du lot. Ce soir je me retrouve à une soirée chez un gars que je connais un peu mais qui connaît surtout une amie à moi qui m’a dit de venir avec elle, je crois qu’il y a un peu un truc entre eux mais elle veut rien me dire. C’est un truc assez tranquille, sans trop de monde. Après avoir discuté avec quelques personnes, je pars faire un tour dans la cuisine me faire un verre. Je mélange quelques trucs ensemble, en faisant gaffe à la dose d’alcool. J’ai presque fini mon verre quand un gars entre. J’ai envie de prendre mes jambes à mon cou en le voyant. Non, pas lui. Il me dit salut mais je fais comme si j’avais pas entendu, c’est mieux comme ça. Il va mettre ses bières au frais et pendant un instant je me dis qu’on va plus s’adresser la parole et ça sera très bien. Mais non, il se plante à côté de moi pour me dire qu’il veut me dire un truc. « Quoi ? » Je lui dis d’un ton pas franchement amical. J’ai aucune raison d’être sympa avec lui. Il y a tellement de choses que je voudrais ajouter mais je garde ça pour moi, histoire de pas mettre de l’huile sur le feu pour rien.

J'suis vraiment pas du genre à m'excuser d'être qui je suis. Généralement, j'fais ma vie de mon côté et j'essaye de pas trop m'occuper de ceux que je n'intéresse pas. Mais j'sais pas pourquoi, ce soir là, quand j'avais posé mes yeux sur Vega, j'm'étais senti obligé d'lui adresser la parole. J'sais pas pourquoi, mais j'l'avais un peu en travers d'la gorge notre conversation de la dernière fois. Elle avait assez froide. Bon, c'est vrai que je n'avais pas été un exemple de politesse et de délicatesse la dernière fois dans le bar. Mais j'comprenais pas pourquoi elle semblait autant excédée par ma personne alors que je ne lui avais clairement rien fait. On avait quelques potes en commun, alors d'la retrouver là ce soir, ça signifiait bien qu'on allait être amené à se revoir, régulièrement. Et j'aimais pas quand il y avait ce genre de froid glacial entre moi et quelqu'un d'autre. J'voulais pas que ça s'transforme en animosité. J'l'avais salué mais elle n'avait même pas pris la peine de répondre. Bordel. Elle me détestait. Mais j'm'arrêtais pas à ça. J'décidais de reprendre la parole. J'la regardais. J'nageais entre deux eaux. Celle de continuer mon petit jeu de drague et celle de mettre les choses à plat et désamorcer. Très clairement, la réponse de Vega, elle était froide. Très froide. Alors je soupirais. J'fermais bruyamment le frigo, une bière entre les mains. Et j'la décapsulais avant de remettre mon regard dans celui de Vega. "La soirée dernière, j'ai agis un peu comme un con. J'voulais pas te mettre dans l'embarras." Alors, je n'avais pas formulé des excuses, je ne voulais pas m'excuser pour si peu. Mais c'était déjà un bon début. J'reconnaissais mes tords. J'avais fais un peu le gros lourd. L'alcool m'avait clairement pas aidé. C'est d'ailleurs très souvent quand j'étais saoul que j'avais ce genre de comportement. Le reste du temps, j'étais plus soft. Bien que je ne reculais jamais devant une occasion de draguer un peu. Mais là, avec Vega et son air franchement pas amical, ça me donnait aucunement envie d'la draguer. Pas pour l'instant du moins. "J'sais pas exactement c'que tu penses de moi, mais j'crois que j'ai pas tellement envie d'le savoir." J'avais souris un peu. J'étais pas un gars méchant, j'étais pas de nature désagréable. J'avais fais un premier pas vers elle. Il ne restait plus qu'à savoir comment elle allait réagir. Si elle demeurait froide comme ça, j'crois qu'à l'avenir, je ferais tout pour l'éviter. C'était un peu le revers d'la médaille. A me comporter comme un goujat, c'était pas étonnant que j'attire les foudres de certaines. A commencé par celle de Vega. Et j'crois que j'aimais pas trop qu'on me renvoie cette image de moi. Parce que au fond, j'sais que j'étais pas vraiment ce gros lourd prétencieux.

Il a l’air plus posé que la dernière fois, enfin c’est l’ambiance qui l’est surtout. Mais je me méfie de ce qui pourrait arriver si la situation s’envenime. La dernière fois il n’est pas revenu me parler, est-ce que c’est parce qu’il a trouvé quelqu’un à aller emmerder (pour le dire gentiment) ou parce qu’il est certes un gars pas exemplaire en matière de comportement avec les femmes, mais pas non plus le genre à vriller dans le harcèlement et à forcer les choses. Je ne sais pas si j’ai envie de le savoir. Je déprime déjà suffisamment avec toutes les histoires de mecs problématiques que je peux entendre quotidiennement, je n’ai pas besoin d’en voir un exemple de plus débarquer dans ma vie. Je lui réponds le minimum, prenant sur moi pour ne pas juste partir avec mon verre à moitié fini. De toute façon, l’appart’ n’est pas si grand alors l’éviter ça voudrait surtout dire partir de la soirée et bon, j’ai pas envie qu’il gagne et qu’il m’empêche de passer une soirée cool juste parce qu’il est là. Il s’excuse à moitié, vraiment à moitié parce que j’ai l’impression que ça le brise dans son ego d’admettre qu’il a mal agi, ça doit pas faire assez mec pour lui de s’excuser. Je vais pas non plus me réjouir qu’il se rende compte, un peu, de son comportement problématique, ça devrait être normal, tout comme ça devrait être normal de draguer sainement, de pas être insistant et de respecter l’autre, mais ça, y’a que dans mes rêves que ça existe. « Tu peux retirer le un peu et on sera plus proche de la réalité. » Je lui réponds avant d’ajouter « Dis-toi que j’ai pas dû être la seule que t’as mis dans l’embarras comme tu dis, juste peut-être que tout le monde n’ose pas te le dire, pense à ça. » Je sais que tout le monde n’aurait pas osé le rembarrer, parce que ça peut faire peur, parce qu’on se dit que ça ne serait pas sympa, pour tout un tas de raisons. Il continue ensuite en disant qu’il n’a pas trop envie de savoir ce que je pense de lui. On peut pas dire que je fasse de mystères sur la question mais c’est vrai que je suis restée plutôt soft la dernière fois, parce qu’il y a qu’à elmo où j’ai bien voulu faire un mini exposé des trucs problématiques, et encore très succinct, parce que bon c’est pas n’importe qui pour moi. Alors qu’Orso, il est personne. « T’as raison, vaut mieux que tu continues à te bercer d’illusions que je suis juste une meuf chiante et que bon toi tu dragues de manière un peu lourde des fois, mais bon ça va, y’a pas mort d’homme non plus, faut se détendre, pas la peine d’en faire tout un plat. » Après tout c’est ce qu’il m’a dit la dernière fois, de me calmer sans se rendre compte tout ce qui va pas dans sa manière d’agir.

Pour moi, les relations avec les filles, c'est juste un jeu. J'veux surtout rien de sérieux. Ca me fout en rogne rien que de repenser à ce que cette nana là, mon ex, elle m'avait infligé en disparaissant d'ma vie du jour au lendemain. Me laissant bien seul avec mes sentiments amoureux pour elle. Alors j'm'étais juré que plus jamais je mettrais de l'amour dans le coeur d'une fille pour préserver le mien. Alors, forcément, je draguais et j'envisageais les femmes seulement par le prisme du plaisir. J'étais constamment en recherche d'une nana pour une nuit, pour passer du bon temps et j'me souciais que très peu d'leurs ressentis. Vega, que j'avais un peu fait chier l'autre soir, elle était présente à cette soirée plus calme. J'étais pas du tout dans les mêmes conditions. Le Orso en soirée, c'est pas le même en fonction des paramètres. Et ce soir là, j'avais pas du tout dans l'idée de draguer. C'était une soirée entre pote, plus tranquille. C'est pour ça que j'm'étais permis d'adresser la parole à Vega. Déjà pour faire ce qui s'apparentait à des excuses. Je levais un peu les yeux au ciel en entendant sa réplique. "Hé, ça va, j'suis pas un forceur non plus! J't'ai pas agressé. Mon but, c'était juste d'me trouver une nana pour la soirée, et c'était pas toi, voilà tout." J'pense pas que j'mettais tant que ça de filles dans l'embarras. Quand j'tombais sur une femme dans le genre de Vega, je lâchait très vite l'affaire. J'sentais bien qu'entre elle et moi, c'était pas vraiment le grand amour et j'avais bien l'impression que ça ne le serait jamais. Elle semblait tout de même bien bornée dans ses idées. "J'me berce pas d'illusions Vega. Si toi t'as le droit d'être ultra froide et de décider d'envoyer bouler le moindre gars qui t'aborde, moi j'ai aussi l'droit d'avoir envie de draguer. Tu crois pas?" J'marquais une pause. "On est juste bien , bien différent toi et moi. C'est tout. Et puis, faut t'accepte aussi que mon p'tit jeu, il puisse marcher avec d'autre." Vega, elle voulait me faire la leçon. J'le sentais bien. Mais moi, j'me sentais bien dans mes baskets. J'avais pas besoin d'prendre la morale de quelqu'un. Si j'avais été plutôt sympathique jusque là, à lui faire comprendre que j'regrettais de l'avoir aborder de cette manière, j'allais pas non plus me mettre à la supplier de quoi que ce soit. J'la regardais, dubitatif. "J'me m'demande qui t'a brisé le coeur comme ça, pour qu'tu sois aussi vindicative." C'était pas d'la provocation, j'étais sérieux premier degré. A l'écouter, j'avais l'impression d'être une horrible personne. Mais j'étais pas si terrible que ça quand même. Alors j'étais bien décidé à comprendre pourquoi elle avait cette barrière défensive aussi forte autour d'elle.

Des fois je me demande à quoi ça ressemble la vie dans la tête d’un mec blanc cis hétéro valide, un gars qui n’est pas discriminé, qui ne vit pas dans un monde où il a de base moins de chances que les autres. La vie doit être belle quand on n’a pas à se soucier de tout ça, quand on peut juste se dire allié pour avoir bonne conscience mais continuer à profiter de ses privilèges. Et Orso, je pense qu’il se rend juste pas compte de la réalité du monde, que quand il vient parler à une fille en soirée en se disant qu’il va pouvoir coucher avec dans la minute parce qu’il est juste génial, la fille en face elle n’est pas forcément dans le même mood et elle ne voit pas forcément un gars en face d’elle. Elle se demande s’il ne va pas la forcer à faire des trucs qu’elle veut pas, s’il va rien mettre dans son verre, s’il va s’énerver si elle lui dit non, s’il va la suivre, faire des choses sans son consentement tout simplement. « Ça c’est ce que tu vois toi, parce que t’es l’impression de juste draguer, te trouver quelqu’un pour la soirée, mais c’est pas juste ça. » J’ai pas envie de me lancer dans des grandes explications, de toute façon est-ce qu’il en aurait quelque chose à faire ? Si c’est pour me dire oui oui sur le moment et continuer derrière à draguer comme un vieux lourdingue, j’ai autre chose à faire. J’ai déjà essayé avec d’autres, à l’époque où j’avais peut-être un peu plus espoir, du temps à perdre et foi en les gens pour réellement essayer de changer. Mais aujourd’hui, je suis lassée de ça et oui, vingt-deux ans et déjà blasée du monde, ça promet pour la suite ! Heureusement que j’ai quelques personnes autour de moi à qui parler et avec qui garder espoir sinon je passerais mon temps à déprimer. « Y’a des manières de draguer, des façons d’agir pour que tout le monde soit bien, c’est pas c’que tu m’as montré, ok on est différents, ton jeu il fonctionne avec d’autres, je m’en fous. Remet toi en question deux minutes sur ta manière d’agir, sur le fait que si ton jeu fonctionne c’est parce qu’on vit dans une société patriarcale où les choses sont plus simples pour toi que pour moi. » Oulah j’ai dû sortir un gros mot avec société patriarcale, je m’attends à ce qu’il me regarde avec des yeux ronds en me demandant ce que ça veut dire. Je lève les yeux au ciel quand il se demande qui a pu me briser le cœur pour que je m’énerve autant contre lui. « C’est vrai qu’il faut forcément qu’il y ait un mec là-dessous, j’peux pas avoir mon caractère et mes convictions sans qu’on ramène ça à un mec. » C’est bien vrai ça, les femmes peuvent pas avoir des valeurs elles mêmes ou s’exprimer avec autant de véhémence si aucun homme n’est passé par là, ou alors elles sont lesbiennes, mais ça c’est uniquement parce qu’elles n’ont pas trouvé le bon gars, bien sûr !

Vega et moi, c'était pas tellement la même longueur d'onde. Pas du tout même. J'voyais bien que j'la saoulais. On était campé sur nos visions différentes des choses et ça pouvait pas coller. J'l'écoutais et je fronçais un peu les sourcils. "Et c'est quoi alors?" que j'lui demandais presque du tac au tac. J'suivais pas son mode de pensée. Moi, j'étais juste un dragueur, et j'allais pas agresser une fille pour qu'elle fasse des trucs avec moi. J'voyais pas le problème. Et j'allais certainement pas prendre les foudres de Vega pour quelque chose que j'avais pas fait. C'était pas à moi de payer pour les autres gars. J'étais toujours resté droit dans mes bottes, j'avais jamais forcé personne. Vega, elle reprit la parole et j'levais les yeux au ciel en entendant son couplet sur la société patriarcale. Je râlais presque en reprenant la parole. "Ohh come on Vega! Tu vas pas me sortir ce refrain là. C'est pas parce que j'suis un gars un peu dragueur que faut m'tenir responsable du malheur des femmes. Tu mélanges tout là." J'étais à deux doigts de m'énerver. Mais j'avais pas du tout envie de créer un conflit. Et encore moins à cette soirée censée être calme. Mais la suite de la conversation s'envenimait à la vitesse de l'éclair. Telle une traînée de poudre, impossible à stopper. Vega, j'avais l'impression qu'elle m'attendait à chaque coin, chaque virage et que j'pouvais dire n'importe quoi, elle aurait toujours un reproche à me faire. Je lève encore les yeux au ciel. J'lève les bras en signe de résignation. "Ok, ok, j'ai bien compris. T'aurais toujours un reproche à me faire." J'me passe une main sur le front, comme pour analyser les possibilités. Ou alors j'lui rentre dedans et on part au clash, ou alors j'mets de l'eau dans mon vin et j'apaise les choses. Très clairement, j'suis partagé entre les deux là. J'regarde un peu derrière Vega, j'vois nos potes qui sont posés et qui n'ont pas du tout demandé à ce qu'on se prenne la tête, elle et moi. Je soupire. J'vais désamorcer, c'est le mieux à faire. "Ok, j'suis désolé. On est parti du mauvais pied toi et moi." J'marque une pause et une idée un peu con me traverse l'esprit. "On va faire comme si on s'connaissait pas, ok? Genre, comme si on se rencontrait, et j'peux te montrer la version acceptable de moi-même." J'lui souris un peu, histoire d'lui montrer que j'peux être un peu marrant. En fait j'lui laisse pas le temps répondre, et j'me retourne. Juste trois secondes. Puis j'lui refais face. J'lui souris. "Oh, bonjour. Je ne vous avais pas vu arriver. J'm'appelle Orso, enchanté." que j'lui sors, en lui tendant la main. J'trouve ça assez drôle et très clairement, c'est ma dernière tentative pour essayer de rattraper les dégâts avec Vega. Après ça, je ne répondrais plus de moi.

J’ai pas envie de jouer les pédagogues, d’essayer de lui faire comprendre des trucs alors qu’il n’en a rien à faire. Pour lui c’est juste une histoire de drague à la con, il a été un peu lourd, fin de l’histoire, pas besoin d’en faire tout un plat. Sauf que de mon côté c’est pas juste ça, c’est le reflet de la société dans laquelle on vit, avec tous ces problèmes. Mais ça serait bien trop long à expliquer. « J’ai pas envie de te faire un exposé là en fait. » Je lui réponds avant de quand même un peu plus détailler mon propos ensuite parce que je peux pas juste la fermer sur des sujets aussi importants. Et sa réaction m’étonne absolument pas, je fais bien de pas perdre mon temps à faire des explications vu comment il lève les yeux au ciel quand je parle de société patriarcale. Rester un minimum calme est franchement compliqué quand j’entends des mecs cis hétéro chouiner parce que c’est injuste qu’on leur reproche la société patriarcale alors que eux ce sont des bons gars, un peu lourds des fois mais bon not all men hein, faudrait pas tous les mettre dans le même panier attention, moi je suis un gars bien quand même. « Je mélange rien du tout, mais t’es incapable de le comprendre parce que t’as jamais dû t’intéresser à ça, c’est des histoires de meufs de toute façon c’est ça ? » Ça serait pas la première fois que je l’entends celle-là. Genre : nan mais moi je fais de mal à personne, mais bon le féminisme ça me concerne pas vraiment, je suis un mec, c’est pas trop mon problème. Mais derrière ça va venir faire du mansplaining pour dire que non tel truc n’est pas comme ça. Et quand sa collègue est moins bien payé, ça va pas non plus aller dire quelque chose, après tout ça le concerne pas directement. Il faudrait surtout pas interférer, non, laissons les se débrouiller et surtout ne faisons rien pour changer les choses. A défaut de comprendre les choses que je tente de lui expliquer, relativement simplement, Orso comprend que j’aurais toujours quelque chose à lui reprocher. Oui sûrement, parce que vu son comportement, mon puits de remarques est sans fond, quitte à tourner en rond parce qu’il ne veut rien entendre. Mais je ne dis rien, je retourne juste à mon verre que je finis, histoire d’échapper à cette conversation, à défaut de pouvoir lui échapper pour la soirée. Il tente de se rattraper, que j’oublie son comportement de merde mais il va m’en falloir un peu plus que ça. « Le mieux ça serait que y’ait seulement une version acceptable de toi. » Et pas qu’il foute le reste sous le tapis. Mais il fait quand même son truc, à se présenter comme si on se connaissait pas. « Bonjour, Vega, enchantée, je bois les larmes des mecs ouin-ouin au petit dej et je rêve de démolir le patriarcat. Ça va ? » S’il pensait s’en sortir comme ça, c’est raté.

De toute façon, avec Vega, on ne se comprend pas. C’est comme si on était définitivement moulé dans deux conceptions totalement différentes de la vie. Elle était bornée mais je l’étais aussi largement. Alors du coup, ça donnait rien de très bon. Elle avait une image très négative de moi, j’avais eu le malheur d’être un peu maladroit la première fois qu’on s’était parlé. Alors ouais, j’avais été lourd, mais j’avais pas non plus été un giga connard et voilà qu’elle m’avait pris en grippe, me reprochant tout un tas de truc pour lequel je ne pouvais rien. Vega, elle m’avait pas adressé un seul sourire, pas une petite mimique positive. J’avais juste l’impression d’la faire royalement chier, et elle me prenait un peu de haut aussi. Du coup, j’étais vraiment déstabilisé, presque inconfortable. J’avais pas pu m’empêcher de lever les yeux au ciel, histoire d’lui montrer qu’elle allait un peu trop loin et que je n’avais pas à payer pour les conneries des autres. Vega elle me loupait pas, elle laissait rien passer. "Mais pas du tout.." J’laissais mes mots en suspens. Avant de marquer une courte pause et de reprendre. "Bref, on va tourner en rond là, ça sert à rien de faire un scandal à cette soirée." J’avais pas du tout envie de gâcher cet instant, j’étais pas venu pour me prendre la tête avec une nana. C’était pas dans mon programme. Et Vega, de toute façon, elle semblait pas vouloir désamorcer. J’avais fais une tentative, lui proposant de faire comme si on se ne connaissait pas. J’pensais que ça allait un peu l’amuser, qu’elle allait m’offrir un p’tit sourire ou au moins une once d’amusement mais nan rien. Elle s’était présenté en me reparlant de patriarcat. J’la regardais, presque dépité. "Tu lâches jamais rien toi hein." J’secouais un peu la tête et j’me reculais, empoignant ma bière. "J’crois qu’on est vraiment pas fait pour se comprendre." J’lui adresse un signe de la tête et j’quitte la cuisine. J’ai aucune envie de perdre mon temps avec une fille comme elle et j’crois qu’elle non plus ne veut pas perdre de temps avec un gars comme moi. Ca tombe, parfaitement bien. J’rejoins nos potes dans le salon, j’m’affale sur l’un des fauteuils. J’y reste pas longtemps que parce que là, ma conversation avec Vega, ça m’a tendu. Alors j’ai besoin d’une clope. Je sors sur le balcon, et j’m’allume ma cigarette. Elle me déstabilise tellement cette nana, j’sais plus quoi faire. Alors prendre un peu de recule, ça peut pas faire de mal.

Je vois pas pourquoi je devrais faire des efforts pour être sympa, je le connais pas ce gars et même si je le connaissais ça changerait rien, je passe pas des trucs qui me révoltent aux gens sous prétexte que c’est mes amis. Je l’ai déjà fait, avec Elmo, sans me rendre compte, sans réaliser que juste à côté de moi, tout proche, se trouvait un gars qui en temps normal m’aurait plus qu’agacé, le genre comme Orso là. Peut-être que si on s’était rencontré avant, Orso aurait fini par être mon meilleur ami, j’ai vraiment du mal à y croire mais bon, et si j’avais rencontré Elmo maintenant, je l’aurais détesté. Je me dis qu’avec toutes ces années à vivre ensemble, je l’ai rendu moins catastrophique que s’y on ne s’était pas connu, mais j’en sais rien. Je me rends surtout compte qu’on a encore du boulot pour arriver à l’égalité. Et comme le dit Angèle, oui j’écoute un peu de chanson francophone histoire de me remettre à mon français pas mal oublié depuis l’école, faudrait peut-être casser les codes, une fille qui l’ouvre ça serait normal. Parce que là j’ai surtout l’impression qu’Orso me dit un peu : sois belle et tais-toi, mais il est pas tombé sur la bonne personne. « Ouais désolé d’être une fille hystérique. » je lui dis d’un air blasé, parce que bon attention, faudrait surtout pas faire de remous après les gens se remettraient en question et tout, ça irait pas quoi. Il tente bien de repartir du bon pied ensuite mais dommage pour lui, j’ai pas la mémoire d’un poisson rouge et mes convictions, je suis pas du genre à les cacher donc si ça lui plaît pas que je sois féministe, c’est clair qu’il n’y a clairement aucun espoir pour qu’on se supporte. « Nan désolé j’ai des principes et ils passent avant tout globalement, sorry faudra te trouver une pick me girl, c’est plus ton genre. » Parce que ça a l’air d’être ce qu’il cherche, une femme qui ira s’attirer ses bonnes grâces en balançant sur toutes celles un peu trop féministes à ses yeux. J’attends qu’il soit parti avant d’attraper mon verre et sortir de la cuisine. Il n’est pas dans le salon lorsque j’y reviens et je le vois en train de fumer sur le balcon, je vais pas avoir à le supporter pendant cinq minutes. Je vois quelques regards avec beaucoup trop de sous-entendus se poser sur moi et je souffle en levant les yeux au ciel. « L’ennemies to lovers c’est le pire trope, alors calmez-vous. »

J'sais plus sur quel pied danser avec Vega. J'crois même que je commence à regretter de lui avoir adresser la parole la dernière fois dans ce bar. Clairement, elle me met au pied du mur, elle a une estime de moi qui est si basse qu'elle me fait douter de moi même et de ce que je pense vrai. Et ça, j'aime pas du tout. J'suis un gars droit dans mes bottes, j'm'en suis toujours convaincu. J'étais le genre qui passait bien avec tout le monde, avec ma tchatch d'italien et mon grand sourire, mais apparement, ça marchait pas sur Vega. Elle en démordait pas. Je levais encore une fois les yeux au ciel face à ce qu'elle venait de dire. "J'ai jamais dit une chose pareil..." mais j'crois en vrai que ça servait à rien que j'dise quoi que ce soit. C'était peine perdue. Elle et moi, ça matcherait jamais. Fallait qu'on s'rende à l'évidence. J'avais fini par lui dire qu'elle et moi on se comprendrait jamais et j'crois qu'elle était d'accord avec moi. Ca nous faisait un point commun non? J'avais rien répondu à ce qu'elle avait dit, préférant quitter la cuisine, laissant Vega toute seule. J'avais eu ma dose de nana dans son genre pour ce soir. Clairement, j'voulais pas m'énerver, j'voulais juste profiter de ma soirée et c'est tout. Mais là clairement, j'avais plus trop envie de m'amuser. Après un bref passage par le salon, j'étais parti me fumer une clope, histoire de redescendre un peu en pression. Du coin de l'oeil, je vois Vega qui arrive dans le salon. La porte du balcon, elle est entre-ouverte et j'entends sa réflexion. J'crois que les potes avec qui on était nous avait un peu entendu dans la cuisine et Vega avait sûrement essuyé quelques regards en coin. J'lâche un p'tit sourire en écoutant ce qu'elle dit. J'rajoute rien mais j'étais bien d'accord avec elle. Et puis, de toute façon, j'voyais absolument pas comment c'était possible qu'on puisse un jour trouver un terrain d'entente. J'écrasais mon mégot de cigarette et j'retournais dans le salon, me posant sur un des fauteuils de libre. Et la soirée poursuivit son cours, j'avais plus regardé Vega, on s'était plus adressé la parole. J'étais resté encore une p'tite heure, parce que malgré tout, j'passais un bon moment avec les autres. Et puis j'étais parti. Fallait avouer que d'avoir Vega dans mon cercle vital là, c'était pas ultra agréable. J'ferais tout maintenant, pour l'éviter. Elle et moi, c'était juste pas possible. Jamais.

FIN