+ and I fall apart (Rory)

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Elliot était à l'appartement, seul. Abygaël et Lenny-Blue se promenaient dans le parc près de chez eux, lorsqu'on l'a appelé. Pour Rory. En fait, aussitôt, il s'était imaginé entendre une mauvaise nouvelle. Il avait douloureusement fermé les yeux, et attendu les mots qui lui auraient confirmé ses doutes. Cela faisait des semaines, les médecins lui avaient dit de ne pas trop espéré. Et Elliot n'avait pas pu se résoudre à les écouter, alors, oui, il a espéré, il a attendu, et rien n'est venu, Elliot perdait patience. Perdait espoir. Pourtant, au téléphone, une voix lui disait maintenant que Rory, son Rory, allait mieux, sorti de son interminable coma. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, le jeune homme se sentait en vie, comme si son petit ami l'avait emporté avec lui... Pendant plusieurs secondes, aucun son ne parvint à franchir ses lèvres. Il n'espérait plus, il se sentait coupable de ne pas avoir cru en lui, et par-dessus tout, tellement soulagé, tellement heureux...C'en devenait troublant, submergeant. La voix l'a presque aussitôt remis à sa place. Il y avait une petite..complication. Elliot raccrocha, griffonna quelques mots à l'attention de sa meilleure amie, et se précipita vers l'hôpital. Rory était de retour, qu'est-ce qui aurait venir troubler - à nouveau - ce bonheur-là ? Cela aurait été de l'acharnement, de la part du destin...et Elliot ne voyait rien de pire que le coma ou la mort, sachant qu'en plus son petit ami pouvait parler, aucun problème de ce côté-là, apparemment. Il ne voulait pas croire à un nouveau problème, il en avait eu tellement peu dans sa vie, et Rory...beaucoup trop...Arrivé devant la chambre de Rory, Elliot entra avec un sourire éclatant, sans se douter de la suite. Comme d'habitude, comme au premier jour, à la vue de son petit ami, son coeur reprit ce battement fort, irrégulier - mais rassurant -. Tout allait bien, leur vie allait reprendre son cours.

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Près des yeux loin du coeur.
Elliot & Rory
fiche par ©century sex

Déboussolement total. Je me sens complètement paumé. Impossible de faire dire à quelqu'un comment vont Sarah et ma fille. J'ai seulement droit à des "Vous étiez seul dans le véhicule quand il a été percuté, monsieur." Mais. Mais. Diantre non, je n'étais pas seul. J'étais avec Sarah. Et Lenny-Blue. Merde à la fin. Comment peut-on ne pas retrouver un nourrisson, hein ? Ca ne vole pas, un bébé. Ca ne disparaît pas comme ça.
J'avais peur. J'avais terriblement peur pour ma Lenny-Blue. Ma fille. Mon bébé. Elle n'avait que quelques jours mais ce que je pouvais l'aimer ! Ma si jolie Lenny-Blue. Si paisible. Si douce. Si parfaite.
On m'a dit que j'étais resté plusieurs semaines dans le coma. Plusieurs. Semaines. Tout s'embrouillait dans ma tête. J'avais encore le crash en tête. Des sons. Le rire de Sarah. Mais aussi une poussière dans mon oeil. Et personne à côté de moi. La radio allumée, braillant une chanson dont je ne me rappelle plus du titre, et un silence détendu. La tension de ramener ma fille chez nous pour la première fois, et celle de retrouver quelqu'un que j'aime plus que tout. C'était si... Troublant. Il fallait que je me vide la tête. On m'a dit qu'on allait m'apporter une nouvelle chemise de nuit hospitalière, et qu'on viendrait pour m'aider é me laver. Aide que j'ai poliment refusée. J'ai allumé la télévision. La chaîne des informations est apparue sous mes yeux. La date m'a choquée. Si j'étais resté plusieurs semaines dans le coma, comment est-ce possible que dans quelques jours, ma Lenny-Blue naisse ? J'ai éteint l'écran, plus troublé que je ne l'avais été depuis mon réveil. J'ai posé un pied au sol, et suis allé d'un pas mal assuré jusqu'à la salle de bain, qui ne devait pas être plus grande qu'un timbre poste. J'ai bien vite compris l'utilité des barres fixées au mur, pour se retenir, et ne pas tomber à la renverse. Le sol glissant, la tête qui tourne, les jambes qui flanchent... J'ai néanmoins - non sans difficultés - réussi à me laver, et me secher à peu près correctement. Une aide-soignante est venue me réprimander de ne pas avoir sonné pour qu'on vienne m'aider plus tôt quand j'ai demandé qu'on noue la chemise de nuit derrière ma nuque. Elle m'a également aidé à m'allonger à nouveau, me sommant de ne plus sortir de mon lit. J'ai grogné de frustration. Comment ? Comment voulait-elle que je reste allongé alors que mon bébé était quelque part, sans moi ? J'avais mal au crâne. Et affreusement soif. J'avais bu la totalité du pot d'eau sur la tablette à côté de moi. J'ai donc pressé le petit bouton de la télécommande pour qu'on m'aide à le remplir à nouveau, et à peine quelques secondes après que j'ai relâché le bouton, la porte s'est ouverte. Le jeune homme qui est entré ne m'était pas inconnu, mais j'étais incapable de me remémorer où je l'avais vu. Ses boucles brunes. Ses yeux. Ce sourire. Ce regard, qu'il posait sur moi.
- Hm... On se connaît ?

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Elliot l'observa, sans rien dire d'abord, avant de s'approcher un peu plus, comme intimidé, soudainement. Il crut d'abord à une plaisanterie. Rory devant lui, bien éveillé, penser de façon négative devenait presque impossible. Il répondit par un rire, nerveux ou amusé, ça Dieu seul le savait.

- On partage le même appartement. Et le même lit, de toute évidence. Tu ne vas pas me faire croire que quelques semaines t'ont suffi pour m'oublier, si ?

Son rire finit par se perdre au loin. Il se stoppa net, soudain pris de doute. Et si ce qu'il avait pris comme une taquinerie n'en était pas une ? Et si la fameuse "complication", l'imprévu...s'expliquait pas une "simple" perte de mémoire, une amnésie ? Le teint blême, ses sourcils se froncèrent d'eux-même et la boule qui l'oppressait reprit sa place. Lorsqu'il riait ou s'amusait, lorsqu'il n'était pas sérieux, ses yeux prenaient cet éclat qu'il adorait...et malheureusement, ses yeux ne brillaient pas, aujourd'hui. La gorge serrée, Elliot hésita, et finit par s'installer sur la chaise qu'il avait occupée pendant les dernières semaines, sans quitter des yeux Rory. Sa tête s'était mise à tourner, un peu plus et il tombait.

- Tu..tu ne m'as pas oublié ? C'est..c'est impossible. Ca ne peut pas être réel. Je..je t'ai attendu. Pendant des semaines. Et tu m'as manqué. Beaucoup. Ne me dis pas que tu ne te rappelles pas de moi..

Son ton se faisait suppliant, désespéré. Rory ne pouvait pas, il n'avait pas le droit, ils s'aimaient, Rory aimait aussi sa fille, il aimait aussi Abygaël. Une vie effacée, ça ne pouvait pas être vrai, ce genre de choses n'arrivait qu'aux autres. Pas à lui, pas à eux. Il espérait se tromper. Dans quelques secondes, Rory allait se mettre à rire de sa crédulité, et plus tard, en racontant ça à Aby, il en rirait aussi.

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Je me sentais oppressé par une sensation terrible de déjà-vu. Ses yeux. Son rire. Sa voix. Ses mots étaient comme des coups de poing dans le ventre que me donnaient la réalité. Pas la mienne. Non. La vraie. Des gifles à pleines mains sur mes joues, comme pour me dire « Eh ! Rory ! Reviens à toi, vieux ! » Mais impossible. Impossible de mettre un nom sur ce visage qui m’est, il faut bien le dire, quelque peu familier. Impossible de dire si oui ou non, je vis avec cet homme. Impossible de… Attendez une minute. Un homme ? Un… Homme ? Impossible, oui. Simplement impossible. Je le saurais, si j’étais gay, non ? Si. Seulement… Voir son visage se décomposer sous mes yeux ainsi quand il a compris à mon air perplexe que non, je ne plaisantais pas… Je ne sais pas. J’ai eu envie de le prendre dans mes bras. Par réflexe. C’était instinctif. Naturel.
Il chancelait. Mon inconnu s’est assis sur la chaise à côté du lit. Sa voix se brisait un peu plus à chaque mot. J’aurais aimé lui tendre le bras, prendre sa main tremblante dans la mienne, et lui dire que tout allait bien, mais j’en étais incapable. Je… Je ne le connaissais pas, merde ! « Je..je t'ai attendu. Pendant des semaines. Et tu m'as manqué. Beaucoup. » Son ton, tellement désespéré. Je me sentais coupable, presque. Cet homme était si bouleversé. J’avais sincèrement envie de lui dire que je le connaissais, que je me souvenais. Qu’il m’avait manqué, lui aussi, mais je ne pouvais pas mentir et faire semblant. Ç’aurait été cruel, pour lui comme pour moi. J’avais envie de dire quelque chose mais je ne savais même pas s’il fallait le tutoyer ou le vouvoyer. Après tout, c’était un inconnu, certes, mais de toute évidence je vivais avec lui. Tout s’embrouillait. La date. L’accident. Sarah. Cet homme. Ses yeux. Son chagrin. J’ai fermé les yeux un court instant. Un court instant ma foi trop long. Il m’a suffit de clore les paupières pour revivre le choc de ma voiture contre celle de quelqu’un d’autre. J’ai rouvert les yeux dans un sursaut de terreur.

- Je suis désolé, je… j’ai regardé mes mains. Si on vit ensemble… Vous savez où est mon bébé, n’est-ce pas ? Elle va bien ? Et Sarah ? Je… Oh, je suis désolé.

Il fallait définitivement que j’apprenne à me taire. J’étais en train de détruire quelqu’un avec mes questions, et cette mémoire qui s’entêtait à me cacher tout un pan de ma vie.

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Il fallait qu'il respire. Qu'il reste fort. Sa vue se troublait, des larmes brûlantes menaçaient de strier ses joues, et pourtant, Elliot tentait de conserver une certaine maîtrise de lui. Rory ne le connaissait plus. Il était là, mais comme à des kilomètres au loin. Il avait besoin de temps, pour digérer ça. Pire qu'une rupture, sans conteste. Un amour comme effacé, des pages entières de leur vie déchirées. Et comment allaient-ils pouvoir réparer ça, si toute leur vie future dépendait à présent du gré de la mémoire de Rory ? Il avait envie de pleurer, de s'effondrer. De se laisser aller. Mais si il l'avait fait, Elliot n'aurait pas pu s'arrêter, il aurait continué, encore et encore, à offrir une piètre image de lui, - l'image d'un faible - à celui qu'il aimait. Rester fort. Les poings serrés, le visage tremblant, certes, mais résigné à ne laisser sortir aucun sanglot. Et ce vouvoiement. Ce vouvoiement. Ils en étaient à là, donc. Si ce simple terme l'avait comme poignardé, il n'en laissa rien paraître de plus.

- Lenny-Blue va bien, ne t'en fais pas, elle est avec Abygaël, pour leur promenade quotidienne...enfin tu...tu ne te souviens pas d'elle non plus j'imagine ? Ma..notre meilleure amie...Aby veille sur la petite comme elle s'occupera de sa propre fille.

Elliot, les yeux clos dans une vaine tentative destinée à se calmer, essaya de s'imaginer un instant comment il annoncerait ça à leur meilleure amie, son visage se tordre d'incompréhension...Non, décidément, rien n'allait plus. Rien. Au moins, seule lumière dans toute cette part d'ombre, Lenny-Blue avait réussi à ne pas s'effacer de la vie de son père. Et Sarah...Sarah, ils n'en parlaient jamais, ou tout du moins, ils évitaient le sujet. Elliot n'aimait pas voir les yeux de son petit ami se voiler de cette tristesse, lorsque ses souvenirs d'elle revenaient. Et peut-être aussi que dans ces moments-là, il était égoïste, il sentait son Rory ailleurs, quelque part où il ne pouvait plus l'atteindre... Elliot rouvrit les yeux. La véritable question, c'était comment il allait dire à Rory que la mère de Lenny-Blue était morte depuis déjà un moment. L'envie de mentir le prit, l'espace d'un instant. Sarah n'avait pas pu assumer son rôle de mère ? Non, ça sonnait trop faux...et injuste pour la petite. Sarah était partie prendre du repos quelque part dans sa famille. Loin, de préférence. Ca non plus, ça n'allait pas, elle ne pourrait pas indéfiniment "rester là-bas". Dire la vérité alors ? Elliot ne voulait pas bouleverser Rory davantage. Il inspira alors.

- Tu..tu as quelques temps de retard..Sarah ne faisait plus..plus partie de ta vie, quand on s'est rencontré. C'est à moi de m'excuser. Si tu n'avais pas été seul, à ce moment-là, les choses seraient différentes...j'aimerais vraiment pouvoir changer cette nuit-là.

Le brun amorça un geste, un geste autrefois si naturel..Sa main vers celle de Rory. Et finalement, il se rétracta. Ils étaient des inconnus, maintenant. Et lui qui l'aimait à s'en damner.

- Est-ce que tu as vu des médecins ? Ils t'ont dit quelque chose ? Ta..ta mémoire va revenir ?

Spoiler:

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Aux mots "Lenny-Blue va bien" j'ai poussé un long soupire de soulagement. Mais je voyais bien que si ma fille allait bien - malgré le fait que je ne connaisse pas cette Aby dont il parle, j'ai étonnament confiance - lui, était au bord du gouffre. Je voulais... Je voulais le prendre dans mes bras, et lui dire "Haha ! Je t'ai bien eu !" mais je ne pouvais simplement pas. Je ne pouvais pas lui mentir, je ne pouvais pas lui laisser croire que je savais qui il était. Après tout, je ne connaissais même pas son nom ! Et cet homme, à côté de moi, qui luttait contre les larmes. Je le détruisais. Et je n’y pouvais strictement rien.
Sarah. Sarah. Sarah, ne faisant plus partie de ma vie. Ah ! J’y suis ! C’est de l’humour, pas vrai ? À la tête qu’il faisait, pas vrai, non. Merde. Sarah. Ma douce Sarah. Mais… Pourquoi ? Comment ? Quand ? On était heureux, je crois. Puis cet accident, et me revoilà ici sans souvenir de cette dernière année.
« C'est à moi de m'excuser. Si tu n'avais pas été seul, à ce moment-là, les choses seraient différentes...j'aimerais vraiment pouvoir changer cette nuit-là. » Mais que diantre s’est-il passé ? Où allais-je ? Dans mon esprit, si une chose est claire, c’est que je n’étais pas seul pendant l’accident. J’étais avec Lenny-Blue, dans son siège bébé, derrière moi, et Sarah, à côté de moi. Elle avait sa main sur ma cuisse. Elle me disait à quel point les repas de l’hôpital étaient infectes, puis… Boum ? Je crois que j’ai fermé les yeux. Et une sorte de petit choc électrique m’a fait les rouvrir. Sa main. La main de cet inconnu, tendue vers la mienne. J’aurais dû prendre ses doigts dans les miens. Mais j’ai été incapable d’esquisser le moindre mouvement vers lui. Il souffrait tant. Bien plus que moi. Et j’avais l’impression qu’évoquer Sarah était comme le poignarder.
Les médecins ?

- Je… Je ne me souviens pas. Non, je ne crois pas qu’on m’ait dit quelque chose. Je… Je n’en sais rien. Je suis complètement paumé. J’ai l’impression que tout ce que je sais faire, c’est vous… te faire du mal. Et plus je parle, et plus tu souffres. Et je… Rah. Je connais même pas ton nom ! Dans mes souvenirs, la dernière fois que je l’ai vue, ma fille avait sept jours. Je suis resté quelques semaines dans le coma, et pouf ! Elle a onze mois. Je le sais. Ils ont donné la date à la télé. Et vous dites que.. Tu dis qu’on partage le même lit. Mais je ne suis même pas gay ! Je… Je… Hm.

J’ai ramené mes genoux contre moi, et y ai enfoui mon visage. Il fallait que la tempête dans mon cerveau cesse. Il fallait que j’y voie clair. J’allais devenir fou. Je me rappelle d’une technique de relaxation qu’un psy m’avait montré quand j’étais gamin. On inspire sur quatre temps. On bloque sa respiration sur quatre temps. On expire sur quatre temps. Et on bloque sur quatre temps. J’ai fait ça. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je me suis redressé pour regarder l’homme à côté de moi.[/i]

- Pardon, je… Pardon. Est-ce que tu peux me… Juste me dire ce que j’ai manqué ? S’il te plaît ? Je vois bien que c’est dur pour toi. Je comprendrais que tu refuses.

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