gone girl -r.

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Un bip. Les yeux fermés, le corps allongé, et un autre bip. Puis encore un. Et finalement c'était assez régulier. Un peu de bruit mais pas plus que ça. Immobile, tu hésites à ouvrir les yeux, tu ne veux pas voir où tu es et pourtant tu sais que c'est important, qu'il faut que tu le fasses. Tu ignores où tu es, et ça t'angoisses, tu n'as qu'une envie, c'est d'être dans ton lit. Mais là le lit est plus dur, il fait moins chaud que dans ta chambre et surtout, il n'y a pas ce bip infernal qui te casse les oreilles. Mais tu finis par céder. C'est des murs blanc comme neige que tu peux voir. Et des machines. Te voilà à l'hôpital, mais tu ne sais pas pourquoi. Tu ne t'en souviens pas. Et tu as beau essayer de chercher, tu ne te rappelleras pas qu'il y a deux jours, le lendemain de ton premier rendez-vous avec Nelligan, tu étais un peu pressée. Vous aviez rendez-vous pour jouer aux jeux vidéos, comme vous aviez convenus. Et qu'étant un peu en retard, tu t'étais mise à courir, et que par mégarde, tu n'as pas tourné la tête pour voir si une voiture arrivait, et quand tu t'en es aperçu, il était déjà trop tard pour toi. Pauvre petite créature insouciante, tu avais la tête en sang et tu avais perdu connaissance. Et jamais tu ne pourras t'en souvenir parce qu'à partir de maintenant, ta vie va changer. A partir de maintenant, tu n'auras plus jamais de souvenir, plus jamais tu ne sauras ce que tu as fait la veille, ou bien qui tu as vu, ce que tu as pu lui dire. A partir de maintenant ta vie prend un nouveau tournant, et tu l'ignores encore. Bien que tu l'ais su hier. Mais tu l'as déjà oublié. Et il n'y a rien pour t'en rappeler. Enfin ça c'est ce que tu crois. La porte s'ouvre et laisse place à Liam. Lui tu t'en souviens, très bien même. Et il s’assoit à côté de toi. Sans piper un mot. Le pauvre, ça fait déjà un moment que tu es là, à l'observer dans son dos, à te faire passer pour une autre chaque fois qu'il passe la porte de ton commerce et tu es encore surprise que ses amis ne lui aient parlé de toi. Parce que certains le savent, et même s'ils n'approuvent pas, ils n'ont rien dit. Peut-être par peur de le blesser ? Tu n'en sais rien, mais tu sais qu'il est là, face à toi, mais tu ignores pourquoi. A moins que.. « Liam ? Je ne pensais pas te voir.. Ça doit être à cause de ma fiche de renseignements, je ne l'ai pas changé depuis que.. » Tu hochas la tête doucement en laissant ta phrase en suspens. Depuis quoi hein ? Depuis que tu étais partie, depuis que tu lui avais rendu sa bague sans un mot et que tu l'avais salement abandonné. Tu n'étais pas très fière de toi à ce moment précis. Et en même temps tu n'imaginais pas que tu aurais à le confronter maintenant, tu pensais avoir plus de temps devant toi, pour préparer ta réponse si un jour il venait à te demander pourquoi. « Qu'est-ce que je fais là ? Je veux dire, je vais bien ? » Tu ne sais même pas s'il a retrouvé la vue. Tu ne voyais pas sa canne mais peut-être qu'il n'en avait pas besoin pour la pièce. Après tout elle était assez petite et depuis l'entrée de la chambre il n'y avait pas la possibilité de faire de grand mouvement, donc il ne pouvait pas aller bien loin.

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Parfois, il suffisait d'un appel téléphonique - un foutu appel téléphonique - pour détruire tout ce que vous essayiez de reconstruire ces dernières semaines. C'était ce qui était arrivé à Liam. En décrochant son téléphone, ce jour-là, sa surprise fut énorme quand il eut un médecin à l'autre bout du fil. La peur lui tenaillait l'estomac. Pour lui, c'était toujours synonyme de mauvaises nouvelles. Avait-il un nouveau problème décelé lors de ses derniers examens ? Non. Ce n'était pas cela. Mais la nouvelle que l'on venait de lui donner était bien pire que tout. Bien plus blessante, bien plus douloureuse que si on lui avait dit qu'il avait un quelconque souci médical. Ce qu'on venait de lui dire rouvrait une plaie béante au plus profond de lui-même, une plaie qui portait le nom de Tara. Oui, Tara, son ex-fiancée qui avait fui de Bowen, après avoir rompu leurs fiançailles. Du moins, c'était ce qu'il avait cru, jusqu'à ce que Nelligan évoque une certaine Tara présente en ville. Se laissant tomber sur son canapé, Liam était déboussolé. Tara avait eu un accident et c'était la seule chose qui l'obsédait. Raccrochant le téléphone, il se tourna vers son ami et lui demanda de l'amener illico à l'hôpital.

"Le fiancé de Mademoiselle Rosenstein est ici", avait-il entendu de la bouche de l'infirmière. Il ne prit pas la peine de dire qu'il n'était plus son fiancé, pour la simple raison qu'il avait besoin de savoir ce qu'il s'était passé. Après avoir pu parler avec un médecin qui lui expliqua la situation, Liam attendit sagement dans la salle d'attente. Il devait la voir. Malgré toute la rancoeur qui lui portait et malgré ce sentiment de trahison qui le tourmentait, il fallait qu'il entende sa voix, à défaut de pouvoir la voir. Il voulait être rassuré. On ne tournait pas la page d'une relation de sept ans aussi facilement. Quand on l'autorisa à entrer dans la chambre, Liam replia sa canne blanche et entra dans la pièce. Les bips des différentes machines le rendaient mal à l'aise, lui rappelant ce mois terrible passé à l'hôpital, où il était revenu de très loin. S'installant sur la seule chaise de la pièce, il tendit un petit cadeau acheté dans la boutique même de l'établissement. Une petite peluche qui représentait un mélange de chien-chat-ours. On ne savait pas vraiment ce que c'était. Elle était moche mais Liam n'était pas dans la capacité de la voir, c'était donc pardonnable. Sans dire un mot, il resta bien droit, le regard posé vers l'endroit où Tara devait se trouver. A cet instant, il regrettait tant d'être aveugle. Il aurait tout donné pour avoir, ne serait-ce que cinq minutes pour la voir. Quand elle ouvrit la bouche, son coeur se serra en entendant cette voix si familière. Il secoua la tête à ses premiers mots, répliquant simplement :

Sûrement. Je sais juste qu'on m'a appelé il y a une heure en me disant que tu étais à l'hôpital.

Il n'était pas très bavard, et même froid, mais que pouvait-il d'autre ? La rancoeur était là, c'était certain. Mais il ne pouvait pas lui reprocher d'avoir oublié d'effacer son nom sur sa fiche de renseignements. Lui-même ne l'avait pas faitr. Quand elle lui demanda si elle allait bien, Liam fit une petite grimace. Il ne savait pas vraiment comment expliquer ce qu'elle avait. Il n'avait jamais eu le tact pour donner les mauvaises nouvelles. Dans son boulot, c'était souvent Charley qui le faisait. Là, il n'avait personne derrière qui il pouvait se cacher.

Tu as eu un accident, Tara. Tu t'es faite renverser par une voiture. Cela aurait pu être plus grave, c'est certain. Mais les médecins m'ont dit que tu avais quand même subi un fort choc à la tête, ce qui a altéré ta mémoire à court terme. En gros, tu vas avoir du mal à te souvenir de ce que tu as fait dans la journée. Je suis désolé...

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Tu sentais bien qu'il y avait un certain malaise entre vous deux, si tu avais pu leur dire, tu aurais demandé à l'urgentiste de ne pas le prévenir, mais tu n'étais pas en état de le faire. Et tu avais oublié cette foutue fiche. Hélas, tu ne pouvais pas lui en vouloir d'être aussi froid et aussi distant, bien que son ton hérissais tes poils. Et bien que tu sois mal à l'aise par le fait qu'il soit présent, tu étais consciente que ça serait le moment de parler, même si c'était pas le bon. De toute manière, pour cette discussion, il n'y aurait jamais de bon moment. Et après tout ça, tu avais retenu une seule chose, il était là. Malgré tout ce qui c'était passé ces derniers mois, tes mensonges auprès de lui, il n'avait pas hésité une seconde, il n'avait pas dit au médecin d'aller au diable. Non, il était venue pour te voir. En le voyant, tu sentais tous vos souvenirs te revenir en pleine tête. Le début, votre rencontre incroyable, vos rendez-vous pendant des mois, et votre vie ensemble. Jusqu'à sa demande en mariage. Tu n'y croyais pas, tu ne pensais pas qu'il était le genre d'hommes prêt à s'engager, mais tu t'étais trompée. Et tu avais dit oui. Mais finalement, tu étais partie. Tu sentais une boule se former dans ton ventre, et tu avais peur. Tu ne le quittais pas des yeux, et lui, il regardait dans ta direction. Il avait beau être aveugle, son regard lui était intacte. Tu aurais envie de passer ta main sur sa joue, de poser ta tête dans le creux de son cou et de sentir sa main sur tes cheveux. Ou juste de lui tenir la main. Mais le geste serait peut-être de trop pour lui. Il brise le silence pour t'expliquer sans y aller par quatre chemins. Tu restas un moment sans dire un mot. Tu ne savais pas quoi dire, tu ne voulais pas y croire. Toi qui était si prudente en règle générale, tu ne comprenais pas comment une telle chose avait pu se produire. Tu cherchais dans tes souvenirs en essayant de te rappeler cet accident. Mais rien. Tu te rappelais ta soirée avec Nell', de la journée à la boutique, du soir, où tu avais pris quelques cupcakes, et puis ta course pour arriver à l'heure parce que tu avais pris un peu de retard et que tu aimes être ponctuel. Tu te souvenais avoir regardé à gauche, et après.. Et après plus rien. Le trou noir, le néant. Mais ça, c'était hier non ? Tu n'en étais plus sûre, plus maintenant en tout cas. Tu étais persuadée que c'était hier. Mais après ce qu'il venait de te dire, tu ne pouvais pas en avoir la certitude. « Je ne m'en souviens pas, c'est étrange. C'est arrivé quand ? » En le regardant, tu aurais aimé être aveugle plutôt qu'amnésique. Et après une petite réflexion, tu te rendais compte que c'était absurde de dire un truc pareil. L'un comme l'autre ce n'était pas facile à vivre. Et tu ne pouvais pas penser qu'il avait plus de chance que toi, ce n'était pas vrai. Et tu l'avais vu au début, ce n'était pas facile, maintenant, il s'était habitué, ou plutôt adapté. Parce que tu pensais qu'on ne s’habituait jamais à un handicap, surtout quand il arrive comme ça, sans crier gare. Et tu devrais faire pareil. Tu ne savais pas encore comment tu pourrais t'y adapter, ni même s'il y avait de quoi s'adapter. Et peut-être qu'avec un peu de chance et une opération, tout serait réglé. Le médecin avait du lui en parler, il devait savoir s'il y avait quelque chose à faire. En tout cas tu espérais fortement. « C'est réversible ? » Tu triturais tes doigts en attendant sa réponse. Si ce n'était pas le cas, demain, tu aurais oublié tout ça, demain, tu croiras que ta vie est normale et que tu as rendez-vous avec Nelligan. Pour toi, tous les jours seront les mêmes, tu vas vivre sans cesse le même jour, alors que les semaines vont passer. C'est si étrange quand tu y penses, tu as l'impression de vivre un vrai cauchemar.

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Assis sur cette chaise, Liam ne se sentait pas à l'aise. Ce n'était pas sa place. Du moins, ce n'était plus sa place. Il n'était plus rien pour elle, il n'était plus qu'un chapitre de sa vie qui s'était terminé brutalement. Elle était partie, sans un mot, sans une explication. Malgré tous ses efforts, le jeune homme avait du mal à mettre de côté sa rancoeur et cela se voyait quelque peu dans son attitude. Il était tendu, il avait le visage fermé, seul son regard exprimait son inquiétude. Liam avait, à cet instant, toute l'attitude du policier qu'il avait été, cette attitude qui montrait que rien ne l'atteignait. C'était plus fort que lui. Pourtant, il restait là, à lui annoncer ce qu'il s'était passé, alors qu'une autre personne serait probablement plus habilitée à le dire. Un ami proche, une nouvelle conquête peut-être. Mais non, c'était lui qu'on avait appelé et le respect qu'il portait malgré tout à Tara, faisait qu'il ne bougeait pas de cette fichue chaise. Il préférait se dire que c'était un sentiment d'obligation qui l'avait guidé jusqu'ici. Oui, il préférait se voiler la face. Pourtant, au fond de lui, il savait qu'il était venu ici, pour elle. Parce qu'il se faisait du souci. Parce qu'elle était encore bien présente dans ses souvenirs. Trop présente. Après l'explication qu'il lui donna, Liam grimaça quand Tara lui annonça qu'elle ne s'en souvenait pas. En même temps, elle ne se souviendrait plus de grand chose. Il se retint d'ailleurs de répliquer cela. Ce serait mal vu. Il haussa juste les épaules et répondit :

Apparemment, ça s'est passé il y a deux jours. Pour ma part, je ne l'ai appris qu'aujourd'hui.

Détail inutile. Même s'il l'avait su la veille, Tara l'aurait probablement oublié. Tout comme elle oubliera cette rencontre. Liam pourrait profiter de la situation : lui poser toutes les questions qui le hantaient, avoir enfin les explications qu'il n'avait jamais eu. Mais il n'était pas aussi vicieux. Elle pouvait lui reprocher tout ce qu'elle voulait, elle ne pourra jamais dire qu'il était profiteur. Il joua nerveusement avec la fermeture éclair de sa veste, quand elle lui posa une nouvelle question. Était-ce réversible ? Un peu trop sec, il répliqua :

Je n'en sais rien. Je ne suis pas médecin. - Se rendant compte de son ton, il lâcha un soupir et enchaîna, plus doux - Enfin... on ne m'a rien dit à ce sujet. Il faudrait que tu le demandes au docteur. Dans tous les cas, j'espère vraiment que ce sera réversible, Tara. Ce n'est pas facile de vivre avec un handicap. Quel qu'il soit. Il faudra t'entourer des bonnes personnes. Conseil d'ami, si l'on peut dire ça comme ça.

Le jeune homme baissa la tête, continuant de jouer nerveusement. Il se trouvait face à son ex-fiancée, celle qui l'avait côtoyé pendant de longues années et il avait l'impression d'être face à une inconnue. C'était étrange comme sensation. Avant de laisser un silence s'installer, il continua :

Tu as besoin de quelque chose ? Ou si tu préfères que je parte, dis-le moi. Au passage, je leur demanderai de changer la fiche de renseignements.

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Deux jours, tu n'en revenais pas. Ça faisait déjà presque 48 heures que tu étais assise là, et pour toi, tu avais l'impression que ça en faisait que le quart. C'était déroutant, tu avais l'impression de perdre pied totalement. Mais tu ne pouvais rien y faire, ça serait comme ça peut-être toute ta vie. Liam était si froid avec toi, que ça t'effrayais, tu ne l'avais jamais vu te parler comme ça, jamais aussi sec, aussi tranché. Et s'il y avait une chose qui te remontait un peu le moral, c'est qu'avec son handicap, il avait beau être froid et distant, son regard lui, était toujours aussi doux. Il ne pouvait pas te fusiller, ni même te foudroyer, et quelque part, tu te sentais réconfortée. C'était peut-être étrange, mais toi, tu te sentais mieux. Tu hochas la tête à ce qu'il venait de dire, après tout, il avait raison, il ne pouvait pas te donner d'espoir, s'il n'en savais rien. « Donc, si je m'endors là, et que je me réveille, je sais pas moi, dans une heure, j'oublierais que tu es venu, et ce pour quoi je suis là ? » Tu voulais être sûre d'avoir bien compris ce qui allait t'arriver, et de connaître ta nouvelle faiblesse. Il était certain que si c'était bien ce genre de chose, certaines personnes pourraient profiter de toi, et Liam devait en connaître un rayon sur ça. Après tout, tu étais bien une des premières à le duper. Tu le laissa s'exprimer, il semblait vouloir partir, la situation devait être assez inconfortable pour lui, et ça tu le comprenais bien, mais peut-être qu'il était temps de lui dire. Et surtout de t'excuser, pour ce que ça valait, même si tu ne pouvais t'empêcher de rétorquer sans te vexer un peu. « Quand tu dis ça, tu veux dire d'éviter les personnes comme moi ? Celle qui t'abandonne au premier problème ? » Tu n'étais pas trop sûre que c'était ce qu'il voulait dire. Dans le fond, tu n'était pas si mauvaise que ça, tu avais juste fait un choix, un choix qui l'a blessé, et ça tu le comprenais, mais ça ne faisait pas de toi un monstre, si ? « Tu sais Liam, il n'y avait pas de bon moyen pour le faire, si je suis partie, c'est parce que notre vie ne m'allait plus, on s'est éloignés, et c'est ma faute parce que j'avais un boulot très prenant, comme toi. » Tu levas les yeux en l'air, ta voix tremblotait, et tu avais l'impression qu'à tout instant, un flot de larmes allait couler, mais tu essayais de te retenir le plus longtemps possible. « Ça faisait un moment que je voulais partir, mais ce n'était jamais le bon moment, et avec ma tournée qui approchait, je n'avais plus le choix, je devais le faire, je n'y suis pour rien s'il y a eu ton accident entre temps, vraiment, je me suis sentie encore plus horrible de devoir partir comme ça. » Tes larmes avaient fini par couler le long de tes joues, pour venir s'écraser sur tes mains qui se serraient très fort. Dans le fond, tu t'en voulais toujours d'être partie ainsi, mais ça ne collait plus, et tu ne voulais pas à avoir faire semblant, pas avec lui. Il méritait mieux que des mensonges, et des illusions. Tu restas un bon moment sans ajouter quoique ce soit. Le temps de sécher tes larmes, et d'essayer de finir par une note joyeuse, même si tu savais qu'il en aurait sûrement rien à faire. Que ça ne changerait pas sa vie à lui, ni l'enfer qu'il a du vivre quand t'es partie, ça ne lui donnera peut-être qu'une raison de t'en vouloir encore plus. « Sincèrement, je suis désolée. Et j'ai vécu 7 années merveilleuse avec toi, quand tu m'as demandé ma main, je pensais vraiment qu'on finirait nos vieux jours ensemble. » Tu avais planté ton regard dans le sien, immuable, et même si tu savais qu'il ne pouvait pas te voir, au fond de lui, il devait le sentir, le savoir. Y a toujours un truc comme ça avec les non-voyants, ils le sentent. « Je ne tiens pas à te retenir ici plus longtemps que tu ne le souhaites, mais j'ai besoin de ton aide avant que tu ne partes. » Tu espérais sincèrement qu'il te jette un tas d'excuses et qu'il parte sans se retourner, parce que les choses seraient peut-être plus facile pour toi, mais dans le fond, tu voulais qu'il te vienne en aide.

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Plus Liam se rendait compte de la froideur de sa voix, plus il s'en voulait. En voulant prouver que rien ne pouvait l'atteindre, il se montrait plutôt détestable. Ce qui ne lui ressemblait pas. Ce fut la raison pour laquelle il tenta de s'adoucir quand Tara lui posa une nouvelle question. Liam hocha la tête, haussant légèrement une épaule.

Je crois bien que oui.

Il n'ajouta rien de plus. Que pouvait-il dire d'autre ? Elle l'oubliera encore une fois. Le jeune homme baissa la tête, songeur. Comme elle l'avait dit, elle allait oublier qu'il était venu. Ce qui était peut-être pas plus mal. Pour lui, comme pour elle. Mais Liam avait du mal à accepter cette idée, même si oui, il était mal-à-l'aise face à celle qui avait pourtant partagé sept ans de sa vie, même si oui, il préférerait être ailleurs que dans cet hôpital, lieu de malheur pour le brun. Malgré tout, il était là, bien présent, à lui donner des conseils. Conseil qui, visiblement, passa plutôt mal du côté de Tara. Au son de sa voix, Liam sut de suite qu'elle était vexée. Il la connaissait trop bien. Le jeune aveugle soupira longuement et secoua la tête.

Je n'ai jamais dit ça, Tara ! Et pour tout te dire, si nous pouvions éviter ce sujet-là, ce serait mieux. Je parlais simplement des gens qui, au contraire, se montreront présents pour toi, uniquement par pitié. Tu verras, il y en aura... ils voudront se donner bonne conscience, mais n'aideront en rien. Il va falloir que tu apprennes à faire le tri. Si je te dis ça, c'est parce que je suis passé par cette étape.

Liam tentait par tous les moyens de détourner la conversation. Il ne voulait pas que leur rupture revienne sur le tapis. Bien sûr que oui, il voulait des explications. Mais il y avait une différence entre vouloir des explications et être prêt à les entendre. Or, le jeune homme n'était pas prêt. Le fait de savoir que Tara était toujours à Bowen était déjà un choc en soi. Il ne voulait pas non plus l'entendre dire qu'elle était partie sans regrets, ou qu'elle ne l'aimait plus. Mais il ne put retenir la jeune femme qui se lança alors dans des explications. Il n'y avait pas de bon moment pour le faire. Ni de bon moyen. Ils s'étaient éloignés. Liam encaissait chacune de ses explications, sans rien dire, le regard posé droit devant lui. Il tentait de garder un visage neutre, mais son regard le trahissait encore, montrant à quel point cela était toujours douloureux. Il la laissa terminer, avant de pouvoir répliquer :

Je savais que ça allait mal entre nous, tout comme je sais que je t'ai souvent délaissée au profit de mon boulot. Je m'en suis voulu à propos de cela, et je m'en veux encore aujourd'hui. Mais Tara, nous sommes avant tout des adultes ! Tu aurais pu m'en parler. Tu aurais pu me dire tout ça, au lieu de partir comme une voleuse. On aurait peut-être pu arranger les choses, je n'en sais rien. Au moins, j'aurai essayé de te retenir et je ne serais pas resté comme un con avec ta bague de fiançailles dans la main. Même si notre couple battait de l'aile, pour moi, ce n'était pas fini. Je ne te dis pas ça pour que tu aies des remords. Ce n'est pas mon but. Tu as été sincère avec moi, je voulais l'être aussi.

Autant clarifier la situation, n'est-ce pas ? Liam avait besoin d'exposer ses sentiments. Ce qu'il faisait rarement, cela va sans dire. Mais aujourd'hui, la situation s'était présentée, il avait sauté sur l'occasion. Cela ne mènera à rien, il le savait bien, mais il partirait avec le coeur plus léger. Son accident n'avait été qu'un coup du sort, même s'il lui en avait voulu du plus profond de son être, il savait désormais que son départ était voulu et assumé depuis longtemps. Elle n'était pas partie parce qu'il était devenu une loque. Ce qui remontait, quelque peu, son estime de soi. Mais ce qui le gêna davantage furent les larmes de Tara. Il n'était pas dupe. Il savait qu'elle pleurait et s'il y avait une chose qui le troublait, c'était qu'on pleure devant lui. Il ne savait pas comment réagir, comment réconforter. Néanmoins, un geste de sa main trahit ses ambitions. Il avait dirigé une main vers elle, comme s'il avait cherché à établir un bref contact. Mais il l'avait laissé retomber, comme s'il s'était rétracté au dernier moment. Heureusement, Tara reprit rapidement la parole. Même si Liam ne savait pas la manière dont il devait les prendre. Il sentit néanmoins le regard de la demoiselle sur lui. Il ne pouvait pas l'expliquer, mais il le sentait. Et c'était rassurant. Il se contenta d'approuver d'un signe de la tête, murmurant doucement :

Je le pensais aussi. Dans tous les cas, je ne regrette en rien notre histoire.

Autant terminer sur une note positive, non ? C'était cela d'être adulte, lui qui le disait si bien quelques minutes auparavant. Il fallait accepter que leur histoire était terminée et n'en garder que des bons souvenirs. Tara avait marqué sa vie, c'était indéniable. Cela allait être difficile de tourner pleinement la page, mais il fallait arrêter de la diaboliser et de lui remettre toute la faute dessus. Cela avait été la solution de facilité, et sûrement pas la meilleure. Alors que la conversation semblait arriver à sa fin, ce qui signifiait que Liam avait tous les droits de partir, la demande de Tara intrigua le jeune homme. Il fronça les sourcils. Elle voulait qu'il l'aide ? Malgré le malaise entre eux ? Il resta silencieux un moment, hésitant entre le besoin de se préserver et l'envie d'apporter son aide, malgré tout. Au risque de se casser les dents.

En quoi puis-je t'aider ? J'ignore si je pourrais t'être réellement utile, mais j'essayerai de faire du mieux que je peux.

Un aveugle qui acceptait d'aider une amnésique, voilà une situation cocasse...

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C'était donc cela, dès que tu dors, même une sieste, ta mémoire s'effacera, sur tout ce que tu as fait avant, et tu n'auras en mémoire que ta course pour être à l'heure et toute ta vie d'avant. Dans un sens, tu étais contente, tu aurais pu perdre les deux, et tes vieux souvenirs, et les nouveaux, au moins, toi personne du passé pourrait te jouer un mauvais tour. C'était complètement flippant comme situation et tu attendais jusqu'au bout qu'il te dise qu'il plaisante, que tu as juste une côte cassée, et que tout va bien, mais ce moment semblait ne jamais arriver. Tu allais devoir faire avec, juste tu ne savais pas comment. « Je suis désolée, je suis un peu susceptible, je comprends ce que tu veux dire. » Tu ne connaissais pas trop les gens qui venaient vers toi par pitié, jusqu'à présent, tu n'avais pas connu de situation pareil, et maintenant qu'il te le disait, tu avais peur de te retrouver toute seule, tu avais peur de faire de nouvelles rencontres, toi qui d'habitude était du genre à aller vers les autres, tu sentais que ce traumatisme allait chambouler ta vie à tout jamais. Il ne semblait pas vouloir entendre tes explications, peut-être que ce n'était pas le bon moment pour lui, après tout, la rupture était encore trop fraîche, mais c'était ta seule chance de lui avouer la vérité, et il l'avait encaissé. « J'aurais pu, j'avoue que je n'ai pas agis avec toute ma tête, mais je ne voulais pas te donner de faux espoirs, te dire qu'on se donne une chance, si de mon côté, je savais que ça ne marcherait pas. » Quitte a être honnête, autant l'être jusqu'au bout. Tu savais que ça ne marcherait pas, et tu n'avais pas envie de le briser alors qu'il voulait donner une nouvelle chance à votre histoire, alors partir sans un mot, semblait plus approprié, pour toi, sur le coup, mais dans le fond, peut-être que ça avait été le pire de tout. Il avait du voir sa vie s'écrouler, et tout ça par ta faute. Mais ce qui était fait, était fait, rien n'est possible pour changer les choses, tu peux juste les expliquer, et t'excuser, en espérant qu'il te pardonne un jour. Tu n'ajoutas rien de plus quand il clôturas cette conversation par une dernière chose. Et cette note positive te fis chaud au cœur, dans le fond, tu savais que maintenant, il pourrait avancer, le cœur léger, en tout cas, façon de parler. Tu étais triste de savoir que dans quelques heures, tu oublierais tout ça, votre conversation, et le fait qu'il soit venu, le fait qu'il t'ai aidé. Parce qu'il avait accepté, il ne savait pas dans quoi il s'embarquait et il avait dit oui. Tu lui en devais une, bien que tu savais qu'il y avait peu de chance pour qu'il revienne te parler et que vous soyez amis, ce n'était pas possible, pas avec une aussi longue relation. Le plus dur maintenant, c'était de lui dire, parce que tu avais l'impression de l'immiscer dans ta vie, ta nouvelle vie, sans lui, et ça te gênais un peu, mais tu n'y avais pas pensé au moment où tu lui as demander. Maintenant, il fallait te lancer, alors tu pris une grande bouffée d'air et tu crachas le morceau. « J'avais rendez-vous avec.. » Tu laissas ta phrase en suspens, parce que tu cherchais tes mots, tu ne savais pas trop comment le décrire, un ami, un potentiel copain, une connaissance ? C'était assez vague pour toi, mais pas le temps de faire un débat, il fallait en prendre un. « J'avais rendez-vous avec un certain Nelligan, juste avant mon accident, et comme je n'ai pas mon téléphone, je voulais savoir si tu pouvais l'appeler, toi qui est flic, tu devrais trouver facilement son numéro, non ? Sauf si c'est illégal, au quel cas, ce n'est rien. » Bien sûr, tu ignorais qu'il le connaissait, avec vos vies à 100 à l'heure, tu avais eu peu d'occasion pour rencontrer ses amis, et la seule que tu avais vraiment vu, c'était Charley, lors des dîners chez les flics, et que tu pouvais venir, ça avait dû arriver deux fois en sept ans. Pour dire, tu ne connaissais rien des personnes qui l'entouraient.

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Susceptible ? Excuse valable. Quoiqu'il en soit, il avait fait son job. Il lui avait donné quelques conseils et cela était bien bon. Cela apaisait quelque peu l'angoisse qui l'avait submergé en ayant reçu cet appel. Pourtant, quand la discussion dévia sur leur rupture, ce fut un tout autre sentiment qui s'empara de Liam : la rancoeur. Il lui en voulait énormément et c'était peut-être cela qui l'aidait dans sa rupture. Tout comme les explications qu'elle lui donnait. Des explications qui le faisaient presque rire. Pour Liam, Tara avait agi comme une fuyarde. Elle n'avait même pas pris la peine de s'expliquer. Elle était partie, sans un mot, sans un geste envers lui et c'était ce qui marquait le plus Liam. Elle ne lui avait laissé aucune chance et il ne se gêna pas de lui en faire part. Mais la réponse de Tara fut plus douloureuse qu'il n'y pensait. Pour elle, c'était terminé depuis longtemps. Liam arqua un sourcil, tentant de garder contenance, alors qu'il répliqua froidement :

Tu savais que ça ne marcherait pas ? C'est sympa ! En gros, tu es en train de me faire comprendre que j'étais le seul à avoir confiance en notre couple. Merci bien. - Il se tut un instant, le temps d'encaisser la nouvelle, avant de continuer - En sept ans de vie commune, je pensais juste que tu aurais appris à me respecter, à être honnête avec moi. Je me suis bien trompé sur ton compte. Pourtant, je ne te demandais pas grand chose. Juste des explications. De la sincérité. Dire la vérité, même si elle est douloureuse à entendre, ce n'est pas la mer à boire. Au moins, ma vie n'aurait pas été un vrai calvaire après ton départ. Enfin... c'est fait. On ne peut plus revenir dessus.

Mais au moins, elle savait qu'il en avait souffert. Énormément. Au point de détester Tara, d'être dégoûté d'elle. Ces ressentiments, il les avait gardé pour lui, bien profondément, comme un poison. Aujourd'hui, il s'en délestait et ce n'était pas plus mal. Cela ne changerait en rien leur relation, il le savait, mais c'était sa façon de mettre un point final à leur histoire. Tout comme cette aide qu'il comptait lui apporter. Il s'en voulait déjà d'avoir dit oui, mais il ne reviendrait pas sur ses paroles. Sa spontanéité l'avait devancé. La prochaine fois, il apprendra à tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Tara semblait hésiter, il l'entendait au son de sa voix. Et quand il entendit sa demande, Liam comprit l'hésitation. Nelligan. Forcément. Un rire blasé s'échappa de ses lèvres, alors qu'il répliqua :

Si je comprends bien, tu demandes à ton ex-fiancé d'appeler ton nouveau copain ? C'est bien ça ? Tu te fous de moi, Tara ? - il se passa la main dans les cheveux et les ébouriffa, soupirant longuement. C'était des gestes qui montraient à quel point il était tendu - Pas besoin de trouver son numéro de téléphone, c'est un de mes potes. Je l'appellerai, ne t'en fais pas. Parce que je ne suis pas une ordure. Mais à une seule condition : désormais, je ne veux plus avoir affaire à toi. Je ne veux plus que tu t'occupes de ma vie et je ne veux plus m'occuper de la tienne. D'accord ?

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