This is a song about a girl (Manu)

La musique résonne à ses oreilles comme un simple bruit de fond auquel il ne fait pas attention. Ezraël a toujours été différent des autres de son âge, peut-être même trop. Il ne fait pas la fête, ne danse pas quand il sort, il préfère gribouiller quelques mots dans un carnet  et laisser son imagination se perdre pendant plusieurs heures. Devant lui, des gens boivent et dansent en parlant, riant. Lui est seul, assis à une table où n'est posé qu'un seul verre rempli de Coca. Le sien. Ezra n'a jamais été un grand consommateur d'alcool car il sait que, quand il boit, sa vraie nature a tendance à prendre le dessus sur qui il essaie d'être. Alors qu'il fait tourner son verre autour de ses doigts, son attention est attirée par une brunette au grand sourire qui se déhanche plus que les autres. Ses cheveux virevoltent partout, et elle semble si libre, à tel point qu'il lui envie cette joie. Sans réfléchir, Ezra sort un calepin de la poche arrière de son jeans et l'ouvre sur une page vierge. Il tire un stylo de la poche de sa veste puis regarde à nouveau la fille. Elle l'inspire, il a soudainement l'inspiration qu'il n'a plus depuis quelques jours pour écrire un début de chanson. Ezraël écrit beaucoup, mais jamais il n'exploite ses textes. Il les garde pour lui, les cache dans un classeur, et ne les sort que quand son âme d'artiste prend le dessus sur son habituelle envie de garder tout ça secret. Son stylo ouvert, il commence à remplir les premières lignes de quelques phrases. Elle danse comme si le monde lui appartenait, comme un phénix qui renaît. À nouveau, il regarde en direction de la fille mais croise son regard. Mal à l'aise, Ezraël baisse immédiatement les yeux et espère qu'elle ne va pas s'avancer vers lui. Il relit la première phrase qu'il a écrite avant d'ajouter : Elle et la musique ne font qu'un, et plus jamais elle ne connaîtra de chagrin.

Il doit sembler tellement bizarre pour ceux qui le remarquent, c'est-à-dire pratiquement personne. Tapis dans l'ombre, se servant de la lumière colorée de la piste pour pouvoir relire ce qu'il écrit, il est tellement loin d'être comme ces autres types bien plus intéressants que lui. Eux sont confiants, avec une bière à la main et une barbe virile qui cache la peau de leurs joues. Ezra, il n'a que pour seule compagnie un calepin et un verre de soda. Pourtant, c'est vers lui qu'elle se dirige, la fille de la piste. Celle aux cheveux noirs interminables, sur qui il écrivait quelques secondes plus tôt. Elle a du être intriguée, ou totalement perturbée de se faire fixer par un type qui donne l'impression d'avoir dix-huit ans à tout casser avec son visage d'enfant. Quand il la voit s'avancer vers lui du coin de l’œil, Ezraël ferme immédiatement son cahier et range son stylo là où il l'avait pris. Il n'a pas le temps de faire pareil avec le livret que la fille est déjà installée en face de lui. « Salut, » répond-il sans la regarder, d'abord un peu intimidé. Il ne s'attendait pas à ce qu'on vienne lui parler, surtout pas une fille comme elle qui était, à ses yeux, la reine de la soirée avant qu'elle ne vienne tenir compagnie à un paumé comme lui. Il relève lentement les yeux vers son visage et remarque le sourire rempli de gentillesse qui étire ses lèvres. Immédiatement, ça a le don de le déstresser un peu. Sa question, par contre, lui fait froid dans le dos. Ezra pose une main sur son cahier et hausse les épaules. « Oh hum.. rien de spécial. » Se doutant qu'elle ne sera certainement pas satisfaite de cette réponse, il reprend. « J'écris quelques mots qui me passent par la tête, c'est tout. » Il esquisse un petit sourire en coin, espérant qu'il aura réussi à la convaincre assez que pour elle n'aie envie d'ouvrir ce fameux carnet.

Spoiler:

Manu, cette jeune fille naturellement curieuse. Attirée par tout ce qui s'éloigne de l'ordinaire. Attirée par l’obscurité des choses, l’originalité ou l’étrangeté.  Forcément, Manu  trouva automatiquement de l’attrait envers ce jeune garçon au fond de la salle, ses traits juvéniles, son regard perdu un temps dans les songes, bifurquant ensuite vers la jeune brune  alors que sa main gribouillait des choses dans le carnet posé face à lui. Carnet qu’il s’empressa de refermer à l’arrivée de la jeune femme. Ne serait-ce pas un signe de culpabilité ?
L’interrogation de Manu monta. Installée face à lui, elle le salua. La bouche du jeune garçon lui répondit, mais ses yeux ne suivaient pas. Manu pencha légèrement sa tête vers lui, tentant d’attraper son regard. Bien qu’il semblait mal à l’aise, elle était d’autant plus mal à l’aise quand on ne la regardait pas alors qu’elle s’adressait à la personne. Sentiment d’être ignoré. Une remarque sur ce qu’il est en train de faire. « Oh hum.. rien de spécial. » Mon cul, oui, a-t-elle envie de répondre. Elle s’abstient mordillant sa lèvre inférieure. On ne peut pas dire que c’est un mensonge mais c’est une façon de détourner la vérité. « J'écris quelques mots qui me passent par la tête, c'est tout. » C’est tout. Non ce n’est pas tout. Tout signifie rien. C’est tout, une façon banal de conclure et de dire ‘maintenant fiche moi la paix, va pas creuser plus loin » C’était mal connaitre Manu. « Je suis sûr que t’a la tête bien pleine et que tes mots qui filent dans ta pensée ne sont pas un rien, un c’est tout » éluda-t-elle en faisant un clin d’oeil amicale.  Manu allait enchainer jusqu’à ce qu’une voix masculine se fit entendre dans tout le restaurant «  EEEEH MANU tu fous quoi avec ce gamin, tu viens  au lieu de te faire chier là-bas ? »  Des ricanements gras résonnèrent dans toute la pièce, rendant l’instant gênant surtout ponctué des messes basses avec les regards du groupe vers Manu et le jeune inconnu. Manu se tourna violemment « Je préfère rester à ma place que de vous subir encore mais merci pour la bière » balança-t-elle. Elle murmura ensuite vers le jeune garçon, levant les yeux aux ciel. « Que  des blaireaux. » A vrai dire, elle était resté avec eux par ennui, par curiosité au début ; envie de connaitre de nouvelles personnes même si des fois on se rends compte qu’ils ne sont qu’abrutissement et déception. Elle se concentra à nouveau sur l’intriguant jeune garçon. Elle posa sa main sur son cahier de note, motivé à découvrir ce que cache ses pages. « Je peux ? » demanda-t-elle, la mine presque implorante.

Ezra doit avouer avoir longtemps hésité avant de venir. Lui qui se voit insortable, insociable, il a l'impression de ne pas avoir sa place dans un endroit pareil. La musique est forte, mais pas assez que pour l'empêcher de penser. Imaginer une vie à toutes les personnes présentes dans la salle, se demander ce qui peut bien traverser leur esprit à eux. Et puis, son regard s'est posé sur cette fille. Elle qui envahit la pièce par sa présence, qui danse comme si personne ne la regardait. Pourtant, nombreux sont les hommes autour d'elle qui ne peuvent s'empêcher de la mater. Pas étonnant, elle est jolie. Elle respire la joie de vivre, elle dégage quelque chose qui inspire Ezra et qui lui donne la soudaine envie d'écrire. Sauf qu'évidemment, il a fallu qu'elle remarque ses regards trop insistants. Sa main maintenant plaquée sur le carnet, il lève les yeux vers l'inconnue en espérant qu'elle ne lui demande pas de lire les quelques phrases qu'il a écrites. Sur elle. « C'est une façon très poétique de voir les choses, » dit-il, nerveux, n'arrivant pas à contenir les bêtises qui s'échappent d'entre ses lèvres. Poétique, bien sûr, et puis quoi encore ? Se prend-il pour Shakespeare ? Son clin d'oeil le fait sourire, et il apprend bien rapidement que cette fille en question s'appelle Manu. Plutôt que de retourner avec ses amis, elle préfère prendre place à coté d'Ezra qui en est le premier étonné. Waw, quelqu'un qui veut rester avec lui plutôt que de faire la fête, c'est une première. Étrangement, lui qui a du mal avec la compagnie humaine, celle de cette fille aux longs cheveux bruns ne le dérange pas. À son murmure, il se met à rire. « Pourtant tu étais avec. » Ezra a toujours eu du mal à comprendre les autres. Il se rend compte qu'en réalité, si certaines personnes restent ensemble, c'est simplement pour ne pas être seul. On ne profite pas de l'autre, seulement de sa compagnie et du fait que grâce à lui, on n'est pas livré à nous-même. La main de la dénommée Manu se pose sur on cahier et Ezra baisse les yeux vers l'objet. « Hum, ouais. Vas-y. » Parce que si il dit non, elle le trouvera bizarre et ce n'est clairement pas quelque chose qu'il a envie. Peut-être qu'elle ne réalisera pas que les quelques mots écrits à l'encre noire sont à son propos.