Problèmes à l'horizon ? — Elio

Voilà quelques mois maintenant que tu exerces le métier de pompier, un changement de profession radical enfin, à moitié. Le danger est moins important que lorsque tu étais soldat mais toujours bien présent quand même. Mais voilà,  certains jours, vous restez loin du danger, allant d’école en école pour rafraîchir la mémoire des étudiants quant à l’importance d’un exercice incendie. Même si le risque d’incendie n’est pas très élevé dans une école, il existe tout de même. Et il est important de connaître les bons gestes à adopter. C’est pourquoi, aujourd’hui, tu continues de donner ces fameuses « leçons » à l’université de Bowen. Pile à l’heure, tu entres dans la salle « d’examen » derrière le directeur. Tu scrutes la salle du regard et celui-ci s’arrête un peu plus longuement sur un visage qui t’est familier. Tu fronces légèrement les sourcils, essayant de ne rien laisser paraître mais ce n’est pas simple alors que tu sens tes traits se durcir. Cally. C’est le nom de ce beau garçon que tu as rencontré auparavant dans des circonstances bien différentes d’aujourd’hui. L’heure était plutôt à la fête et à la détente. Le voir ici, en cours, ça te fait littéralement vriller de l’intérieur. Il t’a menti sur son âge, il ne faut pas longtemps avant que tu le comprennes. Tu lui lances rapidement un regard assassin avant de concentrer ton attention sur le directeur qui annonce les directives à suivre. Une fois que c’est à toi, tu te racles la gorge puis prends la parole. « Bonjour à tous. Je m’appelle Elio et je suis pompier à la caserne de Bowen. » Tu marques une pause pour balayer la salle du regard sans t’arrêter, cette fois-ci, sur celui de Cally. « Aujourd’hui, on va revoir ensemble les étapes à suivre en cas d’incendie. Ca vous paraît sans doute inutile comme ça mais c’est crucial. Les premières minutes sont cruciales. D’ailleurs, que doit-on faire dans un premier temps si l’alarme incendie retentit ? » Demandes-tu en fronçant légèrement les sourcils pour inspecter les différents doigts qui se lèvent. Mais tu as envie d’être un peu « joueur » aujourd’hui alors tu montres Cally du doigt et demandes : « Toi. Que ferais-tu ? » Tu ne lâches pas son regard, essayant de lui montrer toute la frustration et la colère qui sommeillent en toi. Tu veux qu’il sache que tu as bien compris son petit jeu. Et ses mensonges. Tu veux qu’il voie que tu ne vas pas laisser tomber, au contraire. Son comportement est dégueulasse et il faut qu’il le comprenne pour qu’il arrête de mentir sur son âge. Mais quel âge a-t-il réellement au juste ? Tu espères réellement qu’il n’a pas beaucoup moins que dix-huit ans, sinon, tu aurais beaucoup de mal à te le pardonner.

C'était peut-être con, finalement, d'avoir interrogé Cally plutôt qu'un autre. Tu aurais peut-être dû faire abstraction de votre passé commun et continuer ton cours comme si rien n'avait jamais existé entre vous. Mais c'était plus fort que toi, tu ressentais ce besoin pressant de le provoquer. De le chercher. Pourquoi ? Sans doute parce que, maintenant que tu sais qu'il t'a menti sur ton âge, tu te sens comme sale. Ou plutôt souillé. Comme si on t'avait utilisé en quelque sorte. Et pourtant, tu avais donné ton corps et ta confiance à Cally, chose peu fréquente chez toi. Surtout depuis la mort de ta femme. Et c'est sans doute ça qui rendait la pilule encore plus difficile à passer. Tu arques un sourcil à la provocation du jeune homme, arborant un sourire faussement sincère sur tes lèvres. Tu n'en reviens pas qu'il agisse de la sorte aux yeux de tous et même aux yeux de son propre directeur. N'a-t-il aucun amour propre ? Aucune délicatesse ? Tu soupires, passant une main sur ton menton sans détacher ton regard de Cally. « C'est une belle motivation mais il y a des choses à faire avant ça. » Dis-tu en détournant finalement le regard, comme si sa remarque t'importait peu, ne te touchait pas. Tu interroges finalement un de ses camarades, puis un autre, puis encore un autre, ne revenant jamais plus sur Cally avant la fin du cours. Vos regards ne se croisent plus non plus, lui montrant, au passage, que son petit jeu ne fonctionne pas sur toi. Néanmoins, tu n'es pas décidé à le laisser partir comme un chevalier. Pas après ce qu'il a fait. Alors, tu attends que la plupart des étudiants aient quitté la salle pour l'interpeller lui. « Cally, peux-tu rester une minute ? » Demandes-tu avec un regard plutôt sévère, ne lui laissant aucun loisir de quitter la salle. Ce n'est pas une question, finalement, mais plutôt un ordre gentiment détourné. Une fois qu'il arrive à ta hauteur, tu fais un pas en avant, réduisant la distance qui vous sépare. « Pour qui est-ce que tu te prends ? » Demandes-tu en serrant les dents pour canaliser ta colère. « D'abord tu me mens sur ton âge, sur ton putain d'âge Cally ! Et après ça, tu te permets de me faire un affront devant ta classe ? » Tu te contiens pour ne pas hausser la voix mais ce n'est pas facile. Tout ce que tu as envie de faire, là, c'est lui cracher ta haine et ta colère.

Ton regard ne quitte pas le sien alors que tu attends des explications. Qu'est-ce qui justifie son mensonge ? Qu'est-ce qui justifie qu'il t'ait utilisé, souillé ? Parce que c'est l'impression que tu as. Peut-être que tu sur-réagis, très certainement même, mais tu ne peux t'empêcher de te sentir comme ça. Puis, enfin, les explications tombent. Mentir pour son travail ? Tu fronces davantage les sourcils, pas certain de comprendre à quoi Cally fait allusion. Il est censé être aux études, pas au travail... Peut-être qu'il fait les deux ? Si c'est le cas, tu ne peux qu'être admiratif, malgré ta colère. Mais mentir pour le travail, ça n'annonce rien d'admirable. Au contraire. « Pour ton travail ? Quel genre de travail te pousse à mentir sur ton âge ? » Demandes-tu en arquant légèrement un sourcil. Certainement pas un travail très clean. Ou alors, c'est un boulot clean et Cally ment à son employeur. Mais malgré tout, la première option te semble bien plus probable. « Je reconnais que ce n'était pas très malin de t'interroger... » Dis-tu en passant une main dans tes cheveux en même temps. Au moins, tu es assez honnête que pour reconnaître tes torts. Même si, dans l'histoire tu n'es pas vraiment le plus fautif de vous deux. Néanmoins, l'interroger en cours pour le provoquer n'était pas très mature. Encore moins pour toi qui l'est énormément d'habitude. Tu as pris tes responsabilités d'homme très tôt dans ta vie et aller au front, ça n'a fait que renforcer ce sentiment de maturité précoce. Mais tu ne t'en plaint pas, ça a très certainement forgé ton caractère. « Mais t'imagines bien que tomber sur toi ici, c'était plutôt une surprise. » Et encore, le mot semble bien faible. « Quel âge tu as au juste ? » Demandes-tu finalement, appréhendant un peu la réponse. Tu espères qu'il n'a pas moins de dix-sept ans. Même si dix-sept ans, ça te paraît déjà bien trop jeune. Savoir que tu as couché avec quelqu'un de presque la moitié de ton âge, ça te tue. Tu ne t'en pensais pas capable et tu te demandes bien comment tu as pu y croire. Comment est-ce possible que tu ne te sois posé aucune question ? Tu ne comprends pas, toi qui es si lucide habituellement, devant Cally, tu as perdu tous tes instincts.

Quel genre de métier peut-il bien faire si c'est au point que tu ne devrais pas le savoir ? Que ce soit pour ton bien ou le sien. Tu fronces un peu plus les sourcils, sentant que Cally est au plein milieu d'une situation dangereuse et complexe. Comment a-t-il pu en arriver là ? Il est si jeune pour déjà avoir ce genre de "responsabilités" et pour déjà devoir prendre ce genre de décisions. N'a-t-il personne à ses côtés, pour l'épauler ? Sans comprendre pourquoi, tu ressens une petite pointe de compassion pour le jeune homme. Tu ressens comme une certaine envie de l'aider même après ce qu'il t'a fait. Tu ne devrais pas mais c'est plus fort que toi, tu as toujours aimé aider les autres. Peu importe la manière. « Je ne sais pas ce qui est pire... savoir ou ne pas savoir ? » Demandes-tu sans vraiment attendre de réponses. D'un côté, tu as envie de savoir ce qui tyrannise Cally mais d'un autre, tu n'as pas envie de ressentir davantage encore le dégoût qui te submerge. Le dégoût de toi-même d'avoir "abusé" d'un homme bien trop jeune pour toi. Tu ne peux t'empêcher de rire devant l'ironie de la situation de Cally lorsqu'il t'explique qu'il ne vient plus jamais en cours sauf aujourd'hui. Pile le jour où tu es là, toi aussi. Ce n'est pas drôle mais ça te fait sentir un peu moins mal. Du moins pendant quelques secondes. « Le mensonge n'apporte jamais rien de bon Cally... As-tu menti sur autre chose ? » Demandes-tu finalement, par curiosité. Vous n'avez pas énormément parlé ce soir-là ou plutôt si, mais avec un langage corporel... ce qui fait que tu ne sais pas s'il a eu le loisir de te mentir sur autre chose mais sait-on jamais. Tu préfères savoir si c'est le cas. Enfin, tu poses cette question qui te brûle les lèvres depuis ton arrivée ici : son âge. Il va avoir dix-huit ans... Tu sens une vague de soulagement prendre place à l'intérieur de ton corps, petit à petit. Tu te sens déjà un peu mieux même si avoir couché avec un homme de dix-sept ans ne te plaît toujours pas. « Tu es bien conscient que je n'aurais jamais couché avec toi si j'avais su ton âge, hein ? » Tu soupires un peu plus longuement, las de cette situation dans laquelle tu es embarqué involontairement. Tu pourrais oublier cette histoire et passer à autre chose mais c'est difficile pour toi. Difficile d'imaginer que tu vas rayer Cally de ta vie et l'oublier complètement. Maintenant que tu sais qu'il est dans une situation sans doute horrible, tu n'as pas vraiment le courage de le laisser tomber. C'est ton côté bon samaritain qui veut ça. Parfois être trop gentil ça apporte son lot de mauvaises surprises ou au contraire, de bonnes surprises. Tu ne sais pas encore dans quelle case se trouve Cally.

La vérité c'est que tu n'es pas vraiment dégoûté par Cally mais plus par toi-même. Parce que tu t'en veux de n'avoir rien vu, rien compris. Si Cally agit de la sorte, c'est forcément pour une bonne raison même si ça ne rend pas son acte plus acceptable pour autant. Néanmoins, au fil de la conversation, ta colère s'évapore petit à petit pour laisser place à de l'incompréhension. Escort, à son âge ? Quel père digne de ce nom laisserait son fils agir de la sorte ? Peut-être n'a-t-il même pas de parents, finalement ? Et si personne n'est là pour lui tendre la main, qui le sortira de là ? Tant de questions qui se bousculent dans ta tête sans trouver de réponses. Il n'y a que l'étudiant qui puisse te les donner mais tu n'es pas certain qu'il apprécierait tant de curiosité venant de toi. « Quelques années ? » Répètes-tu presque choqué. Il va tout juste avoir dix-huit ans et il fait ça depuis des années... c'est carrément impensable pour toi. « Comment ça a commencé ? » Demandes-tu sans savoir pourquoi. Peut-être parce que tu as besoin de comprendre, besoin d'avoir des détails pour cerner Cally et sa vie actuelle. Peut-être tout ça à la fois. « Je suis au moins content d'apprendre que tu n'as pas fait semblant avec moi. » Dis-tu en soupirant longuement. Ce n'est pas assez pour te réconforter mais ça aide quand même un peu. Et d'ailleurs, Cally l'a sûrement précisé pour atténuer un peu ton mal-être et ta colère. « Si tu veux me faire gober ça c'est raté. » Tu lèves les yeux au ciel, secouant légèrement la tête. Il ne parviendra pas à te faire croire qu'il aime être utilisé par des hommes qu'il ne désire sans doute même pas. Même si ça ramène sûrement bien, ce n'est pas suffisant pour y prendre du plaisir. Tu hoches la tête lorsque le jeune homme t'explique qu'au-delà de ce mensonge sur son âge, il a toujours été honnête. C'est déjà ça de pris, comme on dit. Mais il n'empêche que ta confiance en Cally risque d'être entachée pour une certaine durée. Si seulement vous continuez à vous voir par la suite... ce dont tu n'es absolument pas certain à l'heure actuelle. Même si ton envie de l'aider est bien présente, elle. « Que tu mentes dans ton travail, c'est une chose mais quand t'as quelqu'un en face de toi qui t'accorde sa confiance et son corps, en l'occurrence, c'est vraiment... peu respectueux d'agir comme tu l'as fait. » Comme il l'avait fait avec toi, surtout. C'est ça qui est difficile à accepter, que tu sois toi-même tombé dans le panneau. Trop subjugué par la beauté et le charisme de Cally. « La provocation ça ne marche pas vraiment sur moi, tu ne l'as pas encore compris ? » Demandes-tu en arquant un sourcil, légèrement amusé par le comportement du jeune homme. Il cherche à te brusquer, à te faire réagir mais tout ce que tu vois, toi, c'est une personne en détresse qui gâche sa vie pour... pourquoi au juste ? Tu n'en sais rien. Mais tu as bien envie d'élucider la question.

Tu décides de ne pas interrompre Cally lorsqu’il t’explique comment il en est arrivé à utiliser son corps comme outil de travail, fronçant de plus en plus les sourcils au fur et à mesure de l’histoire. Ce n’est pas quelque chose que tu aimes entendre parce que c’est le genre de trucs qui te révoltent complètement mais pour lesquels tu es incapable de faire quoi que ce soit pour arranger les choses. C’est du passé maintenant et malheureusement, Cally a dû affronter ça tout seul. Du moins, c’est ce que tu imagines. « Comment peut-on profiter d’un gosse de 14 ans ? » Demandes-tu plus pour toi que dans le but d’attendre une réponse. Parce que la vérité, c’est qu’il n’existe aucune réponse logique à cette question. C’est juste malsain et dangereux, rien d’autre. Tu ne peux t’empêcher de sourire lorsque Cally parle de votre soirée et de la nuit que vous avez passée. C’est un demi-sourire parce que tu essaies de contenir ton amusement pour ne pas que le jeune homme oublie que tu es toujours énervé. Et bien comme il faut. « Non sur le moment ça ne semblait pas être simulé. » Dis-tu avec une pointe de malice presque indétectable dans le regard. « Tu ne vas pas me faire croire que tu aimes coucher avec tous tes clients. Y’en a forcément certains qui ne t’attirent pas, non ? » Demandes-tu en haussant les épaules. Tu ne t’imagines pas coucher avec quelqu’un que tu ne désires pas mais peut-être que c’est devenu un automatisme chez Cally finalement. Lorsque l’étudiant finit par s’excuser, tu dois bien l’avouer, tu es étonné. Tu ne pensais pas qu’il se montrerait si conciliant, tu pensais qu’il allait simplement te rentrer dedans comme lors du cours d’alerte incendie. Mais contre toute attente, le jeune homme peut encore te surprendre. Tu finis par sourire, contraint d’abandonner cette colère qui t’animait quelques minutes plus tôt. « Excuses acceptées, c’est bien de le reconnaître au moins. » Réponds-tu en passant une main dans tes cheveux avant d’ajouter : « Je pense que, pour te faire pardonner, un verre serait tout à fait approprié. » Dis-tu finalement avec un léger sourire aux lèvres. Tu n’as aucune arrière pensée parce que l’âge de Cally te bloque à présent mais tu ne veux pas rester sur une note négative. Tu veux que toutes ces rancoeurs entre vous s’envolent pour laisser place à de l'apaisement.