Les fantômes ça n'existe pas

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Le mec voulait faire de l'humour à présent ou qui ? Avouons qu'en effet, un pompier qui s'enflamme c'est assez facile, mais Léo n'avait pas cherché à faire de blague, en vrai, dans son état, ce soir, il ne se sentait pas réellement l'âme d'un humoriste, déjà qu'en temps normal ce n'était pas réellement son fort. Il lui jeta un regard, confus, Heu... non, pas vraiment. Puis il grimaça, comme pour s'excuser. C'était plutôt agréable d'arrêter de se hurler dessus pour rien, Léo n'étant pas un adepte des disputes. Il osa même complimenter celui qui avait chercher à lui foutre sur la figure quelques minutes plus tôt. Lui qui n'aurait jamais eu le courage de faire un métier comme le sien, il était toujours admiratif de ces hommes et ces femmes qui sauvaient des vies, les pompiers, les chirurgiens, les flics, même. Et tous les autres. Tant de jobs qu'il n'aurait jamais pu exercer. Pourtant il en avait vu des scènes apocalyptiques, au sens premier du terme, lorsqu'il avait fait des reportages photo en zone de guerre, mais il était toujours spectateur, il était l'oeil qui voyait tout, mais il n'avait jamais eu l'occasion d'agir, il n'avait jamais su faire. Finalement, la seule fois où il avait eu à intervenir ce fut sur la plage, lors de la fusillade. J'espère aussi, la plupart du commun des mortels n'a pas la moitié de votre courage. Est-ce que ce fut ce souvenir de la fusillade qui lui rappela qu'il avait eu un certain Jeff au téléphone ? Lui qui cherchait depuis des mois à oublier cette scène totalement folle avec Mia qui se vidait de son sang devant ses yeux. Il parla tout de même de cette coïncidence à son interlocuteur qui sembla au départ suspicieux. Puis qui se fendit d'une expression à la fois surprise et... reconnaissante ? Hmm ouais, j'imagine que c'est moi. Le monde était décidément bien petit. Et dire qu'ils avaient faillit se battre ! Tu sais je n'ai pas fait grand chose en fait. J'ai surtout eu la chance de ne pas être touché par une balle. Pour le reste, j'ai fait comme j'ai pu en fait. Ce n'était pas de la fausse modestie, plus il repensait à ce jour plus il se disait qu'il aurait pu faire mieux, différemment, s'il avait eu plus de courage ou s'il avait connu les bons gestes à employer. Comment va Aaron ? Il ne connaissait pas cet homme et même s'il avait pris de ses nouvelles les premiers jours, en même temps qu'il allait visiter Mia à l'hôpital, il ne s'en était plus inquiété par la suite, la vie avait repris son cours.

Peut-être que Jeff avait raison, probablement qu'en situation extreme le réflexe premier serait de se sauver et de sauver les autre avec, Léo n'en savait rien, en fait. Et puis pour être honnête il préférait ne pas avoir à vivre ce genre de moment. Pas à un seul instant il se disait que son courage lors de la fusillade était la preuve que ce que le pompier avançait était vrai, parce qu'il ne trouvait pas qu'il avait été courageux, il se disait juste qu'il avait fait ce qu'il avait pu, bien peu, en fait. Il haussa les épaules, ce gars faisait peut-être aussi son modeste à sa façon. Il avait un job que beaucoup de petits garçons admiraient, il était un model pour la société, ou quelque chose du genre, la preuve, même ce soir il jouait au héros dans une maison abandonnée, enfin dans l'idée c'était ça. Finalement, le pompier sauveur de ces dames était tout aussi facile mettre en rogne qu'un autre, mais ça, Léo se garderait bien de le lui dire, se contentant d'en rire intérieurement. Ouais moi aussi j't'en aurais bien foutu une si tu permets que je sois honnête ! T'es sacrément casse couille quand tu veux ! Il se permetait de le dire à présent que la pression était retombée et qu'il s'étaient trouvé un point commun non négligeable. Sans t'avoir eu au téléphone j'aurais bien plus paniqué, je ne savais pas quoi faire, j'me sentais seul et plutôt... démuni disons. Entendre un professionnel me guider ça m'a bien aidé je t'assure. Après tout, Léo essayait simplement de sauver sa peau et celle de Mia, il n'allait pas non plus laisser les autres derrière mais il avait surtout eu la très grande chance de ne pas se faire tirer dessus et ça n'avait rien à voir avec son courage. Emerson n'avait pas eu la chance de rencontrer cet Aaron dans d'autres circonstances mais il ne doutait pas que ce soit un gars bien, il n'y avait pas de raison. il hocha la tête lorsque Jeff appuyait sur le fait que ça n'arrivait jamais à ceux qui le merritaient. En vérité est-ce que quelqu'un méritait vraiment de se faire tirer dessus par un terroriste, cette question demandait réflexion. Les gros cons s'en sortent toujours ouais... ou bien ils payent différement. J'espère que ton ami s'en sortira. Léo se sentait touché par le sort d'Aaron, même s'il ne le connaissait pas, le fait de l'avoir vu, de lui avoir parlé, de l'avoir aidé dans ce moment apocalyptique rendait les choses bien trop réelles. Ma meilleure amie, Mia, elle a été touchée à une épaule, ce n'était pas beau à voir. Mais elle s'en sort bien finalement, elle est encore en rééducation, on espère qu'elle n'aura pas de séquelles. Vivre avec un handicap rapellerait tous les jours à la blonde l'enfer qu'elle avait vécu et elle ne le méritait pas. Ce qui m'inquiète c'est pas tant son épaule, c'est psycologiquement, elle est plus fragile maintenant et ça prendra du temps pour qu'elle aille mieux. Il offrit un demi sourire au pompier. C'était un carnage, vous avez du voir des choses horribles. Non, ça ne se demandait pas, on ne parlait pas de ce genre de chose, mais allez savoir pourquoi, alors qu'il avait voulu tout oublier, Léo semblait avoir soudainement besoin d'en parler.

Ca ne paraissait pas comme, ça, on était dans la subtilité, même, mais en vérité, casse-couille, c’était plutôt affectueux ! Vu tout ce qu’ils s’étaient envoyé à la figure, au sens propre comme au figuré, depuis leur rencontre un étage plus haut, Léo aurait pu être bien plus violent envers Jeff, mais là il se montrait taquin, parce qu’ils n’étaient plus dans un climat d’agressivité. Maintenant ils étaient apaisés, ils ne pensaient plus ni l’un ni l’autre être en la présence d’un tueur en série et en plus ils se rendaient compte qu’ils se connaissaient, pour faire un raccourci. Il sourit alors, haussant les épaules et ouvrant ses mains, sorry not sorry Léo était capable d’humour finalement, un humour douteux et pas toujours bien saisi mais un humour quand même. Ouais, la folie, c’est le mot je crois. Il connaissait ça, dans un autre registre, lorsqu’il couvrait des reportages en milieu sensible, devoir réagir vite pour saisir l’instant, ne pas se blesser, être instinctif, évidemment c’était autre chose que de sauver des vies comme le pompier le faisait, mais c’était un sacré pic d’adrénaline tout de même. D’ailleurs, peut-être que c’était grace à cet entraînement avec son métier qu’il n’avait pas totalement paniqué lors de la fusillade, même s’il ne savait pas quoi faire et qu’il se sentait impuissant, il avait au moins eu le mérite d’être un minimum réactif. En parlant de Mia, des cauchemars, de la paranoïa, il semblait à Léo que Jeff savait de quoi il parlait, peut-être était-il déjà passé par là, mais il ne le lui demanderait pas, c’était sûrement trop personnel. Je serais là pour la soutenir et la secouer, c’est à ça que servent les amis. Il n’allait surtout pas la laisser tomber, Mia était bien trop précieuse à ses yeux, ils avaient toujours été très proches et peut-être que ce drame les avait encore plus rapproché d’ailleurs, ils devaient se serrer les coudes. Je crois qu’on ne peut pas comprendre ce qu’il se passe dans leur tête à ces gens là, ce sont des fous, tout simplement. Et nous on était juste là au mauvais moment. C’est dans ces moment là qu’il faut savoir relativiser et se dire qu’on a de la chance d’être en vie. Chérir ses proches… Il alluma son portable pour regarder l’heure. D’ailleurs il est déjà tard, tu n’as pas une vie en dehors de ton travail ? Une copine auprès de laquelle être ? Quelque chose à faire, autre que de discuter tuerie avec un inconnu. Léo n’avait personne qui l’attendait à la maison, même pas un poisson rouge à nourrir, mais ce n’était pas le cas de tout le monde.

Beaucoup aurait de la peine à y croire, si Léo racontait l’histoire de cette rencontre à ses amis, de ce gars qui l’avait surpris en infraction, un pompier en plus, avec qui il avait été à deux doigts de se foutre sur la figure de la façon la plus primaire qu’il soit et qui finissait par le remercier d’être un héros au bout de quelques minutes. Comme quoi, on pouvait vite juger les gens, surtout dans ce climat actuel qui faisait qu’on se méfiait de tout le monde, même de son propre voisin. A présent ils philosophaient sur le fait devoir profiter de cette vie qui pouvait se montrer cruelle et imprévisible, ils nageaient en plein délire. Mais il commençait à se faire tard et Léo réalisait que Jeff avait peut-être mieux à faire que de tailler une bavette avec lui, d’aussi bonne compagnie soit-il. Hmm je vois. Infirmière ? Un pompier et une infirmière, ça ne devait pas être très pratique niveau horaires pour se voir. En même temps, Léo, quand il partait à l’autre bout du monde durant des semaines pour un reportage il ne voyait pas sa copine, s’il en avait une à ce moment là. Et puis il le faisait de moins en moins longtemps, pour essayer de passer du temps avec son fils. Là je vais rentrer, regarder ce que donnent mes photos et les retoucher jusqu’à une heure totalement indécente. Super programme du mec célibataire. Il haussa les épaules Ca faisait parti de la vie. Il aurait préféré retrouver une jolie blonde qui se serait lové contre lui dans le canapé. Ou bien boire un verre avec des potes, mais pas ce soir, c’était bien pour ça qu’il avait traîné dans cette maison, pour repousser le moment où il retrouverait sa propre maison vide. Non ! J’ai pris mon vélo, je l’ai posé derrière la maison pour rester discret. Il était prévoyant, arriver en plein jour et laisser sa grosse voiture devant s’aurait été encore plus suspect.

Léo mettait rarement les pieds au casino, il avait tendance à fuir ce lieu parce qu’on y trouvait souvent le Maire et qu’il n’avait aucune envie de croiser cet homme qu’il détestait et puis aussi parce qu’il n’était pas vraiment amateur des jeux d’argent, il préférait mille fois une soirée entre potes dans un bar, quitte à aligner la monnaie pour payer des tournées plutôt que de s’enfermer dans un endroit ou l’on perdait la notion du temps en perdant aussi son argent pour rien. Donc il était peu probable qu’il ait déjà croisé la copine de Jeff. Hmm ouais, rien à voir c’est vrai ! Il touchait juste, le pompier, Léo aurait dû retoucher ses photos à un moment donné et puis ça n’est pas comme si ça lui était pénible, il adorait ça, c’était sa passion après tout. Mais savoir qu’il rentrait seul c’était toujours plus pesant. Il sourit, amusé par sa question. Non, j’m’en sors pas si mal à ce niveau. La question c’est comment les garder. Je n’suis pas particulièrement stable. En d’autres termes, Léo était un coureur, ça faisait plaisir aux commères de la ville, il les imaginait discuter, quelle nouvelle fille partageait en ce moment les bras d’un des célibataires le plus surveillés de Bowen ? Et même s’il la cherchait bien, sa réputation, il aurait tout donné pour un peu de stabilité avec la bonne personne, la seule qu’il avait été incapable de retenir auprès de lui. Je ne pensais pas rester aussi tard, je suis arrivé de jour… Et puis je connais Bowen comme ma poche, j’ai pris des petits chemins, pas la grosse route. Pas folle la guèpe. Mais il avait raison, Jeff, on ne pouvait jamais savoir qui on allait croiser sur la route, les gens roulaient si mal. En plus il ne mettait jamais de casque, Léo. Il pouffa de rire. On voit la déformation professionnelle là, mon vieux ! T’en fais pas pour moi, je suis capable de rentrer chez moi en un seul morceau.

Les raccourcis étaient si facile à faire. Léo l’avait bien cherché, avec son sous-entendu, Jeff l’avait donc pris pour un homme à femmes. Et en même temps, ce n’était pas totalement faux, bien qu’il n’aime pas se définir de cette façon, bien qu’il pense sérieusement que c’était bien plus complexe que ça. Mais il n’allait pas disserter sur le sujet, après tout ils ne se connaissaient pas, peut-être ne se reverraient-ils jamais après ce soir alors à quoi bon essayer de lui expliquer. En plus il n’en avait probablement rien à faire. Mmh ouais, t’as sûrement raison. Ou peut-être que la corde au cou c’est juste pas pour moi. Autant entrer dans le personnage jusqu’au bout tiens… le bon cliché. Non, j’suis arrivé quoi, un peu moins de deux heures avant la tombée de la nuit. Mais elle est sacrément grande cette maison. J’ai pas vu le temps passer. Quand il était dans son travail ce genre de chose arrivait souvent il fallait bien le dire. Je n’ai pas apporté de matériel pour la nuit, j’ai même pas de trépied, tous les clichés que j’ai fait dans l’obscurité doivent être inutilisables. Enfin je verrais en rentrant. Il maitrisait la photo de nuit, ce n’était pas le problème, mais il n’avait pas pensé prolonger ce shooting de nuit, sinon il n’aurait peut-être pas fait le chemin à vélo. Maintenant qu’il y pensait c’était peut-être inconscient en effet de rouler de nuit, même s’il prenait les petits chemins. T’en fais pas pour moi vas, cette ville c’est ma maison. Il devrait peut-être y penser, Léo à être plus prudent, dans bien des aspects de sa vie. Mais il aimait vivre sans se soucier des détails, il était du genre à agir et à voir après. La vie était trop courte pour se prendre la tête. Tu es la sagesse incarnée, j’en aurais bien besoin des fois ! Avant il y avait Liam, qui savait le recadrer, à présent il ne pouvait clairement pas compter sur Woody pour jouer l’ami responsable, des deux enfants terribles, Léo était peut-être le plus sages alors… Qui sait, on s’est déjà plus ou moins rencontré deux fois par hasard, c’est quoi, jamais deux sans trois qu’on dit ?! A la prochaine alors ouais ! Puis cette fois là on pourra boire un verre ensemble, ce sera mieux qu’un drame ou que ce soir. Enfin, on verra bien. Puis toi aussi, fais gaffe sur la route, on ne sait jamais. Il l’assena d’un clin d’oeil, jouant sur le même ton un peu moralisateur que celui que le pompier avait eu avec lui un peu plus tôt, il n’y avait pas de raison qu’il soit le seul adulte responsable des deux.