one step forward (lin)

Chicago au temps de la prohibition, peut-être pas, mais il y avait tout de même du changement qui s’opérait tout autour. Il n’était pas certain que ce soit pour le meilleur, Isaiah. S’il avait choisi de s’établir ici plutôt que n’importe où dans ce monde où ses pas avaient frôlé le sol, c’était pour le calme et la paix qu’on trouvait à Bowen. Et pour ses gens tellement accueillants et pleins d’histoire, aussi. Visiblement, il n’était pas le seul à avoir décidé d’élire cette ville comme lieu de résidence, mais certaines de ces nouvelles personnes ne semblaient pas s’harmoniser au décor comme lui avait pu le faire. Il ne pensait pas spécifiquement à Lin, parce qu’il ne la connaissait pas assez pour en juger, mais elle semblait impliquée dans des affaires beaucoup plus grandes encore que la simple plantation qu’Isaiah venait de lui vendre. « Heureusement ! » Avait simplement lâché l’ébéniste avec un sourire. Ils prirent finalement la route du domicile de Lin, où Isaiah rencontra Liam, le fils de l’asiatique. Le jeune homme essaya le plus possible de laisser Lin en privé avec l’argent, pendant que lui s’amuserait avec le gamin, mais elle insista pour compter l’argent devant lui, à même la mallette. « Merci. » Dit-il en récupérant la mallette, visiblement mal à l’aise dans cette transaction à laquelle il n’était aucunement habitué. La jeune femme lui montra ensuite un catalogue qui aurait fait rêver n’importe quel ébéniste. C’était son cas à lui aussi. Il esquissa un sourire en relevant la tête vers la demoiselle. « Est-ce qu’il y a une seule chose que tu ne fais pas ou pour laquelle tu n’as aucun contact, dans la vie ? » Demanda-t-il avec humour. Elle semblait capable de répondre à n’importe quel de ses besoins. « J’avoue que c’est tentant. Y’a du stock là-dedans qu’on ne peut avoir que par importation et il va sans dire qu’il faut avoir les moyens pour. J’n’ai jamais vu de prix aussi bas pour ces essences de bois. » Il continua à fouiner dans le catalogue un instant, en notant tout ce qu’il pourrait utiliser et pour faire quoi. Puis, Lin lui montra la chambre de Liam, et Isaiah resta un peu figé lorsqu’elle fit une inspection de l’endroit, parce qu’elle voulait que ce soit propre. Chez Aisling – et bientôt chez lui -, des jouets traînaient un peu partout et c’est ce qui faisait la beauté de l’endroit, selon lui. Ils essayaient juste de garder les objets loin de l’escalier, pour qu’un triste accident tel celui vécu il y avait quelques mois de cela ne se reproduise plus jamais. « C’est déjà bien plus propre que ma chambre à moi. Il apprend vite. » Dit-il pour faire passer le message par le fait-même. Si Lin faisait le tour de sa caravane, là où il vivait, elle prendrait certainement peur face au chaos. Mais ce n’était pas à lui de dire quoi que ce soit de plus. Isaiah n’était pas du genre à se mêler des décisions des autres, parce qu’il avait justement pour principe que chaque individu est différent. Vivre et laisser vivre. Son propre mode de vie n’était pas forcément le bon pour tous, et c’était très bien comme ça. Par contre, le morceau passa un peu moins facilement quand Lin mentionna que son fils n’était pas très futé, comme son père. À trois ans, c’était le genre de paroles qu’on pouvait retenir. « Il est peut-être seulement gêné. Je suis un grand inconnu avec une barbe et des cheveux fous. » Isaiah rit légèrement, avant de s’approcher de Liam et de prendre l’un des animaux en plastique, un cheval. « T’aimes bien les chevaux ? » Demanda-t-il en brandissant l’animal devant ses yeux.

Impératrice. Sans oublier le simplement comme une impératrice. Isaiah regarda Lin un moment, avant de déceler dans son regard qu'elle ne se prenait pas réellement au sérieux. Il eut un léger rire alors qu'elle continuait à soutenir son regard. Il cherchait quoi ajouter, mais comment réagir face à une femme déclarant avec simplicité qu’elle gouvernait l’empire familial ? Elle avait beau laisser croire qu'elle ne le pensait pas, Isaiah ressentait tout de même un malaise - et c'était rare que ce soit le cas. « Oh. C’est … c’est toute une responsabilité. » Déclara Isaiah, légèrement à la blague. Elle avait le don de le désarmer, cette Lin. Il n’avait jamais rencontré qui que ce soit d’aussi particulier, malgré tous les visages croisés sur cette terre. Ils passèrent finalement à la chambre de Liam qui, le pauvre, n’avait pas le temps de sortir un seul jouet que sa mère lui disait de ranger sa chambre quasi-impeccable. Le quasi semblait de trop pour Lin. Lorsqu’Isaiah parla de la timidité de Liam face à l’inconnu qu’il était pour lui, l’expression de Lin le fit légèrement sourire alors qu’il tentait d’en déchiffrer le son. À ses dires, il n’y en avait pas. « Il vit toujours ici, son père ? » Demanda Isaiah, curieux. La chinoise lui dit alors qu’il n’avait pas les cheveux fous et que son fils aimait beaucoup … « Chewba-qui ? » Eh non, Isaiah n’était pas le plus à jour pour ce qui était des films. Même d’aussi grosses franchises. Il savait au moins que les enfants aimaient généralement les chevaux et les histoires western qui pouvaient venir avec et visiblement, il avait tapé dans le mille. Isaiah sourit en l’imaginant jouer à la fois le cowboy, le shérif ou le bandit. Il serait un desperado n’importe quand, pour le petit Liam. Mais avant, il fallait lui fabriquer les plus beaux jouets ! « Je me mettrai là-dessus cette semaine. Je repasserai le lui porter, si ça ne te dérange pas. Je t’avertirai quand ce sera prêt. » Dit-il en relevant le regard vers Lin, toujours accroupi auprès de l’enfant.

Isaiah avait voulu s’intéresser aux racines de Liam, au père que Lin qualifiait de pas très futé, mais lorsqu’il lui posa une question sur la localisation de l’homme en question, la jeune femme ne lui répondit pas. Sa question s’était évanouie dans le silence, et Isaiah resta là un moment à attendre, incertain si elle avait entendu ou non. Sans doute préférait-elle ne pas en parler, et traduisait ce vouloir par le silence. L’ébéniste, encore peu habitué à la personnalité de Lin, ne chercha pas à pousser le bouchon. Il respecta donc son silence et laissa aller le sujet du père de Liam. Il parla plutôt des jouets qu’il pourrait construire au gamin, cette semaine. Il serait sans doute en mesure de repasser les porter tout beau tout neuf dès la semaine prochaine, parce que lorsqu’il avait un projet en tête et à cœur, Isaiah s’y donnait à cent pour cent. Lin mentionna qu’elle pourrait passer elle-même les chercher, chez lui. « À ta guise, l’un ou l’autre. C’est vrai qu’ils risquent peut-être moins de s’abîmer si tu viens les chercher, moi, je les trimballerai dans mon sac à dos, sur mon vélo, sinon … » Et ce n’était peut-être pas la meilleure façon de les garder intacts. « Oh, je n’en doute pas. » Ajouta Isaiah quand Lin lui affirma que tout ce qui se trouvait dans ce catalogue était de qualité. Il sourit. À sa proposition, il eut un air un peu dubitatif lorsque la chinoise avança l’idée qu’ils fument ensemble, avec Isaiah accompagné, sans doute d’Aisling. « Il faudrait que j’en parle à Ais’, mais … de mon côté, j’aimerais la tester, c’est sûr. » Il ne dirait jamais non à une expérience du genre, ce n’était pas tous les jours qu’on pouvait goûter à une herbe que quelqu’un portait si hautement dans son estime. Bref, maintenant que leur échange tirait à sa fin et qu’ils avaient réglé tous leurs comptes, Lin proposa de raccompagner Isaiah à sa … voiture. Bon, il rentrerait à pieds, ayant été amené ici par Lin, mais ce n’était qu’un détail. Il salua Liam et redescendit jusqu’au rez-de-chaussée. « J’te donnerai des nouvelles pour les jouets. Merci encore pour aujourd’hui ! » Il lui lança un sourire chaleureux avant d’ouvrir la porte et de quitter la résidence de Lin.