elijah ∇ OMG i love you so much !

Elijah l’avait remarqué dès qu’il était arrivé dans la salle de réunion vide. Une forme reconnaissable entre mille, un objet noir, brillant sur la grande table, un téléphone portable, oublié. Il avait fait le tour du service pour savoir qui pourrait avoir perdu le sien, personne, on lui avait appris qu’il y avait eu une sorte d’entretient d’embauche le matin même, mais de façon trop vague pour qu’il ait un nom. S’aurait été plus simple de laisser le téléphone aux objets trouvés et de ne pas s’en occuper, mais il n’avait pas le temps d’y passer, il s’était dit qu’il irait en fin de journée. Une fois le portable posé sur son bureau en évidence pour qu’il ne l’oublie pas, Eli avait fini par ne plus y faire attention et il avait continué sa journée comme si de rien n’était. Mais l’écran l’avait rappelé à l’ordre, un message visiblement, par curiosité il avait jeté un oeil rapidement, il n’avait pu lire que le début : “Salut Eirik on se voit toujours…” Bon, il avait au moins le nom du garçon. Par hasard il était passé sur le Facebook de l’entreprise pour voir les nouveaux messages et lu une publication du fameux inconnu qui disait avoir égaré son bien. Le hasard faisait parfois bien les choses, dans ce cas autant le lui rendre, ça arrangerait tout le monde. Sans être un vrai mordu des réseaux sociaux, Elijah n’avait pas eu la curiosité de chercher à savoir qui était cet Eirik, de toute façon ça ne le regardait pas, il n’avait que son téléphone à lui rendre et l’affaire serait conclue. Mais l’autre insista pour qu’ils se rejoignent dans un bar le soir même. On ne pouvait pas dire que ça arrangeait le couturier qui, en bon bourreau de travail, finissait rarement tôt ses journées, mais pour une fois il pourrait bien partir plus tôt, personne ne lui dirait rien.
A dix-neuf heure il était donc sur le lieu de rendez-vous, ce bar qu’il connaissait bien, du moins qu’il avait connu dans sa jeunesse et qui n’avait pas changé, c’était étrange de revenir à Bowen après des années d’absence, rien ne bougeait dans cette ville, les choses restaient toujours les mêmes pourtant il les voyait avec un oeil tout à fait différent. Elijah arriva dans son éternel costume de travail, taillé sur mesure par les petits doigts de fée de l’atelier, impeccable, comme toujours, il ne laissait pas de place à l’à peu près. Il avait pris soin de regarder à quoi pouvait ressembler son rendez-vous histoire de ne pas le chercher durant des heures, un homme, jeune visiblement, avec une chevelure peroxydée, il ne pourrait pas le louper. Et en effet il le remarqua facilement. Eirik fixait attentivement l’entrée du bar, leurs regards se croisèrent et un frisson parcourut toute l’échine de Stuart, sans qu’il ne sache trop pourquoi, ni pourquoi ses lèvres s'étiraient en un sourire lorsqu’il arriva à la hauteur du jeune homme. Eirik j’imagine ? Bonsoir je suis Elijah. Il lui tendit la main pour qu'il la sert, avant de s'installer face à lui tout en prenant soin de sortir le téléphone de la poche de sa veste. Je comprends pourquoi tu étais pressé de le retrouver, il n'a pas arrêté de sonner !

Le jeune homme était beau, vraiment beau. Elijah savait reconnaître une belle personne, physiquement parlant, un beau mec ou une belle fille, avec un corps fin, élancé, de grandes jambes, une attitude et un visage qui sortait de l’ordinaire, il savait les reconnaître parce c’était ce qu’il recherchait dans son métier pour représenter ses vêtements, les mettre en valeur. Et ce gars là, cet Eirik était très beau. Il était jeune, il avait tout pour lui. D’ailleurs cette jeunesse il la rappela douloureusement à Eli lorsqu’il hésita à le vouvoyer. Le couturier n’avait plus vingt ans, il avait dépassé la trentaine voilà quelques petites années et voir le temps défiler ne lui faisait pas vraiment plaisir. A une époque il aurait pu être l’égérie d’une campagne de pub, s’il n’avait pas préféré dessiner les pièces, mais ce temps là était révolu, il devait laisser la places aux plus jeunes, aux gamins comme celui qui se trouvait face à lui et qui lui souriait de façon presque gênée. Il lui fit un non de la tête pour indiquer que les notifications du téléphone ne l’avaient pas dérangé. Elijah fronça les sourcils quand le blond se confondit presque en excuses de lui proposer un verre. Ne comprenant pas vraiment d’où venait le problème, cet endroit ? Ou le fait qu’il soit plus âgé. Elijah ne s’attendait pas à un rendez-vous galant, alors à moins qu’Eirik se soit fait de fausses idées, dans ce cas ils partaient en effet dans la mauvaise direction, sinon un verre ne le dérangeait pas plus que ça. Et puis la vue sur la mer n’était pas si désagréable. Ce jeune homme était déroutant, un instant il semblait être plein d’aplomb et le suivant il se terrait presque dans un trou en s’excusant d’être là. Stuart sourit alors en s’installant face à lui, il retira sa cravate et défit un ou deux boutons de sa chemise histoire d’avoir l’air plus décontracté. Comme ça je cadre mieux avec le décor, ça te va ? Nouveau sourire, on était dans un jeu de séduction totalement inconscient. Je ne sais pas ce que j’aurais pu faire d’un téléphone de plus, au pire il aurait terminé aux objets trouvés. Je n’aurais pas traversé l’Australie pour te le rendre, mais Bowen n’est pas très grande. Et je ne suis pas contre un verre, c’est la fin de journée, ça ne me fera pas de mal. C’était intéressant de voir que leurs regards ne se quittaient pas, ils se fixaient, se découvraient, Elijah ressentait une chaleur agréable même s’il était incapable de la définir, loin de penser qu’il puisse s’agir d’une quelconque attirance. Oui. Je suis… le boss ! Sans aucune prétention, c’était étrange, même dans sa bouche, il avait encore du mal à croire qu’il était à la tête de cette antenne, ici, à Bowen. On a ouvert il y a peu, il y a déjà plusieurs  ateliers à travers le pays mais la marque se développe bien et on avait besoin d’un atelier supplémentaire. On m’a nommé président à Bowen. Enfin tu dois déjà le savoir si tu as passé un entretien hier. C’était pour quel poste ? Je n’ai pas encore eu le temps de consulter ma R-H pour savoir comment tout s’est passé. Tu seras notre nouvelle égérie pour la prochaine collection ? Cet Eirik avait tout pour être un bon mannequin, il avait du style, il avait une prestance, il le voyait bien porter les créations de la marque. Il se voyait bien l’habiller. Il se plantait totalement mais ça il n’en savait encore rien.

Il était arrivé quelques fois qu’Elijah se fasse draguer par des hommes, mais à chaque fois il avait coupé court aux tentatives de séduction. Il le disait, l’affirmait, il aimait les femmes, il était hétéro, totalement. Il avait laissé sa copine du moment à Sydney, une charmante journaliste d’origine Grecque, brillante et brûlante, qui le rejoindrait peut-être un jour, lorsqu’elle en aurait envie. Ils étaient dans une sorte de relation libre, Elijah était jaloux comme tout, mais il avait préféré sa carrière professionnelle à une paire de jambes qui lui était déjà infidèle, il le savait. En vérité cette histoire avec cette fille ne menait nulle part, il en était totalement conscient, mais il avait horreur qu’on le quitte alors tant qu’il ne l’aurait pas décidé, ils ne se sépareraient pas, ils resteraient dans cette relation dysfonctionnelle et sans avenir. Et il y avait un avantage, il pouvait bien mettre tout ce qui bouge dans son lit, elle ne pourrait rien dire. Pourtant Stuart n’aurait pas pensé que la première personne qui chercherait à le draguer ici serait un homme, encore moins un gamin comme Eirik et encore moins que ce regard qu’il portait sur lui puisse le toucher à ce point. Il remarqua ses yeux qui se posaient sur lui alors qu’il se mettait plus à l’aise et un sourire en coin se dessina sur ses lèvres alors que le blond ne manquait pas une miette. Alors le gamin était gay, en même temps pourquoi pas, il n'avait rien contre, ça ne le regardait pas. En tout cas ça ne l’empêcherait pas de prendre ce verre avec lui, finalement un verre ça n’engageait à rien.
Une fois qu’il eut expliqué qui il était et, dans la foulée, mis une étiquette de mannequin à l’inconnu qui lui faisait face, Elijah fut surpris de la réaction du blond. Perplexe une seconde, il rit, amusé par son erreur. C’était un raccourci facile que d’avoir cru qu’Eirik était mannequin, il aurait pu l’être, même si, visiblement, ça lui semblait invraisemblable. Oui je vois, c’est pas vraiment la même chose en effet. Alors notre site contient des erreurs… On a notre propre équipe qui s’occupe de l’informatique tu sais. La marque faisait partie d’un gros groupe qui possédait toutes les meilleurs équipes, mais il fallait croire qu’il y avait encore meilleure qu’elles en la personne de ce jeune blond. Plus âgé, d’accord… Autant dire qu'il pensait à un vieux styliste aux portes de la retraite. Il esquissa un sourire mi-amusé. Je devrais être flatté moi aussi alors. J’ai dessiné, c’est comme ça que je suis entré dans le groupe. Maintenant je dessine moins que je supervise, c’est autre chose. Il était chargé de créer une collection capsule pour les boutiques du coin, mais ça n’avait rien à voir avec la grande ligne qui faisait tout le succès de la maison de couture cette saison. En soi, il n’avait donc aucun mérite, mais c’était toujours agréable de savoir que sa marque plaisait. Tu t’intéresse à la mode pour fouiner sur un site comme le nôtre ?  Le mot fouiner n’était pas réellement une critique, en vérité il se demandait réellement comment ce garçon s’était retrouvé à chercher les fautes d’orthographe sur un site de vêtements de luxe. Le serveur arriva pour prendre leur commande, Elijah demanda une bière avant de reporter toute son attention sur son interlocuteur, le regardant comme s’il n’y avait que lui, observant ses gestes, son attitude.

Elijah ne s’occupait pas du site internet de la boite, il validait seulement, d’un oeil distrait, les différents articles locaux qui pouvaient passer. Mais en effet, Eirik avait raison, il ne relisait pas lui-même, alors comment donner des leçons s’il ne montrait pas le bon exemple à ses équipes ? Il rit doucement, comprenant que devoir passer un entretien alors qu’il n’avait rien demandé ait pu être déroutant pour le jeune homme. Il se souvenait qu’il avait été question de recruter quelques personnes qui s’occuperaient de l’informatique en général, le site web, mais aussi tout ce qui touchait à la technologie de près ou de loin, alors sûrement qu’on avait vu un bon candidat en lui. Cependant il faudrait qu’il soit plus polyvalent que la simple correction d’orthographe. Alors on est ici pour un second entretien ce soir ?! Je ne doute pas de ton talent, mais très honnêtement, je serais bien incapable d’en juger, mes connaissances en informatique sont limitées. Il avait raison, Eirik, de tenter sa chance, visiblement il était jeune, plein d'entrain et il avait besoin d’argent. C’était toujours mieux que de monnayer son corps comme le faisait la soeur d’Elijah… Il haussa furtivement les épaules. Ca dépend de ce qu’on recherche j’imagine. Je dessine toujour, c’est ce que j’aime. Mais je ne me voyais pas à l’atelier toute ma vie, je voulais plus, j’ai toujours voulu monter les échelons alors je crois bien que ça me va, oui. Il avait de l’ambition à revendre, pourquoi pas un jour devenir directeur artistique d’une maison prestigieuse, pourquoi pas New-York, Milan ou Paris, là où la mode avait gagné ses lettres de noblesse. Il pourrait vouloir le monde à ses pieds, Stuart, il pourrait se battre pour l’avoir, sa carrière était tout pour lui et il ne s’en cachait pas. Alors en effet, Bowen ce n’était pas prestigieux, il s’enfonçait même dans le trou qui l’avait vu naître. Mais la marque commençait à gagner en prestige, à faire sérieusement parler d’elle, il était encore jeune, il avait tout son temps pour monter encore plus. Ce n’est pas pathétique, non ! J’étais comme toi à l’époque. Et puis si je ne bossais pas dans ce domaine je ne pourrais pas m’offrir ce genre de vêtements moi non plus, j’en suis conscient. Je viens d’un milieu plutôt modeste. Il lui sourit, Eirik était encore jeune, il avait tout le temps d’avoir une carrière, dans quelque domaine que ce soit et de briller à son tour, s’il avait l’ambition et la motivation tout était possible. Les bières arrivèrent rapidement et les deux hommes purent trinquer. Le blond fixa Eli comme le voulait la tradition, de ses grands yeux bleus il l’hypnotisa sans que le couturier ne comprenne ce qui lui arrivait. Ils restèrent comme ça un instant, suspendus à se manger du regard et le coeur de Stuart cogna plus fort, lui faisant presque mal. Quand Eirik reprit la parole Elijah détourna le regard, fuyant, gêné. Oui je...  Il soupira pour se redonner une contenance. Je suis né ici, ça fait quelques années que je n’y avais pas remis les pieds mais la ville est toujours la même… Tu n’as pas chaud ? Il fait chaud ici. En même temps qu’il posait sa question il retirait sa veste pour ne garder sa chemise blanche, sans réaliser qu’ils étaient dehors et qu’un vent frais extérieur rendait l’atmosphère parfaitement respirable alors que lui avait l’impression d’étouffer. Stuart ne comprenait pas ce qui lui arrivait, il perdait ses moyens alors que ce n’était pas dans ses habitudes, il savait toujours tout garder sous contrôle.

Il n’y avait pas à dire, le gamin était doué pour se vendre sans en avoir l’air. Si Elijah avait eu besoin d’un gars comme lui dans son équipe il aurait sûrement été convaincu. Mais encore une fois, la maison avait une équipe informatique qui faisait bien son travail et puis si vraiment son profil était intéressant, il avait déjà rencontré la R.H alors ça n’était pas du ressort du couturier. Non, lui, il pourrait éventuellement le pousser un peu pour qu’il accepte de poser pour lui, de porter ses collections, parce qu’avec un physique pareil, il pourrait totalement correspondre à ses attentes. Mais pour ça il faudrait qu’ils se connaissent plus, Elijah n’allait pas le faire ce soir alors qu’Eirik était un parfait inconnu. Merci, comme je te l’ai dit je ne m’en occupe pas, de ce site, du moment qu’il soit visible facilement c’est la seule chose qui m’importe. Mais je demanderai à mes équipes de faire plus attention à l’orthographe dans les textes lors de la prochaine réunion. Ceci mit fin à la discussion sur le site web de l’entreprise, mais qui sait, peut-être aurait-il un jour besoin de lui, peut-être qu’il allait le compter parmi les membres de son équipe.
Stuart était ambitieux et il ne s’en cachait pas, s’il avait une réelle passion pour le dessin, depuis tout petit, et du talent dans ce domaine, il ne se voyait pas passer sa vie à griffonner des patrons ou à peaufiner les croquis des grands couturiers de ce monde. Il voulait être l’un des leurs, il voulait être celui qui décide, qui donne des ordres, celui que l’on respecte. Il voulait qu’on se souvienne de lui pour son travail, pour la postérité. Il hocha la tête avec un petit sourire pour remercier le blonde de l’encourager, beaucoup de personnes avaient peur des autres trop concernés par leur avenir professionnel, on les trouvait présomptueux, visiblement ce n’était pas le cas de ce garçon, une qualité qu’Elijah apprécia. Animateur télé ! C’est plutôt original. Mais il faudrait quitter Bowen pour ça, ou sinon tu finiras sur une chaîne locale sans grand intérêt. Bowen était une ville sympathique, agréable à vivre, Eli le savait, elle l’avait vu naître et grandir. Mais il avait toujours su que s’il voulait prendre de l’importance il lui faudrait quitter cette ville. Ce fut même une délivrance pour lui que de partir loin d’ici. Et son retour, voilà quelques semaines, était encore difficile à assumer pour celui qui avait tant cherché à fuir ses origines.
C’était assez agréable de discuter de cette façon avec un inconnu, sans vraiment savoir pourquoi Elijah se sentait à l’aise avec cet homme, comme s’il le connaissait depuis longtemps. Il n’avait généralement pas de problèmes pour aborder les autres, de nature relativement sociable il savait mener une discussion sans encombre, mais ce soir les choses se faisaient naturellement et il se laissait totalement porter. Pourtant il y eut cet échange de regards et la gêne qui s’en suivit, jetant presque un froid entre les deux hommes, ou faisant monter la température, selon le point de vu. Eirik remarqua le malaise de son invité, il affichait même un petit sourire discret mais néanmoins triomphant. Elijah aurait dû le détester, il avait horreur qu’on ait le dessus sur lui, pourtant il tenta de garder la tête froide tout en retirant sa veste. La question d’Eirik arracha un petit rire à Stuart et suffit à détendre l’atmosphère à nouveau. Je meuble mon appartement et je défais mes cartons. En vérité hors du travail je n’ai pas tellement de temps. Quant à madame Stuart, elle est encore à Sydney, les petites villes comme Bowen ne l’intéressent pas vraiment. Alors… on verra. Conclut-il avec un petit sourire en coin. Eli ne donnait pas l’impression de s’inquiéter plus que ça de cette situation, il avait bien une copine, oui, mais il préférait sa carrière à sa vie sentimentale, sûrement parce qu’il n’était pas plus attaché que ça à celle qui partageait sa vie. Et non, il ne remarqua pas la tentative déguisée d’Eirik pour se renseigner sur sa vie sentimentale. Loin de se douter qu’il se faisait draguer, ou bien il fermait les yeux histoire de ne rien voir, faire celui qui ne comprenait pas, même sans s’en rendre compte. Et toi, tu as quelqu’un ?

En effet, le jeune Eirik semblait être tout aussi ambitieux qu’Elijah et cette idée plaisait beaucoup au couturier. Il avait cette fâcheuse tendance à mépriser les personnes qui manquaient d’ambition, son travail c’était tout ce qui comptait pour lui, il partait du principe que l’on ne s’accomplissait jamais autant que professionnellement. Les sentiments étaient pour lui secondaires, voir même une marque de faiblesse, quelqu’un qui faisait passer son conjoint avant son job n’était pas quelqu’un de confiance. Après tout, qu’est ce qui prouvait que vous étiez accompli, que vous étiez quelqu’un si ce n’est une bonne place dans une bonne entreprise, un salaire confortable qui permettait de vivre aisément et puis la reconnaissance de vos paires. Il pouvait tout plaquer pour avancer dans son métier et il l’avait déjà fait plusieurs fois. C’est un bon plan de bataille, les études c’est important, elles vont t’apporter des bases et une stabilité, le reste ira tout seul après, je n’en doute pas. Alors tu as déjà fait tes débuts devant une caméra ! Pas trop intimidant ? Lui était plutôt du genre à se faire discret, il aimait être reconnu mais pas forcément à être vu, la nuance était faible mais si d’aventure il devait devenir un couturier vraiment célèbre, il aurait sûrement du mal avec cet aspect là du métier. Enfin ce n’était pas encore au programme alors il n’avait pas à se poser la question. C’est vrai qu’une chaîne locale, pour débuter ça ne doit pas être mal sur le cv.
On aurait pu sentir un léger froid entre eux alors qu’Elijah énonça clairement qu’il avait quelqu’un dans sa vie, mais il ne le remarqua pas plus que ça. Et puis c’était un détail, presque une anecdote, puisqu’il était presque certain pour le couturier que sa compagne et lui n’avaient plus grand chose à faire ensemble, ils n’avaient simplement pas fait les choses dans les règles, comme à peu près tout le restes de leur relation particulière. Les cartons sont quasiment terminés, je vais presque m’ennuyer quand j’aurai tout rangé. En vérité ça lui plaisait pas mal d’installer son intérieur, de tout mettre à son goût, il appréciait de tout organiser, ranger, il avait un côté maniaque. Ouais, une relation… il avait presque mis des guillemets avec ses doigts pour signifier que c’était beaucoup dire. C’est un grand mot. Mais dans la forme il y a une femme oui. Du moins il n’y avait pas d’homme, autant préciser les choses de cette façon, il ne savait même pas pourquoi il cherchait tant à se justifier, en temps normal il passait rapidement sur le sujet, voir, il l’évitait comme s’il s’en foutait totalement, pire, des fois il prétendait simplement être célibataire, quand ça l’arrangeait. Il avait retourné la question au blond et celui-ci lui répondait quand on le bouscula. Eli vit la personne arriver de loin, rapidement sans faire attention, il savait ce qu’il allait se passer. Pourtant il fut surpris quand le contenue du verre de bière se retrouva sur sa chemise immaculée. Il écarquilla les yeux et se leva d’un bond, lui qui avait chaud, il venait d’être refroidi en un temps record. C’est pas toi c’est… Il fixa l’inconnu qui s’éloignait déjà avec un regard noir, puis soupira. C’est pas de ta faute. Je n’ai plus qu’à rentrer me changer. C’était dommage, la soirée se passait bien, il serait bien resté un moment à discuter avec cet homme. En fait il n’avait aucune envie de le quitter, mais il ne pouvait décemment pas rester dans un état pareil. Tu habites loin ? J’ai ma voiture, tu veux prendre un verre chez moi ? Entre deux cartons… La proposition était totalement spontanée, sûrement un peu trop d’ailleurs.

Sur le coup Elijah ne comprit pas la réflexion d’Eirik, peut-être voulait-il juste dire qu’il était intimidé de parler avec un étranger, voilà tout, ou avec un étranger directeur d’une maison de couture célèbre. Peut-être, enfin il ne chercha pas à avoir plus d’éléments, il aurait pu demander, mais il se contenta d’un sourire énigmatique. En vérité il n’était pas contre le fait d’impressionner les autres, si c’était positif, il aimait cette notion de respect, il avait suffisamment bataillé pour y avoir droit aujourd’hui. Je suis sûr que tu passes très bien à l’écran. Et il ne disait pas ça que pour flatter l’ego du jeune homme, après tout, il le verrait très bien en mannequin pour sa maison, alors la télévision c’était un peu la même histoire. Ce garçon était fait pour prendre la lumière, pour qu’on le voit, Eli en était sûr. Surtout s’il avait des problèmes avec son image, c'était un très bon moyen pour qu’il prenne confiance en lui.
Après l’incident, Stuart proposa à Eirik de venir prendre un verre chez lui, un peu sans réfléchir, il n’avait pas pour habitude d’inviter de parfaits inconnus et encore moins des hommes… surtout des hommes homosexuels qui le bouffaient du regard comme le blond l’avait fait dans le bar. A croire qu’il cherchait à se mettre en danger. Pourtant c’était stupide, il l’avait dit, il avait une femme dans sa vie et il se berçait de cette certitude, il n’aimait pas les hommes. Il remarqua malgré tout le regard perturbé du blond, visiblement ce ne devait pas être quelque chose qui se faisait, d’inviter quelqu’un chez soi, ou bien il n’y comprenait rien. Au moment où Elijah pensait qu’ils allaient donc se quitter là, l’autre accepta finalement. Ils quittèrent le bar pour la voiture de l’australien. Tout casse chez moi. Mais ce n’est pas de ta faute si ta bière a fini sur ma chemise alors je ne m'inquiète pas. Il lui adressa un petit sourire alors qu’ils prenaient le chemin de chez lui. Ma chemise ? …Ce n’est qu’un bout de tissus comme tu dis. Ne t’en fais pas, vraiment. Il n’allait pas lui dire qu’elle était faite dans une étoffe précieuse et qu’elle avait été taillée à ses exactes mesures. Qu’elle valait donc un certain prix, ça n’avait pas d’importance pour Elijah. Il se moquait bien de cette chemise, il en avait plein d’autres et la possibilité de s’en faire faire tout autant. L’avantage de cette petite ville était qu’on n’avait pas beaucoup de route à faire pour se rendre d’un endroit à l’autre. Le bar de la plage n’était qu’à quelques minutes de son appartement, il se gara en sous-sol et invita Eirik à le suivre. Une fois chez lui, au dernier étage d’un immeuble récent, qui avait pour avantage d’avoir une vue imprenable sur toute la baie, il déposa ses clés dans le vide poche de l’entrée. On remarquait quelques cartons entreposés encore ça et là mais l’ensemble était bien rangé, habitable. Fais comme chez toi, je vais passer une tenue propre et j’arrive. Eli s’éclipsa dans sa chambre et retira sa chemise pour enfiler un polo plus décontracté ainsi qu'un jean. Puis il rejoignit Eirik dans le salon. Qu’est ce que je t’offre ? Il questionna le blond du regard avec un petit sourire, incapable de le quitter des yeux, incapable de comprendre ce qui se passait quand il le regardait.