Rencontre au café [Bonnie Williams]

Je n'eus pas le temps de partir, que Mei était déjà sortie de la douche, un peu en catastrophe et visiblement pas maquillée, sans doute ne voulait-elle pas que je parte. Pourtant, ce son strident résonnait encore dans ma tête, me causant de dérangeants maux de crâne. Comme pour s'excuser, elle utilisa elle-même deux des petites boîtes qui faisaient ce son. Soit-disant voulait-elle tester ma curiosité. Elle fut visibllement aussi voire plus sonnée que moi, étant donné qu'elle en avait pris deux. Elle perdit alors l'équilibre et dans un réflexe rapide, je me mis derrière elle pour la rattraper dans sa chute. Je l'aidais alors à se relever pour la laisser s'asseoir sur le lit.

- T'étais pas obligée de t'infliger ça. Mais si tu voulais tester ma curiosité, tes tiroirs auraient suffit !

Je lâchais un petit rire amusé, en réalité, je n'étais pas si fouineuse que ça, je prenais juste ce qui me passait à portée de main, et j'aurais sans doute empoché cette boîte si elle n'avait pas fait ce son horrible. Je m'assis alors à côté d'elle, sur le lit. Elle m'avait draguée au café, elle m'avait invitée dans un hôtel... Ses intentions devenaient beaucoup plus claires pour moi, ou peut-être faisais-je fausse route. Pour lever le doute, je décidais de la laisser prendre les initiatives, qu'il n'y ait pas de malentendu gênant. Cette main sur ma cuisse me revint, d'ores et déjà rien que ce matin elle avait recherché le contact, la proximité, et là nous étions deux, assises au bord de son lit. Je la regardais en me mordant la lèvre inférieure. A vrai dire, je ne savais pas comment réagir dans cette situation. Je ne savais pas vraiment comment ça allait se terminer, mais ça rendait la soirée plus intéressante.

- Donc tu voulais voir si j'allais fouiner ? C'est vrai, la curiosité est un vilain défaut, mais tout le monde en a des défauts...

Ce n'était pas un reproche. En fait, je jouais le jeu, si elle voulait me séduire, j'allais la suivre, si elle ne le voulait pas, alors je serais au moins fixée et on pourrait passer à autre chose.

Mes oreilles ne sifflent plus au bout d'un moment et Bonnie n'a plus l'air de m'en vouloir. Elle est assise à coté de moi sur le bord du lit et ça me donne des frissons mais je me contrôle pour ne pas la braquer.
"C'est sur que je ferai pas ça tous les jours ! Il faudra aplatir les autres boites, ils n'avaient pas la clef pour les désactiver. C'était au rebut et comme on dit, à boite donnée, on ne regarde pas la clef."
Sa remarque sur son éventuelle intention de fouiner me fait rire.
"Prise la main dans les sous-vêtements, j'aurais voulu voir ça ! Alors, ma suite présidentielle te plait ? C'est pas ma paie de journaleuse qui me permet de squatter ici. Je contourne leur système de sécurité et puis je leur dis, comme ça ils le règlent et je peux loger ici quelques temps, puis je change d’hôtel."
Je n'entre pas dans les détails techniques pour ne pas la gaver, en fait je n'en parle pas davantage pour pas ne pas gaver. Entrons plutôt dans le vif du sujet !
"Je t'ai proposé de venir ici pour manger sur la terrasse mais en fait il fallait que j'avertisse quarante-huit heures à l'avance. Tu vois, ce n'était pas prémédité."
Ca semble logique, on ne s'était encore jamais vues jusqu'à ce matin mais elle aurait pu croire que je l'aurais "stalkée". Ce n'était pas le cas !
"Du coup, je t'emmène dans un petit restaurant trop peu connu, ils font des viandes succulentes pourtant. Tu dois avoir faim. Moi j'ai ..."
Je m'humecte les lèvres en regardant sa bouche sensuelle, tends la main, lui frôlant la joue du bout des doigts et me lève avant de tenter de la culbuter sur le lit. Ce n'est pas parce qu'elle sort avec des femmes que je suis forcément son genre et que je dois me croire tout permis. Tu es homosexuelle / bisexuelle ? Baisons alors ! Sérieux ! Ca ne le ferait pas du tout !
"Faim. Je me maquille, j'en ai pour une minute. Je me répète mais la curiosité n'est pas un vilain défaut dans ma profession et celui de flic, au contraire."
En disant ça, je prends de quoi me maquiller légèrement dans le tiroir de la commode juste en face du grand miroir et j'enchaîne après avoir plutôt souri sensuellement à la belle blonde :
"Tu fais quoi de beau dans la vie ? Hôtesse, mannequin, étudiante en médecine ?"
La dernière supposition c'est pour dire qu'elle n'est pas forcément une nana "à la tête vide" qui ne pourrait avoir qu'un boulot basé sur son joli minois.

Elle m'informa qu'ils ne lui avaient pas donné les clés pour désactiver ces alarmes stridentes, et qu'on les lui avais donné. Ce coup là ce n'était pas très sympathique, mais je décidais de passer outre. C'était une farce comme une autre, à la différence près qu'elle était très douloureuse pour les tympans. Je sous-entendis alors que j'aurais pu fouiller dans ses tiroirs, mais elle me répondit qu'elle aurait voulu voir ça. Ensuite, comment se payait-elle une telle suite ? C'est simple, elle la payait pas. Elle contournait les systèmes de sécurité de l'hôtel puis leur rapportait, tout simplement. Ils lui accordaient donc cette suite bien jolie. Puis, après une certaine période, elle changeait d'hôtel. Elle avait essayé d'être la plus précise possible sans me bassiner en entrant dans les détails techniques, du coup j'avais compris. Elle en vint à la raison pour laquelle elle m'avait faite venir ici: manger. Seul bémol, pour la terrasse, il fallait réserver, et notre rencontre n'était absolument pas préméditée, du coup elle me proposa un petit restaurant, mais sa phrase se coupa alors qu'elle m'observait, elle se ressaisit finalement et continua sa phrase, ce qui me fit encore rire un peu.

- Ne t'en fais pas va, tu peux aller te maquiller je ne partirai pas. Et pour la curiosité... C'est peut-être le cas.

Je la laissais retourner dans la salle de bain pour se préparer, en attendant je me levais et partis vers la fenêtre. Clairement, elle avait une belle vue, idéal pour se détendre après une longue journée. Je fus sortie de mes pensées par Mei, qui me demanda ce que je faisais dans la vie. Outch, comment répondre à ça... En fait, il n'y avait pas trois milles solutions.

- Je ne travaille pas. Je vis dans une petite maison avec une aide financière de mes parents, je n'ai pas encore trouvé ma voie. En attendant, certaines mauvaises manies peuvent me remplir légèrement les poches, mais pas de quoi vivre.

Et pourtant, je n'avais pas hésité, tout à l'heure, à donner de l'argent à Mei. Le fait que je l'aie fait malgré mes faibles revenus pourrait être perçu comme un symbole. Plus que l'argent en lui-même, c'était un cadeau. Je ne pouvais pas me permettre de lui acheter une bague ou autre bijou hors de prix, alors je lui avais donné un peu d'argent avec lequel elle ferait ce qu'elle veut, même si contrairement à moi elle avait un emploi, et donc un revenu. Le geste était donc plus symbolique.

Je la fais rire. Si Bonnie aime se marrer, elle va être servie avec moi, je n'ai pas besoin d'un nez rouge pour faire "le clown". Elle me dit qu'elle ne partirai pas et a donc du se méprendre sur mon hésitation. Je me fais donc "une beauté". Je pense être observatrice et je n'ai pas l'impression qu'elle m'ait vraiment regardée. Au café je comprenais, parler de sa phobie la mettait mal à l'aise. Ici, j'ai plutôt l'impression que je ne suis pas son genre. Ca ne m'étonnerait pas, une attirance à sens unique, le destin qui nous fait nous rencontrer juste pour se foutre de moi, j'ai déjà quelques exemples autour de moi. Sauf que moi, je ne m'accrocherai pas si Bonnie me voit au mieux comme une pote. Je ne me ferais pas passer pour son amie dans l'espoir de l'amener à coucher avec moi un jour. Je lui demande donc ce qu'elle fait dans la vie alors que je termine en me passant un petit peu de rouge à lèvres. Et là, je suis tellement étonnée d'apprendre qu'elle ne travaille pas que ma main dérape et je me colle un trait de rouge en partie sur la joue. Elle ne travaille pas, elle vit dans une petite maison grâce à ses parents et sa cleptomanie l'aide à arrondir ses fins de mois. Woa.
"Tu es surprenante."
Je répare ma maladresse sans repérer une légère trace encore présente sur ma joue, tamponne mes lèvres avec une feuille de sopalin et rejoignait Bonnie près de la fenêtre.
"Si j'avais su que tu manquais de sous, j'aurais insisté pour payer et j'aurais peut-être insisté lourdement du coup c'est mieux comme ça. N'empêche, tu sais combien de personnes m'ont donné un billet pour le conseil, l'écoute ? Personne. Les gros porcs qui me tendent une liasse de billets pour que je les suce et qui se prennent mon pied au cul, ça ne compte évidemment pas !"
Dis-je en rigolant avant de redevenir sérieuse.
"Ton geste me touche. Tu vis dans une maison et tu as toujours tes parents. Tu as déjà plus de racines que moi. En tout cas, je suis étonnée que tu n'aies pas trouvé ta voie et sans te juger, ça va entraîner quelques questions mais je te les réserve pour le dîner. Tu veux aller sur la terrasse avant qu'on y aille ? C'est encore plus beau dehors. Ils ont même un système qui attire ailleurs les moustiques du coin."
Non parce que c'est ici que je pensais dîner, un repas de super traiteur apporté direct des cuisines d’hôtel jusqu'à ma suite mais quand ça ne veut pas, ça ne veut pas, déjà pas mal que je squatte ici sur des failles de sécurité qu'ils n'arriveront jamais à combler. Il y a toujours un accès et il me suffit de l'équivalent du chas d'une aiguille pour faire ce que je veux dans leur réseau. Je suis donc prête à aller sur la terrasse avec Bonnie pour qu'elle ait un plus beau panorama encore sur Bowen. En attendant sa réponse imminente, je plonge mon regard dans le sien. Si les yeux sont le miroir de l'âme, si on peut y lire les émotions qu'on inspire, y verrais-je du désir ? Un trouble ? De la gêne ?

Surprenante dit-elle ? Je ne me considérais pas comme telle. En vérité, j'étais plutôt normale, et je ne cherchais pas à sortir du lot. Pourtant, le fait qu'une journaliste ait voulu m'interroger sur ma trypophobie me faisait un peu sortir du lot, quand même. Dommage que ce ne soit pas pour des raisons un peu plus joyeuses. Je vis qu'elle dérapa en se maquillant, ce qui m'amusa, bien que je n'oserais pas me moquer d'elle. Elle passa un peu d'essuie-tout sur sa joue pour tenter d'enlever le rouge à lèvre en trop, mais celui-ci semblait tenace. Elle plaisanta ensuite sur un sujet qui pourtant était sensible. Le sexisme, ou ces gens qui prenaient les femmes pour des objets sexuels, méritaient davantage qu'un pied au cul. Mais je ne lancerais pas ce débat, pas quand ça part d'une blague. Elle aurait cependant insisté pour payer si elle savait que je n'avais pas beaucoup d'argent, ce qui me révéla qu'elle n'avait même pas fouillé mon portefeuille. Mei était une personne de confiance, à n'en pas douter.  J'avais cependant des choses qu'elle n'avait pas ou plus: une maison, pour commencer, puis des parents. Par respect, je ne continuerais pas à la questionner là dessus. Elle me proposa alors de passer par la terrasse avant d'aller manger, c'était une bonne idée, d'ailleurs elle argumentai davantage.

- Je suis partante, mais avant...

Ma main se dirigea vers le visage de la jeune femme pour finalement se poser sur sa joue. Mon pouce effaça alors délicatement ce qui restait de rouge à lèvre qui n'était pas à sa place.

- Il t'en restait un peu !

Bien que j'aurais pu garder ma main là plus longtemps, moment agréable, il fallait bien que je finisse par la retirer. Je vérifiais alors que j'avais bien tout ce qu'il me fallait. Nous allions donc manger, passant devant les fameuses petites boîtes, je gardais d'ailleurs mes distances avec celles-ci, si j'en effleurais une, mes tympans en prendraient un coup. C'est ainsi que j'accompagnais Mei au repas. Etait-ce un rencard ? Un simple repas de courtoisie ? Il fallait avouer que je n'étais pas certaine, ni expérimentée dans le domaine. Nous verrions donc comment ça tourne.

"Merci."
Dis-je quand elle efface la trace du pouce, laissant sa main un tout petit peu plus longtemps que nécessaire mais je ne risque pas de m'en offusquer. Je crois que j'ai un ticket mais on va voir comment ça évolue. On se retrouve au parking et je tends un casque de moto de style aviateur à Bonnie et un autre identique pour moi. Quant à la moto, c'est une harley night rod special, ce n'était pas mon premier choix mais je l'aime bien. Je trouve quelle a un vrai siège passager mais je fais très certainement la difficile.
"Si on rigole pendant qu'on roule, on risque de manger un moustique, si on sourit, il faut ensuite un cure-dent, tu es prévenue !"
Certains bien pensants ont dit que ce casque était à la limite de l'égalité, qu'il ne protégerait pas contre un impact de trente-trois tonnes lancé à plus de cent miles à l'heure et là je me marre parce que même l'armure de type batman pour motard n'y résisterait pas alors bon. J'enfourche la bécane et souris à Bonnie, les lunettes évidemment aussi de type aviateur sur le "front".
"Surtout n'hésite pas à bien m'enlacer. Si tu as peur, je conduirai très prudemment. Si tu n'as pas peur, je conduirais prudemment mais un brin plus vite et si tu aimes la vitesse pure, on ira sur un circuit parce que je roule pas à tombeau ouvert en ville."
Je ne le dis pas mais elle pourrait aussi en profiter pour me peloter, ça ne me déconcentrerait pas ! A un moment, je roulais sans casque et je piratais les données de la police pour les effacer. Je trouvais que ça faisait de moi une rebelle mais j'avais tout faux. J'allais me mettre les flics à dos si je continuais dans cette voie et en plus, ça donnait envie à mon passager du moment de faire pareil. Le problème, ce n'est pas ma conduite, c'est celle des autres. J'avais évité un accident de justesse une fois et je me serais non seulement fait mal mais une copine aussi. Que je prenne des risques, passe encore, ce serait mon choix, que j'en fasse prendre aux autres, pas question. Donc casque. J'attends donc que Bonnie grimpe derrière moi et me dise quel est son degré d'affinité avec les motos, si elle préfère une conduite sage ou un peu plus de vitesse.

Une fois l'épisode "maquillage" passé, l'heure était venue de passer aux choses sérieuses: le repas. Nous ne pourrions pas manger sur cette terrasse, puisqu'il fallait réserver 48 heures à l'avance. Or, ça en faisait à peine 10 à tout casser que l'on se connaissait. Nous nous dirigions donc vers le parking et Mei s'arrêta devant une moto, quel modèle je n'en savais rien, je n'étais pas une connaisseuse en motos. Quoi qu'il en soit, cette bécane semblait pouvoir accueillir deux personnes mais, en toute honnêteté, j'aurais préféré la voiture, je gardais cependant cette remarque pour moi, je ne voulais pas l'offusquer.

- Il parait que ça a bon goût, les moustiques !

Je ne ris même pas à cette blague, alors que je mettais le casque qu'elle m'avait tendu sur la tête.  Nous nous installions ensuite sur la moto, l'enjambant. Pour ma part, pas le choix, il fallait que je m'accroche à Mey, sous peine de rester sur place lorsque la moto démarrerait. Elle me laissa le choix de l'allure, ça ne me dérangeait pas qu'elle le fasse, au contraire j'appréciais cette attention.

- Hm, si tu pouvais y aller doucement, je n'ai jamais fait de moto, la vitesse en voiture je connais, mais en moto non, c'est une expérience nouvelle.

Quoi qu'il en soit, je me disais que c'était comme du vélo, en plus rapide et sans pédales peut-être, et sauf que c'était pas moi qui tenais le guidon. J'enjambais la moto et m'accrochai à Mei après m'être assurée que mon casque ne partirait pas à la première accélération.

- Allez, allons-y ! Doucement pour commencer hein !

Je n'avais pas pu m'empêcher de le répéter, preuve que je n'étais pas sereine. Cela dit, accrochée à Mei, ça me semblait beaucoup plus stable. Dommage qu'il faille porter ce casque, j'aurais bien aimé avoir les cheveux au vent. Je serrais mes bras autour de Mei, peut-être un peu trop fort.

- Ca va, je ne sers pas trop ?

Bonnie fait un trait d’humour mais je sens que c’est pour cacher son anxiété. Je vérifie que son casque est bien ajusté. Je l’écoute, me contentant de hocher la tête pour confirmer que oui, on ira doucement au début puis je sourie quand elle me demande si elle ne serre pas trop.
"Laisse-moi juste un tout petit peu respirer et ce sera parfait. Voila, en route mauvaise troupe."
J’ai desserré un brin son étreinte et nous partons tranquillement. Je conduis sagement le temps de quitter la ville, m’arrêtant même aux feux orange et je sens qu’elle se décontracte vraiment. J’aime sentir son corps contre le mien. Nous sommes très vite hors de la ville et je m’arrête au dernier carrefour. Il n’y a guère de monde par ici, doux euphémisme. Je vérifie quelques informations sur mon micro ordinateur assemblé. Du fait maison. Toujours pas de radars par ici et pas de police, ce n’est pas un endroit dangereux. Eh oui, nos flics ne se planquent pas dans les endroits où ça rapporte le plus à Bowen, genre après une cote ou il faut accélérer. Mais on a quelques ripoux pour que je puisse faire un peu mon taff, les dénoncer. Je retire mon casque.
"A partir de là, tu peux retirer le casque. C’est en ligne droite et on ne nous ennuiera pas. Tu vas sentir la vraie griserie de la moto.
Je l’observe en l’aidant à retirer son casque que je range ensuite avec le mien dans une des sacoches.
"La Liberté avec un grand L mais ne me lâche pas hein. On verra plus tard ton habileté à me tenir sans les bras."
Ca ne me ressemble pas de parler d’avenir même proche parce que j’ai toujours eu tendance à vivre au jour le jour mais ça me plaît, je dois dire. On se remet donc en route et j’accélère un peu pour que Bonnie sente davantage le vent sur son visage, les cheveux dans le vent. Je me demande si elle est démonstrative, j’aimerais entendre son plaisir ici aussi. Je suis une vilaine fille.

Tant que je la laisse respirer ? Simple non ? En fait, je ne savais pas comment j'allais réagir, c'était pour ainsi dire la première fois que je faisais de la moto, et j'appréhendais un peu, bien que Mei semblait savoir ce qu'elle faisait. En ville, elle conduisait tranquille, pas d'accélérations ou de freinages brutaux. Je n'étais donc pas trop agrippée à elle et elle était tranquille pour manier sa moto. Elle semblait cependant surveiller certains endroits, sans doute pour vérifier s'il y a des radars ou des policiers dans le coin.  Avait-elle l'intention de me faire découvrir la vraie vitesse ? En tout cas, elle prenait bien la direction pour quitter la ville. Et il n'y avait sans doute pas de questions à se poser: elle cherchait un endroit où pousser le moteur du monstre. Retirer le casque disait-elle ? Mouais, je l'enlevais, mais s'il m'arrivait quelque chose ce serait elle qui trinquerait. Je n'avais pas non plus envie de me prendre une amende pour non port du casque. Mais Mei était tranquille, selon elle nous ne serions pas dérangée. Elle m'aida alors à retirer mon casque, je m'accrochais donc à elle.

- Allez, tu peux y aller !

Je regrettais déjà ses paroles, mais peut-être que l'adrénaline de la vitesse me ferait oublier ces regrets, en fait je ne savais pas comment je réagirais, et de fait, j'étais anxieuse, bien que je ne le montrai pas. Le visage fouetté par le vent, lequel envoyait valser mes cheveux vers l'arrière, elle commençait petit à petit à accélérer, tout comme les battements de mon coeur.

Bonnie ne montre pas qu’elle est anxieuse mais moi je la sens tendue, je sens la tension de ses bras aussi roule-t-on un peu plus vite mais pas au point de l’affoler puis nous arrivons devant le restaurant familial et je gare la moto près de l’entrée avant de me tourner vers ma belle et de la dévorer des yeux.
"Pour la première fois, je pense que c’était mieux de ne pas aller trop vite. Tu es très courageuse."
Ce disant, je me rends compte après coup que je lui caresse la joue et me sens rosir. Cette femme me met dans tous mes états ! On rentre dans le restaurant et comme je le pensais, il y a encore une table de libre en terrasse. De là, on a une vue magnifique sur la plage, sur la Mer de Corail. Assise juste à coté de Bonnie, je n’ai d’yeux que pour elle pendant que nous attendons les menus.
"Tu aimes ? Quand je t’ai parlé de moi, je ne t’ai pas parlé de ma couleur préférée, ben j’en ai pas. Je marche aussi "à voiles et à vapeur" mais je te préf … Je veux dire, je préfère nettement les femmes, fuuu, il fait chaud, non ?"
Je conclue en secouant légèrement le haut de mon T-shirt, ce qui me va bien puisque je serais un brin "secouée" !

Nous fûmes bien vite arrivées au restaurant dont Mei m'avait parlé. Mes muscles se détendirent au moment où la moto s'arrêta sur le parking, de telles sensations, je n'y étais pas habituée, mais je n'avais pas envie de vomir, c'était déjà ça ! Mei semblait me dévorer des yeux, ça allait de pair avec son comportement charmeur. Moi ? J'étais inexpérimentée dans le domaine, je ne savais pas trop comment lui répondre. Peut-être que le fait de vouloir passer un moment avec elle pouvait suffire.  Elle me caressa la joue et ça ne me déplut pas, loin de là. Pourtant, je n'étais pas très tactile. Finalement, nous rentrâmes au restaurant et se dirigeâmes vers la terrasse, laquelle offrait une vue unique sur la mer. Une fois assises, nous attendîmes les serveurs et nous regardâmes les menus. Enfin, JE. Parce que Mei semblait n'avoir d'yeux que pour moi.  Je ris à sa réflexion, à presque dire qu'elle me préférait, avant de se corriger.

- Non mais vas-y, finis ta phrase !

Mei m'amusait, et les plats proposés ici semblaient tous plus appétissants les uns que les autres. Recette parfaite pour une belle soirée !

Je me sens bien auprès de Bonnie, il ne faut pas chercher le rationnel, cette femme m’attire corps et âme. Surtout, le fait que je la désire a l’air de lui plaire et je passe une langue gourmande sur les lèvres quand elle me dit de finir ma phrase.
"Je te préfère et j’ai le plaisir de penser que je ne te laisse pas indifférente non plus. Ah, la carte."
Un nouveau serveur, ouf, on n’aura pas à papoter, ça me permet de me concentrer sur la belle blonde. Je délaisse mon menu, partageant celui de Bonnie. Ca me permet de la frôler, mon visage assez près du sien pour m’enivrer de son odeur délicieuse.
"Tu m’as dit que tu aimais manger de la viande alors tu vas être servir ici. Il y a de tout, de la bleue, de la juteuse, de l’entrecôte, de la cote de bœuf, du pavé de rumstek mais je te conseille le steak tartare avec son jaune d’œuf tel une cerise sur le gâteau. La traçabilité est transparente est bonne partout en Australie, mon journal y veille et moi personnellement mais ici, elle est communiquée au jour le jour. C’est important la confiance, dans la vie de tous les jours, au travail, entre amis, dans un couple ..."
Je déglutis avant d’avoir la bave aux lèvres et je lui souris.
"Tu as une préférence ? Je crois que je n’aurai de la place que pour un seul dessert."
Je suis sur le point d’ajouter autre chose mais je préfère qu’on passe la commande d’abord.

Et finalement, elle termina sa phrase ! Je rougis certes, mais au moins, elle avait dit ce qu'elle pensait. Moi, j'étais un peu perdue, intimidée, je ne savais pas comment réagir, ni ce que je ressentais à ce moment. Le serveur arriva avant que je ne puisse répondre, ouf, sauvée par le gong ! Il nous donna les cartes pour que l'on puisse voir ce qu'il y avait à manger. Maintenant, Mei savait que j'aimais bien la viande, elle commença alors à me faire la liste des viandes qui pouvaient être consommées ici. Elle parlait beaucoup, c'était drôle. Je lâchais alors un petit rire.

- Tu devrais respirer un peu !

Elle parlait beaucoup, oui, mais ça ne me dérangeait pas. Au moins je ne m'ennuyais pas avec elle, et maintenant je savais que je lui plaisais. Chose que je n'avais jamais remarqué avec personne. Je n'avais jamais su discerner si je plaisais à quelqu'un ou non, et maintenant que je le comprenais je ne savais pas quelle réaction je devais avoir. Mei était jolie, il n'y avait aucun doute, mais j'étais comme... Bloquée à ce niveau là, alors je la suivais, peut-être était-ce dangereux, mais le danger est excitant, non ?

- Alors je prendrais ça, le steak tartare.

Nous verrons bien. Elle semblait connaître ce restaurant, et je lui faisais confiance. Je lui avais fait confiance jusque là, elle s'en était montrée digne. Elle n'avait pas gardé mon portefeuille pour elle alors qu'elle aurait pu le faire, tu me diras, ça nous avait donné une occasion de nous revoir !

"Dis-le que je parle trop !"
Dis-je faussement vexée en lui donnant un ersatz de coup de poing au bras.
"Tu m’inspires donc c’est ta faute. "
Moi de mauvaise foi, si peu mais ça se voit que je plaisante. Va pour deux steak tartare. Nous passons commande et nous faisons apporter du vin.
"Ne crois pas que j’essaie de te faire boire pour abuser ensuite de toi."
Lui dis-je avec un grand sourire avant que nous trinquions.
"Je sais qu’on se connaît depuis peu mais je me sens bien auprès de toi, Bonnie. Jusqu’à présent, je n’ai eu que des coups d’un soir avec des filles comme moi, je dois dire. Tu es différente parce que tu es à la fois forte et fragile. J’aimerais passer du temps avec toi si tu es d’accord. Le plus de temps possible. A ce propos, tu ne travailles pas mais tu as une formation ? Des compétences ? Tu sais, ce n’est pas grave si tu n’en as pas, je ne te jugerai pas. Je te jure que je ne te jugerai pas."
Je conclue en plongeant mon regard sincère dans le sien. Vraiment, il y a des personnes qui ont besoin de côtoyer pendant des mois pour commencer à comprendre les sentiments qu’ils éprouvent et il y a celles qui le ressentent peut-être pas tout de suite mais très vite. Je suis dans ce dernier cas avec Bonnie. Un coup de foudre ? Soyons sérieux ! Quoique ! C’est possible !

Je fis une légère moue faussement agacée lorsqu'elle me lança cette plaisanterie du "dis le si je parle trop". Je l'inspire dit-elle ? Eh bien j'allais continuer à l'inspirer. J'aimais bien qu'elle pense ça de moi, ça me donnait confiance même si je ne savais pas trop comment me comporter. Me faire boire pour abuser de moi ? Je finis par rire.

- Pour ça il faudrait que tu arrives à me bourrer ! Tu verras je tiens très bien l'alcool, et je ne l'ai pas mauvais, donc tout baigne !

Mon regard se plissa, les yeux dans les yeux de Mei, comme un air de défi. Mais peu après, Mei commença un gros monologue, et j'étais polie, donc j'écoutais. Ca ressemblait presque à une déclaration. Des coups d'un soir elle en avait eu, ça je n'en doutais pas, mais elle me surprenait en me disant que j'étais différente. Après tout, on se connaissait à peine ! Elle aimerait passer du temps avec moi, je l'écoutais attentivement, hochant la tête quand il le fallait pour montrer que je suivais, que je n'étais perdue ni dans ses paroles, ni dans mes pensées. Elle en vint à me demander si je travaillais ou si j'avais des compétences ou autres.

- Je dois avouer que tu me surprends. Bien sûr, je passerais volontiers plus de temps avec toi. Mais concernant le travail, les études ou les compétences... Je n'ai malheureusement rien de tout ça. Je suis dans le flou total et je n'ai aucune ambition professionnelle. Pour en avoir une, il me faudrait juste une base pour commencer, c'est là que je bloque.

Je n'avais pas honte, et puis Mei avait dit qu'elle ne me jugerait pas, je lui faisais confiance. Je bus une gorgée, de toute façon je ne conduisais pas, c'était la moto à Mei. Mais ce serait peut-être dangereux de prendre la moto.[/color]