call it magic, call it true (clayo)

Il tremblait en l'attendant, elle. Elle lui manquait profondément et il ne pouvait plus le nier. La situation avait été catastrophique au cours des derniers mois et il n'avait d'envie que de la retrouver. À parler, de tout, de rien. De s'embrasser parfois, d'avoir quelques organes qui se tordent sans se détordre. Il se languissait d'elle, elle lui avait manqué pendant de longues années alors que l'Allemagne le détenait prisonnier. Son père avait mis le grappin sur lui et il ne devait pas y penser bien longtemps, sans quoi il savait qu'il deviendrait agressif. Mais il pensait à sa douce Cleo. Il avait loué une chambre d'hôtel pour deux jours, le temps de louer un appartement ou d'acheter une maison. Il ne savait pas trop pour le moment. C'était pas comme si c'était bien dramatique avec l'argent qui traînait dans son compte, pour ne pas dire qu'il prenait la poussière. Il avait demandé à son agence de l'envoyer elle spécifiquement. Il avait utilisé son deuxième prénom; Aurelius pour ne pas attirer de soupçon. Il la voulait pure, Clay. Il avait demandé à ce qu'elle passe chercher la clé en bas, réservée à son nom. Il entendait la clé bouger dans la serrure et il avait l'estomac noué. Elle était là, à quelques secondes de lui, moins de deux mètres. Elle ouvrait finalement la porte et lui soufflait finalement: « Cleo. »

On l'avait demandé, elle et pas une autre. Penelope. Un nouveau client, pas un habitué. On ne lui avait pas donné beaucoup d'informations, parce qu'il n'en avait pas donné, lui non plus, lorsqu'il l'avait réservée. Sans savoir réellement à quoi s'attendre, Cleo s'était donc mis dans l'idée qu'il s'agissait d'un client lui quémandant la totale, ainsi elle ne serait pas surprise de ses demandes. Depuis peu, elle avait cédé aux demandes de sa patronne pour offrir bien plus que du bon temps à ses clients. Cleo devait maintenant offrir son corps en entier. Certains le demandaient, d'autres continuaient à réclamer sa bonne oreille. Et Cleo, elle, elle ne ressentait plus le dégoût qu'elle avait au départ expérimenté. Parce qu'à présent, elle n'avait personne qui pouvait se soucier de ce qu'elle faisait avec son corps, la seule personne qui aurait pu lui faire hésiter ce changement de service avait pris la fuite, il s'était éclipsé de la ville sans même daigner avertir celle qui avait fait chavirer son coeur. Vêtue d'une robe noire très ajustée, lingerie fine sous le tissu collé à sa peau, elle suivit les indications qu'on lui avait remises lorsqu'on lui avait attitré son client pour la soirée. Aller chercher la clé qui lui était réservée à la réception, puis entrer dans la chambre sans frapper, c'était ce que sa patronne lui avait dit de faire, demande du client. Devant la porte de la chambre 420, Cleo prit une grande inspiration pour se donner la confiance qui lui fallait, transformant la blonde qu'elle était en Penelope, gonflant le peu d'estime d'elle qui lui restait. La clé dans la serrure, elle laissa la porte s'ouvrir et y entrer dans la démarche qui caractérisait son personnage de travail, ses talons qui claquaient le sol à chaque pas. Ouvrant la bouche pour se présenter à son client, aucun mot ne sortit. Son corps se figea sur place. Lui. Clay. Il était là devant ses yeux. Ce n'était pas un rêve, mais bien la réalité. Et son nom qu'il soufflait la ramena des mois en arrière, des années même, quand il le lui murmurait à l'oreille entre deux baisers. Clay ?, dit-elle presque comme une question. Y'a erreur, j'ai rendez-vous avec quelqu'un. Et pourtant, c'était lui qui l'avait acheté pour la soirée. Elle était mal à l'aise, sa tenue était presque gênante, jamais elle ne s'était montrée si peu habillée devant lui. Elle chercha à cacher sa poitrine le plus qu'elle pouvait en croisant ses bras contre elle. J'devrais y aller. Même si, à présent, avec la façon dont il la regardait, il n'y avait aucun doute que celui qui l'avait engagé, c'était lui, utilisant un pseudonyme pour éviter ses foudres.

Il ne savait pas que Cleo avait décidé de sauter le pas, finalement. Il ne savait pas qu’en tant qu’escorte, elle couchait. Il la trouvait toujours belle et plein de principes, mais d’un côté, il devait s’en attendre. Il devait s’en attendre qu’elle aussi aille refait sa vie sans lui. Des études en pédiatrie, c’était long. Mais Clay espérait. L’espoir qu’elle ne l’ait pas oublié, surtout de cet espoir là. « Clay? » Il hochait la tête positivement. C’était lui. Il allait s’approcher d’elle, mais elle lui disait que c’était une erreur. Non, ça n’en était pas une. « Oui, avec moi. » Réussissait-il à articuler après quelques secondes de silence. Il ne remarquait pas sa tenue, il en était bien trop amoureux pour le remarquer. Elle cachait sa poitrine et comme de réflexe, il retirait son veston pour le lui mettre sur les épaules, tendrement. « Cleo, ne pars pas. Je t’en prie. » Dit-il avec douceur. Il lui pointait la chaise. « Tu peux t’asseoir, je vais tout t’expliquer. » Expliquer quoi? Probablement que trop maladroitement, il avait dû régler la situation de son père et en apprenant les coups bas, il était reparti, mais qu’il pensait toujours à elle? Bonne chance, vieux!

Des demandes étranges, Cleo en avait. reçu depuis qu'elle avait élargie ses services. Qu'on lui demande de ne pas frapper, que d'insérer une clé dans la serrure pour annoncer son arrivée, ça n'avait rien d'alarmant. Elle s'était donc exécuté, sans se poser de questions, sans se douter que derrière cette porte se cachait sans doute le plus gros fantôme de son passé. Il était là, devant ses yeux, et comme une oasis en plein désert, elle semblait croire qu'il disparaîtrait aussitôt qu'elle prononcerait son nom. Elle osa le faire, dans un ton qui sonna comme un doute, et pourtant il n'y avait aucun doute que c'était lui, son Clay. T'as fait dans l'originalité. Faut que je t'appelle Aurelius à présent ? Ça sonne un peu comme un reproche sans le vouloir. Pourtant, la blonde est légèrement vexée par la surprise qu'il lui a foutue au nez en se pointant sans s'annoncer, comme si de cette façon elle arriverait à le pardonner. Elle n'était pas dupe, Cleo. Elle valait bien plus que ça. Et, soudain, son corps était devenu gênant, un obstacle à leur discussion. Qu'espérait-il avoir ce soir ? Que leur relation reprenne là où ils l'avaient laissé. Impossible. Eux, c'était impossible. Cleo n'était pas revenue sur sa décision. Elle avait fait pire, même, elle s'était convertie aux plaisirs sexuels. Clay posa sa veste sur les épaules de son ex-amantes, elle ne le refusa pas, le pressant contre elle, humectant son odeurs. Mais elle recula d'un pas, la distance entre eux étaient trop réduite. C'était dangereux. Il lui demanda de s'asseoir, pour tout lui expliquer. Elle fronça les sourcils et s'énerva. M'expliquer quoi !? Y'a rien à dire. Elle secouait la tête frénétiquement. T'as pas su accepter qui j'étais, t'es parti. Voilà tout. T'as été lâche et t'es parti. Tu m'as fais croire que j'étais spéciale à tes yeux, mais, au fond, j'étais rien. Juste une fille pour te faire oublier ta mauvaise passe, ce pourquoi on m'engageait avant. La blonde soupira bruyamment. Ça ne servait à rien de parler, elle était blessée par son départ.

La femme sous les yeux de Clay était froissée visiblement. C’était normal. Elle le blâmait d’avoir usé d’originalité et il ne tardait pas à lever les yeux en l’air. « C’est mon deuxième prénom, je croyais que tu le savais. » déclarait-il doucement, sans vouloir commencer de guerre. Il était pacifique, Clay. La femme acceptait néanmoins son veston pour se cacher un peu, lui n’en faisait pas de cas. Il n’avait pas le désir charnel très haut dans l’échelle ces temps-ci avec tout ce qui s’était déroulé récemment. Elle s’énervait alors qu’il tentait de lui expliquer, il tentait de la convaincre d’entendre ses mots. Il soupirait et se mettait la main au visage pour trouver les mots. « Je comprends que tu sois en colère. » disait-il pour désamorcer la bombe que Cleo était devenue. « Écoute moi. » répétait-il sans se lasser au niveau de sa patience. « Cleo, t’es belle. T’es magnifique. T’es tellement spéciale pour moi. » Commencer avec de la flatterie, ça l’aiderait. Il inspirait puis expirait calmement. « Mon père était mourant. » C’était un début et aucun pot de fleurs n’avait virevolté dans les airs. « Et ma mère m’a demandé de l’aide pour sa compagnie, devenue un peu ma compagnie par la force des choses. » C’était vrai. On avait abusé de la gentillesse de Clay au cours des dernières années, c’était une bonne poire et ce n’allait pas être évident de tout expliquer à Cleo et il le savait. « J’ai pensé à toi tous les jours. T’étais le soleil de mes nuits. » Admettait-il finalement, craignant tout de même un projectile quelconque.

Ça ne lui avait pas effleuré l'esprit une seule seconde qu'il ait pu utiliser son second prénom. Et, pourtant, cette information, elle l'a connaissait. Ils avaient parlé de l'Allemagne, de son père de qui il portait le prénom, Clayton, prénom qui ne lui collait pas à la peau, Aurelius encore moins. Mais il était parti et elle avait tenté d'oublier la plupart de ses souvenirs pour colmater la douleur que son coeur criait inlassablement en son absence. Ce détail ne lui avait pas sauté aux yeux. Et devant son ignorance, elle faisait maintenant bien ridicule. La voix de Clay était bien trop douce comparativement à celle de la blonde qui piétinait chacun de ses arguments, qui les écrasait sans scrupule, juste pour lui faire aussi mal qu'elle avait eu. Et dans ce jeu, elle s'était brûlée. Quand il lui fit remarquer qu'elle aurait dû le savoir, elle pinça les lèvres en haussant les épaules, choisissant le silence pour seule réponse, le regard maintenant fuyant sur la chambre qui semblait être habitée. Valises posées près du lit, livre sur la table de chevet. Il n'y était pas que pour la soirée. Clay, il l'avait loué pour plus longtemps. Impossible pour Cleo de dire, pourtant, l'exactitude de jours que ce séjour comportait. Écoute moi, lui demandait-il. Elle posa ses yeux noisette sur Clay. Pour la première fois depuis qu'elle était entrée dans cette chambre, elle s'autorisait à le regarder. Il avait l'air fatigué, son Clay, préoccupé, même. Le regard de la blonde s'adoucissait pour le laisser parler, décidant que ses hostilités devaient prendre fin. Et quand il commença par lui dire qu'elle était belle, elles reprirent de plus belle. Cleo soupira bruyamment en roulant les yeux. Pour qui la prenait-elle ? Oh, non, Clay. Tu vas pas jouer à ça avec moi, cracha l'escorte humiliée. Mais il expliqua tout de même son départ. Son père, sa mère. Dans le visage de la blonde on pouvait y lire un peu de compassion au travers de sa colère. C'était pas une raison pour déserter, renchérit-elle en retira sa veste de ses épaules. Arrête, me dis pas des trucs comme ça. Elle balança la veste sur le lit derrière lui. Tu peux pas dire que tu pensais à moi, tous les jours, et avoir passé ces dernières années sans daigner me faire ne serait-ce qu'un signe de vie. La blonde retenue un sanglot, la gorge nouée par l'émotion. T'as pas le droit de me dire ça. Non, il n'avait pas le droit.

Elle était en colère, c’était normal. Et lui, il ne lui avait même pas dit qu’il avait été marié qu’elle réagissait ainsi... Il ne pensait pas attaquer ce sujet de si tôt en la voyant réagir ainsi pour ça, pour ce qui était pour lui très peu. Le silence était maître de la pièce pendant un instant. Lorsqu’elle le regardait, des papillons un peu perdu refaisaient surface dans son estomac. Il savait pas trop quoi faire avec ça, pour tout vous avouer. Suite à ses compliments, la blonde le sommait de ne pas jouer avec elle. Et pourtant, c’était qu’une simple façon de remettre ses mots dans sa bouche et d’en créer quelque chose qui pouvait s’apparenter à des phrases. Elle était toujours en colère et il le savait. Il ne pouvait pas créer ciseaux et elle serait calme. « Non, ce n’était pas une raison de déserter. » Admit-il comme si ça calmerait la donne. Elle retirait son veston et lui la regardait, il prenait conscience de ce corps qu’elle avait caché si longtemps. Les choses avaient changées, c’était une évidence même. Il déduit ce qu’il devait déduire et quelque part, lui aussi était brisé. « J’ai pas pu, Cleo. J’étais coincé, on surveillait mes moindres faits et gestes. » C’était vrai, ça aussi. Sa mère devait sans doute le sentir lorsqu’il pensait à elle puisqu’elle lui téléphonait. Ses associés... Il n’avait pas eu le temps, on ne lui avait pas donné la moindre chance. « Cleo... » dit-il en se rapprochant d’elle. Il attrapait ses mains. « Je sais que tu es en colère et c’est tout à fait normal. Je peux pas te demander de me pardonner. » Il déglutissait et il caressait sa main dans la sienne. « Tout ce que je te demande, et je sais que c’est énorme... C’est qu’on recommence tout à zéro. » lui dit-il simplement. « Tu m’as tellement manqué que je prendrai tout de toi. Ta colère, ta peine, ta vengeance. » Qu’il lui avait soufflé. « Je suis bien conscient que je ne mérite pas ton pardon. Mais, j’suis ici pour de bon. » Après tout, il n’avait qu’elle comme attache maintenant. Après, il restait d’autres trucs qu’elle ne savait pas. Elle ne savait pas ce qu’il avait pu économiser pour elle, en douce. Il souhaitait si fort qu’elle arrête son travail d’escorte.

Elle était en colère, oui. Parce qu'elle l'avait aimé, Clay. Bien plus qu'elle aurait cru l'imaginer. Et quand il était parti avec son coeur, jamais elle ne s'était donné la permission de l'offrir à quelqu'un d'autre. Toutes ses années à tenter de penser les blessures de sa perte. Et il était là, dans une simagrée, un stratagème pour qu'elle ne prenne pas la fuite, son deuxième prénom en guise de pseudonyme, sa gueule d'ange qui lui souriait. Et Cleo qui avait envie de flancher, parce qu'il était beau, comme toujours, il était beau. Mais il y avait sa fierté. Et son coeur brisé. Et ses valeurs. Il l'avait abandonné, Clay. Et toutes ses explications ne servaient à rien. Elles ne faisaient qu'alimenter la colère de la blonde qui trouvait quelque chose à lui reprocher, chaque fois qu'il tentait de se justifier. Son père était mourant, à cette époque, elle aurait dû en être touchée, émue, mas pourtant, tout ce qui s'émanait d'elle, c'était cette rage, cette peine et cette colère. Égoïste, pour la première fois avec lui. Elle qui, pourtant, s'était toujours montrée compréhensive et à l'écoute, quand il avait eu envie de se confier. Aujourd'hui, Cleo, sa belle Cleo, elle était fermée comme une huitre. Il lui donna raison, elle hocha la tête, franchement fière de la petite bataille qu'elle venait de remporter. Ce n'était pas la guerre, même loin de là, mais elle s'accordait la satisfaction d'avoir marqué un point à la première bataille. Cleo envoya balader la veste qui l'abritait de son regard contre le lit, les yeux de Clay se posèrent sur son corps bien trop dénudé. Et, cette fois, elle n'en fut pas gênée. Elle avait changé, Cleo. Penelope aussi, d'ailleurs. Un courriel, un texto ? Juste pour m'aviser. Ou, du moins, pour rompre avec moi, au lieu de me laisser espérer qu'un jour tu reviennes. Il s'avança vers elle, attrapa ses mains entre les siennes. De douces caresses s'y posèrent, emprisonnées entre ses paumes. Cleo baissa les yeux vers leurs mains menottées les unes autres autres comme un souvenir de leur relation passé, et son coeur se serra encore plus fort. Mais elle ne tenta pas d'en briser l'étreinte. Elle en appréciait la douceur. Jusqu'à ce qu'il lui demande l'impossible : de tout recommencer à zéro. Cleo laissa ses yeux retrouver le chemin vers ceux de Clay, ses deux grandes billes vertes qui la fixaient avec insistances, qui attendaient qu'elle daigne lui répondre. Mais elle ne pouvait pas, elle n'y arrivait pas. Je suis obligée de te donner une réponse maintenant ?, demanda-t-elle, cette fois la voix plus douce. Elle soupira, retirant ses mains d'entre celles de l'homme, les passants dans ses cheveux, tenant sa propre tête entre ses paumes comme si la décision était trop difficile à prendre. Tu m'as manqué, Clay, finit-elle par avouer. Mais tu m'as tellement fait mal que je ne crois pas être en mesure de te pardonner. Pas aujourd'hui... Ses yeux se reposèrent dans ceux de son homme. Tu es la seule personne à qui j'ai offert mon coeur ainsi.

Il avait été ‘son’ Clay pendant un moment, il n’avait jamais rien dit à ce propos parce qu’au fond de lui, il l’aimait. Il avait été triste en la quittant, il avait été brisé lorsqu’il a dû se rendre à l’évidence qu’il ne pourrait pas revenir. Pour le moment, Cleo était encore de mauvais poil relié à tout ce qui se passait et c’était justifié, il le savait. Il soupirait platement alors qu’elle repartait dans sa colère. « Je prévoyais revenir une semaine plus tard, je te le jure. J’ai jamais eu l’intention de t’abandonner, ni même de te blesser. » Expliquait-il, penaud. Eh ouais, d’un certain côté, il méritait de se faire maltraiter comme elle. À sa question, il secouait la tête négativement. « Prends le temps dont tu as besoin. » C’était la moindre des choses! « Mais j’apprécierais que tu restes, ce soir. » Admit-il simplement, il ne se voyait pas passer la nuit seul, pas encore. Pas pour le moment. Il ne savait pas comment il réagirait en s’endormant les yeux plein d’eaux devant l’escorte étudiante en pédiatrie. La femme poursuivait en disant qu’il lui avait manqué, il soupirait. Si seulement, elle savait à quel point, elle, elle lui manquait. Encore maintenant, il aurait voulu que tout passe plus rapidement, qu’elle lui pardonne dans la seconde. Il s’estimait déjà chanceux qu’elle ne quitte pas sans rien dire. Il lui avait fait du mal, il baissait le regard vers le sol, honteux et triste. « Laisse-moi une chance. » Lui dit-il. Il se démolissait de l’intérieur alors qu’elle lui disait qu’elle ne lui avait offert son cœur comme à personne. « Et moi, je t’aime vraiment. » Il se raclait la gorge et allait s’installer sur le lit sans réaliser l’impact de ses mots. À son tour, il se passait la main dans les cheveux, créant un peu de désordre. « Je vais me retrouver un appart bientôt. » Lui disait-il. Ça serait temporaire l’hôtel.

Leur histoire était triste, au fond. Deux coeurs perdus et déchus, en peine d'amour, en peine d'eux, qui ne voulaient que se retrouver. Mais Cleo, elle, elle leur mettait des bâtons dans les roues, à ces coeurs en appel de l'autre. Parce qu'elle le protégeait, cette fois. Pas comme la première fois, bien trop naïve pour croire qu'il le lui piétinerait, son coeur. Cette fois, elle se mettait réellement des restrictions, parce qu'elle ne le supporterait pas de voir son coeur se briser à nouveau. Et il lui promettait qu'il n'avait jamais voulu la briser, jamais voulu lui faire de mal, qu'il voulait revenir. Dans sa voix, la blonde sentait une sincérité. C'est probablement ce qui créa un apaisement, un moment de répit entre ces lances qu'elle ne cessait de lui jeter et le feu dans ses yeux qui, lui, n'arrêtait guère de brûler. Et même s'il méritait toute cette tempête, même si les mots manquaient à l'escorte pour décrire la peine qu'il lui avait faite, le voir aussi triste la fit sentir ingrate de se comporter ainsi avec lui, avec son Clay. Elle se calma, reprenant une voix plus douce, plus contrôler, pour lui demander si elle était obligée de lui donner une réponse aussi rapidement. Il l'invita tout de même à dormir ici. Clay..., souffla la blonde. Elle en avait envie, qu'est-ce qu'elle en avait envie, mais tant de choses étaient impossibles pour eux, à commencer un avenir sans qu'il n'accepte le parcours qu'elle avait choisi, lui qui n'avait jamais pu se contenter de la voir vendre son temps aux autres, comment réagirait-il quand il saurait qu'elle vendait maintenant son corps ? Elle lui avoua avoir du mal à le pardonner, début tragique de leur fin. Ce sera ardu, confia-t-elle avant de lui dire qu'elle n'avait jamais offert son coeur ainsi avant lui. Est-ce vraiment de l'amour ?, sa voix reprenait un peu de l'irritabilité de ses derniers propos, sans pour autant s'élever. Est-ce de l'amour de ne pas accepter les choix de l'autre ? La question se posait aux deux, mais Cleo l'adressait à Clay d'abord. Regarde-moi bien, Clay. Regarde la tenue dans laquelle tu m'as accueilli ici. Elle pointait sa robe bien trop suggestive pour une simple soirée à discuter. Tu peux accepter ça ? Tu peux accepter ce que je suis devenue depuis que je t'ai perdu ? Il précisa vouloir se trouver un logement, elle soupira. Ce sera toujours nettement mieux que de recevoir une escorte à l'hôtel.

Leur histoire était définitivement triste, dramatique même. Et pourtant, il s’en voulait à mort de ne pas pouvoir tout changer. Il voulait tout changer pour elle, il voulait en faire une princesse. Il l’aimait sa princesse et pourtant, d’un autre côté, il ne pouvait pas faire grand chose. Il devait lui laisser du temps à la blonde. Parce que c’était normal qu’elle ait été écorchée dans tout ça, c’était normal qu’elle lui en veule. C’était normal qu’elle ne soit pas prête à tout lui redonner sur un plateau d’argent. Il la comprenait d’un certain côté... Mais elle finissait par se calmer. Il devenait possible pour elle de parler plutôt que de hurler et c’était déjà un bon pas vers l’avant. La blonde soufflait son surnom et il l’écoutait attentivement. Il la regardait aussi droit dans les yeux. La femme lui avait confirmé que ce serait difficile. Clay hochait la tête positivement. Il le savait tout ça, avait-il besoin de le reconfirmer. La femme lui demandait si c’était vraiment de l’amour et il sentait un pique droit vers lui. « Le respect et la confiancent viennent et ensuite l’amour. » Parce que du respect et de la confiance, ça se gagnait et ça, Clay il le savait. La femme l’invitait à la regarder et il en prenait conscience. Il soupirait à sa question. « Je te veux toi, Cleo. Si ça vient avec... » Ça viendra avec avait-il envie de lui dire. « J’suis prêt à l’accepter. » Il avait bien conscience qu’elle avait changée, il devait l’accepter tout comme elle, devrait accepter tout ce avec quoi il venait. Il en avait du bagage, Clay. Et elle ne connaissait que la pointe de l’iceberg. « Je ne reçois pas Penelope, je reçois Cleo. » tenait-il à préciser. Escorte ou pas, ça ne l’intéressait pas plus que ça. Enfin, si. C’était un homme après tout et elle, elle était une femme très attirante, peu importe ce qu’il en dirait.

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Lance lâchée droit en sa direction, droit dans le coeur de Clay qui tentait de s'ouvrir à la blonde alors qu'elle ne cessait de barricader le sien, de lui interdire l'entrée. Trop blessée, trop marquée par sa perte, elle se protégeait de toute éventuelle blessure supplémentaire qu'il pourrait lui offrir, toute nouvelle vulnérabilité. Et c'était mal, au fond, entêtée, Cleo risquait de le perdre à nouveau, son Clay, de le laisser partir pour de bon cette fois. Et, pourtant, ce n'était pas totalement contrôlé. Mécanisme de défense, elle n'y pouvait rien, l'escorte, prise dans cette ceinture de sécurité modelée à son coeur dont seule la clé de l'amour pourrait lui en départir. Elle hocha la tête alors qu'il disait être prêt à l'accepter, mais son regard laissait croire qu'elle n'en était pas totalement convaincue. T'as pourtant pas été en mesure de l'accepter y'a quelques années, dénota la blonde en venant s'asseoir sur le lit de la chambre. Sa robe bien trop ajustée laissait paraitre son corps sculpté, sa poitrine volumineuse mise en évidence pour ce qu'elle croyait être un client. Tout est différent, à présent, précise-t-elle en cherchant la main de Clay. S'il la voulait, il fallait qu'il sache tout. J'sais pas comment te le dire.., avoua Cleo, à présent timide. Peut-être avait-il deviné, peut-être pouvait-il s'imaginer les différences que les années avaient créées. Je m'étais promis de ne jamais me laisser convaincre... Elle soupira, lâcha la main de l'homme pour tirer sur la longueur de sa tenue qu'elle n'avait pas l'habitude de porter en sa présence. J'couche. Elle ferma les yeux. J'couche pour gagner ma vie.

Clay tentait de son mieux de s’exprimer, de se faire pardonner et de tout faire pour aider Cleo. Il comprenait la douleur de la blonde, il comprenait ses réticences. Il était même prêt à recommencer au bas de l’échelle à condition de pouvoir recommencer, bien évidemment. L’homme écoutait la blonde qui lui remettait sur le nez le fait de ne pas avoir été en mesure d’accepter et de comprendre l’emploi d’escorte de Cleo. Il soupirait et passait maladroitement une main dans ses cheveux pour les ébouriffer. « Les choses changent, le temps passe Cleo. » Elle devait mieux le savoir que quiconque. La femme disait que tout était différent et pourtant ils étaient les deux mêmes personnes et c’était parfait pour Clay. Il ne se doutait pas de la suite. L’homme attrapait la main de la blonde pour tenter de gagner confiance et de la mettre elle aussi en confiance. Elle jouait sur des préludes et il la regardait sourcils froncés. L’aveu venait et l’homme soupirait. Il lâchait la main de la blonde pour se passer une main dans le visage et se lever pour faire quelques pas, question de mieux digérer la nouvelle. « Et si t’avais l’argent, tu le ferais quand même? » demandait-il patiemment en trouvant mentalement une réponse à toutes ces questions. Après tout, lui aussi en avait de l’argent...

Les choses changent, Clay avait parfaitement raison. Et les choses, en leur sens, avaient réellement changé. Bien qu'ils semblaient être les deux mêmes amants qu'au départ de l'homme, bien qu'on lisait dans leurs yeux tout l'amour qu'ils avaient, celui que Clay tentait de démontrer à la blonde et celui que Cleo tentait de retenir. Mais, l'amour, ce n'était pas tout. À l'époque, il n'avait pas suffi à le faire rester, à ce qu'il décide de surmonter ces difficultés pour bâtir, construire, être un tout. Et, à présent, le serait-il assez pour accepter les choix de la blonde ? Cleo se permettait d'en douter. Ne sachant pas comment lui confier qu'elle avait changé ses modalités, qu'entre eux il n'y avait jamais eu de rapports physiques, mais qu'elle s'offrait aux autres, Cleo trébuchait sur ses mots jusqu'à enfin sortir ces deux petits lapsus buccaux intimidants. Je couche, qu'elle trouva à dire comme explication. Clay se leva, laissa la main qu'il avait préalablement attrapé derrière lui, ses pieds s'agitèrent au sol, il fit quelques pas avant de s'arrêter. Et Cleo soupira. Évidemment, il n'était pas content. Puis, ce fut à son tour de sortir une bombe. La blonde le regardait, stupéfaite. Où cherchait-il à aller ? Évidemment que non, confia-t-elle. Si j'avais eu l'argent, dès le départ, j'aurais été comme toutes ces autres étudiantes en médecine. Mais ça n'était pas sa réalité. Elle soupira. Mais, on ne se serait pas rencontré, pointa-t-elle. J'veux pas de ton argent, Clay, si jamais t'avais l'intention de le proposer s'empressa-t-elle d'ajouter. J'vais m'en sortir toute seule.

Le temps passait, les choses changeaient. Tout était tellement imprévisible, tout était tellement illisible. Il était heureux de ne pas avoir reçu de claque. L’amour, ce n’était pas tout dans la vie et le brun en était bien conscient. Après tout, lui-même avait été marié... sans amour! Que de la convenance, mais Cleo l’ignorait encore. Il savait que ça lui causerait d’autres problématiques, mais le brun ne se voyait pas expliquer tout ça pour le moment. En attendant, tous les deux étaient surpris et pas forcément positivement. La blonde répondait à sa question et il opinait sagement. La femme confiait ce qu’il craignait, il soupirait. Elle ne le laisserait jamais l’aider et d’un côté, ça le détruisait un peu. Clay la regardait et elle mentionnait le fait de la rencontre... Il déglutissait. C’était loin d’être facile.

Il se rasseyait près d’elle, il attrapait ses mains. « Cleo... J’peux et surtout - je veux te donner l’argent avec plaisir, crois-moi. » mais il savait qu’elle n’accepterait jamais, il le savait. Elle s’opposerait bien trop vite. « Mais, je peux aussi te le prêter sans intérêt. Tu me le rembourseras éventuellement. Un prêt à long terme. » Il pourrait aussi négocier un ou deux repas par semaine, mais il ne le fit pas sur-le-champ. Il se promit mentalement de régler le paiement de Cleo pour ses prochaines années universitaires. Clay savait qu’elle protesterait jusqu’à la fin des temps, il ne voulait pas tout ça. « Considère le comme un cadeau, comme un merci. » Dit-il en caressant les mains de la blonde. « Sinon, je peux toujours te créer un contrat de ... d’étudiante libre? » demandait-il incertain. « Ou peut-être baby-sitter occasionnelle pour le fils de ma sœur et espionne pour moi? » Shelby ne s’y opposerait sans doute pas pour le premier volet et ça permettrait de recoller les morceaux un peu sournoisement. Après tout, il voulait aussi être certain que sa soeur s'en sortait. « Je suis là, Cleo. Tu n’as pas besoin d’être seule. » Se rappelant misérablement que lui aussi était seul, seul au monde pratiquement.