(#120) Aylin. Je t'aime et je t'aimerais toujours...

Sebastian and Aylin

La journée avait été longue. Longue et pénible. À vrai dire, il n'y a pas que la journée qui fut longue et pénible, mais bien plus l'équivalent de la semaine au grand complet. Quelques jours plus tôt, j'avais eu ce fichu rendez-vous à la clinique. J'étais programmée pour avoir un avortement. Chose qui, malheureusement ou heureusement, ne se présenta pas de la façon prévu. Résultat : je me retrouvais dans une impasse. Sebastian n'était pas au courant, évidemment. Il avait du s'absenter avec le groupe durant les précédentes semaines. Ça me laissait donc un peu de temps pour gérer tout ça... Alors que je terminais ma dernière journée de cours de la semaine, j'eus une soudaine envie de m'arrêter magasiner au centre-ville. Bowen possédait quelques rares magasins de mode populaire. Je me gâta donc en dépensant l’équivalent d'un paiement de loyer. Après avoir prit une bonne partie de l'après-midi à essayer de nouvelles fringues et à les acheter par la suite, j'avais donc fini par prendre le chemin du retour. Je n'habitais pas bien loin de tous ces magasins, mais la route me sembla prendre une éternité. Bien que j'avais le coeur un peu moins gros du à ma thérapie de magasinage, il n'en demeurait pas moins que je me sentais atrocement seule et atrocement mal. Je savais que Sebastian serait probablement fier que l'avortement ait échoué. Il serait heureux de pouvoir garder l'enfant et il nous verrait comme une future belle et grande famille. Ce n'était pas réellement ce que j'avais envisagé... Et j'espère qu'il comprendra pourquoi je me suis si mal à ce propos.

Une fois devant la porte de l'appartement, je mis la clef dans la serrure et déverrouilla la porte. À peine entrée dans mon petit trois et demi, une personne me força à en ressortir, m'embrassant aussitôt une fois à l'extérieur des lieux. À ma grande surprise, il s'agissait de mon amoureux. Le seul, l'unique. J’ignorais qu'il rentrait aujourd'hui. D'une part, sa présence me fit terriblement plaisir, mais d'un autre côté, ça me fit un petit pincement au creux du ventre. " Bonjour mon coeur! J'ai une surprise pour toi." Je lui fis un petit sourire. J'avais les paquets encore entre les mains. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Et ça m'angoissait quelque peu...

Sebastian and Aylin

J'écoutais avec une oreille très attentive les propos de mon tendre amoureux et plus il parlait, plus la gorge me serrait. Je me sentais affreusement mal. Comment avais-je pu garder ça pour moi jusque là ? J'aurais tellement du lui téléphoner, le jour même où l'avortement n'avait pas été concluant. J'aurais du l'avertir pour qu'il ne se sente pas aussi coupable aujourd'hui. Mais en même temps, il fallait que je pile sur mon orgueil, sur mes valeurs... Je ne voulais pas d'un enfant si tôt, bien que je suis quand même dans ma vingt-cinquième année de vie. Je ne voulais pas tomber enceinte. Pas maintenant. Fichus antidépresseurs qui avaient compromis la fiabilité de la pilule... Parfois je maudis le ciel que les choses se soient passées ainsi, mais en même temps, ce n'est sûrement pas pour rien que je n'ai pas été capable d'aller jusqu'au bout de l'avortement. Je pris une grande respiration, le laissant me dégager de mes sacs et me murmurant de belles phrases au creux de l'oreille. Ça me faisait mal de le voir agir ainsi parce qu'au moment, à la seconde, où je lui avouerai que l'enfant est toujours là et qu'il risque d'y rester, il sera si heureux qu'il en oubliera certainement ses bonnes manières. Je resta là, sans bouger, près de lui. Il finit par me mettre le foulard autour des yeux, m'envahissant de noir. C'est alors comme ça que je finis par trouver la force d'avouer, de parler. C'est peut-être plus facile de le faire les yeux bandé parce que je n'aurai pas à affronter son regard sur moi. Alors qu'il terminait sa phrase, je lui coupa la parole. « Je n'ai pas été capable. J'ai... J'ai craqué. Je n'ai pas pu... » dis-je finalement dans un souffle désespéré. Au moment où l'infirmière s'apprêtait à commencer l'intervention, une petite voix en moi c'était mise à crier, m'ordonnant d'arrêter. Prise d'un haut le coeur, je m'étais raidi et j'avais suppliée la dame de ne pas aller plus loin. Peut-être qu'au fond ce bébé est là pour une raison ? Raison que j'ignore encore présentement...

Sebastian and Aylin

Sébastian était l'homme de ma vie et ça, je n'en doutais même pas une seconde. C'est avec lui que je voudrais bâtir ma vie, avoir des enfants, me marier, construire une maison, voyager, prendre ma retraite... C'est avec lui que je me vois tout faire. Nos débuts ont tellement été difficile et éprouvant que maintenant, je profite de chacun des moments que nous pouvons passer l'un avec l'autre. Oui, ce bébé, cette grossesse inattendue, nous ne l'avions pas du tout planifié. Et si ça n'avait été que de moi, jamais ça ne se serait produit. Toutefois, les choses sont comme ça. Je n'ai pas su trouver la force d'avorter et c'est peut-être pour une bonne raison. Pourquoi s'obstiner ? Pourquoi ne pas juste admettre que dans quelques mois nous serions tous les deux parents d'un très beau bébé que nous aimerons à la folie et ce, pour le reste de nos vies ? Je ne doute pas une seconde des aptitudes de Seb à être un père des plus merveilleux. Je doute juste de ma capacité à être capable d'élever cet enfant seule durant les semaines, les mois et même les années où mon amour fera encore le tour du monde avec son groupe. Je rêve en secret du jour où ils se poseront et où ils mettront un terme à leurs folies d'ados. Toutefois, c'est une partie beaucoup trop égoïste de mon Être et je ne me permets pas de l'extérioriser... Il vint tout près de moi, me serrant contre lui. Je savais qu'il était heureux. Et moi, pourtant, je m'entêtais à rester ancré dans mes valeurs. Peut-être ne devais-je que lâcher prise ? Dans un souffle, je murmura un simple « J'ai si peur... » qui voulait tout dire...

Sebastian and Aylin

Ces mots se voulaient être rassurants. Et ils l'étaient. Je sais qu'avec lui, je pourrai toujours bien aller. Je peux lui faire confiance, je peux me confier à lui et... Je sais qu'il me comprendra ou du moins, qu'il essayera. Seulement, l'histoire de la grossesse était un sujet un peu plus délicat que le reste de nos précédentes disputes. La distance, j'avais appris à la gérer. Son absence dans ma vie aussi... Toutefois, un enfant... C'était peut-être un peu trop pour moi. Je ne me voyais pas vivre seule avec un enfant dans mes bras... Je sais que le groupe est encore bien parti pour durer des ans et des ans... Je ne peux tout de même pas empêcher Sebastian de vivre son rêve. Ce serait des plus égoïste et je ne veux pas être celle qui le prive d'être heureux. Je pris donc une grande respiration, foulard toujours sur les yeux. Il m'avait gentiment guidé vers la table où j'avais fini par m'asseoir. Ça sentait bon. J'ignorais encore ce qu'il nous avait préparé, mais je savais que je ne serais pas déçu. Quand il est question de mon amoureux, je ne suis jamais déçue... Il me débanda alors les yeux, me laissant admirer la table bien mise, les chandelles qui fumaient, la belle assiette devant moi... C'était magnifique. Mieux qu'au restaurant. C'était lui. Mon amour. Et je savais que ce serait toujours merveilleux comme ça. Je n'en doutais même pas. Ensemble, nous allions écrire la plus belle histoire de tous les temps. Je pris ma fourchette, lui souriant. Ça sentait tellement bon que je ne pouvais juste plus attendre avant d'en prendre une bouchée. Après avoir goûté au plat, une larme vint glisser le long de ma joue. Ce n'était pas de la tristesse, mais plutôt de la joie. C'est comme si à ce moment précis de ma vie je venais de comprendre à quel point il pouvait tout signifier pour moi. Tout. Tout. Il est tout ce qui m'importe. « Je t'aime tellement, Seb... Je ne pourrais pas me passer de toi. » dis-je, en ravalant ma salive. « Tu me manques tellement quand tu pars... Et ça me fait mal de te voir revenir parce qu'immanquablement je me dis qu'il faudra que tu repartes... » une nouvelle larme vint se joindre à l'autre. « Ce bébé... Je le veux plus que tout. Je veux que tu sois le père de mes enfants et je ne vois pas d'autres solutions. Tu es l'homme de ma vie. Mais... Je ne veux pas devoir traverser ça seule... Tu comprends ? » une troisième larme. Puis une autre. Et une autre... Silencieusement, je pleurais. De joie. De peine. D'angoisse...

Sebastian and Aylin

Sebastian est l'homme que j'aime le plus au monde. C'est l'homme de ma vie, le seule et l'unique. J'ai beaucoup d'amies qui ne croient pas en l'Amour, celui avec un grand A. Ils pensent que l'amour, c'est comme une abeille : on butine de fleurs en fleurs et on fait le pleins d'énergie avant de repartir vers une destination inconnu. Avec mon amoureux, j'ai tellement galerée. Il m'a été tellement difficile d'admettre mon amour pour lui et d'en plus, lui avouer. Maintenant que je suis avec lui, je ne veux juste simplement plus m'en passer. Oui, il part très souvent en tournée et ce, pendant de longues semaines et de longs mois... Sauf que je sais que notre amour battra toujours les distances et les décalages horaires. On s'aime et c'est plus fort que tout. " Écoute-moi bien Aylin, la musique n'est rien contrairement ce que tu es pour moi. Tu es la meilleure chose qui met arriver dans la vie et je vais tout quitter pour toi. Je me lasse de toute manière de ces groupies, de jouer l'adolescent rockeur sur scène. Je veux plus que tout fonder une famille avec toi. J'ai asse d'argent pour t'offrir ce que tu veux et s'il le faut. J'irais travailler à la pharmacie de mon père, pour que tu sois encore plus gattée! Le groupe peut toujours trouver un autre guitariste, y en a des tas dans la région, puis réfléchis bien ton frère me tuerait si je partais avec eux ont te laissant seule dans cette situation. Ne t'inquiète pas mon amour, je ferrais le nécessaire pour nous. " À ces mots, je fus un peu abasourdi. À vrai dire, je ne pensais pas qu'il était prêt à tout lâcher pour fonder une famille avec moi. Je sais à quel point la musique peut être sa passion, son rêve. Et je suis consciente qu'on ne met pas fin à un rêve, une passion, aussi facilement. Ça prend du courage, surtout. Et je me sentirais bien trop coupable de l'empêcher de faire ce qu'il aime. Il ne m'a jamais empêché de vivre ma vie alors je ne veux pas être celle qui lui met des bâtons dans les roues. « Seb... » dis-je, en me penchant la tête sur le côté, yeux dans ses yeux. « Je ne veux pas que tu te prives de la musique. Ce n'est pas ce que je demande... C'est juste qu'au moment venu, j'aimerais que tu sois là près de moi... Vis tes rêves et... au moment où la famille s'agrandira, tu reviendras près de nous... » Je suis quand même capable de me débrouiller seule, ça c'est évident. Sa présence est devenue aussi essentielle qu'elle peut être facultative pour moi. Je vis extrêmement bien quand je suis avec lui, mais je sais rester en vie (donc survivre) quand il n'est pas là... Je pris une bouchée du met qu'il nous avait soigneusement préparé et je me délectais. C'était tellement bon !