can't bite the devil on my tongue (reyansh)

Polly était vraiment une personne incroyable, elle avait une imagination débordante. C’était à se demander pourquoi ce n’était pas elle, qui écrivait des romans. Reyansh riait de bon coeur en l’entendant soutenir son idée de dégustation de livres, poussant le délire jusqu’au bout en imaginant des livres dont les pages se mangent, réellement. « Il faudrait mettre une pâtisserie de Bowen dans le coup ! Enfin, ça dépend, est-ce qu’un livre c’est sucré, tu crois ? » Demanda plus ou moins sérieusement Reyansh. Il voulait s’introduire dans l’univers de Polly, ne pas la laisser toute seule là-dedans. Ça semblait beau et drôle, dans sa tête, alors s’y faire une petite place ça lui plaisait bien. Il en ressortirait cependant direct, lorsqu’il serait question de sciences. Disons que Reyansh n’avait pas trop envie d’être entouré de chiffres et de théories. « Je ne sais pas si c’est supposé me rassurer mais merci. » Lâcha le jeune homme dans un rire pas très convaincu, mais amusé de la tournure de cette discussion. Cette dernière s’essouffla pendant un instant, mais le silence ne durait jamais bien longtemps en compagnie de Polly. Chose que Reyansh appréciait particulièrement. De toute façon, lorsqu’il avait besoin de silence et de concentration, l’artiste était capable d’en faire part aux autres. Il ne se gênait pas pour cela. « Je ne deviendrais jamais comptable, cela dit. Mais ça me prenait bien quelques bases pour mener à terme le projet de Beyond Words & Wine. » Il ne se voyait pas du tout comme un scientifique, peu importe ce qu’en dirait Polly. Après tout, dès que la comptabilité devenait trop compliquée ou qu’il avait des questions par rapport à la fiscalité de l’entreprise et tout, il se tournait vers un professionnel. Lui n’en était pas un, ça, c’était bien clair. « Je vais sans doute avoir l’air prétentieux ou au-dessus de mes affaires, mais peu importe … J’ai bien songé à aller étudier l’art, mais … je sais pas, j’avais pas l’impression qu’on pouvait me l’enseigner. Pas mon art, en tout cas. Je n’ai tellement pas envie de suivre les règles, je m’en fous des principes fondamentaux, des proportions, tout ça. J’aime bien ce qui ne suit pas les normes, justement. Et j’aime bien n’en faire qu’à ma tête. » Il ne voulait pas être influencé par les autres et surtout, il ne voulait pas être noté sur ce qu’il produisait. Il trouvait cela dérangeant.

Polly était bien heureuse de pouvoir partager ses idées improbables avec Rey et qu’il ne la trouve pas bizarre. Elle sait qu’il y en a pas mal qui auraient trouvé ça ridicule et se seraient juste moqués d’elle, mais pas son colocataire, c’est pour ça qu’elle aimait bien traîner avec lui. « Hum...très bonne question ! Je dirais que ça dépend peut-être du livre, certains seraient sucrés, genre une romance toute mignonne et d’autres plutôt salés. J’imagine bien le fantastique comme un cake avec des champignons et la science-fiction comme un plat salé mais je sais pas trop lequel. Ça pourrait être trop cool de faire un atelier cuisine où chacun cuisine un plat en fonction de son livre préféré, mais je pars trop loin ! » conclut-elle en riant. Son idée partait dans tous les sens mais ça lui faisait un peu penser aux livres de cuisine qui existent avec des recettes en fonction de films, de séries ou de livres. Elle en possède un sur le thème d’Harry Potter mais elle a fait peu de recettes à l’intérieur, cuisinant essentiellement des cupcakes, muffins et cookies mais n’étant pas une grande cuisinière. Pourtant elle aime bien passer du temps en cuisine mais il y a bien trop de choses qu’elle aime faire pour réussir à tout caler dans une journée. Il n’y a qu’à voir la difficulté qu’elle a eu à choisir ses études, ayant trop de possibilités qui lui plaisaient pour s’arrêter rapidement sur une. Elle a finalement choisi l’informatique dont elle partage quelques connaissances avec Rey, pas les plus rassurantes certes. « Nan mais ça arrivera pas, soyons positif ! » Il vaudrait mieux éviter que le monde s’effondre. Et puis elle se dit que si effectivement les ordinateurs arrivent à mettre par terre la sécurité mondiale, des gens auront réfléchi avant à comment améliorer les systèmes de codage pour éviter qu’une catastrophe arrive. Après avoir parlé de ses études, la jeune femme questionna son ami sur les siennes, n’ayant aucune idée du cursus qu’il a pu suivre. « Oui ça doit aider donc c’est pas perdu c’est clair. Après j’ai peut-être une image faussée des comptables, genre costume, des gens un peu austères et triste dans leur vie. J’crois que j’ai jamais vu ou lu de trucs avec un ou une comptable qui soit représenté autrement. » Elle essaie de fouiller dans sa mémoire mais elle a bien l’impression que comme les huissiers de justice, ce n’est pas un métier que les auteurs et autrices ont envie de décrire de manière très positive. Le jeune homme lui répondit ensuite par rapport aux études d’art et le fait que d’apprendre des techniques et suivre des règles pour créer, ça ne l’intéresse pas du tout. « T’inquiète ça fait pas prétentieux, j’comprends ! Mais même sans t’apprendre à créer, suivre des cours d’histoire de l’art ça t’intéresserait pas ? » demanda-t-elle en continuant avec ses questions.

Le fait que Polly sache aussi rapidement identifier à quelle catégorie de saveur les types de livres appartenaient était plutôt surprenant. Ce n’était visiblement pas la première fois qu’elle réfléchissait à cette question. Ça fit encore plus sourire Reyansh, qui s’imaginait sa colocataire penser à tout ça le matin dans son lit, avant de venir les rejoindre pour le petit-déjeuner. Comme il aurait aimé, Rey, être dans la tête des autres de temps en temps ! Ça devait regorger de petites perles du genre. Heureusement, dans le cas de Polly, elle n’était pas embarrassée de lui partager ce qui lui traversait l’esprit. Bien d’autres personnes auraient été dans la retenue, sûrement, par honte ou par crainte de la moquerie. Il appréciait que Polly ne s’arrête pas à ça. « Je ne sais pas si tout le monde arriverait à être aussi rapide que toi pour choisir un plat en fonction du livre ! J’essaie de réfléchir au goût qu’aurait un roman policier, ou un roman historique … on dirait qu’ils seraient tous salés, hormis la romance. » Dit-il avec un léger sourire. Chose certaine, si Reyansh cuisinait un truc en se basant sur les Lord of the Rings, il irait pour quelque chose ressemblant aux lembas. Il avait toujours été fasciné par ces pains de voyage. Il était un peu moins fasciné par l’informatique, toutefois, c’est pourquoi cette conversation le rendait plus confus qu’autre chose. Et apeuré, aussi, surtout quand Polly parlait du système qui pourrait s’effondrer. De son côté, les études de Reyansh était plutôt de base, juste de quoi être en mesure de faire rouler sa business convenablement, par lui-même. « Je pense que c’est pas mal l’image que les comptables un peu plus proche de la retraite renvoient … Mais celles et ceux qui viennent de graduer, je sais pas si c’est encore le cas. En tout cas pour les personnes que je côtoyais dans mes études, elles étaient pas si “beiges” que ça. » Y’avait quand même de grosses fêtes, des sorties, des fous rires pendant les cours, bref une cohorte comme une autre. Pas juste des gens déprimés à lire des chiffres. Ça avait probablement été Reyansh le plus déprimé dans tout ça, parce qu’il l’avait fait pour ses objectifs professionnels, pas par intérêt. Non lui, c’était l’art et la lecture, qui l’animaient. Et pour les arts, il n’avait jamais voulu faire des études. « J’ai lu beaucoup de livres sur l’histoire de l’art, je pense que ça me suffit. Je préfère aller à mon rythme, selon mes intérêts, et surtout, j’préfère ne pas avoir à être évalué. » Il esquissa un sourire en désignant les feuilles de révision de Polly. « J’te vois avec tes cartons et ça me rappelle à quel point je détestais les périodes d’examens. »

Quand il s'agit des livres, l'imagination de Polly ne tarde pas à décoller. Elle bloque un peu plus en matière de cuisine. Si elle aime bien préparer des fournées de gâteaux pour la moindre occasion, le reste du temps quand elle cuisine, il s'agit de plats plutôt classiques. Alors elle tente tout de même d'associer un genre littéraire à un plat mais sur le moment elle a tout de même un peu de mal à avoir des idées précises. Normal après tout, l'idée est plutôt saugrenue et il y a plein de gens qui auraient eu encore moins d'idées qu'elle sur la question. C'est ce que Rey lui dit d'ailleurs avant d'essayer lui-même d'associer certains genres à un plat avant de venir à la conclusion qu'en dehors de la romance, ils doivent tous être salés. « C'est vrai que le salé est ce qui vient le plus facilement…mais pour un roman historique on peut imaginer une sorte de tarte aux fruits un peu ancienne, enfin tout dépend de l'époque du livre. Et pour un roman policier, un dessert au chocolat noir, pas trop sucré, avec des choses cachées à l'intérieur, pour le côté suspense. » Son imagination est en pleine ébullition à cause de cette idée totalement absurde de vouloir manger des livres. Elle pourrait suggérer au gérant de la librairie où elle travaille d'associer les pâtisseries du salon de thé à des genres littéraires ou à des livres précis. Elle garde cette idée dans un coin de sa tête pour en parler la prochaine fois qu'elle y travaille. Pour l'heure elle doit surtout avancer sur ses révisions, l'occasion de discuter un peu avec son colocataire sur ses études. La jeune femme n'a pas une image très positive de la comptabilité, comme beaucoup de monde, surtout à cause des représentations qu'elle voit circuler partout. Rey ne correspond pas au cliché du comptable, mais elle ne correspond pas au cliché de l'informaticienne non plus. Il la rassure un peu en lui disant que si certains, parmi les plus vieux, peuvent correspondre à cette image, les plus jeunes diplômés en sont éloignés. « J'espère, ça serait assez triste sinon. C'est un métier qui a pas une super image et c'est dommage. On part tous avec des clichés en tête quand on parle d'un métier ou d'un autre, y'en a plus flatteurs que d'autres. » Elle, elle imaginait plutôt Reyansh dans les arts, vu son côté artistique. Mais un peu comme elle avec la littérature, il préfère les avoir comme passion plutôt que de devoir les étudier et en faire son métier. Au final la comptabilité lui sert dans son travail donc c'est sans doute plus utile d'avoir choisi cette voie. « Je comprends ! C'est pour ça que j'ai pas fait des études littéraires, je me voyais pas être obligée de rédiger des dissert notées sur tel ou tel livre. Et il y a certains genres que j'aime pas aussi, ça m'aurait moins plu je pense de les étudier. » explique-t-elle avant que Rey ne s'intéresse à ses fiches. « J'crois que tout le monde déteste les examens, c'est toujours stressant, rarement un bon moment. Je me demande un peu à quoi ressemble la vie sans les études, sans les examens. J'ai toujours connu que ça et j'pense que ça me manquera. Au final la fin de mes études c'est dans pas si longtemps, je sais pas si je suis prête pour ça. Oui je fais partie de ces gens qui aimeraient étudier toute leur vie. » conclue-t-elle en riant. 

Elle était impressionnante, Polly. C’était peut-être ridicule d’avoir cette pensée en se basant sur une histoire d’agencement de saveurs et de types de romans, mais Reyansh trouvait vraiment qu’elle regorgeait d’idées. Rien que le fait qu’elle pense à une tarte fruitée à l’ancienne pour un roman historique, ça le fascinait. Certes, avec du recul il se disait que bah ouais, il aurait dû y penser. Mais voilà. Il fallait y penser. Polly semblait penser à tout et c’est ce qui impressionnait Reyansh. « Des choses cachées à l’intérieur ! » Lança Reyansh, visiblement enthousiasmé par cette suggestion. « Maintenant que tu me lances toutes ces idées, je t’assure, ça va continuer à germer entre mes oreilles … Tu me permettras de te prendre quelques inspirations par-ci par-là dans tout ce que tu viens de me dire ? Ce serait difficile de faire meilleur. Je te créditerai, bien sûr ! » Et puis, sa colocataire serait évidemment invitée à la soirée, ce qui signifiait qu’elle pourrait se lancer des fleurs tout le long de l’événement, aussi, si elle le souhaitait. En tout cas Reyansh lui, il lui en lancerait. Il ne se doutait pas que Polly était en train de se dire qu’elle pourrait en glisser un mot au propriétaire de la librairie où il bossait. Oups, ça, ça pourrait faire une compétition pas très top. Ce qui n’avait pas été top dans le parcours de Reyansh, non plus, c’était ses études en comptabilité. Il les avait faites surtout pour les connaissances de base qui lui permettraient de gérer sa business par lui-même. Pour le reste, il avait bossé dur pour avoir son diplôme, sans grand intérêt. Heureusement que la cohorte n’était pas aussi nulle et ennuyante que l’image que s’en faisait Polly. C’aurait été pire que tout ! « Ouais, le cliché des libraires c’est d’être toujours en train de se replacer les lunettes sur le nez, d’être de vrais rats de bibliothèque qui ne parlent qu’en citations, c’est ça ? » Il rit. Ça ne leur ressemblait pas vraiment non plus. « Voilà, si tu sais déjà ce qui te plais et ce qui ne te plaît pas, pourquoi t’obliger à des études qui te forceront à analyser des romans que t’as même pas envie de lire d’un trait à la base ? Je comprends l’idée de s’ouvrir à plusieurs horizons mais on est très bien capables de le faire par nous-mêmes quand on en a envie … » Défendit Reyansh. C’est surtout que lui ne raffolait pas de l’école et du système actuel d’évaluation. « Qu’est-ce qui te manquera, tu penses ? » Était-ce le fait d’apprendre ? D’avoir une année rythmée par les trimestres ? De pouvoir sélectionner ses cours à suivre ? Le rush d’adrénaline des sessions d’évaluation ? Il y avait tant d’aspects à l’école.