Hazel B. Thomas ~ Baby You're a Firework

Une terroriste. C’est ma vieille sorcière de voisine qui est allée raconter ça à qui voulait bien l’entendre. Quand j’étais gamine, je faisais claquer des ribambelles de pétards dans le jardin, jusqu’à ce que ma mère ne supporte plus tout ce raffut ainsi que l’odeur de soufre qui s’insinuait par les fenêtres. Elle a menacé de confisquer mes précieux petits explosifs si je ne les laissais pas au placard pendant une durée qu’elle seule saurait juger suffisante. Spoiler alert : j’ai désobéi. Un jour, alors que je pensais qu’elle était partie faire des courses, j’ai fait exploser l’amorce de trop…en réalité, maman faisait la sieste dans sa chambre. Je l’ai entendu crier tout un tas de choses au sujet de mes oreilles qu’elle allait tirer si fort qu’on pourrait me les nouer au-dessus de la tête. Prise de panique, j’ai caché ma frauduleuse collection dans le premier endroit qui est apparu dans mon champ de vision ; la poubelle des voisins. J’ai eu le savon que je méritais et tout aurait pu se terminer ici…Seulement, le soir, en rentrant du travail, le mari de la voisine avait la sale habitude de fumer une cigarette et de jeter le mégot encore fumant dans cette fichue poubelle. Il a eu une sacrée surprise le pauvre…

En coupant un énorme oignon jaune pour faire un chili. Il faut bien que vous reteniez ces deux choses à propos de moi ; Je fais un très bon chili et je pleure rarement. On ne m’a pas appris à extérioriser mes sentiments, ni à recevoir ceux des autres, je peux donc me montrer maladroite socialement parlant. Je joue les durs, je fais comme si rien ne m'atteint alors qu’en réalité, je suis beaucoup plus sensible que je ne veux bien l’admettre.  

Gentille mais intenable. Je crois que mes parents ont sérieusement envisagé de me solder sur Ebay. J’aimais courir partout, jouer dans la terre, élever des escargots sur les salades de ma mère, construire des châteaux forts dans le garage, faire du vélo toute la journée, confectionner des bombes à eau pour les envoyer dans le jardin des voisins, escalader les arbres, sauter dans les plus grosses et profondes flaques d’eau, chanter très fort et très mal, faire exploser tout un tas de choses engendrant par la même occasion plus ou moins de dégâts…

Vous vous rappelez quand je disais que je n’étais pas très douée avec mes sentiments ? Là c’est quand même LE sentiment par excellence, celui qui inspire des chansons, des histoires, des films, des vies…bref, ça me fait flipper. Cette sensation d’avoir le coeur en carafe, le cerveau en vadrouille, les pensées en l’air et la raison en berne. Je ne veux pas m’avancer mais je doute que je sois faite pour ça.

J'ADORAIS - j'adore toujours ? - me déguiser. Oh je n'attendais pas le carnaval ou Halloween pour me glisser dans la peau d'un personnage. Je crapahutais souvent dans la maison avec mon costume de pirate ou de cow-boy. J'aimais tout particulièrement Halloween, pour plusieurs raisons ; Les bonbons, les maquillages de monstres, les bonbons, les bêtises, les bonbons. D'ailleurs, j'ai tiré mon premier feu d'artifice - à peu près officiellement - un 31 Octobre.

Oui, c'est bien l'air de Bowen qui a empli mes poumons quand j'ai poussé mon premier cri. J'aime ma ville et je la connais comme le fond de ma poche, pourtant, j'aurais aimé voir le monde, voyager et découvrir d'autres cultures. Les gens qui ont eu l'audace de voyager me fascinent, je pourrais les écouter parler pendant des heures.

Je suis terrifiée par le milieu hospitalier. Pas seulement les aiguilles, le sang et les médicaments, les charlottes affreuses qu'on met sur la tête..c'est plus complexe que ça. J'ai peur de l'hôpital dans sa généralité, pour ce qu'il représente, ce qu'il signifie à mes yeux, la résonnance qu'il a avec mon enfance.

Je le réalise à chaque fois que je vois les éclats de mes feux d'artifice pétiller dans vos yeux.

Le pire
Mon pire souvenir remonte maintenant à dix-neuf ans. J'étais très jeune, je ne me rappelle pas de tout mais certains détails m'ont marqué au fer rouge. Mon frère a commencé par faire une violente fièvre avant d'être pris de vomissements. Tout s'est enchaîné rapidement à partir de là. Sans que je me souvienne comment, on s'est retrouvé aux urgences. Je serrais Mr.Piggle, ma peluche malodorante à l'effigie d'un lapin, contre ma poitrine et assistais à cette sombre soirée comme une malheureuse spectatrice, perdue dans un tumulte effréné. Je me souviens qu'on a emmené Layton loin de nous, qu'on a voulu parler à mes parents, qu'on m'a assise à une table avec quatre pastels - un bleu, un rouge, un orange, un vert - et une feuille d'imprimante blanche. Je me souviens de ce vieux crouton de médecin, celui qui a discuté avec mes parents et les a fait pleurer, qui me demande " Tu sais ce que c'est mourir ?". Non je ne sais pas ducon, j'ai six ans, mon monde est fait de chevaliers, de dragons et de nounours à la guimauve. Et toi tu sais ce que c'est mourir ? Non, je pense que tu n'en sais pas plus que moi...Je ne l'ai pas écouté, ou peut-être que si mais j'ai tout oublié...Je me rappelle seulement m'être réfugiée dans un coin, entre une poubelle et un distributeur de friandises. J'avais le nez empli de cette odeur de désinfectant, j'ai dû baisser les yeux pour ne plus voir les infirmiers et les médecins qui allaient et venaient, je me suis bouchée les oreilles pour ne plus entendre les sanglots de mes parents. Je me rappelle d'une sourde angoisse, de larmes brûlantes sur mes joues et de personne...personne pour me dire que tout irait bien...

Il s'avère, et je l'ai compris plus tard, que Layton a fait une méningite qui a bien faillit l'emporter. C'est depuis ce jour là qu'il a perdu l'audition.

Le plus beau
Mes gestes sont hésitants mais si je me souviens ce qu'a dit l'éducateur, il faut que je mette mes doigts comme ça et que je bouge le poignet comme ça. Bonjour Layton, ça va bien ?. Je lève un sourcil et regarde, avec une profonde concentration, les signes que me renvoie mon grand frère. Bonjour Hazel, je vais très bien.. J'ai été envahie d'une joie si intense que s'en était presque insupportable. C'était des mots tellement banals, tellement anodins, des mots prononcés du bout des doigts, les premiers que nous échangions enfin depuis sa sortie de l'hôpital.