cause i knew you were trouble (levi)

Il se sentait redevable Levi, au point où il était prêt à mettre sa propre vie en jeu pour sauver celle de Sahar et la détourner des griffes de ces hommes sans scrupule. Tout ce qu’il savait au fond, c’était qu’il ne les laisserait jamais s’approcher d’elle, pas sans leur faire barrage. Certains auraient pu juger son comportement et y déceler une certaine folie, et pourtant Levi, il restait convaincu de sa décision, ne voyant aucun autre moyen de les tenir à distance de la serveuse. Peut-être bien que sa témérité finirait par avoir raison de lui, que son insouciance le mènerait à sa perte mais il savait pourquoi il menait ce combat, et pourquoi il le ferait jusqu’au bout. La demande de Sahar lui paraissait bien plus insensée que tout ce qu’il avait pu faire jusqu’ici, peinant à concevoir qu’il puisse tout lâcher maintenant, alors que le danger était imminent. « Et pourquoi pas ? » Souffla-t-il, sans forcément se rendre compte de la portée de ses mots, de ce qu’ils signifiaient pour eux, son regard peinant à maintenir le sien. « J’peux pas te laisser tomber… » Renchérit-il, dans un souffle à peine audible, avant que son visage ne vienne se réfugier une seconde fois dans ses mains, tourmenté par cette décision que Sahar voulait qu’il prenne. Parce-qu’il savait pertinemment ce que signifiait un tel choix, lui qui exposerait la serveuse à un danger bien plus sérieux, sans pouvoir le contrôler. Torturé par les doutes, Levi ne releva la tête que lorsqu’il sentit une pression sur ses poignets, ses yeux captant ceux de la brune, à quelques centimètres de lui, ses mains l’emprisonnant pour capter son attention. Il n’aurait su dire combien de temps il était resté comme ça, à s’imprégner du désespoir qu’il lisait dans les prunelles de Sahar, y voyant le reflet de son propre état d’esprit. Et ce fut la brune qui le sortit de ses songes lorsqu’elle reprit la parole, lui intimant l’ordre de ne pas rejoindre les ruelles de Bowen ce soir, le prenant une nouvelle fois de court. « Me fais pas ça, s’il-te-plaît… » Lâcha-t-il, se sentant sombrer dans son regard suppliant, observant silencieusement les doigts de Sahar relâcher ses poignets. Il ne voulait pas prendre ce risque, pas lorsqu’il s’agissait de sa sécurité, incapable de contrôler ce que décideraient de faire ces fous furieux au comportement imprévisible. Sans transition, la conversation vrilla sur un tout autre sujet, qu’il avait prévu à un moment ou à un autre de ramener à la surface, conscient qu’il pourrait changer la donne. Incapable de dissimuler sa déception, Levi se contenta de détourner à nouveau ses yeux de ceux de Sahar, se couvrant derrière un visage faussement détaché, qu’il peinait désormais à maîtriser devant elle. « Je sais. » Lâcha-t-il, brièvement, lui qui savait qu’il lui avait demandé l’impossible en gardant le silence. « Ça m’étonnerait. » Il peina à faire redescendre la tension environnante, l’atmosphère paraissant un brin plus lourde depuis l’aveu de Sahar, lui qui avait maintenant toutes les raisons de ne pas baisser la garde. Parce-qu’il savait pertinemment qu’Oskár ne lui laisserait pas passer ce nouveau dérapage, quand bien même il avait essayé de faire de son mieux pour ne pas impliquer Sahar. « J’reste, si tu restes aussi. » Finit-il par rappliquer, contre toute attente, conscient que ses paroles auraient pu s’apparenter à du chantage aux yeux de la brune, Levi ne cherchant simplement qu’à se rassurer sur leur sécurité commune.

Levi, il n’avait aucun mal à admettre qu’il agissait pour préserver Sahar, pour ne pas que ses problèmes avec le réseau ne l’atteignent elle directement. Au fond, c’était certainement sa plus grande crainte, que d’imaginer qu’elle puisse subir le même sort que lui, que ces types ne viennent violemment s’attaquer à elle alors qu’il était l’unique responsable de leurs maux. Et il avait l’impression que le seul moyen de garder un semblant d’emprise sur la situation, était d’obéir au doigt et à l’œil à ces hommes, pour ne jamais avoir à les contrarier, d’une quelconque manière. Il fallait croire que Sahar avait décidé de mettre tous les moyens en œuvre pour le convaincre de mettre fin à ses nuits passées sous le clair de lune, à fréquenter les bas fonds de la ville. « Même si je la connais à peine, ça veut pas dire que j’tiens pas à elle. » Se justifia-t-il, perdant peu à peu ses filtres, commençant à formuler ces mots qu’il s’était gardé de lui avouer jusqu’ici. « T’y gagnes rien, Sahar… » Souffla-t-il, lui qui se sentait peu à peu flancher, peinant désormais à lui tenir tête lorsqu’il captait son regard, presque implorant, à deux doigts de lui succomber. Il se haïssait rien qu’à l’idée de remettre tout en question, détestant l’idée de perdre un contrôle qui lui échappait déjà, l’azur de ses yeux percutant le désarroi de Sahar lorsque ses mains s’emparèrent de ses poignets, pour ne pas qu’il s’enfonce dans sa culpabilité. Ses mots enfoncèrent davantage le pieu qui traversait sa poitrine, prenant peu à peu conscience qu’il rendait les armes. Sans doute n’avait-elle pas idée d’à quel point il culpabilisait, imaginant déjà le pire, vrillant à la simple idée de ne pas pouvoir s’assurer de sa sécurité. Il tenta comme il le put de faire abstraction de la révélation de la brune, conscient qu’à présent, les cartes avaient été redistribuées, contre son gré. Parce-qu’il doutait toujours de l’aide que pourrait leur apporter Oskár, si ce n’était de refuser de voir sa moitié s’approcher encore du responsable de ses tourments. Peut-être qu’au fond, c’était ce que Levi craignait le plus, que leurs chemins ne viennent à diverger pour de bon, parce-que c’était encore la meilleure solution, bien qu’il refusait de l’admettre. Il osa à peine lever les yeux vers Sahar, comme s’il savait par avance que son regard trahirait sa frustration à peine dissimulée, lui qui n’avait aucunement envie de la blâmer ce soir. « J’crois que j’serais mal placé pour t’en vouloir. » Répondit-il, haussant de nouveau les épaules, ne se sentant aucunement légitime à l’idée de ressentir une quelconque déception à l’égard de Sahar, elle qui avait fait de son mieux pour tenir le coup. Soudainement, alors que le silence s’était de nouveau mis à régner, Levi lui proposa un arrangement, cherchant le juste équilibre entre leurs intérêts communs. Et il fut soulagé, et sûrement un peu surpris, d’entendre Sahar acquiescer à sa proposition, presque sans l’ombre d’un doute. Un léger sourire étira ses lèvres à l’écoute de ses mots, la reconnaissance et le soulagement imprégnant désormais ses traits. Il tendit ses deux mains vers celles de Sahar, l’aidant à se redresser pour prendre place sur le canapé, se décalant légèrement pour lui faire une place à côté de lui. « Qu’est-ce qui te ferait envie ? Pizza ? » Proposa-t-il, récupérant son téléphone pour le lui tendre, la laissant choisir ce qu’elle désirait manger. « J’veux pas qu’on consomme ce soir. J’aurais trop peur d’être défoncé et que t’en profites pour te barrer. » Lâcha-t-il, d’un air espiègle, bien que ses craintes restaient fondées.

La plupart ne serait jamais en mesure de comprendre ce qui animait Levi dans ce combat contre les enfers, parce-qu’il était vrai que Sahar ne lui avait jamais demandé de se jeter de la sorte dans les flammes. Mais lui, il savait surtout ce qu’ils risquaient s’il ne le faisait pas, témoin, aux premières loges de cette avalanche de haine qui les menaçait constamment. Et dans sa tête à lui, il était hors de question que Sahar n’ait à recevoir la moindre violence physique, de qui que ce soit, à cause d’un manque de courage. Il ne se défilerait pas, et c’était ce qu’il avait tenté de lui faire comprendre dés les premiers aveux, quand bien même la brune lui avait toujours clamé son désaccord. Pour la première fois depuis longtemps, il avait l’impression de lui céder, haïssant cette faiblesse qui remettait tout en cause, comme s’il avait soudainement l’impression de l’abandonner en sautant du navire, de laisser Sahar à découvert, à la vue de tous les prédateurs. La brune, elle enfonçait davantage le clou, en jouant probablement sur ses sensibilités, parce-qu’elle le sentait plus vulnérable que jamais, proche de l’abandon comme il ne l’avait jamais été. Il soupira, retenu par la lueur bienveillante de ses prunelles, son attention lui étant entièrement dédiée depuis que ses mains s’étaient enroulées autour de ses poignets. « J’cherche pas à ce que tu dépendes de moi, ça a jamais été mon but. J’veux juste pas que t’aies à payer le prix de mes erreurs. » Murmura-t-il, tentant une énième fois de justifier ses faits et gestes, comme s’il espérait encore que Sahar ne l’autorise à poursuivre sur sa lancée, pourtant conscient que sa tentative serait vaine. Levi, il n’avait pas su faire semblant devant elle, en apprenant que leur secret n’était plus exclusivement le leur, qu’une tierce personne -et pas des moindres- était maintenant mise au courant de leur descente aux enfers. Le regard fuyant, l’anglais n’avait pas pu s’empêcher de ressentir une certaine déception, peut-être même un sentiment de trahison, de la part de la serveuse, pourtant conscient que ça n’aurait été qu’une question de temps avant qu’elle ne finisse par sauter le pas. L’idée de creuser le sujet ne l’enchantait pas, et il fut presque reconnaissant de voir que Sahar ne comptait pas s’éterniser dessus non plus, eux qui trouvèrent un terrain d’entente dans le fait de passer la soirée ensemble, s’assurant de la sécurité de l’autre. Il tenta de faire abstraction de l’information concernant Oskár, ses mains se liant à celles de la brune pour l’aider à se redresser et à s’installer à côté de lui, sur le canapé. « Prends ce que tu veux, j’te suis. » Répondit-il, la laissant choisir ce qu’elle désirait sur son téléphone, s’affairant de son côté à rassembler les pochons de la soirée pour les dissimuler dans le tiroir de la table basse, faisant également disparaître l’arme de poing rapidement, profitant de l’inattention de Sahar. « J’me méfie avec toi. J’sais de quoi t’es capable. » Roula-t-il des yeux, se calant de nouveau contre le dossier, ses yeux balayant rapidement l’écran de son portable, réfugié dans les mains de la brune. « J’suis chez moi Sahar, ça serait assez idiot de te laisser en plan ici. » Rétorqua-t-il, un sourcil arqué alors que ses yeux retrouvèrent ceux de la serveuse, une lueur joueuse venant les illuminer le temps d’une seconde. « Le mieux ça aurait été de se menotter l’un à l’autre, du coup. T’as pas ce qu’il faut toi ? » La provoqua-t-il, amusé par cette seule pensée de se savoir physiquement lié à Sahar de cette façon, tout ça parce-qu’ils étaient incapables de se faire totalement confiance.

Personne ne lui avait jamais rien demandé et pour Levi, il se sentait redevable, se remémorant très bien l’épisode tragique de son agression, et de l’aide que lui avait apporté Sahar. Sans elle, il ne serait plus là, et c’était exactement pour cette raison qu’il se battait contre ses démons pour l’épargner des griffes de leurs tortionnaires. Pourtant ce soir, c’était le vent qui semblait tourner, renversant pour la première fois les pensées de Levi, qui en temps normal, n’aurait jamais cédé aux supplications de la brune. Il se sentait faillir, tombant à la renverse devant l’attitude implorante de la serveuse, elle qui sans le savoir, parvenait à effleurer son âme écorchée à vif. C’était aussi ce pas fait vers lui qui parvenait à l’adoucir, lui qui sentait bien que la présence de Sahar commençait à prendre une place considérable dans son quotidien, refusant presque l’idée qu’elle ne vienne à s’en éloigner. Levi, il n’avait donc pas hésité à lui proposer un arrangement sans doute trop osé lorsqu’on savait les quiproquos que pouvait générer leur rapprochement, trop inquiet à l’idée de voir sa silhouette disparaître jusqu’au Wojna’s. Et il fut plus que satisfait de comprendre qu’elle y trouvait également son compte dans ce deal tacite, s’autorisant à veiller l’un sur l’autre le temps d’une soirée, pour leur permettre de souffler. Parce-que Levi, il savait qu’il ne pourrait certainement pas la retenir éternellement chez lui, que la nuit à venir ne faisait que retarder l’échéance d’un torrent d’angoisses. Pour l’instant, le plus simple était encore d’éviter d’y songer, pour se concentrer sur l’instant présent, sans se laisser accabler par les peurs imminentes. « T’es un amour. » Pouffa-t-il, pour répondre à ses mots, récupérant son portable après que Sahar ait fini de leur commander leur repas, lui qui s’était dépêché de redonner à la table basse une allure immaculée, même s’il savait que Sahar n’était pas du genre à se fier aux apparences. Il exagéra à son tour une mine outrée après la réplique de la brune, eux qui n’avaient décidément pas perdu de leurs talents lorsqu’il s’agissait de se renvoyer la balle. « J’vois pas de quoi tu parles, j’suis sage comme une image. » Clama-t-il, d’un ton faussement innocent, amusé de leur échange empreint de sarcasme. Il était certain que Sahar comme Levi, avaient un certain don lorsqu’il s’agissait de n’en faire qu’à leur tête, eux qui n’attendaient jamais l’approbation de qui que ce soit pour se lancer dans leurs idées fixes. « Si j’file en douce, je sais que tu m’attendras ici pour me faire la peau. Alors si, ça me dissuaderait. » Répliqua-t-il, retrouvant le regard de la serveuse, sans se départir de cette lueur malicieuse qui s’enflamma davantage lorsqu’il mentionna sans la moindre gêne la possibilité qu’ils ne finissent par s’attacher mutuellement. Il fit mine de souffler d’agacement à ses mots, ses yeux continuant de vouloir capter les siens, y discernant cet éclat lumineux auquel il se raccrochait. « T’as merdé là. » Souffla-t-il, gardant cette mine faussement exaspérée, son regard glissant sur sa silhouette lorsqu’elle se redressa, l’air particulièrement espiègle. « On peut toujours s’arranger, j’crois qu’on est assez créatifs toi et moi. » Renchérit-il, d’une voix presque charmeuse, Levi rentrant dans son jeu, faisant mine de chercher du regard ce qui pourrait leur convenir. « Sinon, on peut toujours fermer la porte et balancer les clés par la fenêtre. C’est un peu plus radical mais pas moins efficace. » Balança-t-il, l’air de rien, continuant d’alimenter ce jeu entre eux, pour ne pas être le premier à abdiquer. « Encore faut-il que t’arrives à me supporter plus de vingt-quatre heures. »

Il détestait l’idée d’admettre que Sahar avait peut-être raison sur ce coup, que son accord passé avec le réseau ne les mènerait jamais à rien, et certainement pas à une issue favorable. Il ignorait Levi, pourquoi la donne semblait changer ce soir, pourquoi il avait fallu que Sahar ne se mette à genoux devant lui, les traits implorants pour comprendre que sa démarche ne rimait à rien. Il avait ressenti ce pincement au cœur, et une certaine indignation, bien plus douloureux qu’une simple déception, en imaginant les conséquences que pourraient avoir cette rébellion face aux hommes du réseau, refusant l’idée que la brune puisse pâtir de ses mauvaises décisions. Cherchant à garder un minimum de contrôle sur la situation, ils se mirent d’accord sur l’idée de passer une soirée de plus ensemble, s’assurant mutuellement de la sécurité de l’autre. Et il fallait croire que Levi commençait doucement à s’habituer à la présence de Sahar à ses côtés, comme s’il semblait plus rassuré de l’avoir continuellement dans son champ de vision. Il savait pourtant qu’il n’avait aucune légitimité à la vouloir constamment auprès de lui pour pouvoir s’assurer de sa protection, parce-qu’au-delà du fait que Sahar était l’une des femmes les plus indépendantes qu’il connaissait, une autre âme occupait déjà une place privilégiée dans son quotidien. Il fut néanmoins rassuré de l’entendre accepter ce pacte, se délectant de cette insouciance dont ils faisaient preuve, repoussant leurs obligations d’un revers de la main pour rester ensemble. Il s’amusa de ses rétorques, toujours habilement placées, elle qui ne manquait jamais d’abreuver son sarcasme. « On va dire que je t’ai connu plus… farouche. » Répliqua-t-il, marquant volontairement une courte pause entre ses mots, pour mettre l’emphase sur cette facette de sa personnalité qu’il n’était clairement pas difficile de discerner lorsqu’on la fréquentait un tant soit peu. Il chercha à se disculper de tout soupçon, après que Sahar lui ait de nouveau tendu son portable, prenant une allure faussement innocente alors qu’il cherchait à la convaincre de sa bonne foi. « Tu m’as quand même confié tes intentions de te débarrasser de moi l’autre nuit j’te signale, j’vais continuer à faire gaffe. » Se justifia-t-il, le regard presque accusateur, amusé de cette légèreté maintenant retrouvée, probablement inhérente au soulagement qu’il ressentait à l’idée de ne pas la voir s’échapper ce soir. Sans la voir venir, la conversation prit une toute autre tournure, à l’image de leurs caractères impulsifs, évoquant la possibilité de s’attacher physiquement l’un à l’autre pour ne prendre aucun risque et ne leur laisser aucune échappatoire pour la nuit à venir. « Prends-en plusieurs, même. » Répondit-il, arquant un sourcil provocateur, bien qu’au fond, il savait pertinemment qu’ils seraient tous les deux capables de mettre leurs paroles à exécution, n’ayant aucune limite pour arriver à leurs fins. Maintenant que le jeu était lancé, Levi se voyait incapable de la lâcher du regard, comme s’il désirait savoir jusqu’où ils pourraient aller, dans leurs mots, dans leurs gestes, convaincu que les limites avaient été créées pour être dépassées. « On attend la pizza, et t’en fais ce que tu veux. » Ajouta-t-il, avec une assurance presque insolente, amusé par le coup que Sahar lui porta à la jambe, ses yeux vrillant un instant sur sa main avant de retrouver la profondeur de ses iris. « Peut-être, ouais. » Ne jamais réfuter une hypothèse, pour admettre davantage le doute dans l’esprit de son interlocutrice, c’était ce que Levi préférait faire, et Sahar le savait pertinemment. « Tu veux boire quelque chose ? Enfin, si tu m’autorises encore à aller jusque dans la cuisine. » Poursuivit-il, se redressant dans la foulée, gardant cet air espiègle sur le visage en jetant un coup d’œil à la brune.

Il avait cette drôle d’impression Levi, que les rôles s’étaient inversés, que c’était maintenant Sahar qui prenait le contrôle de la situation, risquant sa propre sécurité pour qu’il n’ait plus à s’adonner aux vices les plus sombres dans les ruelles de la ville. Et c’était déroutant de voir à quel point la situation avait vrillé du tout au tout, que c’était à présent la brune qui se retrouvait dans une position des plus délicates, où ils risquaient à tout moment de sombrer davantage. Mais Levi, il avait su dés les premiers mots de Sahar qu’il n’aurait plus le choix, qu’elle ne serait plus en mesure d’accepter de le voir fréquenter les ténèbres une nuit de plus, pour la sauver elle. Ce semblant d’arrangement sur lequel ils s’étaient mis d’accord ne ralentirait l’hémorragie que le temps d’une nuit, mettant en suspens l’inévitable. Il était plus simple de balayer ces pensées parasites mais pourtant fondées, pour se laisser un temps de répit, lui qui profiterait de l’accalmie éphémère aux côtés de Sahar qu’il semblait redécouvrir ce soir, elle qui arborait un visage et une attitude plus que jamais différents. Il aurait menti s’il avait affirmé qu’il n’appréciait pas sa présence, et cette complicité qui semblait évidente maintenant qu’ils s’autorisaient à s’approcher l’un de l’autre. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » Souffla-t-il, plissant les yeux pour feindre un air suspicieux alors que son regard ne lâchait pas le sien, y décelant cette malice sans équivoque qui parvenait à le fasciner. Il fallait croire que ce soir, ils avaient tous les deux décidé d’envoyer valser leurs filtres, s’octroyant ces idées presque interdites, sans même une once d’hésitation. « J’ai déjà hâte, alors. » Renchérit-il, sans se départir de cette mine provocatrice à souhait, parce-qu’il savait combien Sahar aimait les défis, ne reculant jamais devant rien pour les relever. Il avait l’impression qu’il aurait pu rester comme ça une éternité sans se lasser, à la regarder, à laisser leur complicité éclore, se révéler petit à petit devant eux. « Evidemment que j’le sais. Ça serait mal te connaître de penser le contraire. » S’amusa-t-il, laissant un léger rire s’échapper de ses lèvres, son esprit continuant de les visualiser attachés l’un à l’autre, comme s’il s’agissait d’une vision des plus normales. Sans doute aurait-il été plus judicieux de se limiter à cet échange complice, et pourtant Levi, il n’avait aucunement l’envie d’arrêter maintenant, comme s’il désirait pousser Sahar dans ses retranchements. Il se redressa sans prévenir la brune, s’intéressant à ce qu’elle désirait boire, lui faisant maintenant face, à quelques pas d’elle, suffisants pour venir pointer du doigt cette distance nouvellement instaurée entre eux. Distance que la serveuse s’empressa de réduire à néant, suivant le mouvement de Levi pour enrouler ses mains autour de son bras, provoquant son rire. « Le problème c’est que je vais avoir besoin de mon bras pour fonctionner un minimum. Va falloir qu’on trouve une position plus adaptée. » S’amusa-t-il, essuyant un frisson discret au contact chaleureux de ses paumes sur sa peau, Levi faisant glisser sa main le long de son bras pour venir y trouver la sienne, ses doigts se frayant un chemin entre les siens. « Allez, je t’embarque avec moi. » Renchérit-il, l’air espiègle, traversant le salon avec Sahar pour rejoindre la cuisine. « Tu sais pas comment… » Souffla-t-il, exagérant l’exaspération, décide à la provoquer jusqu’au bout. « J’vais devoir récupérer ma main juste le temps de nous préparer du thé. J’veux pas que ça finisse en catastrophe. » Grimaça-t-il, amusé par sa manière de se justifier pour rompre le contact avec Sahar, leur préparant -en bon anglais qui se respecte- deux tasses du breuvage brûlant.

Il était sans doute préférable de ne pas songer à l’après, à la journée qui s’amorcerait lorsque le soleil se lèverait. Parce-qu’il s’agirait là d’un tout autre monde qui s’ouvrirait à eux, où le danger règnerait en maître, menaçant leur sécurité. Et Levi, il savait déjà que la suite serait extrêmement difficile à assumer, l’idée même de ne pas avoir Sahar dans son champ de vision le faisant d’ores et déjà frissonner d’angoisse. Il craignait pour sa vie à elle, presque plus que pour la sienne, peinant à expliquer ce qui paraissait en réalité inexplicable. Et étrangement, il avait l’impression que leur rapprochement soudain ne l’aiderait pas à relativiser, l’attachement naissant sous ses yeux ne faisant que confirmer ce qu’il craignait plus que tout. Levi, il tentait tant bien que mal de faire abstraction des conséquences à venir, vouant toute son attention à la brune qu’il ne lâchait pas du regard, amusé par l’échange incessant de remarques toutes plus sarcastiques les unes que les autres qu’ils s’amusaient à agrémenter. Et Sahar savait parfaitement, qu’en défiant Levi à ce jeu-là, elle se confronterait à un adversaire de taille. Parce-qu’il aurait été trop simple de décliner chacune de ses propositions, affichant même un certain engouement à l’idée de se retrouver attaché à elle par une paire de menottes. Il esquissa un rictus espiègle à ses mots suivants, haussant malicieusement les épaules pour faire planer le doute, pourtant bien conscient qu’aucune de ses réactions exagérées ne parviendrait à éloigner Sahar de ses idées. « Tu me crois dangereux ? C’est bon à savoir. » Souffla-t-il, reprenant habilement la tournure de ses mots prononcés quelques instants plus tôt, tentant à son tour de jouer la carte de l’intimidation bien qu’elle n’était jamais réellement efficace face à la brune. Il prit l’initiative de se redresser pour amorcer un mouvement vers la cuisine, incapable de dissimuler son amusement lorsque Sahar le rejoignit, s’accrochant à son bras comme si elle cherchait à ne pas le perdre de vue. Evidemment, Levi n’eut aucune intention de la repousser, se faisant l’intime réflexion qu’il aimait la tournure que prenaient les évènements, que la présence de Sahar était loin d’être désagréable. « Et tu penses que ça suffira, de me tenir le bras comme ça toute la nuit ? » Renchérit-il, le regard illuminé de cette lueur à la fois espiègle et complice, l’anglais se détachant progressivement de l’étreinte de la serveuse pour que sa main ne vienne rejoindre la sienne lentement, mais sûrement, ses doigts entrelacés aux siens, justifiant son geste de sa praticité pour l’entraîner dans la pièce d’à-côté. « Ah ouais, sinon quoi ? » La provoqua-t-il, ouvertement, haussant les sourcils pour davantage mimer son insolence, Levi ne relâchant la main de Sahar qu’au moment où il entama la préparation de leur boisson. « J’suis sûr que ça te plaît au fond, de voir un anglais en action. » Pouffa-t-il à sa remarque, décidant de se tenir à leurs paroles prononcées un peu plus tôt dans la soirée, où ils avaient annoncé vouloir écarter les substances empoisonnées pour la nuit à venir. « Faut ce qu’il faut pour tenir parole. » Lâcha-t-il, les yeux rivés sur ses gestes pour ne pas se brûler, déjà assez déstabilisé par le regard de Sahar qu’il sentait sur lui mais dont il ne voulait en aucun cas se débarrasser. « J’ai toujours d’autres options si tu préfères ça au thé. » Proposa-t-il, insistant sur le fait qu’elle craquerait sans doute la première en optant pour une boisson alcoolisée. « J’amène les tasses dans le salon, tu gardes un œil sur moi ? » Lança-t-il, l’air faussement sérieux, retirant les sachets de thé infusé avant de reprendre la direction du salon, profitant d’avoir de nouveau les mains libres pour laisser son attention se reporter sur Sahar et sa silhouette s’approchant du canapé.

Sahar, c’était un peu le feu duquel on voulait s’approcher, sans prendre en compte le risque de s’y brûler. Et Levi, il constatait de lui-même à quel point il était attiré par ces flammes dans l’obscurité, mourant d’envie de faire un pas de plus, juste pour défier le danger. Parce-qu’il ignorait où les mènerait cette danse insouciante dont ils connaissaient parfaitement les pas ce soir, eux qui semblaient presque en oublier le reste du monde. Leurs pensées, gardées habituellement sous scellés dans leur esprit, étaient prononcées à voix haute ce soir, sans qu’ils ne viennent à en ressentir la moindre gêne, s’autorisant cet échange presque surréaliste après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble. « Donc tu te méfies quand même de moi. » S’amusa-t-il, jouant sur les mots de Sahar et le ton qu’elle avait employé pour semer davantage le doute sur ses réelles intentions, parce-qu’il était vrai qu’elle avait bien cerné cette facette de sa personnalité. Non pas qu’il cherchait absolument à entretenir le mystère, mais Levi restait une âme discrète, ayant tendance à préférer observer plutôt que de parler. Sans prévenir, sa main rejoignit celle de Sahar peu après qu’elle ait eu l’idée de le saisir par le bras, acceptant sans hésiter de l’emmener avec lui dans la cuisine. « J’sais que t’es créative, oui. Il me tarde de voir ce que tu me réserves. » Répondit-il, son regard éclairé par cette complicité qui régnait dans l’atmosphère, et qu’il se surprenait à apprécier plus que de raison. Il s’affaira à faire infuser le thé, leur préparant deux tasses, bien loin de ressembler à ce qu’ils avaient l’habitude de consommer lorsqu’ils se retrouvaient, ou même lorsqu’ils étaient seuls. « Tant que tu disparais avec moi, j’y vois pas d’inconvénient. » La chercha-t-il, répondant du tac au tac, juste pour tenter de la déstabiliser, ce qui n’était clairement pas une mince affaire avec Sahar. Il esquissa un sourire à sa remarque concernant le breuvage choisi pour la soirée, Levi arborant une mine presque fière, cherchant à tenter la brune en lui proposant une toute autre panoplie de boissons qu’il avait en réserve. « Ça fait mon charme. » Se justifia-t-il, pouffant de rire à ses propres mots, s’assurant que Sahar ne changerait pas d’avis concernant ce qu’ils s’apprêtaient à boire, transportant les deux tasses fumantes vers le salon. Sans surprise, l’anglais s’empressa de s’installer de nouveau sur le canapé après s’être débarrassé les mains, son regard retrouvant instinctivement celui de la brune, comme pour l’inciter à revenir à ses côtés. Il essuya un discret sursaut en entendant la sonnerie retentir, probablement trop obnubilé par l’idée de retrouver une proximité avec Sahar. Et il ne put que soupirer, trouvant le courage pour se relever à hauteur de son interlocutrice, presque motivé par les mots qu’elle prononça, à l’image de son impatience. « J’en connais une qui a hâte de rester coincée avec moi. » La taquina-t-il, la devançant en prenant sa main au passage, comme convenu, comme s’il était maintenant normal de maintenir ce contact à chaque fois qu’ils se déplaçaient. Il déverrouilla la porte d’une main, l’ouvrant dans la seconde pour y découvrir non pas un livreur, mais une livreuse, un léger sourire accompagnant son remerciement lorsqu’elle lui tendit leur commande, remarquant cet air interloqué sur ses traits en les voyant main dans la main. « Tu vois, c’était pas si long que ça. » Lâcha-t-il à la brune, juste après avoir fermé la porte à l’aide de son bras, son regard plongeant instinctivement dans le sien. « J’te laisse verrouiller la porte. »