better way out ✩ léo

Un date, exactement ce qu'il faut à Penelope pour se changer les idées. Elle en a marre, de l'hôpital. Elle en a marre, d'être en froid avec son frère. Elle en a marre, de cet espèce de no man's land entre Marcus et elle. En fait, elle en a ras le bol de tout. Si elle s'écoutait un tant soi peu, il y a bien longtemps qu'elle serait partie en pleine nature avec pour seule compagnie les animaux sauvages. Elle a la sensation que sa vie est en train de lui échapper. Rien ne file droit, tout se disloque. Son coeur, particulièrement. Alors elle s'adonne aux plaisirs de la chair. Elle crée avec rage, là où personne ne peut l'observer. Ses revenus se sont amoindris ; il faut dire que le public de Bowen n'est pas celui de Brisbane. S'il n'y avait pas son site Internet où elle peut vendre ses autoportraits pour de rondelettes sommes, Penelope aurait mis la clef sous la porte depuis bien longtemps. Attirer de nouvelles clientes pour une expérience hors du commun est difficile, dans ce monde aux technologies toujours plus poussées et où les photographes et autres artistes peinent à se faire une place.
Aujourd'hui, Penelope attend un beau brun de la quarantaine bien entamée. Les échanges ont été brefs, mais encourageants. Et elle ne le dira jamais assez : une rencontre vaut mille mots. En particulier lorsqu'on veut séduire. Elle est arrivée la première dans un bar qu'elle sait moins fréquenté que ceux du centre-ville. Pas la peine de tomber sur des gens qui pourraient la connaître. Un peu nerveuse, comme avant chaque date, la blonde lisse du plat de la main la matière soyeuse de sa jupe. Sa bière est déjà pas mal descendue, son rendez-vous a une bonne demi-heure de retard. Guettant un quelconque message sur l'application de rencontres, Penelope peine à se rendre à l'évidence : on est en train de lui poser un lapin. Et un beau, l'un de ceux qu'on voit dans les concours fermiers. Tant pis, elle se sera apprêtée pour rien... Doit-elle appeler l'un de ses contacts pour ne pas passer ce vendredi soir seule ?
Son verre est presque vide lorsqu'elle décide d'envoyer un texto à un homme qu'elle voit quelques fois par mois. Elle l'aime bien, ils ont quelques points communs. Un artiste aussi. Au moins, il ne lui pose pas trois mille questions sur sa vie privée, quand ils se voient. La curiosité n'est pas la bienvenue, lorsque Penelope souhaite se décharger de ses maux. Juste avant d'appuyer sur le bouton "Envoyer", Penny lève machinalement les yeux en se saisissant de sa bière pour la terminer. C'est en ayant le regard dirigé vers la salle qu'elle se rend compte de la présence de son vieil ami Léo au comptoir du bar. Quelqu'un qu'elle n'a pas vu depuis des lustres, et qu'elle a toujours plaisir à revoir en fin de compte. Un sourire légèrement alcoolisé sur les lèvres, elle verrouille son téléphone sans même envoyer son texto et le glisse dans son sac avant de se lever. Se glissant comme une anguille entre deux clients qui passent, elle arrive près du bar, derrière Léo. "Bonsoir, beau brun..." susurre-t-elle avant de laisser son ami découvrir qui s'adresse à lui avec tant d'assurance.