I can take you home, or you can be a home -r.

Dans mes nouvelles résolutions du mec qui repart sa vie à zéro, ou presque, il y avait le souhait de sortir un peu de ma carapace, soit ma chambre et tous les jeux vidéo qui la composaient. Je me rendais compte que les trois mois passés enfermé dans ma chambre à espérer qu’un miracle survienne, ou surtout que Tara me revienne avec toute sa mémoire, avaient fait de moi l’homme le plus déconnecté du monde. J’avais laissé de côté mes amis, ne pensant qu’à mon nombril et mes malheurs, ignorant ce qui se passait dans le quotidien des autres. Pourtant, j’avais toujours été très attentionné envers mes amis, toujours là pour eux. Il faut croire que c’était parce que j’allais assez bien pour mettre mon énergie sur eux. Là, j’étais drainé, et égoïste.

Toutefois, après avoir vu Victoria et Emma chacune leur tour, j’avais compris que ça me faisait du bien d’être entouré. Que ça ne me servait à rien de rester cloîtré entre quatre murs. Je ne faisais que descendre en chute libre alors que tant de personnes me tendaient la main, là-haut. Alors j’avais d’abord téléphoné à Eileen pour aller sur les pentes de ski la veille. Ce matin, je voulais essayer ce que la bulle hivernale avait d’autre à offrir. Demain, j’avais déjà prévu inviter Lola à patiner. Aujourd’hui, ce serait avec Malya, l’une de mes meilleures amies, et j’avais envie d’aller flâner dans le marché. On y vendait des objets artisanaux et des petites gourmandises. On allait pouvoir se faire plaisir, Maly et moi, et pourquoi pas rentrer chez moi par la suite pour boire un chocolat chaud et jouer à des jeux vidéo – tant que c’était en compagnie de quelqu’un d’autre, je maintenais mes résolutions !

J’arrivai donc au marché tôt en après-midi, juste après avoir lunché seul à l’appartement. Un peu de solitude était quand même nécessaire au bon fonctionnement de mon retour à la réalité. J’avais passé les trois derniers mois avec moi-même et mes démons, et ce serait trop drastique de toujours être accompagné. Dès mon arrivée, je repérai Malya, fidèle au rendez-vous, assise sur un banc en train d’attendre. Je souris et avançai jusqu’à elle. « Salut Maly. » Elle se leva et je posai un baiser sur sa joue. Je lui offris un sourire désolé. « J’espère que tu ne m’en veux pas trop de ne pas vraiment avoir donné signe de vie depuis novembre. » Je ne savais pas si elle était au courant pour l’état de Tara, et l’état de notre relation – c’est-à-dire, terminé. Je n’avais pas forcément envie d’en parler non plus, mais si elle me questionnait sur les raisons de mon retrait de la vie sociale, je le lui confierais. Après tout, elle était dans les amies les plus importantes que je comptais dans ma vie et je l’avais totalement négligée à cause de ma peine d’amour. Elle méritait des explications.

Malya avait cette attitude chaleureuse contagieuse. On se sentait tout de suite bien quand on était prêt d’elle – du moins, lorsque nous étions l’un de ses amis. J’ignorais comment Malya se comportait avec des gens envers qui elle était plus distante. Il faut avouer qu’elle et moi aimions bien les sorties en duo, pour qu’on puisse réellement se parler de tout ce qu’on voulait sans avoir d’autres personnes de qui nous soucier. Ainsi, je ne la voyais agir qu’avec moi, et comme nous étions de meilleurs amis, je ne connaissais pour le moment que son bon côté. Bref, elle me salua à son tour et suite à mes excuses, elle commença à marcher à mes côtés vers le marché et me questionna. J’haussai les épaules. « Tu te souviens de Tara ? La pâtissière, belle blonde, qui joue à des jeux vidéo ? J’ai cassé les oreilles à tout le monde avec elle … » J’eus un sourire rêveur et brisé à la fois. « Elle a eu un accident et ça a affecté sa mémoire. En gros, elle oublie tout ce qu’elle a vécu la journée-même durant la nuit. Donc à chaque matin, elle se souvient pas des jours passés. J’ai voulu … tellement voulu essayer que ça fonctionne quand même mais … fallait me rendre à l’évidence que je serais jamais complètement heureux. » Je me tournai vers Malya avec un sourire triste. S’il y avait une femme qui savait à quel point je voulais ma petite histoire d’amour parfaite, c’était elle. Puis je me sentis tout d’un coup coupable de pleurer sur mon sort alors que mon amie avait perdu son petit ami à Honolulu, comme ça, d’un coup. Moi, Tara était toujours envie. J’avais fait le choix qu’on ne soit plus ensemble. Je baissai les yeux vers mes pieds. « Je sais que c’est pas la fin du monde. Y’a tellement pire … mais bon, c’est quand même la raison pour laquelle j’ai été un peu à l’écart ces derniers mois. » Me justifiais-je. « Toi ? Tu t’en sors ? » Demandais-je. Je n’avais même pas daigné prendre de ses nouvelles depuis octobre ; quel piètre ami j’étais.