kaliska} we're still a family, right ?

Dès que j’avais eu la confirmation comme quoi Alexis allait rentrer au pays sous peu et que je voulais être là quand il rentrerait et ce, peu importe le jour de son retour, j’avais fait part à mes parents du fait que j’allais rentrer à la maison avec Analeigh et Dillan. Dans un premier temps, ils se montrèrent un peu triste de ce fait, parce que visiblement, ils s’étaient habitués à nous avoir dans les parages ces dernières semaines, mais ils comprirent mes raisons et savaient que je devais reprendre ma vie en main et ce, malgré tout ce qui s’était passé entre le départ d’Alexis et finalement l’incident avec Lela. C’était ce dernier qui m’avait emmenée chez eux, parce que je ne savais pas quoi faire. Désespérée, j’avais même passé toute une soirée, quand les enfants étaient couchés, à pleurer dans les bras de ma mère, affalée sur le canapé, à maudire tout et n’importe quoi, à me demander ce que j’avais pu faire pour mériter cela, à fabuler sur une tonne de choses et rien du tout à la fois. Heureusement, elle avait su me rassurer, et ce séjour m’avait fait le plus grand bien, même si, je n’allais pas le cacher, le retour allait être tout de même difficile, parce que la réalité allait me frapper en plein visage. Ce fut donc plutôt nerveusement que j’arrivai à l’aéroport, mais heureusement, mon stress me quitta pendant un instant, puisque j’eus à m’occuper de Dillan et Analeigh, les occupant aussi bien que possible pendant cette longue attente. Toutefois, le stress revint me frapper encore une fois lorsque nous arrivâmes finalement à Bowen, lorsque je me rendis compte que la seule personne qui était disponible pour venir nous chercher, et à qui je l’avais demandé, était Evan, mon beau-frère. Non pas parce que cela me gênait de le revoir, mais plutôt parce que ce serait la première fois que nous allons nous parler face-à-face depuis le fameux incident avec Lela. Pour tout dire, je ne savais même pas encore comment l’aborder et ce, même si j’y avais réfléchi maintes fois avant aujourd’hui. Je tentai même tant bien que mal d’y repenser tandis que je descendais de l’avion avec les enfants, passais la sécurité, récupérais les bagages et me rendais avec eux dans l’aire des visiteurs. Même arrivée là, je ne savais que dire, si bien que lorsque je le repérai sur un banc avec sa petite fille dans les bras, je lui dis, une fois à sa hauteur, la première chose qui me passa par la tête, soit :  « Ça devrait être interdit de grandir autant pendant que je ne suis pas là ! » en parlant évidemment de la petite. Evan, il avait fini de grandir il y a bien longtemps il me semble. Bientôt, il serait même assez vieux pour commencer à rapetisser. Quoiqu’il en soit, cela me permit de me détendre un peu de parler de ma nièce d’abord et avant tout, et plus encore, tout ça m’arracha un sourire tandis que je considérais maintenant le papa, le saluant silencieusement – parce qu’Analeigh était occupée à lui lâcher un grand « Bonjour tonton Evan ! » à ma place – avec l’air le plus chaleureux que je pouvais, malgré la tension que je pouvais ressentir au même moment.

Interagir avec les enfants était chose agréable et inévitable dans mon cas, mais je me rendais compte aussi que dans la situation présente, c’était un excellent moyen de contourner momentanément les sujets problématiques et ne pas affronter directement Evan. En lui demandant de venir me chercher à l’aéroport avec les enfants, à défaut d’avoir Alexis pour le faire, je me doutais bien qu’il faudrait que je lui parle, et j’y avais pensé pendant tout le voyage, mais encore là, je ne savais même pas encore comment réagir, et les quelques secondes que me procura Analeigh sans le vouloir en allant voir celui qu’elle appelait maintenant « tonton ». Patiemment, je la laissai saluer sa cousine, tandis que de mon côté, je regardais Dillan, qui me semblait encore tout tranquille. Finalement, puisque celui-ci devait arriver à un moment ou un autre, il fallut bien que j’affronte Evan, et c’est ce qui se passa quand il me salua, me montrant que lui aussi, était tout aussi mal à l’aise que moi. N’aidant pas vraiment la cause, je me contentai de lui répondre dans un sourire timide :  « Salut… », soulagée qu’il ait la bonne idée de reprendre la parole pour me poser deux questions on ne peut plus banales, mais tout simplement parfaites dans le cas présent. Pourquoi ? Tout simplement parce que cela me fit réaliser – même si au fond de moi, je le savais déjà – que je n’avais pas besoin d’aborder THE sujet trop délicat d’emblée, et que je pouvais peut-être espérer avoir une discussion le moindrement agréable avec mon beau-frère, voire même celui que je considérais comme mon frère, surtout depuis qu’il s’était montré d’un grand soutien pendant tous ces mois où Alexis était en mission militaire. Un peu plus détendue, je lui répondis donc :  « Oui, ça s’est bien passé. Analeigh a adoré l’avion ! », obtenant aussitôt l’approbation de ma fille sur mon affirmation. Après, pour Dillan, je ne pouvais pas vraiment dire, celui-ci ayant dormi dans mes bras pendant la majorité du trajet. Ensuite, puisque je n’avais quand même pas obligé la seconde question du jeune papa, je répondis :  « Et c’est gentil, mais ça devrait aller pour les bagages. Mademoiselle traine sa valise toute seule et je crois que je m’en sors comme ça. » et surtout, je ne voulais pas qu’il s’encombre davantage, vu qu’il avait sa fille dans les bras. Mais ça, je ne le lui dis pas, préférant plutôt proposer :  « On y va ? », ne voyant pas le but de demeurer dans ce terminal pendant une éternité, entre les bagages et les bébés. Nous serions certainement beaucoup plus à l’aise une fois à la maison.

Sans attendre plus longtemps, et à mon grand contentement d’ailleurs, nous prîmes nos affaires pour quitter l’aéroport, nous permettant ainsi de retrouver notre demeure, qui m’avait manquée, mine de rien, ces derniers temps. Enfin, pour sûr, rien n’était pareil depuis dix mois, soit depuis qu’Alexis était parti, et changer d’air m’avait fait le plus grand bien, mais je me doutais bien que ça ne ferait du mal à personne de dormir dans sa chambre, dans son lit, moi la première. Quelques secondes après, ce qui ne nous laissa pas le temps d’engager une quelconque conversation, Evan, les enfants et moi-même arrivâmes au véhicule. Avant même que nous puissions mettre les valises dans le coffre, mon beau-frère, si je pouvais encore me permettre de l’appeler ainsi, affirma qu’il avait pris le siège auto comme je lui avais demandé de le faire pour Dillan parce qu’autrement, il aurait été compliqué de le ramener de l’aéroport de façon sécuritaire. Souriant à ce propos pour le remercier, je mis les valises dans le coffre, aidant bien sûr Analeigh avec la sienne, avant de la laisser entrer dans la voiture pour qu’elle s’installe entre les deux plus jeunes, sans siège, comme une grande. Puis, j’installai son petit frère dans son siège auto, bouclant convenablement les ceintures avant de prendre place du côté passager, permettant ainsi à Evan de démarrer la voiture et se mettre en route vers notre demeure. Encore une fois, je ne sus pas vraiment comment aborder la conversation, mais finalement, ce fut mon ami qui le fit, posant une question à la fois banale et délicate. Pour le coup, inutile de mentionner que j’eus un moment d’hésitation pendant lequel je cherchai tant bien que mal la réponse à fournir. Au bout du compte, je décidai de ne pas me faire de mal et opter pour quelque chose de neutre, à savoir:  « Oui ça s’est bien passé, le soleil et tout, ça a vraiment fait du bien ! Et mes parents vont bien également, ils étaient ravis de passer tout ce temps avec les enfants. » Après tout, il fallait tenir compte qu’avec la distance, ils n’avaient pas la chance de les voir souvent, même s’ils les gâtaient et ce, sans aucun problème. Puis, avec le souvenir de mes parents qui s’amusaient avec Analeigh et Dillan, je retrouvai un peu de paix intérieure, ce qui me permit d’ajouter, d’un air plus amusé:  « Ils les ont emmenés partout et leur ont acheté plein de trucs. J’ai attrapé un petit quelque chose pour Nala aussi, je te le donnerai tout à l’heure. » en souriant doucement. Après tout, malgré ce qui s’était passé avec ma soeur, Nala restait ma nièce, et je l’aimais, alors ce serait juste méchant de ne rien lui acheter, pas même un petit souvenir tout banal. Finalement, après une pause, je décidai de changer un peu la discussion, et demander:  « Et toi alors ? Du nouveau depuis que je suis partie ? » en ayant tenté de poser la question de la façon la plus candide qui soit, même si au fond, je me doutais bien qu’elle ne l’était pas vraiment, surtout pas posée à Evan, surtout pas dans ces circonstances-là.

Même si j’avais pris le risque de poser la question à Evan sur comment se passait sa vie depuis mon départ il y a plusieurs semaines de cela, cela ne voulait pas dire que je me sentais totalement prête à entendre la réponse. Pourtant, ce n’était pas comme si je pouvais fuir cette situation éternellement; elle était belle et bien réelle, j’en avais été la victime et même si jamais je n’avais voulu que rien de tout cela ne se passe, il me fallait, en quelques sortes, en assumer les conséquences. Peut-être était-ce pour cela que finalement, j’avais posé la question à Evan, pour me forcer à écouter ce qu’il me dirait, pour me forcer à revenir à la réalité une bonne fois pour toutes et tenter de mettre les choses à plat aussi bien que possible avant le retour définitif d’Alexis. D’accord, je savais bien que ce ne serait pas pareil avec Lela, mais si je pouvais au moins éviter toute tension avec Evan, ce serait un excellent départ, à mon avis. Cependant, sitôt qu’il commença à m’expliquer que Lela était retournée en prison, puis surtout que lui avait bien du mal à composer avec cette situation, je ne pus m’empêcher de me sentir triste. Non pas nécessairement pour ma soeur, parce qu’elle l’avait cherché, mais plutôt pour lui. Mine de rien, Evan faisait partie de la famille maintenant, pour moi en tout cas. Il était mon beau-frère, Nala était ma nièce, et ce qui se passait avec ma soeur ne changeait pas nécessairement cela, même si pour sûr, j’aurais voulu que ce soit autrement. Puis, je commençai limite à me sentir coupable envers Evan de ne pas avoir pris davantage de nouvelles, de ne pas lui être venu en aide avec Nala quand il en avait besoin. À la place, j'avais fui. Je savais que j’avais besoin de ce moment loin de Bowen et de tout ce qui se passait, mais j’avais fui quand même, et je m’en rendais compte plus que jamais. Voilà pourquoi je vins à lui dire, à la fin de son discours:  « Je suis désolée… » sans toutefois réussir à mentionner pourquoi j’étais désolée, parce que je n’arrivai pas à mettre le doigt dessus moi-même. Évidemment j’étais désolée de l’avoir laissé seul, mais j’étais aussi désolée que les choses ne se déroulent pas mieux avec Lela, qu’il semble rester dans un flou total concernant leur relation. Puis, une question se posa dans ma tête, mais pendant un instant, je ne savais pas si je voulais vraiment en arriver là dans la discussion. Puis, me résignant au fait que je n’avais pas vraiment le choix d’aborder le sujet, compte tenu que nous y étions, je soupirai doucement, et je décidai de lui dire:  « Tu es allée la voir ? Tu lui as parlé ? » en faisant allusion bien sûr à ma soeur. Par contre, quelque chose me bloquait à l’idée de prononcer son prénom, je ne savais pas quoi. Ce n’était pas comme si elle était Voldemort après tout. Mais bon, je trouvais mes réactions si ridicules par rapport à tout cela ces derniers temps que j’avais tout simplement cessé de me poser des questions sur mon comportement.

Je ne sus que baisser le regard au moment où Evan m’avoua être allé voir Lela et avoir eu droit à des révélations que je qualifiais de perturbantes de la part de ma soeur. Pourquoi ? Parce que je n’étais pas là et pourtant, je me sentais terriblement mal pour lui. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi ma soeur avait changé du tout au tout par rapport à sa famille, alors que pourtant, elle semblait ravie quand elle était enceinte. Et mine de rien, elle était une adulte, je me doutais qu’elle avait compris qu’il fallait qu’elle embrasse la situation, qu’importe les difficultés. Faisait-il une dépression post-partum, même plusieurs mois après avoir donné naissance à sa fille ? Est-ce que ça expliquerait la consommation de drogue, l’agression, ces propos difficiles ? Je n’effaçais pas la possibilité de mon esprit, mais je savais que je ne pouvais pas vraiment poser un diagnostic, parce que je n’étais pas médecin, sans parler du fait que je ne l’avais pas vue, que je ne savais pas si elle avait dit cela pour faire du mal à Evan ou un truc comme ça. Connaissant Lela, quand elle voulait blesser quelqu’un, elle pouvait devenir réellement… cruelle. Je savais, j’avais goûté à sa médecine et ce, bien avant qu’elle m’attaque à la sortie de ce restaurant. Mais pourquoi ferait-elle ça à l’homme qu’elle aimait ? Je n’en avais aucune idée, mais tout cela ne me semblait pas clair, et autant dire que c’était particulièrement inquiétant. Par contre, je ne me voyais pas vraiment en parler à Evan ici et maintenant, en venant à la conclusion que je ferais ma petite enquête de mon côté pour éviter de le perturber avec ça, tout en étant présente pour lui. Je savais bien que je ne pourrais jamais rattraper cette longue absence, mais bon, si je pouvais être la moindrement utile, je le serais, évidemment. Puis, mon beau-frère - parce que je continuais à le considérer ainsi, qu’importe les circonstances - en vint à me poser une question délicate, mais à laquelle je m’attendais quelque peu. Par conséquent, je n’eus pas un très long moment d’hésitation avant de lui dire, dans un petit soupir:  « Je ne sais pas… Je n’ai pas écarté l’idée, mais pas maintenant… Je crois que je vais attendre… » Attendre quoi ? Ça, ce n’était pas compliqué, et je ne me gênai pas pour le dire en affirmant:  « Je vais m’assurer qu’on reprenne notre routine du quotidien, préparer le retour d’Alexis, puis la rentrée… » Puis, quand je me rendis compte que mine de rien, tout cela était quelque peu égoïste, je me mordillai la lèvre inférieure pour m’imposer le silence, et je regardai Evan pour voir comment il allait réagir, espérant qu’il ne le prenne pas trop mal quand même.

Je me pinçai les lèvres au moment où Evan, sans peut-être même me le vouloir, m’appris que Lela lui en voulait de ne pas être venu la visiter en prison avant un moment, si je comprenais bien. Ne pouvant pas vraiment me mêler de ce qui se passait entre eux en ce moment, il était complètement inutile que je commence à prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Ce que je pouvais faire par contre, c’était me demander ce qui avait bien pu se passer pour que ma soeur devienne une personne complètement différente, qui reniait sa famille, son amoureux, son enfant… Visiblement, j’aurais réponse à mes questions que si je me décidais à aller la visiter, ce pour quoi je n’étais pas convaincue, comme mon ton hésitant le trahit au moment où je répondis:  « On verra bien… » Non seulement, je n’étais pas rassurée quant au fait que j’irais en prison mais de plus, j’en venais à me dire que si jamais elle faisait la gueule à Evan, alors elle la ferait certainement à moi. D’une certaine façon - et ce, même si je tentais de me retirer cette idée de la tête depuis des semaines maintenant - c’était ma faute si elle était derrière les barreaux… Je savais qu’il ne fallait pas que je me torture avec cette pensée, mais maintenant que la réalité me confrontait à celle-ci, comment pouvais-je faire autrement ? En toute honnêteté, je n’en avais aucune idée. Enfin, il y a une chose que je pouvais faire dans l’immédiat, soit me réjouir que mon ami venait de garer la voiture dans l’allée de la maison et que nous soyons finalement chez nous. Il fallait avouer que ça, ça ne pouvait que faire du bien. J’adorais aller chez mes parents, je ne pouvais pas le nier, mais quand même, il n’y avait pas place plus rassurante et confortable que sa propre maison. Sans attendre plus longtemps donc, je m’extirpai du véhicule, adressai un sourire à Evan en guise de remerciement pour prendre les bagages, puis je sortis Dillan de son siège tandis qu’Analeigh sortait de la voiture d’elle-même, étant amplement capable de le faire sans aide. Sitôt prêts, nous nous dirigeâmes vers la maison que je déverrouillai une fois à la porte avec ma clé, ayant réussi à me libérer une main en calant Dillan contre ma hanche. La porte ouverte, je retrouvai mon chez-moi exactement comme il était avant que je parte, même si aujourd’hui, l’idée de le revoir me rendait plus optimiste, parce que d’ici quelques jours, la maison redeviendrait normale avec le retour d’Alexis. Enfin, il faudrait que je prenne mon mal en patience encore un peu, mais c’était déjà pas mal plus rassurant. Ma bonne humeur légèrement revenue, je déposai mon fils par terre, le laissant trottiner dans la demeure, toujours aussi amusée de le voir se dandiner, ce pour quoi il était devenu un pro il y a quelque temps, si récemment que je crus même bon de demander à mon beau-frère:  « Il ne marchait pas comme ça la dernière fois que tu l’as vu, je me trompe ? » Mine de rien, les progrès d’un enfant se faisaient plutôt rapidement, si rapidement que malgré moi, je n’avais pas su retenir Dillan de commencer à marcher pleinement avant qu’Alexis revienne… Enfin, je me doutais bien qu’il y aurait une tonne d’occasions pour se rattraper, je l’espérais, en tout cas. Après une brève pause, je décidai, suite à une courte réflexion qui n’en fut vraiment pas une, parce que pour moi, c’était une évidence:  « Tu es occupé ce soir ? Si tu veux, tu peux rester pour le dîner ? Je n’ai pas prévu de faire un truc bien compliqué… Faire livrer une pizza ou bien préparer des spaghettis… » Ce n’était pas l’invitation du siècle, j’en étais consciente, mais cela me ferait quand même plaisir d’accueillir Evan et Nala pour manger. Évidemment, je me doutais bien que Nala ne mangerait pas une pizza, mais bon, on trouverait bien quelque chose pour elle. Il y avait toujours moyen de s’arranger avec un peu de volonté.