#15 "Nulle amie ne vaut une soeur." (Shilo)

“Nulle amie ne vaut une soeur.”

"Bonne soirée Sol' !". L'une de mes collègues me fait de grands signes de main. Dix-huit heures, je sors enfin de l'hôpital. A moi la liberté, enfin pour quelques heures. Les journées à l'hôpital sont longues voir même interminable. Être infirmière dans le public n'a jamais été l'un de mes objectifs, j'avais envie de bouger, de découvrir le monde. J'aurais adoré travailler pour "médecin du monde", je crois que sans ma sœur près de moi je serais repartie... Mais nos relations commencent à peine à s'améliorer, je n'ai pas le droit de tout détruire à nouveau... Puis je ne veux pas lui refaire de mal. La pluie commence à s'abattre sur la ville et bien sûr je n'ai pas pris mon parapluie cela aurait été trop simple, j'aime me compliquer la vie ! Très vite mes cheveux se transforment en une cascade sans fin. Je n'ai qu'une solution courir, mais à talon mes chevilles vont très vite me lâcher, qu'importe. J'accélère fortement le pas, traversant les rues sans même prêter attention aux voitures qui pourraient débouler des rues opposées. Plus que quelques mètres, les derniers sont les plus longs ! Je rêve d'un bon lait chaud à la cannelle... Le seuil de la porte franchie je me précipite dans la salle de bain récupérer une serviette, il ne manquerait plus que j'attrape quelque chose ! A peine passé la porte que quelqu'un sonne, je n'attends pourtant personne. Encore un commercial qui veut me refiler de nouvelles fenêtres, ou une collection de livre inutile. Ne me pressant pas plus que cela, je descends les quelques marches qui me sépare de l'entrée. J'ouvre la grande porte commençant mon discours bien rodé "Je n'ai besoin de r...". Plus mes yeux se lèves plus un sourire se dessine sur mes lèvres. "Shilo' !"

“Nulle amie ne vaut une soeur.”

Je suis ailleurs, totalement ailleurs déconnecté de la réalité. Mes horaires sont totalement décalées, du coup je n'ai plus l'occasion de voir personne, mis à part mes collègues ou encore mes patients. Ma vie est tellement géniale ! Alors vous ne pouvez pas savoir à quel point retrouver ma sœur sur mon pallier en rentrant du boulot me fait plaisir. "Je ne t'attendais pas maintenant ! Ton mari en a eu marre il t'a jeté dehors ?" Je la regarde amusé un grand sourire dessiné sur les lèvres. Je crois que jamais je n'aurais pu imaginer retrouver une telle complicité avec Shilo'. Même si entre nous il y a encore des hauts et des bas, dans l'ensemble ça va beaucoup mieux, pour mon plus grand bonheur. "Dis juste que c'était une excuse comme une autre pour voir ton adorable et magnifique grande sœur..." Je lui tire la langue avant d'attraper mon parapluie. Mon sésame, autant j'aime la pluie autant me transformer en cascade vivante, très peu pour moi... "Non je ne vais pas te laisser mourir de froid tout de suite tu peux encore peut-être me servir !" Je me décale légèrement pour la laissant entrer. "Tu veux boire quelque chose de chaud chou' ?" Je me dirige rapidement vers la buanderie pour réccupérer une serviette avant de lui tendre. "Alors tes cours avance ?". Je l'admire pour ça, elle a eu le courage que je n'ai jamais eu. Les études n'étaient pas faites pour moi au grand désespoir de mon père qui me l'a assez fait savoir à l'époque. Choisir de tout quitter dès que j'ai eu entre les mains mon diplôme d'infirmière a était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, je crois qu'il ne me l'a jamais pardonné d'ailleurs. Je me secoue légèrement la tête comme pour me remettre les idées en place, ma sœur est là j'ai autre chose à penser.

“Nulle amie ne vaut une soeur.”

A sa première remarque je lève les yeux au ciel d’un air faussement désespéré. « Je n’ai pas le choix de toute façon ! » Je lui tire la langue un sourire bien ancré sur mes lèvres. J’ai l’impression de retomber en enfance lorsque je suis avec Shilo’, en même temps c’est un peu normal, nous nous sommes séparées à peine sortie de l’enfance. Enfin devrais-je dire j’ai forcé la séparation… « C’est totalement ça ! Pourquoi d’autre sinon ? Ce n’est pas comme si je t’aimais plus que n’importe qui sur cette terre ! » Ma sœur… Je ne sais pas ce que je serais devenue sans elle. Je l’ai blessé comme je n’ai jamais blessé personne, pourtant elle était là pour moi, elle m’a écouté, soutenue, comprise… C’est moi la grande sœur pourtant elle me parait bien plus mature que moi… Si elle m’avait dit qu’elle partait à l’autre bout du monde me laissant seule ici je ne sais pas si j’aurais eu la force de lui pardonner un jour, pourtant elle l’a fait… « Qu’est-ce que je vais faire de toi ? » Je secoue la tête d’un air faussement désespérer, mais elle n’a vraiment pas tort, elle est adorable ! De nous deux c'est bien elle la meilleure, il n'y a pas de doute là-dessus. « Va t’assoir le temps que je prépare tout ça ! Et pendant que tu y es, trouve-nous un film à l’eau de rose histoire que l’on pleure en cœur ! » Je lui sourie avant de me diriger vers la cuisine. Je savais très bien que le film ne serait qu’un fond sonore, mais qu’importe c’est une façon comme une autre de retranscrire les moments passés de l’enfance. Un retour aux sources en quelque sorte. Je reviens quelques instants plus tard les tasses de chocolats bouillantes à la main. « J’ai une vie très animée moi mademoiselle ! » Ou pas… surtout ou pas. Mes journées ne se résument qu’à très peu de chose. Travail… travail et hum travail ? Enfin non c’est faux Adam est venu casser cette routine depuis qu’il est arrivé sur Bowen et je dois dire que ça me fait un bien fou. Puis il y a aussi Eileen et ses soirées déjantées. Enfaite, non mes journées commencent à être animées ! Prenant un air plus sérieux je regarde ma sœur en lui tendant sa tasse de chocolat. « Mais, pense à t’amuser un peu Shilo’ tu as aussi besoin de te détacher de tes foutus livres ! » Je la regarde en souriant avant de prendre place sur le canapé. Elle fait ce qu’elle aime ? Je souffle brièvement sur mon chocolat brûlant en tentant de faire fuir les quelques pensées qui me viennent en tête et qui m’apporterait les foudres de ma cadette. Pour moi c’est surtout suivre les traces de notre père, ce qu’elle fait actuellement. Shilo’ est d’ailleurs devenue son porte drapeau, sa grande fierté. Je ne suis pas jalouse, loin de là, je suis fière de ma sœur. Mais j’ai l’impression qu’elle s’est sacrifiée pour combler tous les espoirs que notre père avait mis en nous. Je préfère me taire et me contenter de répondre à sa question pour éviter une conversation dont je n’ai vraiment pas envie aujourd’hui. « Et moi, je suis infirmière dans un hôpital civil, j’ai une vie sociale qui se résume à dire bonjour au voisin quand je le croise… tu ne peux pas savoir et à quel point ça me réjouit » Mon ton est totalement sarcastique. C’est bien tout ce que j’ai toujours rejeté… Mais on change en vieillissant !

“Nulle amie ne vaut une soeur.”

J’attends patiemment que le lait boue, ça fait longtemps que je ne me suis pas pose ne même rien que deux petites minutes dans cette cuisine. Il faut dire que depuis que je suis revenue en ville, beaucoup de chose on changer, que j’ai changé, et mon amour pour la cuisine est les bons petits plats s’en est allé. A quoi bon faire à manger si on ne peut pas le partager ? Le lait arrive à bonne température je secoue la tête en comme pour revenir sur terre en entendant ma sœur parler de l’autre côté de la maisonnette. « Pourquoi tu es pressée ? Dis plutôt que tu as peur de pleurer tout le long du film ! » A moins que ce soit moi ! Même après une bonne centaine de rediffusion du fameux « Titanic » je pleurs toujours autant à la fin, lorsque Jack finit par mourir. Mais qui n’a jamais pleuré devant ce film après tout ? Très rapidement je me redirige vers la pièce où se trouve ma sœur. Je pose les tasses, qui me brûlent les mains, sur la table basse. L’odeur du chocolat enivre très rapidement la pièce, ce qui a le don de me réchauffer, c’est purement psychologique il ne faut pas chercher à comprendre. J’attrape une cigarette, c’est la première depuis ce matin et dieu qu’elle me fait du bien. Je tourne la tête pour éviter de lancer ma fumée dans la tête de ma sœur puis prend place à mon tour sur le canapé. J’écoute la remarque de Shilo’ sur le fait qu’elle me trainerait avec elle lorsqu’elle aura terminé son année. « Je suis sûre que je connais mieux Bowen que toi petite sœur chérie ! » Je lui sourie un brin moqueuse. Il est vrai que depuis que j’ai rencontré Eileen, Bowen n’a plus de secret pour moi, enfin le monde de la nuit à Bowen ! J’aime passer du temps avec Eil’ elle est tellement différente de toutes les autres nanas ! Mais les sortie avec Shilo’ me manque et je mentirais si je disais que je n’étais pas presser de refaire des soirées avec ma sœur. Ça nous permet de renouer des liens perdues, autre que ceux de la vie de tous les jours… « C’est vrai, d’ailleurs ça m’avait manqué durant un temps… » Durant mon absence, mais je ne préfère pas m’étaler sur le sujet. Je souffle une nuée de fumée avant de reprendre « Les films à l’eau de rose m’ont manqués, pas toi bien sûr ! ». Je plonge dans ma tasse de chocolat pour masquer le sourire qui a pris place sur mon visage. Elle s’est bien que c’est faux de toute façon, ce n’est pas comme si elle ne me connaissait pas ! Lorsque vint sa dernière question mon sourire se dissipe et par mégarde je me brûle légèrement la lèvre avec mon chocolat. Je fustige intérieurement avant de la regarder ma petite sœur retroussant le nez. « Hum c’est compliqué ! » J’ai encore du mal à oublier Ezraël et parler de Cole à ma sœur n’est pas franchement une bonne idée. Quoi que si je lui dis que j’ai rencontré Cole à l’hôpital et que depuis avec lui c’est un peu « fuis moi je te suis, suis moi je te fuis », et que Adam, un ami du front, est revenu à Bowen et qu’il dort actuellement sur mon canapé, peut-être qu’elle arrêtera de penser que ma vie est plus plate que la Belgique. Oui mais non, je préfère passer les détails ! « Et toi alors ? »