underneath and unexplored (fleur)

Ses yeux parcouraient les pages du livre rapidement, balayant les mots, balayant les chapitres, mais encore une fois il ne trouvait pas ce qu’il désirait. August reposa le livre à son bon emplacement sur l’étagère, exactement là où il l’avait trouvé quelques minutes plus tôt. Il voulait ainsi éviter à Fleur d’avoir à repasser après lui et ranger tous les livres qu’il prenait entre ses mains – parce qu’elle savait fort bien qu’August était comme une tornade lorsqu’il se pointait dans les rayons d’histoire de la bibliothèque. Il avait appris, avec le temps, à ne pas trop s’éparpiller, pour le bien-être de son amie. D’ailleurs, en relevant les yeux et entre deux livres, il l’aperçut. Il ne l’avait pas vue à son arrivée, alors il s’était dirigé vers sa section préférée, en attendant de pouvoir aller la saluer. Voyant que Fleur était seule et qu’elle n’avait pas le nez dans un tas de bouquins et de paperasse, August délaissa les livres d’histoire qu’il tentait de sélectionner comme lectures obligatoires pour ses élèves et se dirigea vers elle. Un grand sourire s’afficha sur ses lèvres alors qu’il arrivait à sa hauteur. À voix assez basse, pour ne pas déranger les autres visiteurs de la bibliothèque, August lui dit : « Où te cachais-tu ? J’t’ai cherchée partout en arrivant ! » Bon, peut-être pas partout, mais il avait fait un rapide tour de la bibliothèque afin de retrouver Fleur, en vain. Peu importe, au moins il avait maintenant la chance de la saluer avant de devoir partir.

Face à la taquinerie de Fleur, qui soulignait l’empressement d’August au point d’en avoir oublié de la saluer, ce dernier sourit et rigola, doucement. « Bonjour ! » Lança-t-il joyeusement, pour se faire pardonner son impolitesse. Sans plus tarder, la jeune femme proposa son aide à August, s’il en avait besoin. Elle était très certainement une passionnée de son métier, et le professeur d’histoire adorait venir vers elle pour cette raison. Ils ne se voyaient que très rarement en dehors de la bibliothèque, tout simplement parce qu’August s’y rendait assez souvent pour qu’ils se voient fréquemment et discutent au point d’avoir fait le tour de leur vie à chaque fois. Pourtant, Fleur était exactement le genre de personne qu’il appréciait avoir dans son entourage, à l’extérieur des quatre murs de cette bibliothèque, même. Il se promit que, s’il restait assez longtemps pour accompagner Fleur jusqu’à la fin de ses heures de travail, il l’inviterait à aller boire un café, ou quelque chose du genre. « Je cherche un livre assez bien vulgarisé pour mes élèves, sur les guerres au Moyen-Orient. On aborde des thèmes d’actualité mais il leur manque une base pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement … » Lui expliqua-t-il. Jusqu’à maintenant, tous les livres qu’il avait feuilletés étaient trop complexes, trop avancés, pour des élèves de quinze ans.

Devant la réponse de Fleur, August haussa légèrement les sourcils, stupéfait de savoir que son réflexe d’aller dans la section Histoire n’était pas le bon à avoir en premier. Y avait-il une section secrète dans cette bibliothèque, dont il n’avait pas du tout connaissance ? « Bah … oui ! » Répondit-il avec un mince sourire, amusé et intrigué à la fois. Il allait se sentir un peu con si elle lui proposait une section à laquelle il n’aurait pas du tout songé mais, quand elle lui parla des livres illustrés de l’espace enfant, il se pardonna de ne pas avoir été là d’abord. Pourtant, l’idée de Fleur était loin d’être bête. « Ah, j’aurais pas pensé, et peut-être que c’est effectivement trop pour les enfants mais … j’irai jeter un coup d’œil. » Il haussa les épaules, toujours souriant. « Après tout, qui n’aime pas les livres illustrés, hein ? » Il savait fort bien que les adolescents à qui il enseignait pouvait se montrer bien paresseux, surtout lorsqu’il s’agissait d’une matière dont ils n’avaient rien à faire. Fort malheureusement, l’histoire n’était pas appréciée de tous, parce que beaucoup n’en avaient rien à faire de ce qui s’était déjà passé, pourvu que tout se passe bien dans leur futur proche. Bon, August exagérait et, de plus en plus, la relève était ouverte sur ses origines et sur l’espoir de s’assurer un monde meilleur à long terme, mais ce n’était pas le cas de tous. Un livre illustré serait donc le bienvenue, et puis, August pourrait le prendre comme exemple pour les dates et construire son cours autour des différents chapitres, approfondissant la matière par lui-même. « Tu veux me montrer où c’est ? Si t’es pas occupée évidemment ! » Osa demander le professeur, surtout parce qu’ils avaient l’habitude de passer du temps ensemble quand il venait. Si elle n’avait pas le temps, il était largement capable de se débrouiller seul.

August suivit donc Fleur jusqu’à ces escaliers, qui les menèrent à l’étage plus bas, où se trouvait l’espace pour enfants. Le professeur d’histoire esquissa un sourire en découvrant l’endroit. « Tu m’emmènes en territoire inconnu ! » Effectivement, il ne s’était jamais aventuré jusqu’ici, surtout parce qu’il n’avait aucun intérêt à le faire. Après tout, l’homme enseignait à des adolescents qui pouvaient très bien lire la plupart des livres qui se trouvaient à l’étage des adultes, et lui-même n’avait pas d’enfant. Toutefois, quand il en aurait, l’homme n’hésiterait pas à revenir ici, lire avec son garçon ou sa fille tous les livres qui se trouvaient sur les différentes étagères. Il espérait, du moins, que ses enfants aimeraient la lecture et seraient curieux de tout apprendre. Fleur lui tendit finalement le livre. « Merci ! » August commença à le feuilleter alors que la jeune bibliothécaire lui demanda si ça allait, comment se passait le boulot, et lui apprit qu’elle avait pensé à lui il n’y avait pas si longtemps de cela. « Ouais ça va, au boulot aussi ! Qu’est-ce qui t’as fait penser à moi ? » Demanda-t-il, curieux et flatté. Il souriait à Fleur, attendant sa réponse.

Intrigué, August ne tarda pas à demander à Fleur ce qui avait fait en sorte qu’elle pense à lui récemment. Après tout, ils ne se connaissaient pas énormément, alors forcément ce serait en lien avec une discussion qu’ils avaient pu avoir ensemble. Et comme leurs conversations étaient toujours pertinentes ou intéressantes, le trentenaire désira en savoir davantage. Fleur lui parla alors d’un documentaire passé à la télévision qui retraçait les grands moments historiques russes. August haussa les sourcils, hochant la tête avec intérêt. « Oh, ça devait être intéressant ! Est-ce que la trame historique remontait jusqu’à tout récemment ? Après tout, les événements actuels en lien avec la Russie passeront inévitablement à l’histoire … » Lança August, bien passionné par tout ce qui se passait dans le monde présentement, même si c’était de très mauvais augure. Ça ne tournait pas rond, nulle part, et à la limite la peur pourrait bien vite gagner les différents peuples – pour ceux dont ce n’était pas déjà le cas. « Te souviens-tu du nom ? Du documentaire, j’veux dire. » Évidemment, il aimerait le regarder, et pourquoi pas le présenter à ses élèves si c’était approprié. Il savait que ses élèves adoraient écouter quelqu’un d’autre que lui radoter sur l’histoire, alors si en plus cela impliquait un écran de télévision, ils seraient aux anges. Fleur lui demanda alors si le livre trouvé lui plaisait. August baissa de nouveau les yeux vers les différentes images, puisque le livre était toujours ouvert dans ses mains. « Je pense que ça peut être bien, oui ! J’vais prendre le temps de le lire plus attentivement, même si j’me doute bien que ça me prendra au maximum dix minutes … » Dit-il avec un sourire. Il reprit : « … mais je pense que t’as trouvé ce que je cherchais. » La félicita-t-il, indirectement.

August hocha la tête ; il s’attendait à cette réponse. Habituellement, les documentaires délimitaient bien entre l’historique et l’actualité. Après tout, c’était plus facile de se baser sur des faits et de se référer à des événements qui avaient été étudiés à maintes reprises, plutôt que de se positionner sur un problème d’actualité et qui partageait encore le monde à ce jour. Les discours s’enflammaient rapidement, dans ces cas-là, et les documentaires historiques se devaient de demeurer objectifs et factuels. Mille ans d’histoire russe, que ça s’appelait, selon Fleur. Il le retrouverait sans doute en ligne, si jamais ce n’était plus disponible à la télévision. Ou alors il l’achèterait, pour l’ajouter à sa bibliothèque multimédia déjà bien meublée. « Faudra que j’y jette un coup d’œil quand même. J’pourrai jamais prétendre tout savoir, j’en apprends à chaque fois. » C’était vrai. August avait beau être un passionné de l’histoire, il en ressortait avec de nouvelles informations dès qu’il refermait un livre ou la télévision. À propos du livre qu’il avait en main, Fleur lui proposa d’aller voir dans une librairie pour trouver d’autres idées de ce genre, un peu plus appropriées. « Bonne idée, en plus une amie de Willow tient une librairie sur la rue commerçante, ce serait l’occasion de la saluer et de l’encourager. » Après tout, même si August n’était pas allé au mariage de la libraire, ayant l’impression de ne pas y avoir sa place, il devrait tôt ou tard faire la connaissance de tous les amis de Willow. « Mais je vais quand même emprunter celui-là ! » Ajouta-t-il en brandissant le livre. « T’es bien occupée aujourd’hui ? » Comme sa visite à lui avait été plus courte que prévu, il ne refuserait pas de tenir un peu plus longtemps compagnie à Fleur.  

Effectivement, la bibliothèque semblait assez calme. En même temps, tous les enfants se trouvaient présentement à l’école, les adultes au travail. La seule population que l’on retrouvait présentement aux tables était les étudiants universitaires qui étudiaient pour les examens qui approchaient. Ceux-ci n’avaient pas besoin de l’assistance de Fleur, puisqu’ils venaient davantage ici pour la paix et le silence. On entendait de temps en temps leurs doigts claquer contre le clavier de leurs ordinateurs portables, mais sinon, c’était le calme total. « On remonte et on se fait une partie d’échecs ou de skip-bo en se racontant nos vies ? » Proposa le professeur d’histoire avec un sourire amusé de sa propre proposition. En même temps, c’était bien cela qu’ils finissaient toujours par faire ensemble, alors aussi bien aller droit au but en utilisant les bons mots pour la vraie action. August suivit donc Fleur vers le chemin contraire de celui emprunté pour venir jusqu’à ici. Arrivé au comptoir et avant d’aller la rejoindre derrière celui-ci, ni vu ni connu, August sortit sa carte de membre de la bibliothèque pour emprunter le livre. Il alla finalement la rejoindre et prit place sur son habituelle chaise. C’était drôle, quand même, qu’ils ne se connaissent pas plus que cela mais qu’ils aient déjà leurs habitudes ensemble.

Fidèle à elle-même, Fleur s’enthousiasma de cette partie d’échecs. August aimait être entouré de gens aussi simples, aussi joviaux. Lui-même de nature assez positive, il avait beau être l’ami toujours présent quand ça n’allait pas, il devait avouer qu’il préférait largement ces gens qui semblaient sourire à la vie à tel point que la vie leur souriait en retour. Enfin, pour dire vrai, il ignorait si Fleur était aussi heureuse dans toutes les sphères de sa vie mais en tout cas, dans leur amitié naissante, August ne voyait que ses yeux qui brillaient en toutes circonstances. C’était à s’en demander pourquoi elle était toujours célibataire. Peut-être trop timide et trop fragile, alors qu’aux yeux d’August, c’était exactement ça qui le séduisait – n’allez rien vous imaginer, aucun sentiment amoureux n’était impliqué dans cette réflexion. « J’savais que tu choisirais ça, t’as pas encore digéré ta dernière détaite à UNO. » Lança-t-il en riant avant de la suivre pour remonter au rez-de-chaussée, là où ils pourraient s’installer un peu en retrait pour ne pas déranger. Fleur sortit le magnifique jeu d’échecs qui donnait toujours envie à August de s’en acheter un semblable. « M’écraser ? C’est plutôt toi qui devras t’écraser au sol quand tu devras te mettre à genoux pour me demander pardon de cette insulte ! » Dit-il, d’une voix basse, pour plaisanter. Ils s’assirent l’un en face de l’autre et commencèrent à jouer. En réalité, Fleur était une adversaire redoutable, et même si August était un assez bon joueur d’échecs, elle avait la patience qu’il n’avait pas pour bien analyser le jeu quand venait son tour. « Quoi de neuf de ton côté, sinon ? » Demanda August après avoir fait son coup.