Remember why did you choose this path (Flynn)

Une poignée de main, des larges sourire et des cernes, Jamie concluait ce procès sur une note positive. Ses clients avaient gagné après des mois de bataille. Entre les négociations frauduleuses et les coups bas, la dernière preuve avait fait son effet sur les jurés et elle avait gagné. Pour fêter ça, Jamie allait sûrement prendre un bon bain et dormir. Elle était épuisée et voulait dormir. Même l’idée de voir Owen ou d’appeler Saoirse ou Carter ne lui faisait aucun effet. Elle était vidée de toute énergie. Pourtant elle savait que dans pas longtemps un nouveau procès recommencerait avec beaucoup plus d’intensité et de pression. Elle devait même aller à Brisbane puisque l’audience se passait là-bas. Mais elle ne voulait pas y penser, pas maintenant. Ce soir, elle se reposerait sur une victoire, une de plus, mais elle s’en fichait. Elle aimait son métier quand elle voyait les sourires sur les lèvres de ses clients, quand la justice était faite. Finalisant les derniers papiers administratifs et apposant sa signature sur le délibéré de l’audience, Jamie sortait de la salle d’audience. Vérifiant à droite et à gauche que personne ne la voyait, elle soupira et se frottait les yeux. Elle regardait l’heure, appela son secrétaire pour l’informer qu’elle ne reviendrait pas au bureau, elle s’apprêtait à sortir du tribunal pour rentrer chez elle. La porte d’un autre salle d’audience s’ouvrit et Flynn en sortait. Jamie ne l’avait pas vu depuis un moment. Ils leur arrivaient de se croiser de temps en temps mais jamais elle ne l’oubliera. C’était sa première affaire à Bowen et elle avait lamentablement perdue. Il avait sorti la preuve irréfutable de sa manche et Jamie avait su à cet instant qu’elle avait perdu. Il était doué dans son domaine et Jamie n’avait pu que le féliciter même si très déçue pour ses clients. Depuis, ils n’avaient jamais eu à plaider l’un contre l’autre. En même temps, elle ne s’occupait de criminalité que lorsqu’une entreprise violait considérablement les droits de l’homme ou l’environnement au point que ce soit pénalement condamnable. C’était le cas d’une affaire ou deux par an. « Alors qui as-tu terrassé cette fois-ci ? » Disait-elle en lui souriant. C’était un requin Flynn connu par beaucoup d’avocat, c’était un petit monde et tout chaque membre avait sa petite réputation. Jamie ignorait ce qu’on pouvait dire d’elle, sûrement la naïve petite avocate aux idées utopiques. Elle se moquait bien des remarques, elle n’avait rien à prouver. Il avait l’air tout autant épuisé qu’elle. « Longue journée ? » Demanda-t-elle avec compassion.

Jamie n’a jamais tenu pour responsable ses confrères lorsqu’elle perdait une affaire. C’était toujours grisant en revanche de voir la partie adverse se rendre compte de sa défaite. Mais Jamie n’était pas du genre à se vanter de ses victoires, parce que c’était avant la victoire de ses clients. Une fois dans sa vie, elle eut un problème avec un autre avocate, c’était son ex-mari. Ils étaient en compétition depuis trop longtemps. Déjà à l’université, ils se partageaient les deux premières places, tantôt lui tantôt elle. Mais c’était cette compétition qui les avait rapproché, se félicitant de leur manière quand l’un gagnait l’autre. Tout restait bonne enfant tant qu’il n’y avait pas d’argent en jeu. A partir du moment où ils avaient des clients, la compétition était devenue trop importante, surtout du côté de Jonas. Il voulait toujours gagné, demandait à sa femme de le laisser gagner parce que sa victoire remportait plus qu’une victoire d’elle. Sauf que Jamie avait toujours eu à cœur le respect de la déontologie et surtout elle avait choisi ce travail pour aider les autres, pas pour augmenter son capital financier. Après leur divorce, tout se compliquait, Jonas était devenu un monstre, se vengeant de Jamie à travers les affaires. L’avocate ne souhaitait pas exercer dans ces conditions, alors elle était partie à Bowen.
A peine était-elle arrivée qu’elle se retrouve à plaider contre Flynn qui n’avait fait qu’une bouchée d’elle. Mais elle ne lui en voulait pas loin de là. Très joueuse, elle était venue le féliciter, il avait souris et leur échange s’était arrêté là. Parfois elle le voyait au tribunal, parfois dans la rue mais jamais elle ne prenait le temps de le saluer. Il était presque inaccessible Flynn. Et Jamie était épuisée mais cette fois-ci elle prit le temps de s’adresser à lui. A son expression, l’avocate se rendait compte qu’il ignorait qui elle était. Son orgueil aurait pu être touchée mais elle s’en moquait un peu la blonde. En même temps, ce n’était pas la personne qui allait dans tous les événements réunissant les avocats de cette ville, elle n’aimait pas rester enfermée dans ce milieu très privilégié. Non, elle préférait largement découvrir cette ville, rencontrer des personnes d’horizon différent, c’était ce qui l’inspirait. Elle avait conscience d’avoir une vie privilégiée et avait toujours estimé qu’elle ne pourrait jamais défendre correctement une personne sans avoir un minimum conscience de ce qu’était sa vie. En revanche la remarque de Flynn fit froncer les sourcils de Jamie. Peut-être avait-elle perdu contre lui quelques mois auparavant, ça ne remettait pas en question ses compétences. Et il l’ignorait peut-être mais Jamie avait plutôt de bonnes statistiques surtout dans son domaine. Au final, il n’était pas peut-être pas si agréable que ça. Elle qui ne se fiait aux rumeurs, auraient peut-être du croire celle-ci. « Oui longue semaine. » Répondait-elle un peu froidement. Peut-être ne voulait-il pas paraître si hautain mais cette condescendance exaspérait Jamie. Elle remarqua qu’il ne partait pas, étrange parce qu’habituellement il était du genre à sortir très vite du lieu de justice. « Oui très bien, vous n’êtes pas le seuls compétents dans cette ville. » Répondait-elle alors que son orgueil blessé ressurgissait. Et avant de prendre congé de cet avocat, il vérifiait son téléphone. « J’espère que vous vous reposerez vous avez bien besoin. » Elle venait de lui faire compris qu’il avait une tête affreuse, affreuse dans le sens fatigué.

Jamie passait sa vie à se battre pour avoir de la légitimité. Dès l’université elle devait travailler deux fois plus pour montrer qu’elle était tout aussi capable que les hommes d’être compétentes et douées. Puis sa spécialité l’avait surtout fait passer pour une idéaliste, une militante dérangeante mais pas méchante. Alors elle n’appréciait pas vraiment la blonde qui lui fasse une remarque, parce que certes elle avait perdu une fois contre lui, ça ne prouvait rien. Surtout qu’elle avait plaidé contre lui dans une affaire qui était sa spécialité. Elle ne pariait pas sur lui s’il se retrouvait face à elle dans un conflit écologique. Elle en avait juste marre Jamie de toujours devoir prouver qu’elle valait autant que ces hommes. Même les clients parfois avaient du mal à l’accepter parce qu’elle était une femme et qu’elle était jeune. Pourtant elle en avait des convictions Jamie qui est capable d’aller jusqu’à la lune pour défendre son client. Peut-être qu’ils avaient raison les autres avocats quand il faisait un portrait de Flynn. Mais jamais Jamie ne s’était fiée au rumeur préférant se faire elle-même un avis. Avis qui n’avait jamais été aussi solide qu’aujourd’hui et avec toute sa gentillesse, Jamie lui répondait froidement. Elle n’avait plus rien à faire ici, elle voulait juste un bon verre de vin. Elle ne s’attendait à des excuses très maladroites de son confrère. Il n’était pas connu pour sa gentillesse et ses excuses, ce qui rassurait Jamie. Il n’était peut-être pas ce requin insensible que tout le monde pensait. « Merci. » Répondait-elle en haussant les épaules, comme si ses remarques étaient déjà passés. Jamie n’était pas vraiment rancunière, sauf quand ça la touchait vraiment. C’était le cas avec son ex-mari qui avait tellement mit à bout Jamie qu’elle avait toujours autant de rancœur. Mais Flynn il ne lui avait rien fait, à part cette remarque sûrement maladroite. Elle n’allait pas lui assener un nouveau coup, alors qu’il avait l’air tellement fatigué. Elle se souvenait de cet avocat, au procès, où rien ne semblait le toucher. Aujourd’hui il avait l’air de porter le monde sur le dos. Et Jamie elle ne mentait pas, alors elle lui disait. Il avait des cernes et ses épaules étaient abaissés. Elle lui souriait gentiment, comme pour lui signifier qu’il n’y avait rien de grave. Elle ignorait ce qu’il le tourmentait mais Jamie estimait qu’il n’avait besoin que d’une nuit de sommeil. Elle rougissait légèrement, peut-être mal à l’aise de lui avoir offert le fond de sa pensée. « Oui un peu. Mais rien de grave. » Elle lui souriait en haussant les épaules. Elle n’avait pas à s’en mêler. Il lui confirmait ce qu’elle pensait, il n’avait besoin que de dormir. Elle connaissait ça. Parfois les affaires lui prenaient tellement de temps qu’elle en oubliait de manger ou de dormir. Surtout quand il s’agissait de celle dont Jamie avait la conviction que sans un délibéré en sa faveur changerait le monde. Parfois c’était le cas, condamner une entreprise pour la pollution permettait de réduire la destruction de la planète. Une défaite signifiait une situation qui ne bougerait pas et donc des animaux qui continueraient à mourir, et une pollution toujours aussi importante. « J’espère. Les criminels ont besoin de vous. » Disait-elle en riant. Après tout, il les défendait bien. Et il avait raison, parce que chaque personne avait le droit d’être défendu. Parfois on pouvait être contre ses avocats qui arrivaient à relaxer une personne alors que beaucoup de choses l’accablait. Jamie parfois se disait que ce n’était pas juste, mais l’inverse non plus ne l’aurait pas été. Elle ouvrit les yeux, inquiète à son tour de sa mine. Bien sûr qu’elle était un peu fatiguée mais elle ne pensait pas que ça se voyait. Mais Jamie préférait l’humour, alors elle riait. « A vrai dire, je préférais aller boire un verre plutôt que d’aller me coucher. » Oui elle donnerait le monde pour avoir un verre de rouge là tout de suite. Elle n’était pas alcoolique l’avocate, mais elle aimait boire de temps en temps un petit verre. Elle ignorait encore que dans quelques semaines elle allait noyer son chagrin dans un trop grand nombre de verre. « Ça vous tente ? Y’a un petit bar sympa à quelques rues. » Elle ne savait pas pourquoi elle lui avait proposé ce verre, alors que quelques minutes plus tôt il n’avait pas été si agréable.

Pour être avocate il fallait croire en ses convictions. C’était ce que Jamie aimait dire. Un avocat doit être la voix d’une personne qui est sûrement trop apeurée pour parler pour elle-même. La voix d’une personne qui ignore les techniques et les méthodes pour une bonne défense. Il est facile aux autres de juger les actions d’une personne, mais seule l’intéressée connaît les raisons de son ultime choix. Jamie croyait fort en ses principes. Chaque personne a le droit d’avoir une défense pertinente. Elle a fait ses choix l’avocate, préférant défendre l’écologie à l’économie, défendre les gens à que l’Etat. Ce sont des choix militants, des choix de vie. Elle le pensait quand elle disait à Flynn que ses clients avaient besoin de lui. Mais lui il y croyait moins. Il avait cette flamme de vie éteinte dans son regard, et il subissait sa vie. L’avocate l’avait déjà vu ce regard éteint dans les yeux de sa mère. C’était une peur qu’elle avait, qu’un jour elle ait également ce regard. Ça lui fit mal de voir l’intrépide Flynn dans cet été. Mais après tout, ils n’étaient pas amis, il n’avait pas besoin d’aide, il ne voulait pas d’aide. Et Jamie ne pouvait pas sauver toutes les personnes qu’elle croisait sur son chemin. « Demandez à vos anciens clients, vous verrez. » Disait-elle en riant. Combien de procès avait-il gagné ? Combien de relaxe avait-il permis ? La journée avait été difficile pour Flynn et pour Jamie. La blonde ne rêvait que d’un verre de vin. Elle se demandait si elle n’allait pas appeler Carter. Elle aurait pu également appeler le fermier, mais il ne buvait pas. Elle donnerait tout pour du vin. Elle ne pensait pas que Flynn allait répondre. Du Whiskey. Alors pourquoi pas ? Pourquoi elle ne demanderait pas à son confrère d’aller boire un verre. Après tout, elle le faisait bien avec d’autres. Il y avait ce bar pas trop loin du tribunal et qui avait vue sur l’océan qui proposait des cocktails à prix raisonnable. Jamie opterait pour du vin quoi qu’il arrive. Il avait l’air surpris de sa proposition. « Non je demande à celui qui est derrière vous. » Disait-elle ironiquement en montrant le mur. « Evidemment, enfin vous avez le droit de dire non, je ne le prendrais pas mal. » Il lui en fallait beaucoup à Jamie pour en vouloir à quelqu’un. Et enfin il accepta. « Parfait ! » Disait-elle en souriant. Elle guidait l’avocat jusqu’au bar, ce n’était qu’à quelques mètres du palais de justice. Elle ne lui demandait pas son avis en s’installant sur la terrasse. C’était son idée ce verre après tout, puis il avait l’air tellement paumé qu’il n’aurait pas su choisir. « Je sais que ça ne me regarde pas … mais vous n’avez pas l’air d’aller bien. » Disait-elle en rougissant, mal à l’aise de poser cette question. « Je ne veux pas balancer des rumeurs, mais vous semblez avoir la tête de quelqu’un qui a besoin d’aide. » Ou un peu de réconfort. Le serveur prenait leur commande et Jamie attendait que Flynn lui réponde, stressée d’avoir franchi certaines limites.

Jamie faisait partie de ces gens simples. Souriante la plupart du temps, elle cachait assez bien ses émotions surtout au tribunal. Ça n’avait pas toujours été facile notamment à Perth quand elle se retrouvait face à Charles ou certains ses collègues une fois qu’ils avaient divorcé. A cette époque, l’avocate s’était sentie bien seule, ayant pour seule compagnie les textes de loi et ses clients. Les confrères avaient faits leur choix, surtout que Charles était plus influant qu’elle. Son seul cadeau était de gagner parce que Jamie était du genre à montrer aux gens tout sa force en les battant au tribunal. Face à Palmer, elle avait échoué. C’était des choses qui arrivaient et en même temps la criminalité n’était pas son fort. Aujourd’hui, elle traversait la rue pour aller boire un verre avec lui. Il n’allait pas bien et ça se voyait. Pourquoi Jamie lui avait proposé ce verre ? Après tout, elle n’était pas obligée. Elle commandait un verre de vin, c’était sa boisson préférée. Elle se souvenait de toutes les bouteilles qu’elle avait ouvert avec Romy. Une lointaine époque dont elle gardait un beau souvenir même si aujourd’hui elle ne voyait plus son ex-belle-sœur. « Pas grand-chose. » Avouait-elle. Jamie n’était pas psychologue, et elle ne serait pas capable d’aider cet homme. « Mais je peux toujours écouter. » C’était assez naturel chez elle d’aider son prochain, même avec Palmer qui n’était pas connu pour être le plus gentil des avocats. C’était même le contraire. Jamie riait. « Oh les rumeurs … au pire ça animera un peu le tribunal. Je commence en avoir marre des histoires entre Erickson et James. » En ce moment, tout le monde ne parlait que de cette histoire. Deux avocats opposés qui vivait une romance, enfin selon la rumeur. Un Roméo et Juliette des temps modernes qui emmerdait Jamie. Les verres arrivaient et Jamie en profitait pour goûter son verre de vin rouge. Il était fort, au goût prononcé. Le serveur lui avait fait une bonne recommandation. Palmer lui posait une question. C’était comme s’il lui demandait si elle avait invité par pitié. Ce n’était pas le cas, il semblait avoir besoin d’aide mais elle ne ressentait pas de pitié pour cet homme. « Non, j’avais envie de boire un verre et vous étiez disponible. » Disait-elle en riant.