follow the change of the tides (rory)

Après avoir échangé quelques sms avec Rory, vous aviez convenu de vous retrouver au logement de Sahar, deux jours plus tard, puisque c’était le seul moment pendant lequel elle bossait au Wojna’s alors que toi, t’avais off. C’était donc aussi le seul moment où tu pouvais mettre ton plan de voyage à exécution. Peu importe qui arrivait le premier, vous aviez chacun votre clé. Rory parce qu’il était l’ami le plus proche de ta copine et qu’ils partageaient énormément de choses, toi parce qu’à force de venir chez elle une fois la rhumerie fermée, vous aviez convenu que t’aurais une clé de chez elle pour ne pas toujours avoir à l’attendre. Sahar avait également une clé de chez toi. Après plus de six mois de relation, à passer quasiment tout votre temps libre ensemble, à vous aimer comme des fous, ça vous avait semblé logique. Tout comme il te semblait logique de faire appel à Rory, aujourd’hui, pour qu’il t’aide à préparer la valise et les effets personnels de Sahar pour un voyage-surprise que tu lui préparais dès ce soir. Vous en aviez discuté en novembre dernier, de cette envie de foutre le camp vers une destination qui vous serait inconnue jusqu’au moment d’acheter les billets, en direct de l’aéroport. C’était du Sahar tout craché, ça, comme idée. Fou comme t’étais, fou d’elle surtout, t’avais promis que vous le feriez un jour. T’étais un homme plutôt impatient, Oskár, puisque moins de deux mois plus tard, tu te lançais dans cette aventure à l’aveuglette.

T’entras chez Sahar après avoir constaté que la porte était déjà déverrouillée. Le meilleur ami de ta copine était donc déjà chez elle. T’avais un sentiment de déjà vu en l’apercevant au salon mais heureusement, cette fois, il était habillé et puis tu savais, maintenant, que t’avais rien à craindre. Tu le saluas d’un signe de la main et d’un « Hey » lancé assez fort pour qu’il l’entende. Tu déposas ton sac à dos, que t’avais monté au cas où il manque de place dans la valise de Sahar. La connaissant, tu te doutais que ce ne serait pas plein à craquer, et que Rory te conseillerait dans le même sens. « Merci encore d’avoir accepté de m’aider. J’sais que tu me dois rien, et que c’est le début de l’année et que t’avais sûrement mieux à faire. » Tu ne savais pas, tu ne savais pas grand chose à propos de Rory hormis quelques détails balancés par Sahar ici et là. Mais comme elle ne parlait pas beaucoup d’elle-même déjà en partant, elle ne parlait pas beaucoup des autres non plus.

Quand t’avais reçu ce sms d’Oskár, il y a quelques jours, t’as été un peu méfiant. Tu te demandais bien de quoi il voulait bien vouloir te parler. Tu te doutais que ça devait avoir un rapport avec Sahar, votre seul point commun à tous les deux, mais tu n’en savais pas plus, jusqu’à ce qu’il t’explique son plan. Le romantique en toi trouvait ça très mignon qu’il veuille préparer ce genre de choses, tu étais sûr que ça plairait à ta meilleure amie. Tu espérais seulement qu’après leur escapade, ils reviendraient à Bowen et qu’ils n’iraient pas s’installer à l’autre bout du monde, loin de toi. Ça ne t’étonnerait pas que ça arrive mais tout comme toi quand tu es parti quelques mois à Sydney, tu en voudrais sûrement à Sahar de te laisser, elle t’en a bien voulu, elle. Depuis ton arrivée à Bowen au début de l’adolescence, elle a été là, elle t’a toujours soutenu, défendu, quand tu as été presque mis à la porte par tes parents, elle était là aussi, elle ne t’a pas laissé tombé. Toi aussi t’as été là pour elle, ça a toujours été un peu vous deux et les autres autour. Quand tu as partagé ta vie avec d’autres personnes, elle n’a pas accueilli ces arrivées d’un très bon œil, souvent hostiles mais voulant tout de même ton bonheur. Quand Oskár a débarqué dans la sienne, tu t’es montré enthousiaste même si tu regrettes de ne plus pouvoir passer autant de temps avec elle qu’avant. Tu espères seulement qu’il ne la fera pas souffrir et surtout qu’il n’ira pas la tromper. Tu tentes sans cesse de la rassurer là-dessus alors s’il venait à te montrer que tu as tord de lui faire confiance, tu aurais du mal à faire croire en l’amour à ta meilleure amie, qui est déjà plus que sceptique sur la question. C’est en appréhendant un peu cette nouvelle rencontre afin de faire la valise de Sahar tous les deux, que tu rentres dans l’appartement. Tu es le premier arrivé. Tu vas te servir un verre d’eau avant de t’asseoir sur le canapé. Tu n’as pas à attendre longtemps avant que la porte ne s’ouvre sur le jeune homme. Tu te lèves et le gratifie d’un « Salut. » assez neutre. Tu n’es pas très rancunier mais tu n’accueilles pas pour autant tout le monde à bras ouverts, étant plus méfiants depuis quelques années et la vague de harcèlement que tu as reçu sur les réseaux sociaux. « C’est pour Sahar, j’ai pas envie que vous vous preniez la tête à peine arrivé parce que tu as oublié de prendre un truc. » lances-tu en levant un peu les épaules. « Tu as déjà fait une liste ou quelque chose ? » demandes-tu, prêt à entrer dans le vif du sujet.

Pour le moment, t’avais aucunement l’intention de foutre le camp pour l’autre bout du monde, de façon définitive. Tu t’étais établi à Bowen avec ce rêve d’ouvrir ta propre école de voile, et maintenant que c’était chose faite, tu voulais en profiter jusqu’au bout. T’avais pas fait tout ce travail pour laisser la place à l’abandon. Qui sait, dans une dizaine d’années, peut-être que t’en aurais de nouveaux, rêves, projets, souhaits. À ce moment-là tu reconsidérerais peut-être ton attachement à Bowen. Est-ce que Sahar saurait attendre auprès de toi, tout ce temps-là ? C’est ce qui te faisait le plus hésiter sur votre relation - contrairement à cette histoire d’infidélité à laquelle Sahar s’entêtait à croire. Tu savais que la blonde en avait marre de Bowen, qu’elle se sentait coincée dans cette ville, même si les raisons ne t’étaient pas encore bien claires. D’un côté, tu ne voulais pas la retenir ici si elle n’était pas bien. D’un autre côté, tu l’aimais et tu voulais rester avec elle, mais rester ici en même temps. C’est pourquoi tu te disais que cette escapade inattendue vous permettrait de changer d’air, le temps de quelques jours, sans que ça vous demande de tout laisser derrière. T’avais demandé l’aide de son meilleur ami, Rory, parce qu’il la connaissait mieux que n’importe qui et aussi parce que t’avais quelques pots cassés à ramasser, à réparer. Votre première rencontre n’avait pas été des plus douces, et t’espérais pouvoir lui montrer un meilleur côté de ta personne cet après-midi. Il t’avait rejoint à l’entrée avec une salutation pas nécessairement froide, mais pas du tout joviale non plus. Tu laissas ça de côté. Ça lui prendrait sûrement un peu de temps à warm up to you, c’était normal, après que t’aies pété les plombs l’autre fois. « Ouais, ça risquerait d’arriver, c’est ça le pire. C’est pour ça que j’ai fait appel à toi. » Sahar et toi, ça ne vous prenait pas grand chose pour que le brasier s’enflamme. T’avais vraiment envie que ce court voyage soit réussi alors tu mettais toutes les chances de ton côté. « Un truc rapide, comme j’sais pas la destination, j’ai prévu autant pour un climat chaud qu’un climat froid. C’est l’hiver dans pas mal de destinations alors il faudra peut-être quand même s’acheter des manteaux ou d’autres trucs. J’imagine que Sahar a pas une tonne de mitaines ici. » T’esquissas un sourire. Tu sortis de ta poche ladite liste barbouillée de mots-clés, de reminders. « Déjà, y’en a, des trucs qu’il faut absolument pas que j’oublie ? J’connais pas Sahar autant que toi, j’sais pas si elle a des objets incontournables, une peluche, un truc du genre. » Tu trouverais ça quand même très cute si elle avait effectivement une peluche avec laquelle elle dormait quand t’étais pas là.

Tu es moins méfiant vis à vis d’Oskár que ta milleure amie. Sahar a tendance à s’attendre au pire, persuadée que son petit-ami va se barrer avec une autre, pour une nuit ou pour la vie. Tu as bien essayé de la faire changer d’avis là-dessus, tu la connais suffisamment pour savoir comment elle est têtue. Toi tu as ton côté romantique qui a envie de te faire croire aux belles histoires et c’est aussi pour ça que tu as accepté d’aider le type avec qui tu te retrouves dans l’appartement de ta meilleure amie. Vous n’êtes pas partis du bon pied tous les deux, c’est certain ! Votre rencontre n’a pas été idéale mais tu sais que tu aurais pu te heurter à une réaction bien plus violente, de sa part ou celle de quelqu’un d’autre. A sa place tu aurais pu aussi mal réagir même s’il est toujours compliqué de se projeter dans une situation que l’on n’a pas vécu. Ne sachant pas vraiment de quoi discuter avec le jeune homme, tu décides de penser à son projet de voyage surprise et aux choses à mettre dans la valise de Sahar. Comme il ne connaît pas encore leur destination, il faut prévoir de quoi faire face à toutes les éventualités niveau météo, du très chaud comme du très froid. Celui-ci plaisante sur le fait que Sahar ne doit pas avoir trop de vêtements pour le froid, étant donné qu’à Bowen les températures sont rarement fraîches. « Détrompe-toi. » dis-tu avec un sourire, te disant qu’il n’a donc pas dû ouvrir tous les placards de ta meilleure amie. Et qu’elle, elle n’a pas non plus évoqué tes superbes bonnet à son copain ! Tu réfléchis à toutes ces choses qu’elle pourrait avoir besoin, que ce soit en vêtements ou autre, Oz évoque lui un objet éventuel, une sorte de porte bonheur qu’elle emmène tout le temps avec elle, comme une peluche par exemple. « Alors pas une peluche non, il va falloir encore creuser pour trouver le côté mignon de Sahar. » réponds-tu en riant avant d’enchaîner. « Elle a pas d’objet qu’elle prend toujours avec elle, mais y’a un bracelet qu’elle mettait tout le temps quand on s’est connu, je sais qu’elle y tient, j’pense que ça lui ferait plaisir si tu le prenais. » expliques-tu en repensant à ce bracelet de perles dépareillées, typiquement un genre de trucs qu’on met au début de l’adolescence avant de l’abandonner parce qu’on trouve que ça fait trop enfant. « Sinon du coup pour les vêtements d’hiver, tu vas trouver ton bonheur là. » dis-tu en te dirigeant vers un tiroir rempli de bonnets, gants et autres vêtements divers en laine ou équivalent, tricotés par tes soins. « J’aime bien le tricot. » ajoutes-tu en te retournant vers Oskár.

Tu jetas un regard interloqué vers Rory alors qu’il te disait de te détromper, à propos du fait que Sahar n’avait probablement pas de vêtements chauds au cas où vous atterrissiez dans un pays froid. « Ah ouais ? » Demandas-tu juste, surpris. Ici au Queensland, même en hiver le thermomètre affichait rarement en-dessous de 10°C. Bon, certes, c’était assez frais pour nécessiter une petite laine mais c’était à peu près tout. T’imaginais plutôt les grands froids d’Islande ou du Canada, des pays de ce genre-là, à ce temps-ci de l’année. Vous alliez vous les geler dès que votre gros orteil sortirait de l’avion. Tu passas à autre chose, te disant que tu connaissais si peu le passé de Sahar que peut-être bien qu’elle avait habité dans un pays nordique pendant quelques années avant de revenir au bercail. Elle te parlait rarement de son enfance ou de son adolescence, et lorsqu’elle le faisait, c’était rarement pour partager de beaux souvenirs. Elle était une énigme, Sahar. Tu comptais sur Rory pour t’aider à la déchiffrer un peu mieux, à commencer par un objet qu’elle pourrait trimballer avec elle depuis plusieurs années sans savoir s’en départir. Cet objet-là, tu voudrais qu’elle l’ait avec elle peu importe où vous vous trouviez sur le globe. Tu ris à propos du côté mignon de Sahar. « J’aurai essayé. » Rory te parla ensuite d’un bracelet qu’elle portait tout le temps à l’époque de leur rencontre. « T’as une idée d’où il se trouve ? Elle ne le porte plus, maintenant ? » T’avais pas souvenir de l’avoir vue avec un bracelet en particulier. Elle portait des bijoux de temps en temps, certes, mais t’en avais pas remarqué un duquel elle ne semblait jamais se séparer. Puis, revenant sur le sujet des vêtements d’hiver, Rory t’orienta vers un tiroir rempli de tuques, de gants, de foulards, de vestes de laine, de chaussettes chaudes lainées, bref, tout un tas de tricots. Et Rory admit être celui à aimer tricoter. Tu tournas la tête vers lui, t’avais peut-être l’air judgmental sur le coup dans ton air surpris, mais c’était juste ta resting bitch face. Après deux ou trois secondes tu haussas les sourcils, plus impressionné qu’autre chose, en faisant cette tête : clique ici parce que c’est plus facile de montrer un gif que de tenter de décrire la mimique, j’ai pas un vocabulaire assez riche uhuh. « Ok, ok, je vois que tu mets la barre haute. Va falloir que je me trouve un talent moi aussi, pour pouvoir offrir des cadeaux personnalisés et faits à la main à Sahar. » T’esquissas un sourire tout en sortant quelques items du tiroir. C’était pourtant pas une compétition, loin de là, mais c’était ta manière de dire que c’était chouette, ce qu’il faisait. Évidemment c’était plus facile de jouer ce jeu-là que de juste lui dire, directement, qu’il était doué.

Toi qui connais très bien Sahar, en tout cas parmi les gens qui la connaissent parce que tu ne doutes pas qu’elle cache certaines choses à tout le monde, toi y compris, tu jaugeais ce que tu pouvais donner comme information à son petit-ami sans qu’elle ne t’en veuille. Et on peut dire que lorsqu’il s’agit d’en vouloir aux gens et faire la gueule, Sahar se débrouille pas trop mal, même si tu échappes la plupart du temps à sa mauvaise humeur. Elle t’en a bien voulu quand tu es allé à Sydney pour faire de la télé-réalité, mais quand elle a vu le harcèlement que tu subis, elle a plutôt détesté tous les cons d’internet plutôt que toi de l’avoir lâché pendant plusieurs mois. Tu parles donc du bracelet que la jeune femme portait pas mal quand vous vous êtes connus, un truc sans grande valeur mais qui, tu le sais, lui tient à cœur même si elle ne l’admettra jamais franchement. « J’pense qu’il doit être dans sa boîte à bijoux. Ça fait des années qu’elle l’a pas mis non, mais ça fait parti des choses auxquelles elle tient. C’est pas la personne la plus matérialiste du monde donc j’pense qu’il y a pas grand-chose comme objet qui lui tienne vraiment à cœur. » Toi tu gardes quelques souvenirs chez toi, de bons moments passés avec des amis, de voyages, comme un peu tout le monde mais Sahar pourrait abandonner son appartement du jour au lendemain sans presque rien emmener et ne pas regretter les choses laissées à l’abandon. Tu espères un peu qu’elle prendrait quand même un ou deux trucs que tu lui as tricoté, pour avoir un souvenir. Tu montres l’endroit contenant la majorité de tes cadeaux tricotés à Oskár dont la tête te fait lâcher un rire. Il a l’air plutôt surpris, ça se comprend, faire du tricot dans un pays où l’hiver permet à peine de mettre un pull léger, c’est assez interpellant. « J’pense pas qu’elle tienne vraiment à avoir des cadeaux personnalisés donc t’en fais pas pour ça. A mon avis elle accepte les miens parce que j’suis son meilleur ami mais sinon elle les garderait sûrement pas. J’pourrais te faire un truc aussi si tu veux, j’fais pas que du tricot mais du crochet aussi, donc y’a des portes clefs, des plaids, des gilets, des trucs qu’on n’a pas besoin qu’il fasse -15 pour les porter. » Tu pourrais leur faire des tricots de couple mais tu es presque sûr que Sahar t’arracherait les yeux si tu leur offrais un truc de couple beaucoup trop niais.

Boîte à bijoux, boîte à bijoux … Tu tournas la tête, normalement c’était sur le meuble à vêtements qu’on posait ça, et bingo ! Tu t’avanças vers la commode sur laquelle trônait ladite boîte. Y aurait-il une danseuse de ballet à l’intérieur, dansant sur une petite musique classique ? Ça t’aurait fait sourire, ça t’aurait montré une facette tellement douce de Sahar, mais non, t’ouvris la boîte et elle était plutôt simple, sans artifice, sans flafla. Tu attrapas un bracelet qui faisait “à part” des autres, qui semblaient plus vieux, plus abîmé, aussi. Qui correspondait moins au style actuel de Sahar. « J’imagine que c’est celui-ci ? » Tu le montras à Rory, le laissant pendre dans les airs devant toi. Puisqu’elle ne le mettait plus depuis plusieurs années, tu doutais qu’elle soit soulagée que tu l’aies emmené avec toi, elle te dirait sans doute que t’aurais pu le laisser là où il était. Mais t’avais confiance en Rory, pour ça. L’attention la toucherait sans doute quand même, peu importe ses mots. Tu ouvris ensuite le tiroir pointé par le meilleur ami de ta copine, dans lequel tu trouvas beaucoup trop de tricots pour le climat australien. C’est Rory qui les avait tricotés. Cette confidence te prit par surprise, t’étais surtout impressionné de ses skills et de sa motivation. « Tant mieux parce que j’ai pas c’talent et cette patience, non plus. » Tu souris. Pourtant de la patience, t’en avais quand même pas mal. Tu disais ça comme ça mais peut-être bien que tu serais capable de t’asseoir et de tricoter pendant des heures. Le problème était plutôt dans tes gros doigts plein de pouces.  « Je suis toujours partant pour un plaid ou un gilet. Et pis ça m’permettrait d’être un peu moins jaloux de tout ceux qu’a Sahar. » Blaguas-tu. C’était vraiment sympa de la part de Rory d’offrir ça, et ça te laissait penser que vous arriveriez à mettre votre première rencontre désastreuse derrière vous. « Vous vous êtes rencontrés comment, Sahar et toi ? » Elle donnait si peu d’information sur sa vie d’avant, peut-être que Rory se montrerait un peu moins réservé, lui.

Oskár se mit à chercher la fameuse boîte à bijoux, qu’il trouva rapidement, puis le fameux bijou, tu le laissais faire. C’était aussi un petit test pour voir s’il était complètement dans les choux ou s’il trouverait le fameux bracelet sans que tu ne lui indiques. Il lève finalement un bracelet en perles pour s’assurer que c’est le bon, tu hoches la tête pour confirmer qu’il ne s’est pas trompé. En vient ensuite la révélation sur tes talents en matière de tricot. Tu connaissais pas suffisamment le jeune homme pour te prononcer sur ses compétences en matière de tricot. Après tout, toi on ne peut pas dire que tu aies le physique type d’un gars qui tricote. En général on visualise plutôt une petite mamie qui sent la mamie qui vit dans un intérieur de mamie et qui tricote des pulls moches qui grattent pour ses petits-enfants à Noël. Toi tu es plutôt éloigné de cette image là. Tu es jeune, tu aimes sortir, voir du monde, faire du sport et avoir une hygiène de vie assez clean, et tu aimes faire du crochet et du tricot. C’est un moyen pour toi de te calmer, de t’occuper et de faire plaisir, ou pas, à tes amis. « Ça se travaille. » le rassures-tu. Tu lui souris ensuite quand il te dit qu’il accepterait avec plaisir un plaid ou un gilet. « Je te ferai ça mais pour rivaliser avec la collection de Sahar il faudra du temps. Et j’suis pas sûre qu’elle apprécie de plus avoir la plus grande collection. » Même si elle ne met pas les trois quarts de ce que tu lui offres, pour des raisons évidentes de température, tu sais qu’elle aime bien tes cadeaux parce que ça lui rappelle qu’elle est importante pour toi. Le jeune homme te demanda ensuite comment tu as connu sa petite amie, visiblement pas une information qu’elle lui a dévoilé, est-ce bien étonnant venant d’elle ? « On s’est connu à l’école. J’suis arrivé à Bowen quand j’avais douze ans et elle a été une des premières personnes à qui j’ai parlé. » Votre rencontre n’a rien d’extraordinaire, simplement deux enfants sans trop d’amis qui se mettent à discuter et qui finalement deviennent amis. « J’imagine qu’elle t’a pas dit grand chose sur sa vie. » Tu sais que là-dessus elle n’est pas très bavarde, toi tu en sais pas mal parce que tu la connais depuis un bout de temps et parce qu’elle sait qu’elle peut compter sur toi pour les confidences.

Tu t’imaginais déjà porter ton gilet lorsque tu serais en mer, en fin de journée. Le vent pouvait rapidement se refroidir et parfois, en tee-shirt, t’avais des frissons. Ça te permettrait d’allonger les heures en mer sans que ce soit désagréable. Vous alliez être cutes, Sahar et toi, sur ton voilier, avec vos gilets tricotés par Rory. « Non, t’inquiètes, elle peut encore avoir la première place en terme de grosseur de collection. Je t’en demanderais jamais … autant. » Lâchas-tu en haussant légèrement les sourcils, le regard baissé sur le tiroir que tu refermais du même coup. Tu te dirigeas de nouveau vers le lit de Sahar où sa valise était déposée, grande ouverte. Tu inséras le bracelet dans l’une des pochettes fermées, à l’intérieur. Tu demandas ensuite à Rory comment Sahar et lui s’étaient connus. Si tu le demandais à ta petite amie tu ne pouvais pas t’attendre à une réponse très détaillée alors tu préférais aller grappiller quelques informations à son meilleur ami, tant qu’à être là. « À douze ans ? Ça remonte ! » Sahar approchait la trentaine. Dans quelques années à peine, Rory et elle se connaîtraient depuis vingt ans. Et toi, t’étais pas à la hauteur, à ne la connaître - réellement - que depuis un an. Ce n’était pas surprenant, alors, que t’aies besoin de l’aide de Rory même juste pour préparer une vulgaire valise. « C’est rare de conserver des amitiés qu’on avait à douze ans. Enfin, je pense. Vous devez vraiment avoir partagé beaucoup de choses ensemble. » Réfléchis-tu à voix haute, toi qui finalement ne partageais pas grand chose avec Sahar hormis un lit et des sentiments. Rory le sentit sans doute dans le ton de ta voix, ce dérangement, puisqu’il affirma se douter qu’elle ne t’avait pas révélé beaucoup de choses sur sa vie. « Nope. Elle ne me parle jamais de sa famille, de son enfance, tout ça. Et quand j’lui pose des questions elle trouve toujours le moyen de se défiler. » Tu t’assis sur le bout du lit de Sahar. « Pourquoi, tu penses ? » Elle n’avait pas confiance en toi, elle te l’avait dit, mais à ce point-là ? Alors pourquoi rester avec toi ?

Oskár t’assure qu’il n’a pas besoin d’avoir une aussi grosses collection que sa copine de vêtements tricotés par tes soins. Si tu t’y mettais vraiment, en faisant chaque création pour lui, ça te prendrait tout de même un certain temps pour égaler tout ce que tu as offert à ta meilleure amie. Depuis des années tu lui offres de quoi se couvrir en cas de temps froid, fraîcheur pas vraiment présente à Bowen. Tu te dis que ça peut lui servir pour des voyages, comme là. Tu as aussi commencé le crochet il y a un petit moment maintenant, histoire de faire des créations plus légères et un peu de décoration aussi. Tu ris en voyant la tête de ton comparse face à la collection plutôt impressionnante de tes cadeaux à Sahar. Il te questionne ensuite sur ta rencontre avec la jeune femme. Après tout à vous connaître tous les deux, la raison de votre amitié n’est pas évidente, ce n’est pas comme si vous aviez énormément de points communs, toi l’infirmier au mode de vie healthy et fuyant les addictions, elle plongeant dedans sans remords. C’est peut-être vos nombreuses différences qui font que vous vous entendez si bien ou simplement toutes les épreuves que vous avez traversé ensemble avec le temps. « Oui, elle fait partie des rares que je connais depuis aussi longtemps mais ouais, je pense qu’il y a quelques trucs qu’on a vécu tous les deux qui font qu’on est toujours amis maintenant. » Quand tu as fait ton coming out, tu as perdu pas mal d’amis mais Sahar est restée, elle t’a accepté, elle t’a hébergé quand tes parents t’ont plus ou moins mis à la porte pendant une période, c’est des choses qui s’oublient pas. Mais dans tes réponses à Oz, tu restes assez vague. Parce que tu as appris à te protéger maintenant et tu n’oses plus autant qu’avant exposer ta transidentité. « Sahar c’est pas trop le genre à aimer parler d’elle. J’en sais pas mal sur sa vie parce que j’ai été là à plein de moments, mais si je la connaissais depuis aussi longtemps que toi, je saurais sans doute pas grand-chose. » Et même maintenant, elle ne se confie pas toujours si facilement à toi, même si elle sait que tu n’es pas le genre à aller répéter ce qu’elle te dit. « Te confier à elle sur ta vie c’est le meilleur moyen pour qu’elle t’en dévoile un peu sur la sienne je pense. »

T’avais pas grand monde dans ta vie que tu côtoyais depuis aussi longtemps. En même temps, en quittant le Mexique pour venir t’installer à Bowen, t’avais pas mal pris la décision, du même coup, de laisser tout ton monde derrière. Certes, tu parlais encore régulièrement avec ta famille, une toute petite poignée d’amis aussi, mais ça n’allait pas plus loin. Aucune amitié qui puisse égaler celle qu’entretenait Rory et Sahar. « Ouais, si vous vous connaissez depuis vos douze ans, je me doute que vous avez vécu pas mal de trucs qui vous ont permis de vous forger votre identité ensemble, en quelque sorte … » L’adolescence c’est un peu le moment crucial dans la vie de beaucoup de gens. On y découvre ses intérêts, ses projets futurs, on s’y fait des amis avec qui on s’jure pour le meilleur comme pour le pire. Tu te souvenais avoir vécu tout ça, en tout cas. Rory admit que sa meilleure amie n’était pas tellement du genre à aimer parler d’elle. « Je peux comprendre qu’on veuille avoir son jardin secret, ne pas tout dire. Je suis le premier à ne pas vouloir être un livre ouvert … » Tu haussas les épaules. « Mais je m’attendais à avoir un petit peu de communication avec ma copine, au moins. » Rory te conseilla de t’ouvrir à elle, toi, plus souvent, pour qu’elle se dévoile à son tour un peu plus. C’est vrai que ta réaction avait plutôt été de te refermer, toi aussi, en voyant qu’elle ne voulait rien te partager. Du coup, vous n’aviez jamais vraiment créé de bases solides, ça tenait par de la broche, votre relation. C’était basé sur la passion et le sexe, rien d’autre. « Ouais, ok, je pourrais essayer ça … Merci du truc. » T’étais visiblement dubitatif mais t’allais essayer, pour le bien-être de ta relation. Tu voulais que ça fonctionne, Sahar et toi. T’avais rarement aimé autant, aussi fort. « Bon … Alors, cette valise, je crois que niveau vêtements on est ok. Je vais aller chercher ses trucs d’hygiène. » Puis, si tu oubliais des trucs, tu pourrais toujours aller dans les magasins du pays dans lequel vous seriez.